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La pratique de la thérapie de couple centrée sur l'émotion, 3e édition: Façonner le rapprochement
La pratique de la thérapie de couple centrée sur l'émotion, 3e édition: Façonner le rapprochement
La pratique de la thérapie de couple centrée sur l'émotion, 3e édition: Façonner le rapprochement
Livre électronique695 pages8 heures

La pratique de la thérapie de couple centrée sur l'émotion, 3e édition: Façonner le rapprochement

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À propos de ce livre électronique

Depuis sa publication initiale en 1996, La pratique de la thérapie de couple centrée sur l’émotion est le guide qui fait autorité chez les thérapeutes de couple, les superviseurs et les étudiants qui souhaitent pratiquer la thérapie centrée sur l’émotion (TCÉ).

Cette troisième édition, à la fine pointe du progrès, présente l’évolution récente du domaine de la thérapie de couple : les résultats de nouvelles recherches relatives aux interventions cliniques, des perspectives élargies sur la régulation émotionnelle, l’attachement chez l’adulte et les neuro­sciences, ainsi que des applications dynamiques de la TCÉ pour traiter une gamme de problèmes tels que la dépression, l’anxiété, les troubles sexuels et le trouble de stress posttraumatique. Les divers chapitres présentent des micro-interventions à mettre en œuvre en séance de thérapie de couple centrée sur l’émotion (TCÉ-C), ainsi qu’un exposé systématique d’une macro-intervention en cinq « mouvements », le Tango TCÉ. L’ouvrage est parsemé d’exemples cliniques qui donnent vie au processus de changement associé au déroulement de la séance, et deux chapitres axés sur des études de cas proposent un regard plus pointu sur les séances de TCÉ-C aux stades 1 et 2.

Sous la plume de la principale autorité en matière de thérapie centrée sur l’émotion, cette troisième édition constitue une référence essentielle sur tous les aspects de la TCÉ et sur l’utilité de ce modèle pour les professionnels de la santé mentale, dans le domaine de la thérapie de couple et conjugale.
LangueFrançais
Date de sortie3 août 2022
ISBN9782760555778
La pratique de la thérapie de couple centrée sur l'émotion, 3e édition: Façonner le rapprochement
Auteur

Susan M. Johnson

Susan M. Johnson, Ed. D., est la principale architecte de la thérapie centrée sur l’émotion (TCÉ). Elle est professeure émérite de psychologie clinique à l’Université d’Ottawa, professeure distinguée émérite au programme de thérapie conjugale et familiale à l’Université Alliant de San Diego, et directrice de l’International Centre for Excellence in Emotionally Focused Therapy (ICEEFT)

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    Aperçu du livre

    La pratique de la thérapie de couple centrée sur l'émotion, 3e édition - Susan M. Johnson

    Introduction

    ¹

    Quinze ans se sont écoulés depuis la parution de l’édition 2004 de ce livre. Il s’est passé tant de choses au cours de cette décennie et demie qu’il était grand temps de procéder à une révision majeure. Le modèle de la thérapie de couple centrée sur l’émotion (TCÉ-C), dont le présent ouvrage constitue le manuel de base de la pratique clinique, s’est énormément développé.

    Ce développement s’est d’abord fait sur le plan de la profondeur conceptuelle : l’expansion du modèle de la TCÉ-C accompagne celle de la théorie de l’attachement chez l’adulte en tant que moyen intégré de comprendre nos principaux points de vulnérabilité, nos besoins fondamentaux et leur extériorisation dans nos relations les plus intimes. Les ouvrages grand public Serre-moi fort ! (Johnson, 2014) et Love Sense (Johnson, 2013), fondés sur ce modèle, ont également contribué à intégrer la science de l’attachement dans les conversations des non-spécialistes au sujet de l’amour. La TCÉ-C a connu une expansion importante de sa base de recherche. Par le nombre d’études positives sur les résultats, d’investigations sur le processus de changement et de rapports de suivi positifs qu’il a suscités, ce modèle représente désormais la norme d’excellence pour les interventions empiriques dans le domaine de la thérapie de couple.

    Le développement du modèle de la TCÉ-C est également marqué par sa généralisation et son application à une grande diversité de populations et de problèmes. On l’utilise régulièrement pour traiter la détresse relationnelle combinée à la dépression clinique, à l’anxiété et au trouble de stress post-traumatique, et il sert aussi de trait d’union entre les modalités de la thérapie de couple et celles de la sexothérapie. La TCÉ-C s’applique sans distinction de culture, d’origine ethnique, d’orientation sexuelle, de niveau de ferveur religieuse ou de classe sociale. Récemment, le programme éducatif Hold Me TightMD : Conversations for a Lifetime of Love, fondé sur ce modèle, a été mis à l’essai dans une formule spécialement conçue pour les couples aux prises avec des troubles cardiaques et dans le contexte d’autres problèmes de santé physique. Un programme éducatif axé sur la création d’un attachement solide a aussi une pertinence évidente pour les couples militaires confrontés aux facteurs de stress liés à la séparation et au déploiement ; la TCÉ-C est donc d’usage courant dans ces cas. Les programmes de formation sur cette approche sont devenus systématiques et connaissent un vif succès, de sorte qu’un grand nombre de professionnels, en plus de faire des stages et de suivre d’autres formations, deviennent des thérapeutes certifiés par l’International Centre for Excellence in Emotionally Focused Therapy (<https://www.iceeft.com>), lequel compte plus de 65 centres affiliés qui appuient l’apprentissage et la recherche à l’échelle mondiale.

