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La recherche en éducation à la petite enfance: Origines, méthodes et applications
La recherche en éducation à la petite enfance: Origines, méthodes et applications
La recherche en éducation à la petite enfance: Origines, méthodes et applications
Livre électronique1 403 pages14 heures

La recherche en éducation à la petite enfance: Origines, méthodes et applications

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À propos de ce livre électronique

La recherche en éducation à la petite enfance est prolifique au Québec et ailleurs dans le monde. Pour réaliser leur projet de recherche, les chercheuses et chercheurs du domaine s’appuient sur différentes méthodologies. Ce premier ouvrage écrit en français propose d’explorer les origines, les méthodes et les applications d’approches méthodologiques en éducation à la petite enfance.

Ce collectif est composé de 21 méthodologies de recherche et se divise en 5 parties : 1) les recherches d’inspiration positivistes et postpositivistes; 2) les méthodologies de recherche partageant une approche constructiviste; 3) les méthodologies de recherche participatives et critiques; 4) les méthodologies de recherche pragmatiques; et 5) l’importance de la recherche en petite enfance pour les milieux de pratique et le politique. Chacun des chapitres est composé d’une section théorique et d’une section illustrant une recherche réalisée dans le milieu de la petite enfance.

Ce guide méthodologique intéressera les étudiantes et étudiants qui souhaitent poursuivre leurs études de maîtrise ou de doctorat en éducation à la petite enfance, les chercheuses et chercheurs débutants dans le domaine, mais également les directions de recherche qui désirent bien encadrer leurs étudiantes et étudiants. Dirigé par quatre chercheuses membres de l’équipe de recherche Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance, le présent ouvrage rassemble les collaborations de spécialistes en provenance du Québec, du Canada, de l’Amérique du Sud et de l’Europe.

Joanne Lehrer, Ph. D., est professeure en éducation préscolaire au Département des sciences de l’Éducation de l’Université du Québec en Outaouais. Ses travaux de recherche portent sur les transitions, les relations avec les familles, et la diversité des contextes éducatifs à la petite enfance.

Nathalie Bigras, Ph.D. en psychologie, est professeure titulaire au département de didactique de l’Université du Québec à Montréal et directrice scientifique de l’Équipe de recherche Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance. Elle est professeure externe aux Départements de psychologie de l’UQAM et l’Université de Sherbrooke, ses travaux portent sur la qualité des services de garde éducatifs (SGÉ), l’accès aux SGÉ des familles démunies, la mesure de la qualité et la formation initiale et continue, pour mieux répondre aux besoins des enfants et des familles.

Annie Charron, Ph. D., est professeure titulaire en éducation préscolaire au Département de didactique de l’Université du Québec à Montréal. Ses travaux de recherches portent principalement sur les pratiques en émergence de l’écrit et la qualité de l’environnement physique et interactif à l’éducation préscolaire.

Isabelle Laurin, Ph.D, est chercheure d’établissement à la Direction régionale de santé publique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal dans le service Périnatalité et petite enfance. Elle est aussi professeure adjoint de clinique au Département de médecine sociale et préventive de l’université de Montréal. Elle est membre de l’équipe de recherche Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance. Depuis plus de 15 ans, elle travaille sur des projets de recherche dans le champ de la petite enfance qui concernent autant les enfants que leurs parents, les intervenants, les organisations qui offrent les services et l’action intersectorielle.
LangueFrançais
Date de sortie1 sept. 2021
ISBN9782760553385
La recherche en éducation à la petite enfance: Origines, méthodes et applications
Auteur

Joanne Lehrer

Joanne Lehrer, Ph. D., est professeure en éducation préscolaire au Département des sciences de l’Éducation de l’Université du Québec en Outaouais. Ses travaux de recherche portent sur les transitions, les relations avec les familles, et la diversité des contextes éducatifs à la petite enfance.

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    Aperçu du livre

    La recherche en éducation à la petite enfance - Joanne Lehrer

    Introduction

    Nathalie Bigras, Joanne Lehrer, Isabelle Laurin et Annie Charron

    Cet ouvrage porte sur la conduite d’une recherche dans le contexte de l’éducation à la petite enfance. Il a principalement été rédigé pour un lectorat d’étudiants diplômés, des chercheurs débutants, et leur superviseur, qui souhaitent poursuivre des études de maîtrise ou de doctorat ou encore entreprendre des recherches dans ce domaine. Il sera également utile aux chercheurs d’expérience qui envisagent de mener un projet de recherche au moyen d’une méthodologie de recherche avec laquelle ils ne sont pas familiarisés. Ce livre montre l’incroyable diversité des approches et pratiques de recherche dans le domaine de la petite enfance sans toutefois prétendre à l’exhaustivité ni souligner la supériorité que pourraient présenter certaines d’entre elles sur d’autres.

    À sa lecture, on y prend aussi la mesure du volume, de la variété et de la rigueur des études réalisées en petite enfance au cours des 30 dernières années au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde. Ces études illustrent l’immense potentiel de création de connaissances de ces recherches pour l’ensemble de la communauté scientifique et pratique de la petite enfance.

    L’idée de rédiger cet ouvrage a surgi dans nos esprits en raison d’un vide scientifique. En effet, au moment d’entreprendre sa rédaction, mais aussi d’écrire les présentes lignes, il n’existait pas d’ouvrage rédigé en langue française sur les méthodes et approches de recherche propres à la petite enfance. Il constitue donc une contribution indispensable au cursus de tout étudiant en petite enfance souhaitant se familiariser avec les méthodes et applications de recherche dans ce domaine.

    L’originalité de cet ouvrage réside non seulement dans l’usage de très nombreux exemples pour illustrer chacune des approches de recherche qui proviennent d’études réalisées en petite enfance, mais aussi dans l’adjonction en seconde partie de chacun des chapitres d’une recherche complète sur la méthodologie présentée, réalisée par l’un des auteurs du chapitre. Ce faisant, nous rendons le processus de chacune des méthodes de recherche plus explicite pour le chercheur débutant ou pour tout autre chercheur désireux d’en mieux comprendre les particularités.

    1. Les itinéraires des directrices de l’ouvrage

    En tant que chercheuses en éducation à la petite enfance, nous avons eu le privilège de recueillir, lire et évaluer les nombreux chapitres qui paraissent dans ce manuscrit. Cette section présente nos itinéraires en recherche et en petite enfance, soit la somme de nos expériences sur laquelle s’appuie le choix de réaliser cet ouvrage. C’est avec humilité que nous vous en donnons un aperçu.

    Joanne Lehrer

    J’ai passé mon enfance à garder mon petit frère et ma petite sœur, et mon adolescence à garder les enfants des voisins et des amis de mes parents. Quand j’ai commencé l’université, je voulais changer le monde alors je me suis inscrite à un programme de relations internationales, que j’ai trouvé incroyablement ennuyeux. En passant mon été à m’amuser en tant que monitrice d’un camp de vacances, et en me rendant compte à quel point j’aimais passer du temps avec les enfants, j’ai pris la décision que la meilleure façon pour moi d’améliorer le monde serait de travailler auprès des enfants. En retournant aux études en septembre, je me suis dirigée vers un programme d’éducation préscolaire et primaire. Après avoir passé plusieurs années à travailler comme enseignante, je suis retournée aux études pour faire une maîtrise en Child Study. À l’époque, je pensais que la recherche était un jeu de statistiques visant à démontrer avec une certaine expertise un point de vue qu’on avait à l’avance. Je m’étais inscrite à la maîtrise afin d’améliorer mes compétences professionnelles dans l’idée de retourner enseigner ; je n’envisageais aucunement une carrière en recherche ! Lors de mon premier cours de méthodologies de recherche, j’ai appris que la recherche qualitative existait et ma volonté de me tenir loin de la carrière de chercheur a été ébranlée. Mon parcours à la maîtrise a fait le reste. J’ai coordonné un projet de recherche (méthodes mixtes, chapitre 18) dans le cadre duquel j’ai mené mon propre projet de mémoire. Après avoir terminé cette étape de mes études, j’ai été engagée comme conseillère pédagogique dans un centre de la petite enfance. Deux ans après, j’ai commencé à travailler pour le Centre d’aide et de soutien aux organismes et intervenantes en petite enfance [CASIOPE] comme pigiste, et, par la suite, comme chargée de cours en techniques d’éducation à l’enfance au Cégep Vanier. Je suis rentrée à l’Université du Québec à Montréal [UQAM] pour entamer mon parcours qui s’est ensuite poursuivi au doctorat, sous la direction de Nathalie Bigras et d’Isabelle Laurin. J’ai décidé de me lancer dans une recherche narrative (chapitre 13), même si cette méthodologie est moins connue et moins utilisée dans notre domaine. Après avoir été coordonnatrice de l’équipe de recherche Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance et aussi chargée de cours à l’UQAM, j’ai obtenu un poste de professeure en éducation préscolaire à l’Université du Québec en Outaouais. Après mon doctorat, j’ai démarré une recherche ethnographie (chapitre 7) sur les différents contextes éducatifs pour les enfants de 4 ans au Québec, en cours présentement, après une longue pause à cause de la pandémie. Je vois les méthodologies de recherche comme des mondes à explorer et comme des occasions d’être créative en cherchant des réponses à des questions qui sont pertinentes sur le plan social. En fait, je continue de changer le monde, à ma façon, avec mes publications, mes présentations, mon enseignement et mes implications dans le monde de la pratique et de la recherche.

