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L' approche de la réponse à l'intervention et l'enseignement de la lecture-écriture
L' approche de la réponse à l'intervention et l'enseignement de la lecture-écriture
L' approche de la réponse à l'intervention et l'enseignement de la lecture-écriture
Livre électronique566 pages6 heures

L' approche de la réponse à l'intervention et l'enseignement de la lecture-écriture

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À propos de ce livre électronique

Le terme réponse à l’intervention désigne une approche systémique à la prestation des services éducatifs axée sur la prévention des difficultés d’apprentissage et conçue pour fournir à chaque élève le soutien dont il a besoin pour réaliser les apprentissages attendus à l’école. Cette approche est assortie d’un ensemble coordonné de voies d’action pour assurer la qualité de l’enseignement en classe, pour identifier précocement les élèves à risque d’affronter des difficultés d’apprentissage et pour leur offrir des interventions additionnelles et étroitement adaptées à leurs besoins.

Le but de cet ouvrage est d’approfondir les principes et les voies d’action associés à l’approche de la réponse à l’intervention (RàI) appliquée à l’enseignement de la lecture et de l’écriture. Les auteurs abordent successivement l’évolution du français écrit pour mettre en relief les défis qu’il pose aux apprentis lecteurs-scripteurs, les fondements de l’approche RàI, l’importance du leadership pédagogique dans sa mise en œuvre ainsi que la gestion des apprentissages et du comportement en classe. Les modalités organisationnelles, didactiques et pédagogiques de l’intensification des interventions à l’intention des élèves qui rencontrent des difficultés d’apprentissage sont également abordées, de même que l’apport des communautés d’apprentissage professionnelles dans la mise en œuvre de l’approche RàI. Cet ouvrage s’adresse aux cadres scolaires, aux enseignants, aux conseillers pédagogiques et à l’ensemble des professionnels qui travaillent dans le milieu scolaire.

LangueFrançais
Date de sortie4 avr. 2022
ISBN9782760554061
L' approche de la réponse à l'intervention et l'enseignement de la lecture-écriture
Auteur

Alain Desrochers

Alain Desrochers détient un doctorat en psychologie expérimentale de l’Université Western Ontario avec une spécialisation en psycholinguistique de la lecture-écriture. Il a été professeur titulaire à l’Université d’Ottawa jusqu’à son départ à la retraite. Il est actuellement professeur associé à l’Université d’Ottawa et à l’Université du Québec à Montréal. Son expertise professionnelle porte sur l’évolution historique du français écrit, l’analyse linguistique et didactique du français écrit, l’élaboration de dispositifs pour l’enseignement du français à l’école primaire, l’élaboration d’outils pour évaluer les compétences en lecture et en écriture, et l’étude du développement des habiletés relatives à la lecture et à l’écriture chez les enfants de 5 à 12 ans.

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    L' approche de la réponse à l'intervention et l'enseignement de la lecture-écriture - Alain Desrochers

    L’évolution du français écrit, son enseignement et la prévention des difficultés d’apprentissage

    Alain Desrochers

    CIBLES DE LECTURE

    •Approfondir les deux principes fondamentaux de l’écriture: l’encodage d’unités de la langue parlée et du sens.

    •Prendre en compte les deux principes fondamentaux de l’écriture et l’évolution historique du français écrit dans l’appréciation des défis que doivent relever les élèves dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.

    •Faire un retour sur l’influence des principaux régulateurs du français écrit et sur le cadre normatif qu’ils nous ont légué et qui est transmis aux apprentis lecteurs-scripteurs.

    •Évoquer le rôle de la pédagogie et de la didactique dans l’enseignement du français écrit à l’école.

    •Situer le rôle de la prévention des difficultés d’apprentissage du français écrit dans une approche particulière à la prestation des services éducatifs appelée «réponse à l’intervention».

    QUESTIONS CLÉS

    •Comment les unités de la langue parlée et le sens sont-ils encodés dans l’écriture du français?

    •Quels défis l’application des procédés d’encodage graphique propres au français pose-t-elle aux apprentis lecteurs-scripteurs?

    •Comment le français écrit s’est-il normalisé pour arriver à son état actuel?

    •Comment la pédagogie et la didactique interviennent-elles dans l’enseignement de la lecture et de l’écriture?

    •Comment peut-on prévenir les difficultés d’apprentissage de la lecture et de l’écriture?