    Il convient également de noter que, comme le démontre une étude récente, la TCÉ-C a un effet non seulement sur la détresse relationnelle, mais aussi sur l’orientation de l’attachement de chacun des partenaires, ce qui va dans le sens du concept de l’attachement voulant que les relations amoureuses offrent un terrain fertile pour la consolidation et l’intégration de la conscience de soi et le sentiment de connexion et de confiance envers autrui. Cette orientation vers la science de l’attachement a facilité l’expansion de la TCÉ-C aux modalités de la thérapie individuelle et familiale, comme je l’expose dans mon plus récent ouvrage (Johnson, 2019a). La thérapie centrée sur l’émotion (TCÉ) a toujours traité à la fois la personnalité et le système, l’individu qui construit sa réalité affective, et la trame relationnelle qui façonne et reflète cette réalité. Il semble que ce modèle, qui met l’accent sur l’attachement en tant que modèle développemental de la personnalité sociale et sur la nature irrépressible et transformationnelle des émotions, peut contribuer à la croissance du domaine de l’intervention auprès des couples, mais aussi à la psychothérapie en général.

    Vous trouverez dans ce volume des micro-interventions applicables en séance de TCÉ-C ainsi qu’une présentation systématique d’un ensemble plus global d’interventions, le « Tango TCÉ ». La plateforme conceptuelle de la théorie de l’attachement et les avancées récentes de notre compréhension des émotions et de la régulation émotionnelle sont également en nette expansion. Les nombreux exemples cliniques présentés ici vous aideront à donner vie au processus de changement en séance.

    Comme toujours, cependant, l’essence de la TCÉ et la raison pour laquelle elle inspire une telle passion chez ses praticiens demeurent les mêmes. La TCÉ offre un moyen convaincant de voir où les choses se coincent, un vibrant modèle de santé à viser, un ensemble clair d’interventions ainsi qu’un moyen d’être avec nos clients qui est enrichissant pour le thérapeute comme pour le client. Dans un monde de solutions rapides, elle se conforme à l’aphorisme de Sir William Osler (1849-1919) : « Un bon médecin traite la maladie ; un excellent médecin traite le patient qui a la maladie. » Elle permet aux thérapeutes, comme le dit Carl Rogers, de savourer la découverte d’« un ordre dans l’expérience » et de progresser avec leurs clients.

    Les dernières années ont été marquées par un cheminement de découverte grisant pour la communauté dévouée des cliniciens, des superviseurs, des chercheurs et des formateurs en TCÉ-C. Ma propre confiance envers la puissance d’une expérience affective façonnée délibérément et envers la cartographie du fonctionnement humain qu’offre la théorie de l’attachement grandit avec chaque client, chaque atelier, chaque rapport de recherche. Il est beaucoup plus facile d’exercer la thérapie quand nous pouvons puiser dans le pouvoir immanent des émotions et des motivations puissantes – tel le désir de connexion – pour enclencher le processus de changement. J’espère que ce livre vous éclairera, vous inspirera et ouvrira la voie de la confiance en notre capacité commune à nous comprendre en tant qu’êtres relationnels et à nous ramener enfin à la maison.

    Susan M. Johnson

    2019

    1 Note du traducteur : L’utilisation d’un genre ou l’autre se veut inclusive ; elle ne vise qu’à faciliter la lecture. Toutes les citations d’ouvrages non traduits en français (voir la bibliographie) sont des traductions libres.

    Chapitre 1 /

    Le domaine de la thérapie de couple et la thérapie de couple centrée sur l’émotion

    Je savais dès le début que la seule force de mon argument n’aurait pas suffisamment de poids pour entraîner le moindre changement. Ça ne marche presque jamais […] C’est seulement lorsque l’on sent les choses au tréfonds de soi qu’on les fait siennes. Alors seulement on peut agir sur elles et changer […] il est terriblement difficile, terrifiant même, de faire sienne l’idée que vous et vous seul tracez le dessin de votre vie […] C’est seulement lorsque la thérapie entraîne de profondes émotions qu’elle devient une force de changement efficace.