    Nathalie Bigras

    Mes premiers contacts avec l’éducation à la petite enfance remontent au début des années 1970. Malgré le fait qu’à cette époque très peu de femmes travaillaient à l’extérieur de la sphère familiale, ma mère tenait un service de garde à la maison. J’ai souvenir d’un environnement familial joyeusement transformé par la présence d’une quinzaine d’enfants de 2 à 4 ans attablés à la salle à manger familiale alors que je revenais dîner à la maison. Cette expérience de service de garde en milieu familial, une innovation pour l’époque, a influé sur la suite de mon parcours.

    J’ai toutefois réellement fait mes premiers pas en éducation à titre de monitrice de natation avec des tout-petits et des adultes s’initiant à l’eau. Ces premiers accompagnements de la petite enfance m’ont donné envie d’en savoir plus sur le comportement humain et ont motivé mon choix d’études de premier cycle en psychologie à l’Université de Sherbrooke. De ces années, je retiens l’appartenance à une communauté diversifiée et engagée ainsi que des rencontres marquantes avec des maîtres de l’humanisme (Argyris, Schön et surtout St-Arnaud) qui ont guidé ma conception du monde. J’expérimenterai ensuite le travail d’éducatrice en services de garde à la petite enfance. Suivront trois années d’apprentissage de la gestion d’un service de garde en garderie sans but lucratif subventionnée à une époque de rareté des ressources et d’absence de reconnaissance de cette profession.

    En 1992, j’entre au doctorat en psychologie au Laboratoire d’étude du nourrisson (UQAM) et réalise une thèse longitudinale quantitative qui s’intitulera Étude de l’expérience cumulée et des caractéristiques de l’environnement impliquées dans le développement cognitif et moteur de nourrissons qui fréquentent la garderie au cours de leur première année de vie (Bigras, 2001). J’y suis initiée au behaviorisme et au paradigme positiviste. En parallèle, je deviens enseignante au collégial en éducation à l’enfance. J’y explore l’enseignement socioconstruc-tiviste et expérimente des stratégies de pédagogie active. Puis, à partir de 2002, j’occupe les fonctions de professeure en éducation à la petite enfance dans une faculté d’éducation, poursuivant naturellement en recherches quantitatives longitudinales (chapitre 5) et corrélationnelles (chapitre 3), avec un intérêt pour le rôle de la qualité éducative en service de garde pour le bien-être des enfants. Des travaux menés au cours de cette première décennie des années 2000 sont issues mes fonctions actuelles de directrice scientifique de l’équipe de recherche Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance, dont les trois coéditrices et plusieurs des auteurs de cet ouvrage font partie.

    Au cours de la récente décennie, trois rencontres marquantes poursuivront la construction de mon identité et de ma posture de chercheuse en éducation à la petite enfance. La première avec Joanne Lehrer, éditrice principale de cet ouvrage, dont la posture critique (chapitre 12) souligne de manière éloquente les limites des études et enquêtes quantitatives en petite enfance auxquelles j’avais collaboré ou contribué. Cette rencontre professionnelle ouvre sur des perspectives plus compréhensives en recherche. En parallèle, la création d’un certificat en petite enfance adapté à des éducatrices issues de Premières Nations me révèle les réalités des Premiers Peuples. Je suis indignée devant les conséquences funestes de la colonisation sur ces femmes, mais je suis aussi touchée par leur volonté d’agir pour le bien-être de leur communauté. Les barrières culturelles qui nous séparent me semblent alors malheureusement insurmontables. Les approches de recherche décolonisantes présentées au chapitre 16 constituent certainement des avenues à explorer pour faire tomber ces barrières. Puis, un mandat d’évaluation de programme d’une approche de formation dans le contexte d’une halte-garderie au département des Techniques de l’éducation à l’enfance du Cégep de Saint-Hyacinthe mènera à de riches apprentissages en évaluation de programme (chapitre 19). L’évaluation de ce programme accueillant des familles négligentes ou à risque de mauvais traitements m’offre l’occasion de réaliser des entretiens avec ces familles. Cette brève incursion me révèle leur réalité ainsi que le fossé creusé par les inégalités sociales qui ne cessent de s’accroître. Me frappent aussi ces enjeux de domination et d’inégalités de pouvoir entre la recherche et ces familles (chapitre 17). De cette rencontre naîtra un intérêt pour des méthodologies participatives, offrant une voix à ces personnes marginalisées et invisibilisées afin de décrire ce qu’elles vivent, leur situation.

    Pour les prochaines années, je voudrais arriver à donner une voix à toutes ces personnes que j’ai eu le privilège de rencontrer et qui, au fil des années, m’ont confié leurs doutes et leurs fiertés. Ainsi, bien que les statistiques soient encore utiles pour rendre compte de l’ampleur de certains phénomènes sociaux, je suis persuadée que les récits de pratiques et d’expériences et les devis de recherche collaborative permettent d’en témoigner avec plus de finesse et de contribuer à en accroître la compréhension. Ces projets donnent sens aux recherches menées en petite enfance au cours des trois dernières décennies et dont témoigne largement ce volume.

    Annie Charron

    Aînée d’une famille de trois enfants, ma mère décida de se consacrer à sa famille après la naissance de mon frère et de ma sœur, qui sont jumeaux. Ma petite enfance, je l’ai vécue avec ma famille et les amis de ma rue. Quand j’étais enfant, jouer à l’école était un de mes jeux préférés et je voulais toujours être l’enseignante.

    Très sportive depuis mon jeune âge, la natation m’amena à faire mes premiers pas dans le monde de l’enseignement. D’abord, j’ai suivi mes cours pour devenir sauveteuse nationale et monitrice de natation. J’ai choisi d’enseigner à des groupes de jeunes enfants et d’adultes qui ne savaient pas nager. En plus d’être sauveteuse, j’ai enseigné la natation et donné des cours d’aquaforme durant huit ans. Cette passion pour l’enseignement m’a amenée à suivre des formations pour devenir monitrice-sauveteuse nationale ainsi que monitrice de moniteurs de natation. Durant mes études collégiales et de premier cycle universitaire, j’ai formé les futurs sauveteurs et moniteurs de la ville de Rimouski, en plus de donner des cours de gardiens avertis à des enfants de 11 à 13 ans et d’entraîner l’équipe de sauvetage de Rimouski.

    Je me rappelle aussi que dans le cadre d’un cours de choix de carrière au secondaire, l’enseignant nous avait fait passer le test RIASEC, développé par le psychologue américain Holland. Les résultats de ce test ont fait ressortir deux traits de personnalité dominants chez moi : le I (investigateur) et le S (social). De plus, il en est ressorti que les emplois suivants correspondaient à ma personnalité : enseignante, écrivaine et technicienne en recherche, enquête et sondage. Quand on y pense, c’est la profession de professeure universitaire qui permet de combiner les trois !

    Quand est venu le temps de faire mon inscription à l’université, je n’ai surpris personne en m’inscrivant au baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire de l’UQAR. J’ai effectué mon deuxième stage à l’éducation préscolaire. J’ai adoré mon expérience, ce qui m’a incitée à soumettre mon curriculum vitae au centre de la petite enfance L’enfant du Fleuve du Cégep de Rimouski. J’ai été engagée sur-le-champ en assumant un premier remplacement la journée même. J’y ai travaillé durant deux ans.