    Platon (428-348 avant notre ère), dans son ouvrage La République, est peut-être le premier penseur à proposer la scolarisation obligatoire de tous les citoyens. Cette idée sera ultérieurement réactivée par le réformateur protestant Martin Luther (1483-1546), notamment pour entraîner les fidèles à lire la Bible par eux-mêmes. Une étape décisive sera toutefois franchie lorsque le roi prussien Frédéric le Grand (1712-1786) instaure, par décret (1763-1765), la scolarisation obligatoire de tous les garçons et de toutes les filles de 5 à 14 ans et l’enseignement de la religion chrétienne, du chant, de la lecture et de l’écriture basé sur un programme et des manuels approuvés par l’État. Peu de temps après, l’impératrice Marie-Thérèse (1717-1780) amorce le même projet, aussi par décret (1774), en Autriche et en Hongrie. Cette politique sociale sera rapidement adoptée par le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande et la Lettonie, et plus tard par d’autres États (Maynes, 1985; Soysal et Strang, 1989; Van Horn Melton, 1988). Ce mouvement sera encore renforcé au XIXe siècle par le passage de la production artisanale à la production industrielle réalisée en usine et à l’aide de machines qui exigent des notions de littéracie et de numéracie (Brelanstein, 1992). L’instauration de l’instruction publique obligatoire conduira à une expansion considérable du réseau des établissements scolaires en Occident, à la mise en œuvre de plusieurs mécanismes de régulation de la qualité de l’éducation et à une diminution notable de l’illettrisme dans la population (Hamerow, 1983; Van Horn Melton, 1988).

    De nos jours, les enquêtes internationales sur la maîtrise de la langue écrite menées auprès des élèves de 15 ans dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fournissent une occasion d’évaluer l’état de leurs apprentissages scolaires à la fin du programme d’éducation secondaire et, donc, consécutivement à une dizaine d’années d’instruction obligatoire. Dans la septième enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) réalisée en 2018 (O’Grady, Deussing, Scerbina, Tao, Fung, Elez et Monk, 2019), on a évalué la compréhension de l’écrit auprès d’un échantillon de 22 500 élèves issus de 800 écoles réparties dans les 10 provinces canadiennes qui ont pris part à l’enquête. La compréhension de l’écrit est ici définie comme «la capacité qu’a l’individu de comprendre et d’utiliser des textes écrits, mais aussi de réfléchir à leur propos et s’y engager afin de réaliser ses objectifs, de développer ses connaissances et son potentiel et de prendre une part active dans la vie en société» (p. 7). Les tâches de lecture retenues sollicitent trois grands types de processus: la localisation des informations, la compréhension du texte ainsi que l’évaluation et la réflexion. Le score obtenu est projeté sur une échelle constituée de huit niveaux de compétence, des plus faibles (les niveaux 1c à 1a) jusqu’au plus élevé (le niveau 6). Le niveau 2 est tenu comme «le niveau de base des compétences en lecture qui sont requises pour participer pleinement à la société moderne» (p. 11). Ce niveau de compétence correspond à la capacité du lecteur de repérer l’idée principale dans un texte, de faire des déductions élémentaires, de localiser des éléments d’information à partir de plusieurs critères, de comparer des affirmations, d’évaluer leurs justifications et d’établir des liens entre le contenu du texte et ses connaissances personnelles.

    Les résultats de cette enquête indiquent que 86% des élèves canadiens atteignent ce niveau de base, comparativement à 77% de l’ensemble des pays de l’OCDE. Ce pourcentage est toutefois plus élevé chez les filles (90%) que chez les garçons (82%). C’est dire que 18% des garçons et 10% des filles n’atteignent pas le niveau de compétence nécessaire en lecture pour répondre aux exigences de la vie quotidienne de la société actuelle à la fin du programme d’études secondaires. La même disparité est observée à l’autre extrême de l’échelle de mesure: 18% des filles atteignent le niveau de compétence 5 ou 6 comparativement à 12% des garçons. Les implications de ces résultats sont multiples. Premièrement, bien que le Canada se classe parmi les pays de l’OCDE ayant le niveau de littéracie collective le plus élevé, le pourcentage de ses élèves qui présentent une maîtrise de la compréhension de l’écrit en deçà du niveau de base à la fin de la période d’instruction publique obligatoire est non négligeable. Deuxièmement, les écarts entre les garçons et les filles, sans qu’on puisse facilement les expliquer, compromettent l’égalité de l’accès aux études postsecondaires, de la pratique de la lecture pour apprendre tout au long de la vie, de l’accès à des emplois rémunérateurs et de l’accumulation du capital. La démocratisation des savoirs de base, dont la capacité de lire et d’écrire, est un phénomène social relativement récent depuis l’invention de l’écriture. Pendant des siècles, l’illettrisme de la majorité de la population a été la norme; la pratique de la lecture et de l’écriture était réservée à l’élite de la société et à des «professionnels» (p. ex. les scribes et les clercs). La norme actuelle est devenue la littéracie pour tous. Malgré les progrès considérables de l’éducation de masse, les enquêtes internationales menées depuis une trentaine d’années montrent que la littéracie fonctionnelle n’est toujours pas atteinte par tous les élèves dans les pays de l’OCDE. Enfin, les résultats des enquêtes PISA, au Canada et ailleurs, et ceux d’autres études sur le développement de la littéracie donnent à penser que les élèves apprennent à lire et à écrire au prix d’efforts considérables. Ce «coût cognitif» est en partie déterminé par la complexité de cet apprentissage et par l’état d’avancement de la didactique et de la pédagogie. Dans la suite de ce chapitre, nous abordons quatre questions:

    1.Quels défis le français écrit pose-t-il aux apprentis lecteurs-scripteurs? Pour répondre à cette question, nous serons conduits à examiner brièvement comment les unités de la parole et le sens sont encodés dans l’écriture du français et comment les premiers scripteurs du français ont exploité l’alphabet de 23 lettres reçu du latin, sachant que la prononciation du français s’est écartée de celle du latin. Cette exploration historique du français écrit nous permettra de mieux comprendre ses caractéristiques particulières et les défis que les apprentis lecteurs-scripteurs doivent affronter. Nous profiterons aussi de cette occasion pour introduire divers termes utilisés pour décrire la langue orale et la langue écrite, et ainsi hausser la précision de la description que nous en faisons.

    2.Qui a décidé de la façon d’écrire en français? Pour arriver à un usage consensuel du français écrit, une norme a dû s’installer dans la communauté des lettrés. Nous relèverons brièvement la contribution des copistes des monastères à qui nous devons la forme des textes imprimés en français, celle des imprimeurs qui ont mis en œuvre plusieurs procédés de transcription pour pallier l’insuffisance de l’alphabet latin, celle des concepteurs de dictionnaires qui ont uniformisé l’orthographe du français, et celle des grammairiens qui ont fait évoluer notre compréhension des classes de mots et de leurs règles d’assemblage en français.

    3.Quel est le rôle de la pédagogie et celui de la didactique dans l’enseignement de la lecture et de l’écriture? L’origine et l’évolution de la pédagogie sont intimement liées aux exigences de l’enseignement collectif devant une classe d’élèves. Plusieurs pratiques de gestion de classe ont commencé à prendre forme au XVIIe siècle et elles ont laissé une trace encore bien visible de nos jours. La didactique, dont l’essor est relativement récent, nous a conduits à réfléchir sur les savoirs essentiels et sur les meilleures pratiques éducatives pour conduire les élèves à construire leurs savoirs. Nous ne ferons qu’effleurer ces sujets dans ce chapitre, car ils sont repris ailleurs et en détail dans l’ensemble du présent ouvrage.

    4.Comment peut-on prévenir les difficultés d’apprentissage de la lecture et de l’écriture? Cette question occupe une place centrale dans l’approche de la réponse à l’intervention et elle sera traitée dans chacun des chapitres constitutifs du présent ouvrage.

    Toutes les langues écrites, incluant le français, mettent en œuvre des procédés particuliers pour produire une trace visible (ou tactile, dans le cas du braille) de la forme et du sens linguistiques.

    1.Quels défis le français écrit pose-t-il aux apprentis lecteurs-scripteurs?

    Pour dégager une meilleure compréhension des défis que pose l’apprentissage du français écrit, commençons par faire un retour sur les deux principes fondamentaux qui sous-tendent la formation de toute langue écrite (Jaffré et Fayol, 1999). Le principe phonographique désigne l’encodage d’indices phonologiques qui facilitent la lecture orale des mots écrits ainsi que la transcription de la parole dans l’écrit. Il s’agit donc de l’établissement d’une passerelle entre des unités de la langue parlée et des unités de la langue écrite. Ce principe, bien qu’essentiel, est au service d’une fonction plus importante encore de l’écrit, celle de la communication et de la conservation du sens. Le principe sémiographique fait référence à la façon de coder le sens dans l’écrit. Toutes les langues écrites, incluant le français, mettent donc en œuvre des procédés particuliers pour produire une trace visible (ou tactile, dans le cas du braille) de la forme et du sens linguistiques. La description détaillée de l’application de ces deux principes à l’écriture du français actuel a déjà fait l’objet de plusieurs analyses approfondies (p. ex. Catach, 2001; Gak, 1976; Marchello-Nizia, 1999). Nous nous limiterons ici à dégager les grandes lignes qui nous permettent de mieux comprendre ce que l’apprenant doit maîtriser pour devenir un lecteur-scripteur compétent.

    1.1.La phonographie du français

    Les graphies utilisées pour représenter des unités de la langue parlée sont très variées. De toutes les graphies possibles, c’est sur les lettres de l’alphabet latin que l’écriture du français s’est construite. D’où vient cette modalité d’écriture et comment est-elle devenue celle du français écrit? Pour retracer l’origine de l’alphabet du français, il faut remonter aux pictogrammes utilisés dans l’écriture hiéroglyphique des Égyptiens de l’Antiquité, vers l’an 3000 avant notre ère. Ces pictogrammes servaient à représenter des concepts (p. ex. le bas du visage), des unités fines de la parole (des phonèmes) et la classe sémantique du concept (p. ex. un bâtiment, une plante, une activité physique exigeant la force) (Vernus, 2001). Le terme phonème désigne la plus petite unité sonore de la langue parlée qui permet de différencier les mots les uns des autres¹. Le mot phonème, par exemple, est constitué de cinq phonèmes, le e final étant muet. Un jeu d’environ 23 phonogrammes servait à représenter des consonnes (p. ex. b, f, p) ou des semi-consonnes (p. ex. w, yod); les voyelles étaient déduites par le lecteur². Ces phonogrammes sont les précurseurs des premières écritures alphabétiques, dont celle du phénicien, une langue sémitique utilisée sur les côtes du Liban actuel pendant le IIe millénaire avant notre ère (Healey, 1994; Sacks, 2007).