    I

    RVIN

    Y

    ALOM

    , Le bourreau de l’amour (2018a, p. 50)

    Une révolution secoue le domaine de la thérapie de couple (Johnson, 2003a, 2013). Comme je l’avais noté dans l’édition précédente de cet ouvrage, c’est la convergence de toutes sortes de découvertes et de rapports de recherche officiels qui anime cette révolution. Les recherches récentes qui décrivent la détresse et la satisfaction conjugales recoupent celles qui décrivent l’impact des relations négatives et positives sur la santé et les fonctions de la personne et celles qui ont trait à l’efficacité des interventions cliniques. Toutes ces recherches se rattachent également aux centaines d’études sur la nature des relations amoureuses adultes. Enfin, plusieurs types et niveaux de réflexion et d’enquête pointent dans la même direction et forment un tableau cohérent. Notre compréhension quant à l’importance des relations intimes et à ce qui les met en péril, de même que notre capacité à reconnaître les interventions efficaces, à décrire le processus de changement et à expliquer les processus qui définissent l’amour chez l’adulte, atteignent désormais une masse critique qui nous permet de considérer véritablement la thérapie de couple comme un art, une science, qui s’appuie sur la description, la prédiction et l’explication. La thérapie de couple centrée sur l’émotion (TCÉ-C) a émergé de cette révolution tout en y contribuant ; et en tant que modèle, elle continue d’évoluer et de progresser.

    Le thérapeute de couple débutant n’est plus tenu d’accepter que l’amour soit « un vent chaud qui ne tient pas dans la main », comme l’avance l’auteure-compositrice-interprète Lynn Miles, et que le processus de réparation des relations amoureuses soit donc une affaire nébuleuse et aléatoire. On a validé empiriquement certaines tendances de la détresse conjugale ainsi que des feuilles de route sur le rapprochement affectif entre adultes qui aident le thérapeute à accompagner un couple en détresse sur la voie d’une relation plus stable et plus satisfaisante. Ce livre propose un guide clinique de la TCÉ-C dans un format actualisé à partir de l’édition de 2004 et révisé à la lumière de mon ouvrage le plus récent (Johnson, 2019a).

    Voici les objectifs de cette nouvelle édition :

    Offrir au thérapeute de couple une conceptualisation élégante, claire et bien documentée des processus amoureux et de rapprochement chez les adultes.

    Décrire les principes de la TCÉ-C et les divers stades et étapes de la réparation et du rétablissement d’une relation.

    Décrire une macro-intervention clé (le Tango TCÉ), des microinterventions plus spécifiques et des événements de changement essentiels en TCÉ-C qui sont axés sur l’amplification de la sensibilité émotionnelle entre les partenaires.

    Exposer en détail les applications de la thérapie centrée sur l’émotion (TCÉ) à divers types de partenaires et de couples ainsi qu’aux familles, par la thérapie familiale centrée sur l’émotion (TCÉ-F).

    Proposer une feuille de route pour la résolution des blocages et des impasses courants dans le processus de réparation de la relation, qui comprend par exemple l’intervention visant le pardon des blessures.

    Le thérapeute du XXIe siècle est à même de saisir plus clairement qu’auparavant la nature de la détresse conjugale, qui consiste essentiellement en l’afflux d’émotions négatives et l’emprisonnement dans des interactions étroites et étouffantes (Gottman, 1994). Il trouve dans les écrits sur la thérapie de couple des technologies clairement explicitées et porteuses de changement, sous la forme d’interventions thérapeutiques validées empiriquement (Burgess Moser et al., 2016 ; Jacobson et al., 2000 ; Johnson et al., 1999 ; Snyder et Wills, 1989). Il peut lire la somme vaste et évolutive d’écrits sur la nature de l’amour chez l’adulte (Feeney, 1999 ; Johnson, 2013), un phénomène qui, jusqu’à récemment, était essentiellement laissé pour compte dans le domaine de la thérapie de couple (Roberts, 1992). De plus, il dispose désormais de nouvelles perspectives sur d’importants aspects de la thérapie de couple, tels le rôle de l’émotion dans le processus de changement (Johnson, 2018) et celui des interventions clés dans les événements de changement (Bradley et Furrow, 2004 ; Greenman et Johnson, 2013).

    La thérapie de couple en tant que discipline semble arriver à maturité (Johnson, 2013 ; Johnson et Lebow, 2000). De plus, son champ d’application s’élargit ; elle sert désormais à traiter une symptomatologie de plus en plus « individuelle » qui englobe, par exemple, la dépression, les troubles anxieux et les maladies chroniques (Dessaulles, Johnson et Denton, 2003 ; Kowal, Johnson et Lee, 2003 ; Johnson, 2002). C’est là une évolution logique, compte tenu des recherches qui établissent des liens entre la qualité des relations intimes et du soutien social à la santé physique et psychologique de l’individu, par l’entremise de mécanismes tels que le fonctionnement efficace du système immunitaire et l’atténuation des facteurs de stress et des traumatismes (Kiecolt-Glaser et Newton, 2001 ; Pietromonaco et Collins, 2017 ; Whisman, 1999). Une relation amoureuse solide accroît également le potentiel de croissance et d’accomplissement individuels et est corrélée à une conscience de soi positive (Mikulincer, 1995 ; Mikulincer et Shaver, 2007 ; Ruvolo et Jobson Brennan, 1997).