    Dès ma première session universitaire, j’ai commencé à penser aux études supérieures. Je rêvais d’être comme l’une de mes professeures que j’admirais. À ma quatrième année d’études, j’ai fait un stage en 4e année du primaire. Même si j’appréciais mon groupe d’élèves et mon enseignante associée, je m’ennuyais de l’université. J’ai commencé à me remettre en question, moi qui avais toujours voulu être enseignante. De plus, je ne me sentais pas suffisamment formée pour enseigner la lecture et l’écriture à des enfants du premier cycle du primaire. Ces réflexions et ce désir de devenir professeure universitaire m’ont poussée à m’inscrire à la maîtrise en didactique du français, immédiatement après mon baccalauréat.

    J’ai fait ma demande d’admission à l’Université de Montréal, après avoir rencontré ma directrice de thèse, Isabelle Montésinos-Gelet ; elle a été une personne marquante pour moi. Dès notre première rencontre, elle a voulu connaître les raisons qui me motivaient à entamer une maîtrise. Je lui ai dit que je voulais être assise à sa place dans quelques années. J’ai également précisé que je souhaitais travailler avec des enseignantes, car je voulais développer mon expérience dans le milieu scolaire parce que j’admirais les professeurs universitaires qui avaient cette force de comprendre la réalité du terrain. Dans le cadre de ma thèse portant sur l’émergence de l’écrit, j’ai réalisé une recherche collaborative en travaillant étroitement avec cinq enseignantes à l’éducation préscolaire 5 ans.

    Depuis juillet 2006, je suis professeure en didactique des premiers apprentissages à l’éducation préscolaire à l’UQAM. Dans mes projets de recherche, je privilégie la recherche-action, car je suis animée par la collaboration entre chercheur et praticiens. Mes expériences en recherche alimentent mes activités d’enseignement en formation initiale et continue, car mes observations en classe et mes échanges avec les enseignantes me permettent d’établir des ponts entre la théorie et la pratique. Avec des collègues de la Faculté, nous mettons sur pied un nouveau programme de 2e cycle à l’éducation préscolaire à l’UQAM qui s’appuiera sur les recherches dans le domaine. Enfin, j’accorde une grande importance aux activités de transfert de connaissances ainsi qu’aux publications professionnelles et aux ouvrages didactiques, qui me permettent de partager les savoirs professionnels produits dans le cadre de mes recherches-actions.

    Isabelle Laurin

    Je suis chercheuse d’établissement depuis plus de 15 ans dans le service Périnatalité et petite enfance de la Direction régionale de santé publique de Montréal. Avant d’élaborer sur mon parcours de chercheuse, j’aimerais revenir sur mon expérience universitaire pour expliquer comment elle a influencé ma carrière.

    Lorsque j’étais au baccalauréat en psychologie à l’Université de Montréal, j’ai commencé à faire du bénévolat dans un refuge qui accueillait des hommes en situation d’itinérance. Pendant cinq ans, j’ai été présente une fois par semaine pour faire l’accueil des résidents, servir les repas et socialiser quelques heures en soirée. Lorsque j’ai décidé de poursuivre au niveau doctoral, j’ai fait la connaissance d’une chercheuse qui travaillait sur la thématique de l’itinérance. Elle était épidémiologiste au Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal et chercheuse au centre de recherche de l’Institut Philippe-Pinel. Considérant toute mon expérience de terrain avec les itinérants, elle m’a invitée à faire mon doctorat avec elle, en cosupervision avec un professeur de mon Département de psychologie. N’ayant aucune expérience de recherche préalable, et parce qu’on m’offrait d’intégrer un programme de recherche en cours, j’ai adhéré à la posture positiviste de l’équipe et je me suis lancée dans une étude cas-témoin rétrospective pour étudier ma question de recherche concernant les facteurs de risque de l’itinérance. J’ai interrogé 204 participants avec un questionnaire standardisé évaluant plusieurs dimensions de leur expérience de vie en débutant dans la petite enfance. Quand j’ai commencé à effectuer mes analyses statistiques, à ma quatrième année de doctorat, je me suis rendu compte des limites que cette étude quantitative représentait pour moi compte tenu de toute l’expérience terrain que j’avais du phénomène de l’itinérance. Cela est devenu encore plus prégnant lorsque j’ai rapporté mes résultats et exposé ma discussion. Le devis de recherche que j’avais choisi ne me permettait pas de traduire toute la complexité du phénomène et surtout de mettre en lumière la multiplicité des parcours qui mènent à cette condition de vie. J’avais tant à dire à partir de mes observations de mes cinq années de bénévolat, mais ce savoir expérientiel ne pouvait pas figurer dans ma thèse. J’avais choisi une posture épistémologique qui ne le permettait pas, mais je n’en étais pas consciente au départ. Le malaise et les doutes que j’ai éprouvés quant à la valeur et la pertinence de ma thèse ont marqué mon parcours ultérieur comme chercheuse en santé publique dans le domaine de la petite enfance.

    Dans mes premières années, j’ai collaboré à plusieurs travaux de recherche en évaluation de programme (chapitre 19) et en recherche-action participative (chapitre 14) avec des méthodologies qualitatives. Je me suis formée à ces types de recherche par l’expérience, en étant guidée par mes collègues de champs disciplinaires diversifiés : santé publique, sociologie, travail social, éducation et anthropologie. Mes thématiques de recherche concernaient principalement les familles vivant en contexte de pauvreté et visaient à évaluer l’adéquation des services de santé publique à leurs besoins. L’objectif était toujours de donner la parole aux « concernés », de faire émerger leurs savoirs expérientiels dans l’objectif d’influencer les politiques publiques. J’ai aussi mené des projets de recherche concernant l’action intersectorielle en petite enfance, impliquant de l’analyse documentaire et de l’observation participative.

    En 2008, le Directeur de santé publique de Montréal a mandaté notre équipe pour réaliser une enquête populationnelle pour évaluer le niveau de développement de tous les enfants montréalais à leur entrée à la maternelle. C’est de cette enquête qu’il est question dans l’exemple donné au chapitre 4. En raison de mon poste de chercheuse d’établissement, qui se doit de répondre aux mandats de mon organisation, je me devais de collaborer à la réalisation de cette enquête. Je me suis retrouvée à nouveau face à un sentiment de décalage intellectuel, devant les mêmes doutes que lors de mon parcours doctoral. J’étais très consciente des dérives possibles de ce type d’enquête et j’y collaborais avec un certain inconfort. C’est alors qu’avec mon équipe nous avons convenu dès le départ que cette enquête serait accompagnée d’une démarche d’appropriation et d’interprétation des résultats avec les acteurs du terrain. Pendant plus de deux années, nous avons présenté les résultats de l’enquête dans de nombreux événements, devant un public diversifié, et avons été à l’écoute des critiques et réactifs aux dérives de sens. Cette expérience m’a réconciliée avec les études quantitatives et m’a amenée à mettre sur pied, quelques années plus tard, l’Enquête sur le parcours préscolaire des enfants montréalais avec mes collègues de la Direction de la santé publique, Nathalie Bigras et l’Institut de la statistique du Québec. Cette première enquête et d’autres travaux de recherche qui se sont échelonnés sur une décennie ont permis de cerner le rôle essentiel que jouent les centres de la petite enfance dans la réduction des inégalités sociales tout en montrant l’iniquité d’accès à ces services pour les familles vivant sous le seuil de faible revenu.

    J’ai beaucoup appris de ces 15 dernières années de recherche en santé publique où j’ai constamment cherché à sortir de ma zone de confort tout en réalisant des travaux qui reflètent mes valeurs et mes convictions. Le cumul des expériences me permet de naviguer avec aisance dans différents types de recherche. Peu importe la méthodologie choisie, l’étape la plus importante pour moi est l’appropriation des résultats de recherche avec les personnes concernées et la reconnaissance des forces et limites de toute recherche. C’est ce qui donne un sens à mon travail, particulièrement avec les enquêtes quantitatives. Parce qu’elles exercent un plus grand pouvoir pour définir ou influencer les politiques publiques (chapitre 4), il est important d’expliciter ce qu’elles révèlent et de prendre les devants du même coup pour souligner ce qu’elles ne révèlent pas.

    2. Introduction à l’ouvrage

    Comme vous venez de le lire, nos parcours variés nous ont amenées à réfléchir sur les origines, les méthodes et les applications de la recherche dans notre domaine. Niglas (2010) présente les méthodologies de recherche sur un continuum, de quantitatif à qualitatif, en passant par les méthodes mixtes. La figure 1.1 est une traduction libre et une adaptation d’une figure élaborée par Niglas (2010) montrant l’importance d’arrimer philosophie et méthodologie de même que l’éventail des choix qui s’offrent au chercheur en éducation à la petite enfance et les assises disciplinaires de ces recherches en éducation à la petite enfance. Les 21 premiers chapitres de cet ouvrage décrivent et illustrent certaines de ces méthodologies.