    Le terme phonème désigne la plus petite unité sonore de la langue parlée qui permet de différencier les mots les uns des autres. Le mot phonème, par exemple, est constitué de cinq phonèmes, le e final étant muet.

    L’alphabet phénicien est à l’origine de l’alphabet arabe et de l’alphabet grec (24 lettres), lui-même à l’origine de l’alphabet latin (Dobias-Lalou, 2001). L’alphabet phénicien est donc l’«arrière-grand-père» de l’alphabet du français. Dix-neuf des lettres de notre alphabet sont des descendantes directes de cet alphabet par leur forme, leur rang alphabétique et leur son (Sacks, 2007). Cette filiation nous a notamment transmis l’ordre des lettres dans l’alphabet du français: p. ex. ‘ālef (bœuf)³ en phénicien → alpha en grec (A/a) et A/a en latin; bēth (maison) en phénicien → beta en grec (B/β) et B/b en latin, ainsi de suite. C’est du nom des deux premières lettres de l’alphabet grec que provient le mot alphabet pour désigner la séquence des lettres. Une deuxième adaptation importante apportée par les Grecs a été de réaffecter certaines consonnes de l’alphabet phénicien (dont ‘aleph), inutiles en grec, pour en faire des voyelles essentielles dans l’écriture des langues indo-européennes (p. ex. A, E, I, O, U et Y). Une troisième adaptation a été de fixer la direction de l’écriture. À diverses époques, on écrivait le grec de droite à gauche, de gauche à droite, ou en alternant entre ces deux directions, un mode d’écriture appelé «boustrophédon» par analogie au tracé effectué par le bœuf tirant une charrue pour labourer les champs (en grec, bous ‘bœuf’ et strophein ‘tourner’). Seule la graphie gauche à droite sera par la suite retenue en grec, et en latin au IVe siècle avant notre ère. Une quatrième adaptation est l’élaboration d’un alphabet bicaméral, c’est-à-dire constitué de lettres capitales⁴ (plus commodes pour graver des surfaces dures comme la pierre) et de lettres minuscules (plus commodes pour l’écriture rapide sur des supports dont l’espace est limité: p. ex. sur tablette de cire, sur papyrus ou, plus tard, sur parchemin et sur papier). Plusieurs conventions de l’écriture alphabétique remontent donc aux Grecs de l’Antiquité, qui les ont transmises aux peuples avec qui ils avaient des échanges commerciaux, dont les Étrusques qui occupaient le nord de la péninsule italienne. L’alphabet étrusque est passé à leurs voisins du sud, les Latins (ayant Rome comme centre urbain), en l’espace d’un siècle, de 700 à 600 avant notre ère. L’alphabet latin est ainsi devenu le mode d’écriture de la langue officielle de l’Empire romain qui s’est étendu sur un vaste territoire autour de la mer Méditerranée.

    C’est du nom des deux premières lettres de l’alphabet grec que provient le mot alphabet pour désigner la séquence des lettres.

    Le français est une langue romane, c’est-à-dire qu’elle est issue du latin populaire, spontané et utilisé dans la communication orale et informelle⁵. Il hérite d’un alphabet constitué de 23 lettres, dont 21 sont fermement établies dès l’an 100 de notre ère, avec l’ajout de Y et Z, 200 ans plus tard, pour transcrire les phonèmes des mots grecs qui n’existaient pas en latin. C’est ce même jeu de 23 lettres qui a servi à écrire les plus anciens textes connus du français au IXe siècle⁶. Les graphèmes consonantiques J, V et la semi-consonne W ont été introduits tardivement dans l’alphabet par les imprimeurs du XVIe siècle pour constituer notre alphabet actuel de 26 lettres.

    Un autre héritage de l’alphabet latin réside dans la forme des lettres dont l’apogée esthétique est représenté dans les inscriptions sur le piédestal de la colonne Trajane à Rome. Ces caractères, avec leur empattement élargi, dont l’origine remonte à presque 2 000 ans, ont servi de modèles aux premiers imprimeurs en Europe au XVIe siècle et, de nos jours, à la confection des polices de caractères Garamond, Bodoni et Times New Roman. Les lettres capitales latines ont longtemps été utilisées dans les documents administratifs ou littéraires. Vers 300 de notre ère, une nouvelle forme d’écriture entre dans l’usage courant, le style «oncial», mieux adapté à une écriture rapide à l’encre sur la surface souple du parchemin. Elle sera retenue jusqu’à la fin du VIIIe siècle, puis remplacée par le style «caroline» à la suite d’un mouvement de standardisation des procédés d’écriture commandé par l’empereur Charlemagne (tableau 1.1). L’écriture caroline sera délaissée au XIIe siècle pour l’écriture gothique, mais elle sera reprise à la Renaissance, vers 1450, avec la naissance de l’imprimerie et survivra jusqu’à nos jours.