    En fait, il est de mieux en mieux établi que le « réconfort nourrissant » qu’offrent les relations intimes nous protège des maladies physiques et affectives, et améliore notre résilience (Taylor, 2002). Les recherches en ce sens donnent lieu à certaines conclusions très générales, à savoir par exemple que l’isolement est plus dangereux que le tabagisme pour l’être humain (House, Landis et Umberson, 1988), et à d’autres conclusions beaucoup plus précises, tel le fait que se confier à autrui produit un effet positif sur le système cardiovasculaire et sur la prévention de certaines incidences négatives du vieillissement (Uchino, Cacioppo et Kiecolt-Glaser, 1996), ou le lien entre le soutien social et l’optimisation des comportements liés à la santé (Pietromonaco et Collins, 2017). Des chercheurs commencent aussi à examiner la neurobiologie des relations intimes et à reconnaître certains mécanismes – tel le niveau d’ocytocine, l’« hormone du câlin » (Taylor et al., 2000) –, qui semblent nous protéger des maladies. En général, il est de plus en plus reconnu que la solitude et le manque de soutien social sont des facteurs de risque associés à divers problèmes de santé et, inversement, qu’un lien sécurisant avec un être cher pave la voie à la santé physique grâce à ses effets sur des facteurs physiologiques (tension artérielle, régulation par le cortisol), émotionnels (sensibilité au stress) ou comportementaux (pratiques en matière de santé). Il n’y a donc rien d’étonnant au fait que l’on considère maintenant le manque de liens affectifs avec autrui comme un risque de santé publique (Holt-Lunstad, Robles et Sbarra, 2017) et que diverses interventions axées sur les partenaires de vie en tant que ressource pour le rétablissement des patients atteints de cardiopathies en soient au stade du développement ou de la mise à l’essai (Tulloch et al., 2017).

    On reconnaît de plus en plus l’importance de la thérapie de couple en tant qu’intervention en santé mentale, peut-être parce que l’on reconnaît aussi l’impact négatif du divorce sur le couple, sur la famille (Cummings et Davies, 1994 ; Hetherington et Kelly, 2002) et sur la collectivité, ou alors parce que, dans les sociétés nord-américaines, les autres sources de communauté semblent décliner rapidement (Putnam, 2000). La perte de « capital social » a été corrélée à l’escalade des taux de dépression et d’anxiété dans ces sociétés (Twenge, 2000). Pour nombre d’entre nous, le partenaire intime est le seul soutien et la seule attache dont nous disposons. En fait, nombre d’entre nous semblent avoir une vie fonctionnelle dans une communauté de deux personnes. Dans ce contexte, la qualité de notre relation la plus intime prend de plus en plus d’importance dans notre vie.

    Par ailleurs, le grand public prend graduellement conscience de la valeur de la consultation et de l’avis professionnel comme outils d’aide au rétablissement des relations au sein d’un couple ou d’une famille en détresse. L’amour chez l’adulte s’envisage désormais comme un processus compréhensible sur lequel on peut influer et agir pour le restaurer. On qualifie le partenariat conjugal d’acte volontaire (Doherty, 2001) plutôt que de l’imaginer comme le jouet du coup de foudre, du hasard et du destin. De plus en plus de thérapeutes déclarent recevoir régulièrement des couples dans le cadre de leur pratique, tout en reconnaissant que cette modalité est particulièrement exigeante ; ainsi, il devient urgent d’offrir une formation rigoureuse sur les modèles éprouvés de thérapie de couple, en particulier ceux qui reposent sur notre nouvelle compréhension scientifique de l’amour chez l’adulte. Ce livre s’inscrit donc dans un mouvement pour un ensemble d’interventions mieux délimité, plus scientifique et plus efficace, et pour une formation professionnelle supplémentaire et plus rigoureuse dans ce domaine en pleine expansion qu’est la thérapie de couple.

    L’émergence et les progrès de la thérapie de couple centrée sur l’émotion

    La formulation de la TCÉ-C remonte au début des années 1980 (Johnson et Greenberg, 1985). Elle répondait alors à l’absence d’interventions clairement délimitées et validées auprès des couples, et visait en particulier à offrir des interventions plus humanistes et moins comportementales. On la dit « centrée sur l’émotion » pour insister sur l’importance cruciale des émotions et de la communication émotionnelle dans l’organisation des dynamiques interactionnelles et des expériences déterminantes au sein des relations intimes. La TCÉ-C considère également les émotions comme un agent de changement puissant et nécessaire plutôt que comme un simple élément du problème de détresse conjugale. À l’époque, cette insistance sur la prise en compte des émotions et sur leur pouvoir de créer un changement en thérapie conjugale ne faisait pas partie de la littérature reconnue en matière de thérapie de couple. En fait, ce domaine affichait alors, comme il le fait encore aujourd’hui, presque une phobie de l’affect. L’émotion en général était souvent présentée comme une complication secondaire qui survient au cours du comportement ou de la cognition, comme une dangereuse force perturbatrice en thérapie ou, plus simplement, comme un agent de changement inefficace. À un certain niveau, les thérapeutes de couple ont toujours vu clairement que les changements affectifs font partie intégrante de la réparation de la relation, mais on présumait que ces changements survenaient par des moyens cognitifs et comportementaux.