    FIGURE I.1 Les relations entre la philosophie et la méthodologie en recherche en sciences sociales et en éducation

    Source : Adapté de Niglas, 2010, traduction libre, <http://www.tlu.ee/~katrin/mmrm/skeem_handbook.jpg>, consulté le 22 mars 2021.

    3. Le contenu de l’ouvrage

    L’ouvrage est divisé en cinq parties, dont les quatre premières regroupent des méthodologies qui ont un paradigme commun, suivies d’une partie qui traite des relations entre la recherche et d’autres enjeux de l’éducation à la petite enfance. La première partie, « Les recherches d’inspirations positiviste et postpositiviste », se compose de six chapitres. Dans le chapitre 1, intitulé « Les études expérimentales et quasi expérimentales », Isabelle Plante, Catherine Fréchette-Simard, Lorie-Marlène Brault-Foisy et Annie Charron mettent en lumière les devis expérimentaux et quasi expérimentaux adaptés à la recherche en petite enfance. Après avoir présenté les fondements de ce type de recherche, les types de devis de recherche les plus souvent employés y sont exposés, de même que les outils et les mesures privilégiés par les chercheurs ayant opté pour ces devis. Puis, les avantages et défis de la recherche expérimentale et quasi expérimentale sont abordés. Dans la section B, une recherche menée auprès d’enfants à l’éducation préscolaire permet d’illustrer de façon plus concrète la mise en œuvre et les résultats qui découlent d’un devis quasi expérimental.

    Dans le chapitre 2, intitulé « La revue systématique et la méta-analyse », Andréanne Gagné et Nathalie Bigras proposent un panorama de la revue systématique et de la méta-analyse et effleurent au passage d’autres types de recensions des écrits. Elles y présentent l’historique et les assises épistémologiques de la revue systématique et de la méta-analyse avant de vulgariser chacune des étapes nécessaires à leur réalisation. La section A du chapitre est consacrée à la portée et aux limites de la méta-analyse ainsi qu’aux principes de prudence qui doivent s’appliquer lorsque vient le temps d’interpréter les données issues des méta-analyses ou d’en tirer des principes directeurs d’intervention pédagogiques. En section B, un exemple d’une méta-analyse effectuée à l’éducation préscolaire est présenté pour illustrer l’applicabilité des étapes décrites dans la section A.

    Rédigé par Stéphanie Duval, Noémie Montminy et Nathalie Bigras, le chapitre 3, intitulé « Les recherches corrélationnelles », permet de distinguer le devis corrélationnel des devis expérimentaux et quasi expérimentaux par l’absence de manipulation des variables, d’aléation et l’accent mis sur l’étude des associations plutôt que sur la possibilité de faire des inférences causales.

    Variables

    Trait ou attribut, caractéristique ou facteur observables et évaluables auxquels on peut attribuer diverses propriétés ou valeurs numériques différentes, qui servent à opérationnaliser la recherche quantitative (Aderson et al., 2019).

    Après avoir défini et situé le contexte historique et épistémologique du devis corrélationnel, elles établissent trois conditions pour argumenter la validité de l’étude corrélationnelle (mécanisme logique, contrôle statistique des variables confondantes et identification de la séquence causale probable). La section B du chapitre présente sommairement une recherche corrélationnelle ayant examiné le lien entre la qualité des interactions à l’éducation préscolaire et les habiletés liées aux fonctions exécutives chez des enfants âgés de 5 ans.

    Dans le chapitre 4, « Les enquêtes populationnelles », Isabelle Laurin, Nathalie Bigras et Julie Poissant décrivent les trois principaux types d’enquêtes populationnelles ainsi que les types de devis utilisés ; elles proposent ensuite un historique des enquêtes canadiennes et québécoises des 20 dernières années. Elles présentent les quatre axes des paradigmes dans lesquels s’inscrivent ces enquêtes ainsi que les outils de mesure et les critères de scientificité de ce type d’enquête. La section B propose une enquête populationnelle avec des enfants de maternelle à laquelle a participé l’une des auteures de ce quatrième chapitre.

    Nathalie Bigras et Lorie-Marlène Brault-Foisy présentent les méthodes de recherche dans le chapitre 5, « Les études longitudinales ». Après avoir défini brièvement cette méthode de recherche et en avoir fait l’historique, elles abordent les diverses postures et paradigmes dans lesquels s’inscrivent les recherches longitudinales, les étapes de ce type de recherche, les outils de mesure et les analyses les plus couramment employés, les critères de scientificité, les finalités et les enjeux éthiques. Ce chapitre se termine par la brève présentation d’une recherche réalisée à l’aide d’un devis de recherche longitudinal prospectif auprès d’enseignantes du collégial en techniques d’éducation à l’enfance.

    Le sixième et dernier chapitre de cette partie porte sur « L’analyse secondaire de données quantitatives ». Nathalie Bigras, Geneviève Cadoret, Tania Tremblay et Caroline Bouchard exposent des notions théoriques sur les méthodes de recherche utilisées pour réaliser une telle analyse. Y sont ensuite présentés successivement les définitions les plus communes de l’analyse secondaire de données quantitatives, un historique et une présentation des types d’études originales utilisées pour réaliser ce type d’analyse. Par la suite, les paradigmes dans lesquels s’inscrit cette méthodologie sont relevés suivis des procédures et des étapes de déroulement qui caractérisent ce type de devis. Les outils de mesure et analyses privilégiées ainsi que les critères de scientificité de ce type d’étude complètent cet exposé. Cette partie se termine par les avantages et limites ainsi que les défis éthiques associés à l’analyse secondaire de données. La section B présente une étude réalisée par des auteures de ce chapitre afin de mettre en lumière certains aspects pratiques de la caractérisation d’une étude d’analyses secondaires.

    La deuxième partie du livre s’intitule « Les recherches d’inspiration constructiviste » et traite des méthodologies de recherche qui reposent sur cette approche. Cette partie est également composée de six chapitres. Dans le chapitre 7, « Les recherches ethnographiques », deux chercheuses italiennes, Tullia Musatti et Mariacristina Picchio, traitent du développement historique de la méthodologie ethnographique et des principales questions qui se posent sur les plans épistémologique, théorique et pratique lors de son utilisation dans la recherche en éducation à la petite enfance. La méthodologie ethnographique soulève plusieurs questions sur le rôle des chercheurs dans la compréhension et la description des phénomènes relatifs à la vie quotidienne en milieu éducatif et sur leurs rapports avec les enseignants et les éducateurs qui y participent, puisqu’ils sont en même temps acteurs principaux et témoins engagés dans l’interprétation des phénomènes étudiés. La section B du chapitre présente la méthodologie ethnographique utilisée dans une étude qui s’est étendue sur plusieurs années et qui visait à analyser l’expérience que partageaient des enfants au cours de leur vie quotidienne dans un lieu éducatif pour la petite enfance en Italie.

    Dans le chapitre 8, « La phénoménologie », Sara Shahbazi décrit une approche méthodologique pour la recherche en éducation à la petite enfance afin de montrer l’intérêt pour les chercheurs d’explorer un sujet de passion qui saisit l’essence de l’expérience vécue par l’être humain confronté à un phénomène donné. Elle donne un aperçu de la base historique de cette méthodologie ainsi qu’une brève description de ses diverses approches (transcendantale, herméneutique, interprétative et existentielle). Elle y traite aussi du rôle du chercheur, de la conception de la recherche, de la collecte de données et du processus d’analyse du point de vue des phénoménologues du domaine. L’auteure y décrit ses expériences personnelles lors d’une étude d’analyse phénoménologique interprétative, pour ensuite émettre diverses considérations sur les avantages et les défis que pose la réalisation d’une recherche phénoménologique.

    Dans le chapitre 9, « La méthodologie de la théorisation enracinée », Chantal Dézainde présente l’opérationnalisation des principes fondateurs de la méthodologie de la théorisation enracinée (MTE) que sont l’enracinement dans les données, la circularité de la démarche, l’échantillonnage et la saturation théoriques ainsi que le processus d’analyse des données empiriques. Ces principes sont ensuite actualisés dans le cadre d’une étude sur l’ajustement des enfants adoptés de l’international en contexte de service de garde québécois.