    TABLEAU 1.1. Les 23 lettres de l’alphabet latin dans le style oncial (à gauche) et dans le style caroline (à droite)

    Note: La police Onciale est disponible dans le jeu des polices de la suite Office de Microsoft. La police Caroline est téléchargeable sur le site <http://phono.uqac.ca/index.php?article=rubrique38>, consulté le 22 avril 2021).

    L’application du principe phonographique dépend du jeu des phonèmes⁷ dans une langue donnée et à une époque donnée. Or, dans son évolution, la prononciation du latin populaire s’est écartée considérablement du latin classique (Chaurand, 1969; Perret, 2020). Le plus grand bouleversement concerne le jeu des voyelles (A, E, I, O, U prononcée OU) qui s’appuyait, à l’origine, sur trois oppositions articulatoires: le lieu d’articulation dans la bouche (p. ex. I à l’avant / O à l’arrière), l’ouverture de la mâchoire (p. ex. A ouverte / OU fermée) et la durée de la vocalisation (p. ex. voyelle longue / voyelle courte). L’opposition de la durée va s’estomper et de nouvelles oppositions vont s’ajouter au système des voyelles: o ouvert / o fermé (p. ex. sol/saule), é/è (p. ex. près vs pré), ou/u (p. ex. tout/tu), eu fermé / eu ouvert (p. ex. peu/peur) et voyelles orales / voyelles nasales (p. ex. a/an, è/in, o/on, u/un). De plus, les locuteurs vont commencer à combiner des timbres vocaliques en un seul coup de voix pour former des diphtongues et des triphtongues, c’est-à-dire des voyelles dont le timbre change en cours d’émission. Ces diphtongues et ces triphtongues ont largement disparu de la langue parlée⁸, mais elles ont laissé dans l’écriture de nombreuses graphies correspondant aujourd’hui à de simples voyelles orales et entraînant ainsi une redondance dans la phonographie du français (p. ex. /o/ → ‹o›, ‹au›, ‹eau›). En comparaison, le système des phonèmes consonantiques du latin a subi peu de changement. L’opposition entre les consonnes produites par obstruction totale du passage de l’air dans l’appareil de phonation (les occlusives), sourdes et sonores, est conservée: p/b, d/t et k/g. La série d’oppositions des consonnes produites par friction (les fricatives) est étendue: f/v, s/z et ch/j. Cet aperçu de l’évolution phonologique du latin populaire vers le français suffit déjà pour montrer l’enrichissement du jeu des phonèmes comparativement à celui du latin classique, qui pouvait être transcrit à l’aide des 23 lettres de l’alphabet latin.

    La phonographie de cette nouvelle langue romane, le français, a posé un défi considérable à ses premiers scripteurs (Catach, 2001; Marchello-Nizia, 1999). En effet, l’alphabet latin contenait un nombre insuffisant de symboles pour représenter la variété des phonèmes du français naissant: «Le français cherche à se constituer un alphabet propre à partir de l’alphabet latin, beaucoup trop pauvre en graphèmes pour pouvoir s’adapter sans modifications à une langue aussi riche en phonèmes que la nôtre. Faute d’y parvenir, il est amené, par compensation, à se constituer une orthographe qui suppléera à l’insuffisance de l’alphabet» (Blanche-Benveniste et Chervel, 1969, p. 47). De plus, l’ensemble de ces phonèmes était non seulement différent de celui du latin classique, mais il a changé au fil du temps, sans que l’orthographe soit systématiquement remise à jour, laissant ainsi diverses traces historiques dans l’écriture. Nous verrons plus bas comment les régulateurs du français écrit ont relevé certains de ces défis, mais nous pouvons déjà constater que l’unité d’écriture minimale du français n’est pas la lettre, mais plutôt le graphème, qui peut être constitué d’une ou de plusieurs lettres (p. ex. , , , , , , , ).

    «Le français cherche à se constituer un alphabet propre à partir de l’alphabet latin, beaucoup trop pauvre en graphèmes pour pouvoir s’adapter sans modifications à une langue aussi riche en phonèmes que la nôtre. Faute d’y parvenir, il est amené, par compensation, à se constituer une orthographe qui suppléera à l’insuffisance de l’alphabet» (Blanche-Benveniste et Chervel, 1969, p. 47).