    Depuis quelques années, cependant, on accepte beaucoup mieux le rôle indéniable des émotions dans la détresse conjugale et la thérapie de couple (Gottman, 1994). L’étude des émotions continue de progresser (Gross, 1998 ; Gross, Richards et John, 2006 ; Lewis et Haviland-Jones, 2000 ; Plutchik, 2000 ; Sbarra et Coan, 2018). Des auteurs ont approfondi le rôle clé de la régulation et de l’engagement émotionnels dans le bonheur et la détresse entre conjoints (Johnson et Bradbury, 1999) ainsi que la nature affective de l’attachement humain (Bowlby, 2002b, 1988 ; Johnson, 2003c). D’autres approches que la TCÉ-C commencent aussi à incorporer la prise en compte des émotions (Cordova, Jacobson et Christensen, 1998 ; Gottman, 1999), bien que plusieurs autres ne fassent aucune mention de cet aspect. En général, depuis dix ans, la nécessité de tenir compte des émotions dans le processus de réparation de la relation se précise, et les méthodes et interventions disponibles pour répondre efficacement à ce besoin se multiplient.

    En tant que modèle d’intervention, la TCÉ-C est née de l’observation systématique des couples en thérapie et du processus par lequel ils réussissent à réparer leur relation. Certains modèles récents de traitement de la détresse conjugale, tel celui de Gottman, ont eux aussi des racines dans l’observation et le codage d’interactions précises entre intimes, tout comme la théorie de l’attachement et les autres modèles de relations intimes entre adultes. On pourra donc trouver normale la consonance qui existe entre la TCÉ-C en tant que modèle d’intervention, les modèles de détresse descriptifs découlant de recherches et les théories relationnelles telles que celle de l’attachement. Des couples en détresse ont enseigné à l’auteure de ces lignes et à l’équipe de recherche initiale la façon de décrire le processus de changement dont la TCÉ-C dessine les contours ainsi que les interventions qui favorisent ce processus de changement. La rédaction du premier manuel de TCÉ-C s’est faite dans le cadre de la première étude des résultats – la thèse de doctorat de l’auteure –, qui consistait à comparer la TCÉ-C à des couples non traités et à des couples ayant suivi une intervention de formation en communication et habiletés comportementales (Johnson et Greenberg, 1985). Dans le cadre de cette première étude, la TCÉ-C a affiché des résultats assez impressionnants pour paver la voie à trente ans de recherches.

    Au moment où ces lignes sont écrites, 21 études réalisées par des chercheurs nord-américains présentent uniformément des résultats positifs de la TCÉ-C pour ce qui est du pouvoir qu’a ce modèle de réduire la détresse conjugale et de façonner la satisfaction à l’égard de la relation (on trouvera la liste de ces études et de toutes les autres sous <https://iceeft.com> ; voir aussi Wiebe et Johnson, 2016, pour un résumé fondé sur ce corpus de recherche). Les études des résultats donnent aussi à penser que la TCÉ-C pourrait contribuer efficacement à réduire les symptômes de stress post-traumatique et de dépression concomitants avec la détresse conjugale. Les plus rigoureuses de ces études ont également été intégrées à quatre méta-analyses. Il convient de noter que la plus récente des grandes études de résultats (Burgess Moser et al., 2016) affiche des résultats uniques, à savoir qu’en TCÉ-C, les thérapies d’intervention auprès des couples accroissent la solidité de l’attachement et réduisent l’anxiété d’attachement et l’évitement de l’attachement, selon les mesures autodéclarées et le codage des comportements interactionnels centrés sur l’attachement. Une étude portant sur des scintigraphies cérébrales obtenues par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) conclut que la réponse cérébrale des partenaires féminins à une menace change lorsque la personne tient la main de son partenaire après des conversations de rapprochement en TCÉ-C (Johnson et al., 2013). L’importance d’orienter les partenaires vers le ressenti d’un sentiment d’attachement sécurisant devient évidente quand on considère la myriade de variables positives de la santé mentale qui sont associées à l’orientation sur un attachement sécurisant (Mikulincer et Shaver, 2007). Par exemple, les individus ayant les attaches les plus sécurisantes déclarent avoir une conscience de soi plus positive, mieux articulée et plus cohérente, ils manifestent davantage d’empathie, et ils affichent davantage d’assurance et de résilience au stress. Une bonne thérapie de couple guide les partenaires dans des interactions de rapprochement qui favorisent la croissance personnelle et la guérison.