    Par la suite, Tom Berryman souhaite aider le lecteur à apprivoiser la pratique de la recherche théorique, à l’apprécier, à la démystifier, et lui donner le goût de s’y adonner dans le chapitre 10, intitulé « La recherche théorique : une pratique à apprivoiser ». Après avoir exposé les relations entre la théorie et la pratique, il présente la pratique de la recherche théorique en la comparant d’abord avec les recherches menées avec des êtres humains. Il y a là d’importantes similitudes permettant de mieux comprendre la recherche théorique. La suite du texte sur cet aspect de la recherche s’appuie sur les balises proposées par Christiane Gohier (1998, 2018) dans ses « réflexions sur la validité d’énoncés théoriques en éducation » (1998) et dans celles sur le « cadre théorique » (2018). Une recherche théorique en éducation sert d’exemple (Berryman, 2002, 2003).

    Finalement, cette partie se termine avec le chapitre 11, « Les méthodologies adaptées à la prise en compte de la perspective des enfants dans la recherche en éducation à la petite enfance », rédigé par Christelle Robert-Mazaye, Véronique Rouyer et Caroline Bouchard. Ces auteures nous font d’abord découvrir les conceptions les plus courantes au sujet des enfants, préalable indispensable pour saisir la place qui est accordée à leur parole et à leur point de vue dans les recherches. Elles traitent ensuite des enjeux épistémologiques et méthodologiques liés à la prise en compte de la perspective des enfants, avant de conclure en présentant les principaux avantages et défis de ce type de recherche. Pour illustrer leurs propos, dans la section B, elles font état d’une étude menée auprès d’enfants de 4-5 ans, visant à saisir leur point de vue au sujet de leur réseau interpersonnel et de ses fonctions dans leur développement.

    La troisième partie du livre aborde cinq méthodologies et s’intitule « La recherche participative et critique ». Dans le chapitre 12, Pamela Malins aborde l’analyse de discours critique (ADC). Elle y définit le petit discours (d) et le grand Discours (D) et illustre la perspective critique permettant d’explorer les interactions entre le langage et le pouvoir. On y découvre ainsi que l’ADC peut être utilisée pour comprendre comment les textes façonnent les individus et sont façonnés par eux en retour. Pour en faire la démonstration, l’auteure se sert de son projet de recherche (Malins, 2017) qui a porté sur l’étude des documents des programmes d’éducation à la petite enfance au Canada et sur la façon dont ces programmes construisent et positionnent les options identitaires des enfants au regard de la signification des identités de genre et sexuelles des enfants. En raison de la nature sensible du matériau liée à l’identité et au pouvoir, le chapitre souligne que lors de la réalisation d’une ADC, il est extrêmement important pour le chercheur d’énoncer clairement sa posture épistémologique, ses conceptions de la vérité, sa propre identité et ses valeurs, l’objectif ou les outils dans lesquels les textes seront explorés ainsi que le but souhaité de la recherche.

    Le chapitre 13 s’intitule « La recherche narrative ». Joanne Lehrer aborde plusieurs méthodologies de recherche ayant une vision de la réalité qui peut être assimilée à une réalité narrative, dans laquelle les êtres humains forment et interprètent cette réalité à travers des récits. Cette méthodologie vise la création ou le recueil de différents types de récits ainsi que leur analyse en empruntant des techniques propres aux études littéraires.

    Dans le chapitre 14, « La recherche-action en petite enfance », Annie Charron décrit ce type de recherche comme une démarche méthodologique qui permet de produire des savoirs professionnels. Ce type de recherche est de plus en plus présent et reconnu par la communauté pratique et scientifique dans le domaine de l’éducation. Pour situer le lecteur sur l’origine de la recherche-action, elle propose un historique de son évolution dans le domaine de l’éducation en Amérique du Nord. De plus, la présentation d’une définition, des caractéristiques et des étapes de la démarche cyclique permet d’apprendre ce qu’est une recherche-action et comment elle se met en œuvre. Tout d’abord, la posture des chercheurs et des praticiens se veut collaboratrice. En outre, dans une recherche-action, des méthodologies de collectes et d’analyses qualitatives des données sont privilégiées et cette recherche comporte une triple finalité : recherche, action et éducation. Comme les autres types de recherche, elle offre des avantages et pose des défis, en plus d’être soumise à des normes éthiques et à des critères de validité scientifique. Enfin, une illustration d’une recherche-action en littératie familiale mise en œuvre dans une école pour répondre à un réel besoin soulevé par une équipe d’enseignantes à l’éducation préscolaire vient clore ce quatorzième chapitre.

    Le chapitre 15, rédigé par Elisabeth Jacob, Annie Charron et Christine Couture, s’intitule « La recherche collaborative ». À travers des travaux réalisés en éducation à la petite enfance, ce chapitre permet d’examiner la façon dont s’est déroulé ce type de recherche dans le cadre d’un projet mené en collaboration avec des enseignantes autochtones à l’éducation préscolaire. L’approche de recherche collaborative est une démarche de coconstruction des savoirs entre le chercheur et les participants. Elle cherche à établir une médiation entre la communauté de recherche et celle de la pratique, tout en produisant des savoirs, sur des pratiques, situés et reconnus dans un contexte spécifique.

    Les trois étapes (Desgagné, 1997, 2001), soit la cosituation, la coopération et la coproduction, y sont décrites en tenant compte du critère de double vraisemblance, un critère scientifique propre à l’approche de recherche collaborative. Les outils les plus prisés des chercheurs collaboratifs y sont également explicités. Dans la section B de ce chapitre, le projet de recherche mené avec les membres d’une communauté des Premières Nations sur les rôles des enseignantes en contexte de jeu symbolique et sur la manière dont elles soutiennent l’émergence de l’écrit illustre les fondements théoriques de la recherche collaborative (Jacob, 2017).

    Le chapitre 16 aborde les études décolonisantes. Gisèle Maheux nous y apprend que les études décolonisantes et émancipatrices s’intéressent aux êtres humains dont la vie est affectée par l’asservissement ou la discrimination. Elles sont généralement fondées sur les principes de l’égalité des droits de la personne pour tous et de justice sociale. Ce chapitre choisit d’explorer, parmi ces études, le paradigme et les processus de recherche autochtone. Ce texte se veut un essai de compréhension de cette approche de recherche à partir de travaux de chercheurs autochtones des Amériques et d’Océanie. Leur projet global s’inscrit dans une perspective critique du paradigme de recherche euro-occidentale à l’égard des Premiers Peuples, tout en reconnaissant les contributions pertinentes des disciplines scientifiques. L’auteure souligne qu’après les avoir occultées pour survivre dans la communauté scientifique, les chercheurs autochtones affirment la légitimité de leur épistémè et la nécessité d’une pratique de recherche fondée sur le pluralisme épistémologique.

    Enfin, le chapitre 17, « Les études postqualitatives », rédigé par Marie-France Bérard, Claudia A. Diaz-Diaz et Paulina Semenec, porte sur la conceptualisation de la recherche postqualitative depuis son articulation dans les travaux d’Elizabeth St. Pierre et sa prolifération dès la fin des années 1990. Adhérant aux postulats ontologiques du poststructuralisme, les études postqualitatives ne s’appuient pas sur une méthodologie ayant un devis de recherche précis ; elles sont conçues comme une posture philosophique liée à la nature de la réalité où l’humain n’occupe plus le centre, où la finalité de la recherche n’est pas l’accumulation de connaissances, mais bien la production de la pensée, et où le monde est enchevêtrement au lieu d’être perçu dans un rapport sujet-objet. Sans représenter des exemples à suivre pour « faire » de la recherche postqualitative, les narrations de Diaz-Diaz et Semenec permettent de plonger dans les questionnements, le mode de pensée en émergence, l’analyse d’un travail de terrain qui se fait par l’écriture même du texte. Les études postqualitatives en éducation à la petite enfance cherchent à articuler ce qui peut changer dans une pratique lorsque l’enfant est perçu, vécu et pensé selon une approche posthumaniste. Le fait de décentrer l’enfant permet de déstabiliser les discours et les pratiques dominantes qui cherchent à situer l’enfant comme un fait acquis, avec agentivité, qu’on peut connaître et comprendre à travers les divers stades de son développement. Une posture posthumaniste et néomatérialiste conçoit l’enfant comme faisant toujours et déjà partie intégrante du monde humain et plus qu’humain qui le forme et l’informe ; tout est tissage de relations et de connexions qu’il importe de « regarder et réfléchir ».