    1.2.La sémiographie du français

    Le français moderne s’est enrichi de nombreux mots d’emprunt au contact d’autres langues comme l’italien, l’espagnol, le néerlandais, l’allemand et l’anglais, mais son fond héréditaire provient principalement du latin populaire et d’éléments grecs, celtiques et germaniques. Comme en latin, la plus petite unité de sens en français n’est pas le mot, mais le morphème. Le terme morphème désigne la plus petite unité porteuse de sens dans une langue. Il peut être constitué de plusieurs lettres (p. ex. maison) ou d’une seule lettre (p. ex. le s qui marque le pluriel). Les deux procédés traditionnels servant à la formation des mots en français sont la composition et la dérivation. Les mots composés résultent de la juxtaposition de morphèmes libres, c’est-à-dire d’unités qui peuvent constituer des mots par eux-mêmes (p. ex. ouvre-boîte, portefeuille, sans-abri, machine à coudre, je-ne-sais-quoi). Les mots dérivés sont constitués d’un morphème libre auquel on ajoute un ou plusieurs affixes, tel un préfixe (p. ex. re + tour → retour) ou un ou plusieurs suffixes (p. ex. tour + elle → tourelle; cour(ir) + (r)ier + iste → courriériste). Certains mots sont toutefois formés par le retrait d’un affixe (p. ex. attaquer sans er → attaque). La majorité des préfixes et des suffixes servant à la construction des anciens et des nouveaux mots en français proviennent du latin ou du grec (Apothéloz, 2002; Dubois et Dubois-Charlier, 1999; Thiele, 1987), p. ex. déflecteur, métropolitain, thermomètre⁹. Approximativement 60% des mots du français sont constitués de plusieurs morphèmes (Mailhot, Wilson, Macoir, Deacon et Sánchez-Guttiérez, 2020; Rey-Debove, 1984).

    Le terme morphème désigne la plus petite unité porteuse de sens dans une langue. Il peut être constitué de plusieurs lettres (p. ex. maison) ou d’une seule lettre (p. ex. le s qui marque le pluriel).

    Une deuxième caractéristique sémiographique du français réside dans le maintien de traces morphologiques devenues muettes. Par exemple, plusieurs mots conservent une consonne finale dont la prononciation est latente (p. ex. chant → chanteur; champ → champêtre). Dans l’évolution du français oral, les marques du genre et du nombre sont également devenues muettes tout en conservant une trace à l’écrit (p. ex. ami/amie, amis/amies). On observe le même phénomène dans la conjugaison des verbes (p. ex. dans les désinences de l’imparfait: -ais, -ait, -aient). Les verbes du français ont d’abord été répartis en quatre groupes selon la forme de leur désinence à l’infinitif dans la conjugaison latine. Aujourd’hui, ces verbes forment plutôt deux groupes: a) un groupe largement dominant, portant la désinence infinitive vocalique -er (p. ex. trouver) et comprenant près de 90% des verbes du français; b) un groupe minoritaire portant des désinences infinitives consonantiques (p. ex. rire, voir ou finir) qui ne sont plus productives en français (Séguin, 1986). À ce premier critère de classement centré sur la désinence infinitive, il faut en ajouter un autre centré, cette fois, sur la variabilité du radical. Si près de 90% des verbes sont constitués d’un radical invariable (p. ex. trouver, courir), les autres changent de radical selon le nombre du sujet (p. ex. je sais / nous savons) ou sa personne (p. ex. vous croyez / ils croient). Il est à noter que quatre verbes, pourtant très familiers, ne peuvent être classés selon leur radical ou leur désinence tant leurs formes conjuguées sont irrégulières: avoir, être, faire et aller.

    Une troisième caractéristique sémiographique importante du français est étroitement liée à un autre bouleversement, celui de la disparition des affixes qui signalait la fonction des mots dans la phrase, c’est-à-dire les cas. En latin classique, les mots pouvaient se succéder dans n’importe quel ordre dans la phrase parce que leur fonction était signalée par la présence d’affixes qui indiquaient, par exemple, le sujet de la phrase (le cas nominatif), l’interpellation (le cas vocatif), le complément direct (le cas accusatif), le complément du nom (le cas génitif), le complément indirect (le cas datif) ou un complément circonstanciel (le cas ablatif). La disparition de ces affixes a largement figé l’ordre des mots de la phrase simple en français selon le patron canonique: groupe nominal + groupe verbal (p. ex. Sophie interpelle Jean / Jean est interpellé par Sophie). Pour pallier la disparition des cas, plusieurs éléments nouveaux sont apparus ou se sont mieux définis en français: p. ex. les déterminants du nom, les prépositions et les conjonctions. L’accord en nombre et en genre s’est mis à assurer la cohésion à l’intérieur des groupes de mots (p. ex. le groupe du nom) et entre les groupes, parfois au prix de règles difficiles à maîtriser (p. ex. l’accord du participe passé avec les auxiliaires avoir et être) ou d’exceptions (Grevisse et Goose, 2016).