    Les données de suivi de cette étude marquante sur l’attachement, ainsi que de deux autres études, révèlent aussi que les effets de la TCÉ-C demeurent stables deux ou trois ans après la fin de la thérapie ; certaines études montrent même que le niveau de satisfaction continue de s’élever. Comme la rechute est un problème clé dans le domaine de la thérapie de couple, ces résultats sont très encourageants ; nous croyons qu’ils résultent du pouvoir des conversations de rapprochement mises en place en TCÉ-C et du fait que ces moments positifs fondamentaux de connexion émotionnelle constituent des expériences correctrices très significatives pour la vie des clients. Ces moments créent un changement mémorable, dont le rappel constitue une ressource. Cette pierre de touche témoigne du désir intrinsèque d’un lien sécurisant entre partenaires de vie et des effets transformateurs de ce type de sentiment d’appartenance.

    Pour ce qui est de la façon exacte dont le changement se produit, on dénombre aussi neuf études sur les processus de changement (Greenman et Johnson, 2013) qui démontrent que, comme le prédit la théorie de la TCÉ-C, des facteurs tels que le passage des clients à des émotions plus profondes et le caractère plus ouvert, plus empathique et plus réactif des interactions façonnées par le thérapeute afin de construire des liens plus sécurisants sont des prédicteurs constants de la réparation de la relation, au terme de la thérapie et lors du suivi. Jusqu’ici, trois études récentes décrivent l’efficacité du populaire programme d’éducation relationnelle Hold Me TightMD : Conversations for Connection, fondé sur la TCÉ-C, et du succès de librairie Serre-moi fort ! Sept conversations pour une vie entière d’amour (Conradi et al., 2017 ; Kennedy et al., 2018 ; Wong, Greenman et Beaudoin, 2017). Il existe aussi des données pilotes positives sur l’adaptation de ce programme aux couples dont l’une des personnes est suivie en cardiologie (Tulloch et al., 2017) et qui ont besoin de former une équipe pour faire face efficacement à ce problème de santé. Le programme Hold Me TightMD est formulé à l’usage de couples relativement sereins ; certaines données indiquent qu’il est aussi utile pour rétablir les relations de couples en détresse.

    Par ailleurs, trois études des résultats ont trait à l’incidence positive de la TCÉ-C sur l’amélioration de l’intimité et deux autres, à la satisfaction sexuelle (Wiebe et al., 2019) ; on relève aussi une petite étude qui démontre l’efficacité de la thérapie familiale centrée sur l’émotion (TCÉ-F ; Johnson, Maddeaux et Blouin, 1998) pour les familles aux prises avec des problèmes de boulimie (on trouvera la liste complète de ces études sous <https://iceeft.com>). En général, ces études rigoureuses font l’objet de vérifications de l’adhésion, qui visent à confirmer que le thérapeute a bien respecté le protocole de la TCÉ. Deux autres études portent sur l’impact de la formation de base – le programme de stages en TCÉ-C, sur le sentiment de compétence du thérapeute, son niveau de confiance et sa vie personnelle (Montagno, Svatovic et Levenson, 2011 ; Sandberg, Knestel et Cluff Schade, 2013).

    Toutes ces études donnent à la TCÉ-C le statut de norme d’excellence pour ce qui est de la validation empirique dans le domaine de la thérapie de couple. En ce qui concerne les normes de cette validation, établies par un comité récent de l’American Psychological Association (APA ; Sexton et al., 2011), la TCÉ-C est la seule approche qui réponde aux critères et qui se qualifie ainsi à l’inclusion dans la plus haute des catégories établies par ce comité. En général, dans le domaine de la thérapie de couple, les données sur les résultats de presque tous les modèles d’intervention sont lacunaires. De fait, les modèles comportementaux traditionnel (TBCT) et intégratif (IBCT) de thérapie de couple (Christensen et al., 2004) sont les seuls autres à avoir fait l’objet de la publication de données sur les résultats d’interventions auprès des couples.

    Pour le clinicien praticien, les faits les plus significatifs à propos de la recherche sur la TCÉ-C seraient les suivants :

    La première méta-analyse (Johnson et al., 1999) conclut que la TCÉ-C présente une ampleur de l’effet très saine et encourageante. Les couples inclus dans cette analyse présentent un taux de rétablissement de la détresse conjugale de 70 à 73% après 10 à 12 séances de TCÉ (les thérapeutes étaient toutefois sous supervision clinique) ainsi qu’un taux d’amélioration significatif de 90%, comparativement à un taux de rétablissement de 35% pour les couples ayant eu recours à une intervention comportementale conventionnelle (Jacobson, Holtzworth-Monroe et Schmaling, 1989). Le clinicien formé en TCÉ-C, rassuré de savoir que ce modèle, au fil de toute une série d’études, s’est toujours montré efficace, que les résultats sont généralement stables dans le temps, et que les interventions précises et la mise en forme d’événements critiques de changement qui y sont exposées produisent d’une façon prévisible des résultats positifs, peut être confiant de réussir avec la majorité des couples et se fier au modèle comme à une boussole ou un guide, avec un sentiment de certitude et de conviction. Cette confiance rassure également les clients et contribue à l’établissement d’une alliance positive.