    La quatrième partie de l’ouvrage présente quatre méthodologies de recherches d’orientation pragmatique. D’abord, dans le chapitre 18, Christelle Robert-Mazaye, Marie-Claude Salvas, Stéphanie Duval et Marie Huet-Gueye se penchent sur les méthodologies mixtes dont l’intérêt accru s’explique notamment par la richesse de cette approche. En effet, comme elle repose sur l’utilisation combinée des méthodes quantitatives et qualitatives dans un même devis de recherche, elle permet de bénéficier des avantages de chacune d’elles et de mieux éclairer les problèmes à l’étude. Toutefois, si l’intérêt pour les méthodes mixtes est indéniable, leur utilisation soulève de nombreux débats et comporte un certain nombre d’enjeux épistémologiques et méthodologiques qui feront l’objet du chapitre sur les méthodes mixtes dans la recherche en éducation à la petite enfance. Plus précisément, après avoir défini et retracé les étapes de constitution des méthodes mixtes comme approche de recherche, la section A présente la méthode comme telle, ce qui permet d’aborder certains enjeux épistémologiques et de décrire les devis de recherche les plus fréquemment utilisés. Puis sont définis les critères de qualité des devis mixtes, en insistant sur la question de l’intégration des données qui constitue à la fois le cœur des méthodes mixtes et probablement l’un des plus grands défis posés aux chercheurs qui recourent à ce type de recherche. Les auteures concluent en évoquant les avantages et défis associés à l’utilisation des méthodes mixtes. Pour illustrer leurs propos, la section B présente une recherche en éducation à la petite enfance utilisant un devis séquentiel explicatif et portant sur la qualité des interactions en classe d’éducation préscolaire 5 ans. Ensuite, dans le chapitre 19, Rodrigo Quiroz Saavedra, Nathalie Bigras et Liesette Brunson tracent un portrait global de l’évaluation de programme dans le domaine de la petite enfance dans le but d’introduire le lecteur à cette discipline. On y retrouve la définition conceptuelle et l’historique, les types d’évaluation, les paradigmes et postures épistémologiques, les critères de scientificité, les rôles de l’évaluateur et les approches théoriques d’évaluation de programme. La présentation d’une étude de cas exemplaire à la section B du chapitre permet d’illustrer l’application de l’évaluation de programme au domaine de la petite enfance et de mieux cerner ses forces et ses limites. La conclusion générale rappelle les apports théoriques et pratiques de l’évaluation de programme pour ceux qui voudraient l’utiliser.

    Dans le chapitre 20, Marie-Hélène Bruyère et Hugo Lapierre traitent de la recherche-développement, en montrant comment les méthodes de recherche-développement ont été appliquées aux sciences de l’éducation. Comme ce chapitre a été rédigé à l’intention des personnes désireuses de s’initier à cette méthodologie, les auteurs proposent d’abord une définition de la recherche-développement et la situent à travers quelques repères historiques. Ils présentent ensuite ses particularités, soit les finalités poursuivies, les postures épistémologiques adoptées et les différents rôles susceptibles d’être endossés. Des moyens pour assurer la scientificité de ces recherches de même qu’une courte présentation de leurs avantages, de leurs limites et des défis qu’elles posent concluent la section A de ce chapitre. La section B présente l’analyse d’une recherche-développement liée au domaine de la petite enfance afin de rendre plus concrets les éléments dont il a été question dans la partie précédente.

    Finalement, Marie Alexandre et Nancy Proulx présentent dans le chapitre 21, « L’étude de cas », la complexité du phénomène à l’étude et la prise en compte des multiples interactions entre ses divers facteurs. Elles décrivent d’abord les diverses formes que peut prendre l’étude de cas, en font un bref survol historique et terminent en exposant la vision de la réalité et les sources de la connaissance portées par Merriam (1998), Stake (1995) et Yin (2018), auteurs clés de cette approche méthodologique. L’importance des modes d’inférences et la pluralité des épistémologies de l’étude de cas sont soulignées. La discussion sur la réalisation d’une étude de cas fait ressortir le contexte réel, le choix du cas et la délimitation de ses frontières. En outre, les traits essentiels du devis de recherche, les critères de scientificité, les finalités ainsi que les avantages et les défis de l’étude de cas sont abordés. Des exemples d’études empiriques menées en contexte éducatif de la petite enfance illustrent leurs propos. Dans la section B, une étude de cas multiple menée auprès d’enseignantes expérimentées sur le savoir de la pratique enseignante en techniques d’éducation à l’enfance fait ressortir les différentes étapes de réalisation.

    L’ouvrage se conclut avec trois chapitres qui reconnaissent l’importance de la recherche en éducation à la petite enfance en dehors du milieu scientifique, formant la cinquième partie intitulée « La place de la recherche en éducation à la petite enfance ». D’abord, le chapitre 22, « La déontologie et l’éthique de la recherche en petite enfance », met en lumière les discussions de Pascale Garnier et Sylvie Rayna, avec la collaboration de Geneviève Cadoret. Elles y affirment qu’au-delà d’une rigueur et d’une précision des procédures scientifiques, les questions d’éthique dans la recherche en petite enfance occupent désormais une place centrale. Elles s’efforcent d’expliciter en quoi consiste l’éthique et, surtout, de la distinguer d’une déontologie de la recherche, c’est-à-dire un corpus de principes, de règles ou de normes, parfois réunis en une « charte » ou un « code » que les chercheurs sont tenus de respecter. Pour y parvenir, elles précisent quelques-uns des principes auxquels doit se conformer la recherche : le consentement, la participation des personnes à l’étude et la protection de leur anonymat. L’éthique, en tant que visée de la « vie bonne », avec et pour les autres au sein des institutions, pour reprendre une définition de Ricoeur, renvoie à trois différents repères pour les chercheurs. Leur « prudence », au sens d’un jugement en situation, est nécessaire pour prendre en compte les dilemmes auxquels ils sont souvent confrontés. La dimension dialogique de la recherche s’exerce collectivement, y compris dans le registre des désaccords et d’une remise en cause des allants de soi. Enfin, une vigilance réflexive est de mise pour les positionnements épistémologiques et les postures des chercheurs, tout particulièrement à l’égard de leurs conceptions des jeunes enfants. En dernier lieu, elles insistent sur la place et le rôle des enfants eux-mêmes dans une éthique de la recherche : il s’agit alors de montrer quelques-unes des ressources qui leur permettent d’en être partie prenante et de soutenir leur agentivité.

    Par la suite, dans le chapitre 23, « La recherche en éducation à la petite enfance et la pratique », Pirard affirme qu’au-delà des aspects méthodologiques, la recherche en éducation à la petite enfance pose aussi des questions spécifiques de liens avec la pratique. Ainsi, ce chapitre propose de dépasser une approche unidirectionnelle qui se cantonnerait aux problèmes d’application des savoirs et de transfert des acquis de la recherche. Il considère les liens entre recherche et pratique dans un mouvement de réciprocité : la pertinence de la recherche pour la pratique et celle de la pratique pour la recherche. Tout en relevant les bénéfices pour les acteurs de la recherche et ceux des services à la petite enfance, plus largement pour la professionnalisation du secteur, il relève des conditions de mise en œuvre et des points de vigilance essentiels pour éviter les risques de marchandisation et de standardisation dénoncés par de nombreux scientifiques.

    Enfin, le chapitre 24, rédigé par Michel Vandenbroeck, « La recherche en éducation à la petite enfance et le politique », démontre comment le progrès technologique et la scientification ont écarté les facteurs humains en pédagogie et mené à l’objectification de l’enfant. Il affirme que cette évolution se poursuit avec l’apport des neurosciences et un langage de plus en plus économique des sciences de l’éducation. L’auteur argumente que bien que cette objectification se présente comme neutre, elle est au contraire hautement politique et idéologique. Le problème majeur, soulevé dans ce chapitre, est que trop souvent la recherche en éducation à la petite enfance sert une idéologie méritocratique et néolibérale sans se l’avouer. Dès lors, il ne plaide pas pour moins d’idéologie ou de politique dans les sciences de l’éducation à la petite enfance, mais pour une re-politisation et pour l’introduction de débats idéologiques au pluriel.

    Nous espérons que ce guide méthodologique contribuera à la poursuite des recherches dans le champ de la petite enfance et constituera un ouvrage de référence qui stimulera la réflexion critique non seulement au regard des enjeux éthiques et méthodologiques de la recherche, mais aussi à celui des apports et relations que le milieu de la recherche pourrait entretenir avec les milieux de la pratique et du politique.

    Références

    Berryman, T. (2002). Éco-ontogenèse et éducation : les relations à l’environnement dans le développement humain et leur prise en compte en éducation relative à l’environnement durant la petite enfance, l’enfance et l’adolescence. Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal. <https://archipel.uqam.ca/7366/>, consulté le 23 mars 2021.