    1.3.Les implications pour l’enseignement

    Ce survol de l’émergence du français écrit actuel met en relief plusieurs défis pour son enseignement. D’abord, il est clair que les graphies du français ne servent pas seulement à représenter les phonèmes de la langue orale. Leur utilisation est guidée par une variété de fonctions, que nous résumons dans le tableau 1.2.

    TABLEAU 1.2. Cinq fonctions des graphies en français moderne

    L’observation de ces différentes fonctions a conduit Catach (2005) à proposer une définition du graphème plus nuancée que celle qui le réduit à un phonogramme: «La plus petite unité distinctive et/ou significative de la chaîne écrite, composée d’une lettre, d’un groupe de lettres (digramme, trigramme), d’une lettre accentuée ou pourvue d’un signe auxiliaire, ayant une référence phonique et/ou sémique dans la langue parlée¹⁰» (Catach, p. 16). Plusieurs de ces fonctions sont responsables d’un écart entre l’oral et l’écrit. La polyvalence et la redondance des graphies (p. ex. /s/ → , , ou ; /o/ → , , ) ainsi que la présence de lettres muettes, par exemple, rendent l’apprentissage du décodage et de l’orthographe du français particulièrement difficile pour les élèves (Daigle et Montésinos-Gelet, 2013). Les concepteurs de dispositifs pédagogiques sont ainsi conduits à s’interroger sur la part de l’enseignement qui peut s’appuyer sur les régularités de la langue et celle qui doit traiter des cas particuliers ou exceptionnels.

    Le rapport de synthèse du National Reading Panel (2000) a exercé une influence considérable sur les politiques, les pratiques et la recherche en éducation. Une de ses contributions a été de mettre en relief des sphères d’apprentissage essentielles à la maîtrise de la lecture et de l’écriture: l’analyse phonémique, le décodage des mots, le vocabulaire oral et orthographique, la compréhension ainsi que le développement des automatismes dans le traitement de l’écrit. Une sphère d’apprentissage qui brille par son absence dans cette liste est celle de la grammaire, peut-être parce que la nécessité de son enseignement est moins évidente pour l’anglais que pour les langues romanes comme le français. Il se trouve que la maîtrise du fonctionnement de la phrase française pour assurer sa fonction sémio-graphique pose un défi de taille aux apprentis lecteurs-scripteurs. Ceux-ci doivent notamment s’approprier une terminologie spécialisée pour décrire et comprendre plusieurs particularités du français écrit telles que les types et les formes de phrases ainsi que leurs procédés de construction, le groupe nominal et ses procédés d’expansion, le groupe verbal et ses fonctions grammaticales (p. ex. le complément et l’attribut), les accords (p. ex. régis par le sujet ou par le complément), la complexification de la phrase simple (par la juxta-position, la coordination ou la subordination) et la ponctuation. Les nombreux ouvrages sur la grammaire du français attestent élo-quemment la richesse de son potentiel expressif (p. ex. Boivin et Pinsonneault, 2019; Piron, 2017; Riegel, Pellat et Rioul, 2018). Les concepteurs de guides ou de matériels pédagogiques doivent, à leur tour, relever un autre défi, soit celui d’établir une progression des apprentissages qui soit digeste pour les élèves et, surtout, apte à soutenir leur compréhension en lecture et leurs productions rédactionnelles.

    Une dernière considération mérite notre attention: l’écart entre l’oral et l’écrit. La communication orale est immédiate et en situation, à moins qu’il s’agisse d’un message enregistré. Dans ce cas, les interlocuteurs partagent typiquement la même situation spatiotemporelle et ils ont accès à des référents communs. Plusieurs éléments d’information n’ont donc pas à être explicités dans l’échange verbal entre les interlocuteurs. Il en va autrement pour la communication écrite, qui est différée et hors situation, ce qui oblige l’auteur à décrire la situation dans le temps et dans l’espace, à nommer les référents et à préciser les rapports entre les acteurs et les actions. C’est dire que la tâche de l’apprenti scripteur va au-delà de l’application de la phonographie et de la sémiographie de la langue. Il doit apprendre à fournir à son lecteur les informations situationnelles qui rendent la compréhension possible et qui assurent la fidélité du message à la pensée de l’auteur. À tous égards, la communication écrite est plus exigeante que la communication orale. De plus, l’écrit est assorti d’un prestige fondé notamment sur la culture littéraire (c’est-à-dire le comportement des grands auteurs) et d’exigences normatives plus élevées que l’oral. Un autre défi des enseignants consiste donc à conduire leurs élèves à comprendre que l’écrit ne se réduit pas à une transposition de l’oral et qu’il faut s’approprier ses conventions discursives et ses registres.