    En général, la TCÉ-C ne semble pas présenter de problème de rechute après la fin du traitement. L’importance de ce problème pour les interventions comportementales conventionnelles est bien établie (Jacobson et Addis, 1993). Chez les parents d’enfants atteints d’une maladie chronique – l’une des populations les plus vulnérables au risque de rechute à avoir été incluses dans une étude sur la TCÉ-C –, les résultats sont stables après deux ans (Cloutier et al., 2002). Le thérapeute peut donc rassurer ses clients ou l’organisme référent sur le fait que les résultats sont significatifs et qu’il ne s’agit pas d’un soulagement temporaire des symptômes de détresse, puis mettre fin à l’intervention sans trop d’anxiété.

    L’alliance avec le thérapeute est un prédicteur important et clairement établi du résultat d’une TCÉ-C ; la foi du partenaire féminin en la bienveillance (caring) de son conjoint est également un puissant prédicteur. Le niveau de détresse initial, qui constitue habituellement le principal prédicteur des résultats en psychothérapie, ne se révèle pas particulièrement robuste pour ce qui est du niveau de satisfaction des couples quatre mois après la fin de la thérapie. L’engagement actif dans les tâches de la thérapie semble davantage corrélé au résultat que le niveau de détresse initial. La TCÉ-C semble également être efficace pour les couples conventionnels et pour les hommes qui ont un problème de retrait et qui ont de la difficulté à exprimer leurs émotions (Johnson et Talitman, 1997). De tels résultats font ressortir l’accent que met le modèle sur l’établissement et le maintien tout au long de la thérapie d’un lien sécurisant avec les deux clients ; ils rappellent au thérapeute que ce qui compte, ce n’est pas l’intervention en soi, mais bien le niveau d’engagement des clients à chaque moment de la thérapie. Le thérapeute aborde chaque client là où il se trouve actuellement, plutôt que d’imaginer où il devrait être ; il fait avancer chaque client, un petit pas à la fois, pour que celui-ci s’engage pleinement dans le processus. Cette recherche garantit elle aussi au thérapeute que les méthodes de la TCÉ-C lui faciliteront la tâche d’aider les clients à se brancher sur leurs émotions et à les « assembler », puis de tirer parti de la puissance des émotions pour « (é)mouvoir » les partenaires vers de nouvelles façons de se voir et de voir l’autre, vers une nouvelle danse interpersonnelle.

    Il existe une somme considérable de recherches sur le processus de changement en TCÉ-C. La question de savoir comment le changement survient revêt une importance particulière pour le praticien, notamment parce que des études démontrent clairement que les variables essentielles établies dans un modèle de thérapie ne sont parfois pas du tout des agents de changement actifs. Comme l’a démontré une célèbre étude comportementale sur les méthodes de soulagement de la dépression, la confrontation des clients avec leurs croyances dysfonctionnelles n’est pas corrélée au changement, contrairement à ce qu’en dit la théorie. En fait, cette confrontation est plutôt corrélée au maintien de la dysfonction. Par contre, le fait d’approfondir les émotions en séance est, lui, un prédicteur d’un changement positif. Les événements critiques de changement menant à des résultats positifs ont fait l’objet d’études en TCÉ-C, et les chercheurs ont relevé certaines interventions critiques (Bradley et Furrow, 2004 ; Johnson, 2003d). De nouvelles tâches et de nouveaux processus, telle la résolution des blessures d’attachement par une procédure de pardon et de réconciliation, ont été définis et mis à l’essai (Makinen et Johnson, 2006). Le thérapeute TCÉ-C sait exactement ce qui est nécessaire et suffisant pour créer un changement dans la régulation affective : des modèles de l’attachement et des réponses interactionnelles qui contribuent à une amélioration significative et durable de la satisfaction à l’égard de la relation.

    En général, la recherche sur la nature de la détresse conjugale (Gottman, 1994) et l’attachement chez l’adulte (Cassidy et Shaver, 2016 ; Johnson, 2013) valide fortement, elle aussi, l’optique du processus de TCÉ-C et les cibles de l’intervention. La clé d’une thérapie réussie, d’après le théoricien des systèmes Ludwig von Bertalanffy (Bertalanffy, 1993), est que le thérapeute se concentre sur les variables essentielles qui définissent et organisent un système vivant. Dans le cas de la TCÉ-C, le thérapeute sait se concentrer constamment sur les émotions, sur la musique d’une danse entre intimes, sur les dynamiques de déconnexion et sur la création graduelle d’un lien d’attachement plus sécurisant entre les partenaires. Le thérapeute TCÉ-C peut alors difficilement s’égarer, même dans le drame intense et changeant d’une relation en détresse.