    Berryman, T. (2003). L’éco-ontogenèse : les relations à l’environnement dans le développement humain. D’autres rapports au monde pour d’autres développements. Éducation relative à l’environnement : Regards, Recherches, Réflexions, 4, 207-228. <https://doi.org/10.4000/ere.5129>, consulté le 23 mars 2021.

    Desgagné, S. (1997). Le concept de recherche collaborative : l’idée d’un rapprochement entre chercheurs universitaires et praticiens enseignants. Revue des sciences de l’éducation, 23(2), 371-393. <https://doi.org/10.7202/031921ar>, consulté le 23 mars 2021.

    Desgagné, S. (2001). La recherche collaborative : nouvelle dynamique de recherche en éducation. Dans M. Anadón (dir.), Nouvelles dynamiques de recherche en éducation (p. 51-76). Presses de l’Université Laval.

    Gohier, C. (1998). La recherche théorique en sciences humaines : réflexions sur la validité d’énoncés théoriques en éducation. Revue des sciences de l’éducation, 24(2), 267-284. <https://doi.org/10.7202/502011ar>, consulté le 23 mars 2021.

    Gohier, C. (2018). Le cadre théorique. Dans T. Karsenti et L. Savoie-Zajc (dir.), La recherche en éducation : Étapes et approches (p. 109-137). Presses de l’Université de Montréal.

    Jacob, E. (2017). Les rôles d’enseignantes atikamekws en contexte de jeu symbolique pour favoriser l’émergence de l’écrit : une recherche collaborative en milieu autochtone. Thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal. <https://archipel.uqam.ca/11399/>, consulté le 23 mars 2021.

    Malins, P.M. (2017). Making Meaning of Gender and Sexual Identities in Early Childhood : A Critical Discourse Analysis of Canadian Early Childhood Curricula. Thèse de doctorat, University of Western Ontario. <https://ir.lib.uwo.ca/etd/4663/>, consulté le 23 mars 2021.

    Merriam, S.B. (1998). Qualitative Research and Case Study Applications in Education (2e éd.). Jossey-Bass.

    Niglas, K. (2010). The Multidimensional Model of Research Methodology : An Integrated Set of Continua. Dans A. Tashakkori et C. Teddlie (dir.), The SAGE Handbook of Mixed Methods in Social & Behavioral Research (2e éd., p. 215-236). Sage.

    Stake, R.E. (1995). The Art of Case Study Research. Sage.

    Yin, R.K. (2018). Case Study Research and Applications : Design and Methods (6e éd.). Sage.

    CHAPITRE

    1

    Les études expérimentales et quasi expérimentales

    Isabelle Plante, Catherine Fréchette-Simard, Lorie-Marlène Brault-Foisy et Annie Charron

    Résumé

    Avec la popularité croissante du courant de l’éducation basée sur la preuve, chercheurs, intervenants en milieux scolaires et politiciens sont de plus en plus intéressés à établir quelles sont les pratiques les plus efficaces pour favoriser les apprentissages et la réussite à l’école. En ce sens, les devis expérimentaux sont particulièrement attrayants puisqu’ils permettent de démontrer les effets d’une intervention. Lorsque la mise en œuvre d’un devis expérimental pur n’est pas possible pour diverses raisons, les chercheurs peuvent se tourner vers des devis quasi expérimentaux. Bien qu’elles soient moins rigoureuses sur le plan méthodologique, les recherches quasi expérimentales sont souvent mieux adaptées aux contraintes de la recherche en éducation. Ce chapitre documente les devis expérimentaux et quasi expérimentaux adaptés à la recherche en petite enfance. Après avoir présenté les fondements de ce type de recherche, les principaux types de devis de recherche employés seront exposés, de même que les outils et les mesures les plus fréquemment utilisés dans ces devis. Enfin, les avantages et défis de la recherche expérimentale et quasi expérimentale seront abordés. Dans une deuxième section, une recherche menée auprès d’enfants à l’éducation préscolaire permettra d’illustrer la mise en œuvre et les résultats qui découlent d’un devis quasi expérimental.

    SECTION A

    Les concepts théoriques reliés aux études expérimentales et quasi expérimentales

    Quels sont les effets des pratiques d’émergence de l’écrit sur la conscience phonologique des enfants à l’éducation préscolaire ? L’apprentissage de la musique durant la petite enfance favorise-t-il la réussite scolaire ultérieure ? Une intervention précoce visant à soutenir le développement des fonctions exécutives procure-t-elle des bénéfices pour l’apprentissage cognitif et scolaire des enfants ? Pour obtenir des réponses à ces questions, il faut évaluer les effets d’une intervention (ou variables) sur des indicateurs ciblés. En outre, pour favoriser le développement des enfants et les soutenir adéquatement en vue de leur entrée à l’école primaire, il apparaît essentiel de cibler les pratiques pédagogiques efficaces prenant appui sur des résultats de recherche probants en éducation (Hattie, 2015 ; Pasquinelli, 2015 ; Slavin, 2002). Pour ce faire, la plupart des disciplines, dont l’éducation, optent pour les devis de recherche expérimentaux qui impliquent une répartition au hasard des participants entre un groupe expérimental soumis à une intervention et un groupe témoin. Ce type de devis, dit randomisé¹, est spécialement adapté à l’examen des effets de différentes pratiques ou interventions, pour déterminer si des données de recherche sont probantes (de Winter et Dodou, 2017 ; Leroy, 2015). Lorsque la randomisation des groupes s’avère impossible pour diverses raisons, notamment des motifs éthiques ou encore des contraintes du milieu où la recherche est réalisée, plusieurs se tournent vers des devis quasi expérimentaux pour lesquels un groupe témoin est toujours présent, mais avec répartition aléatoire des participants entre les groupes (Boivin, Alain et Pelletier, 2000).

    Ce chapitre permettra de mieux circonscrire les devis expérimentaux et quasi expérimentaux adaptés à la recherche en petite enfance. Les fondements de cette approche seront d’abord présentés ainsi que le rôle des chercheurs et des participants à ce type de recherche. Puis suivra une présentation des principaux types de devis de recherche employés dans les recherches expérimentales et quasi expérimentales, et des outils et mesures privilégiées par les chercheurs qui recourent à ces devis. Le chapitre s’attardera ensuite aux critères de scientificité des recherches expérimentales et quasi expérimentales, puis aux avantages et défis que comportent ces approches. Dans une deuxième section, une recherche menée auprès d’enfants à l’éducation préscolaire permettra d’illustrer la mise en œuvre et les résultats qui découlent d’un devis quasi expérimental.

    1. Une définition et un historique

    Deux types de recherche prévalent en petite enfance et plus largement en éducation et autres sciences sociales : 1) les recherches qualitatives, qui visent à éclairer les processus qui sous-tendent certaines observations ou certains phénomènes, et 2) les études quantitatives, qui visent plutôt à tirer des principes qui pourront être généralisés à d’autres participants similaires à ceux de l’étude (Kirk et Miller, 1986 ; Poisson, 1983). Les devis expérimentaux et quasi expérimentaux font partie de ce second type de recherches (Boudreault, 2004 ; Duffy et Chenail, 2009 ; Karsenti et Savoie-Zajc, 2004 ; Van der Maren, 2004).

    La recherche de type expérimental tire son origine de plusieurs courants de pensée, dont le réalisme (Aristote, IVe siècle av. J.-C.), selon lequel le réel se situe dans le monde de la matière, qualifié d’objectif, et l’empirisme (Locke, Hume, XVIIe et XVIIIe siècles), qui soutient que les données doivent être recueillies dans le monde concret. Telle qu’on la connaît aujourd’hui, la recherche expérimentale (de même que la recherche quasi expérimentale) s’inscrit dans le courant des sciences dites modernes, qui ont émergé durant la Renaissance. À cette époque, les travaux de Galilée ont eu une influence marquante sur notre compréhension actuelle de la science (Caussidier-Dechesne, 2007 ; Dubarle, 1965). Ce mathématicien et physicien a proposé une vision du monde, non pas calquée sur la réalité perçue par les sens, mais plutôt sur la validation d’hypothèses, en utilisant des instruments de mesure (p. ex. loupe télescopique). Ses travaux ont ainsi permis de se détacher de la subjectivité humaine pour aspirer à une objectivité (Leroy, 2015). Selon Galilée, le rôle de la science n’est pas seulement de décrire ou d’expliquer, mais également de confirmer ou de réfuter des théories afin de fournir des preuves permettant de prédire certains phénomènes (Grawitz, 1996 ; Stengers, 1993).