    1.4.En résumé

    Le matériau linguistique que l’apprenti lecteur-scripteur s’approprie résulte de plusieurs siècles d’aménagement pour suppléer à un alphabet insuffisant pour représenter l’étendue des phonèmes du français et à la disparition des affixes qui spécifiaient la fonction des mots dans la phrase. Dans cette sous-section, nous avons cherché à contextualiser l’état actuel du français écrit pour mettre en relief les défis associés à son apprentissage. La prise en compte de ces défis est déterminante dans l’élaboration de pratiques éducatives efficaces:

    ›Les pratiques qui permettent aux élèves de s’approprier l’analyse phonémique, les correspondances graphème-phonème, incluant celles qui mettent en jeu des graphies complexes (p. ex. ‹au›, ‹an›, ‹ch›, ‹gn›) ou contextuelles (p. ex. ‹c›, ‹g›, ‹e›, ‹i›), les particularités de l’orthographe (p. ex. les mots porteurs de graphies irrégulières, les lettres doubles ou muettes), les accents et les signes auxiliaires (p. ex. l’apostrophe, la cédille, le tréma).

    ›Les pratiques qui conduisent les élèves à comprendre la classe et le sens des mots, les types et les formes de phrase, la structure d’une phrase simple, ses procédés d’expansion et les éléments de grammaire textuelle (p. ex. la structuration d’un texte, les procédés de reprise de l’information, les connecteurs, les accords, la ponctuation).

    Il est utile de rappeler que, ultimement, cet apprentissage complexe préside à la communication et à la conservation du sens et qu’il doit s’inscrire dans une progression raisonnée qui s’étend sur plusieurs années. C’est au prix de cet effort que les élèves deviendront des lecteurs-scripteurs compétents et en mesure de lire pour apprendre tout au long de leur vie.

    L’apparence des textes modernes résulte, en partie, d’une longue série d’innovations relatives aux procédés de mise en page et à l’aménagement de l’orthographe.

    2.Qui a décidé de la façon d’écrire en français?

    Une des conditions essentielles à l’opération des principes phonographique et sémiographique réside dans l’établissement d’une norme, c’est-à-dire un cadre de référence commun sur les correspondances graphème-phonème, sur l’orthographe et le sens des mots et sur le fonctionnement de la phrase pour assurer une communication efficace. L’alphabet latin constitue le matériau de base pour transcrire cette nouvelle langue romane, qui héritera aussi des innovations relatives à la calligraphie et à la mise en page des textes par les copistes des monastères pendant le Moyen Âge. L’apparence des textes modernes résulte, en partie, d’une longue série d’innovations relatives aux procédés de mise en page et à l’aménagement de l’orthographe. Le cadre normatif du français se précisera progressivement sous l’influence des imprimeurs, des concepteurs de dictionnaires et de grammaires et des créateurs de la langue. L’établissement de ce cadre normatif est un sujet d’étude fascinant, car il fait intervenir autant les évènements linguistiques (p. ex. l’évolution de la langue) que sociopolitiques (p. ex. l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui fait du français la langue exclusive de l’administration publique en France en 1539; la prise en charge de la régulation de la langue par l’Académie française en 1635; et l’instauration de l’instruction publique obligatoire) (voir Catach, 2001; Furet et Ozouf, 1977; Rey, Duval et Siouffi, 2007). Nous nous limiterons ici à relever quelques exemples d’efforts de standardisation qui ont conduit au français écrit actuel et qui sont pris en compte dans son enseignement.

    2.1.Les ateliers de scribes

    Les copistes du Moyen Âge étaient typiquement installés dans des ateliers, appelés «scriptorium», attenant à l’église. Leurs instruments comprenaient une planche inclinée sur un pupitre, une plume (p. ex. d’oie ou de corbeau), des encres (noires, mais aussi de couleur) et des feuilles de parchemin¹¹ (Parisse, 2001). Ont été produits dans ces ateliers des centaines d’ouvrages de liturgie, des Bibles, des ouvrages des Pères de l’Église et ceux des auteurs classiques de l’Antiquité romaine (p. ex. Cicéron, Horace, Virgile), assurant ainsi la conservation et la diffusion de grandes œuvres. Le scriptorium était plus qu’un lieu d’écriture; c’était aussi un lieu de création qui réunissait une variété d’artisans comme des illustrateurs et des enlumineurs¹². Ces créations étaient d’abord destinées aux abbayes et aux bibliothèques monastiques, mais de nouveaux marchés se sont ouverts: p. ex. les riches qui souhaitaient constituer une bibliothèque personnelle, les autorités laïques qui produisaient des documents administratifs (p. ex. des chartes, des registres, des livres de comptes) et les étudiants qui fréquentaient les premières universités¹³. Dès le XIe siècle, le marché de l’écriture est florissant et on trouve des «professionnels de l’écriture» (p. ex. des scribes et des clercs) ailleurs que dans les monastères, notamment dans les châteaux, les chefs-lieux et les mairies. Dans le tableau 1.3, nous rapportons quelques innovations relatives à l’écriture et à la mise en page des textes de cette époque et qui ont traversé le temps.

    TABLEAU 1.3. Innovations relevées dans la production de livres au Moyen Âge

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