    C’est généralement à Claude Bernard, médecin et physiologiste français du XIXe siècle, qu’on attribue l’élaboration de la démarche de recherche scientifique qui sous-tend la recherche expérimentale telle qu’on la conceptualise maintenant. Conçues comme un raisonnement intellectuel pour résoudre un problème de recherche, les étapes proposées par Bernard sont encore aujourd’hui au fondement de la compréhension actuelle du processus d’acquisition de connaissances. La figure 1.1 synthétise les principales étapes de la démarche scientifique.

    FIGURE 1.1 Les étapes de la démarche scientifique

    Cette démarche s’applique particulièrement bien à la recherche de type expérimental (Boudreault, 2004). De nature hypothético-déductive, ce type de recherche exige d’abord de cerner le problème de recherche, la plupart du temps à l’aide d’une recension des écrits, pour ensuite formuler la question de recherche qui influencera les étapes subséquentes. S’ensuit la formulation de une ou plusieurs hypothèses, qui consiste en une prédiction appuyée sur une argumentation (constituée de résultats de recherche antérieurs, de théories préexistantes, etc.). Afin de confirmer ou d’infirmer son hypothèse, le chercheur mettra en place une expérimentation pour laquelle il manipulera un paramètre (la variable indépendante) et il collectera ensuite des données concernant la ou les variables d’intérêt (variables dépendantes) (Gaudreau, 2011). L’étape de la collecte des données a ainsi pour objectif de réunir tous les éléments d’informations permettant de répondre à la question de recherche et de vérifier les hypothèses ; elle se réalise au moyen de différents outils qui seront décrits dans la section 5 du présent chapitre (les outils de mesure privilégiés).

    Parmi les devis de recherche positivistes (incluant les recherches descriptives, corrélationnelles et expérimentales ; Leroy, 2015) utilisés pour collecter des données, les plans de recherche expérimentaux sont considérés comme étant un excellent moyen d’obtenir des données permettant de démontrer un lien de causalité entre une variable ou une intervention sur une ou des variables d’intérêt (de Winter et Dodou, 2017 ; Fortin et Gagnon, 2015). Comme son nom l’indique, la recherche expérimentale recourt à l’expérimentation (Gaudreau, 2011) pour réaliser une « étude objective et systématique des rapports possibles de cause à effet entre un ou plusieurs groupes expérimentaux soumis à un ou plusieurs traitements dont les résultats sont comparés avec un ou plusieurs groupes contrôle » (Legendre, 2005, p. 1155). Allamel-Raffin, Dupouy et Gangloff (2019) relèvent trois conditions à satisfaire pour qu’une expérimentation puisse avoir lieu :

    Le chercheur doit pouvoir manipuler à volonté certaines variables considérées comme pertinentes pour produire les phénomènes qui l’intéressent ;

    Ces variables doivent pouvoir être manipulées isolément les unes des autres ;

    Ces manipulations et leurs effets doivent être reproductibles, c’est-à-dire produire les mêmes résultats si elles sont réalisées dans d’autres conditions similaires.

    De plus, pour parvenir à isoler les effets qui relèvent d’une variable indépendante sur une variable d’intérêt (p. ex. évaluer l’effet d’une séance de yoga quotidienne sur l’autorégulation des enfants), le groupe témoin doit être équivalent en tous points au groupe expérimental en ce qui a trait aux caractéristiques individuelles des participants. Pour ce faire, la répartition des participants (ou des groupes-classes) entre les groupes (expérimental et témoin) doit être réalisée de façon aléatoire (Fortin et Gagnon, 2015 ; West, 2009). Lorsque cette répartition aléatoire (aussi appelée randomisation) ou l’obtention d’un groupe témoin comparable n’est pas possible, on parle plutôt d’un devis « quasi expérimental », dont les différentes variantes et caractéristiques seront abordés et détaillés à la section 4 (le design de la recherche).

    Finalement, au sein de cette démarche scientifique, l’analyse des données consiste à réaliser des statistiques descriptives (moyennes, écarts types, etc.) ou des statistiques inférentielles qui permettent de valider ou non les hypothèses (test t, ANOVA, etc.). Le chercheur doit choisir les techniques d’analyse des données afin qu’elles permettent de répondre directement aux questions de recherche, par exemple pour déterminer si l’intervention proposée a eu l’effet escompté sur la variable dépendante. À la lumière des résultats obtenus, des conclusions pourront être tirées, contribuant ainsi à engendrer de nouvelles connaissances scientifiques. Sur cette base, de nouvelles hypothèses de recherche pourront être formulées, ce qui suscitera de nouvelles recherches qui elles-mêmes suivront la démarche scientifique (Fortin et Gagnon, 2015).

    2. La posture épistémologique

    La recherche expérimentale est associée à un paradigme positiviste selon lequel la réalité existe en dehors de la perception qu’en a l’être humain (Karsenti et Savoie-Zajc, 2004 ; Vallerand et Hess, 2000). Selon le paradigme positiviste, les théories scientifiques résultent de l’observation rigoureuse de faits qui existent « indépendamment du chercheur » (Karsenti et Savoie-Zajc, 2004, p. 115) et le savoir doit être produit à l’aide de généralisations, c’est-à-dire en observant un certain nombre de cas particuliers et en en induisant des règles générales. Selon Gohier (2004, p. 3), les critères de scientificité qui « cautionnent la valeur d’une démarche scientifique » dépendent de la position épistémologique et donc de la vision de la science qui les sous-tend. Ainsi, pour les approches qu’on associe au paradigme positiviste ou néopositiviste, on parle généralement de critères de validité scientifique. Parmi les critères souvent associés à la recherche expérimentale, et plus largement à l’approche de recherche scientifique quantitative, on retrouve celui de la falsifiabilité (Popper, 1984), selon lequel la science doit produire des énoncés qui soient falsifiables (ou réfutables) et qui puissent être soumis à l’épreuve de l’expérimentation (Malherbe, 1981).

    3. Les rôles des chercheurs et des participants

    Dans une étude quantitative, notamment une recherche expérimentale, le chercheur est théoriquement absent et les participants agissent indépendamment du chercheur (Punch, 1998). En effet, même si le chercheur expérimentaliste conçoit souvent en tout ou en partie l’intervention et prend en charge son administration, il conserve une distance avec ses participants pour ainsi demeurer le plus objectif possible (Bahari, 2010 ; Bhattacherjee, 2012). Parmi les recherches de type expérimental, les devis randomisés et réalisés en double aveugle constituent le standard d’excellence et sont utilisés pour éviter les biais, mais aussi pour empêcher la subjectivité du chercheur d’influencer les résultats de quelque façon que ce soit.

    Subjectivité

    Façon dont une recherche est influencée par les perspectives, les valeurs, les expériences sociales et le point de vue du chercheur. Tandis que certaines méthodologies privilégient une posture objective où le chercheur n’influence pas la recherche, la plupart des recherches qualitatives acceptent qu’on ne puisse éviter la façon subjective dont les êtres humains trouvent un sens à leur vie et prennent des décisions quant à leurs recherches (Allen, 2017).

    Ainsi, dans ce type de recherche, le rôle du chercheur est d’être objectif et neutre et, pour y parvenir, il « ne laisse pas ses valeurs influencer ses décisions ou ses façons de considérer sa recherche » (Karsenti et Savoie-Zajc, 2004, p. 115). Il doit demeurer le plus indépendant possible des participants de la recherche afin de ne pas les influencer ni induire des biais qui pourraient affecter les résultats de la recherche (Duffy et Chenail, 2009). Pour leur part, les participants de la recherche (souvent appelés « sujets ») vivent l’expérimentation (ou font partie d’un groupe témoin), mais ils ne participent pas aux autres étapes de la recherche.

    4. Le design de la recherche

    En contexte de recherche sur la petite enfance ou l’éducation préscolaire, les études expérimentales sont notamment employées pour examiner les effets d’une intervention ou d’un programme particulier sur différentes variables psychoaffectives ou scolaires observées chez des enfants. À cette fin, les chercheurs devraient idéalement recourir à une étude expérimentale pure, caractérisée par une constitution aléatoire des groupes (expérimental et témoin). Ce type de devis est généralement considéré comme étant le plus rigoureux puisqu’il permet d’éliminer les biais liés au recrutement et à la formation des groupes qui peuvent altérer les résultats (Bhattacherjee,

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