    Il y a des réponses claires et bien étayées aux quatre questions essentielles de toute intervention : Fonctionne-t-elle uniformément et durablement ? Comment fonctionne-t-elle exactement (que doit-il arriver au cours des séances de thérapie pour qu’un changement se produise) ? Que doit faire précisément le thérapeute pour créer un changement ? Cette thérapie est-elle pratique et généralisable à différents thérapeutes (peut-elle s’apprendre ? une formation efficace est-elle offerte ?) et à divers types de clients présentant notamment des symptômes et des comorbidités variés ?

    En même temps que l’on menait de nouvelles recherches sur les effets des interventions en TCÉ-C, la conceptualisation théorique des relations amoureuses adultes qui sous-tend la TCÉ-C a pris de l’expansion et s’est appuyée de plus en plus sur la recherche. La TCÉ-C s’est toujours centrée sur la relation entre partenaires vue comme un lien affectif et non comme un compromis à renégocier, ce que fait la thérapie de couple comportementale conventionnelle. Elle s’est toujours centrée sur l’engagement émotionnel et sur la mise en forme d’expériences émotionnelles correctrices plutôt que sur la prise de conscience ou sur l’enseignement de séquences visant à renforcer les compétences. Toutefois, la pertinence de la théorie de l’attachement (Bowlby, 1988, 2002a) pour les relations amoureuses adultes se révèle de plus en plus, en même temps que se poursuit la délimitation des interventions en TCÉ-C et des processus de changement (Johnson, 2003d). La psychologie sociale continue de contribuer à l’étude de l’amour chez l’adulte, et la théorie de l’attachement s’affiche clairement comme la perspective la plus prometteuse en matière de relations amoureuses adultes (Johnson, 2013). En général, la théorie de l’attachement est désormais reconnue comme l’« un des champs de recherche les plus vastes, les plus profonds et les plus créatifs de la psychologie au XXe siècle » (Cassidy et Shaver, 2016). On voit désormais dans l’amour romantique un code ancien, branché sur la survie, conçu pour garder près de nous et à notre disposition les personnes sur qui nous comptons, plutôt que comme une mixture enivrante de sexe et de sentiments que personne ne comprend et qu’il est donc impossible de mettre en forme. La théorie de l’attachement chez l’adulte a connu une croissance exponentielle qui lui donne une place de choix dans la TCÉ-C, où elle offre au thérapeute un plan du champ des relations amoureuses adultes. Ce plan indique clairement la nature des relations amoureuses, les aspects problématiques de ces relations et les mesures à prendre pour réparer et raffermir les liens entre les partenaires. La TCÉ est la seule méthode de thérapie de couple et de thérapie familiale qui repose sur une théorie développementale claire des liens relationnels, en plus d’être étayée par plusieurs milliers d’études sur la nature de l’attachement, axées sur les liens entre le nourrisson et sa mère, de même que par des centaines d’études plus récentes sur l’attachement romantique chez l’adulte.

    Le présent ouvrage a pour visée d’enseigner aux cliniciens à mettre en œuvre la TCÉ-C le plus systématiquement possible, compte tenu du caractère unique de chaque couple et de chaque relation, ainsi que des méandres du processus thérapeutique.

    On peut résumer comme suit les forces de la TCÉ-C :

    Ses hypothèses, stratégies et interventions sont explicitées et délimitées clairement. C’est un processus court (qui se réalise généralement en huit à vingt séances) et reproductible, qui a servi à former avec succès d’innombrables praticiens en thérapie de couple. Plusieurs approches en thérapie conjugale et familiale sont des modèles « à gourou », dont les résultats « magiques » obtenus par leur principal promoteur sont rarement reproductibles par la majorité des thérapeutes. L’approche de la TCÉ-C correspond à la définition d’un modèle scientifique : elle offre la description pertinente et ciblée de deux phénomènes, la détresse relationnelle et le rapprochement sain, une prédiction quant à l’effet réciproque déterminant des variables essentielles qui permet de façonner activement ces variables, et une explication, un cadre cohérent qui décrit le déroulement logique des phénomènes décrits. En même temps, il s’agit d’un modèle concret et pratique qui offre une réponse efficace en séance face au conflit, à la distance, aux blocages et aux blessures entre partenaires.

    L’efficacité de la TCÉ-C est étayée empiriquement dans des populations générales et particulières, notamment chez les parents d’enfants atteints d’une maladie chronique (Walker et al., 1996), et elle est associée à de robustes effets du traitement (Johnson et al., 1999). Elle a également donné lieu à des recherches sur le processus de changement et sur la nature des événements de changement critiques et des variables relatives aux clients qui sont associés au succès du traitement. Ces résultats permettent aux thérapeutes d’adapter le traitement à chaque client et de continuer à se concentrer sur les objectifs du traitement, le principal étant la création graduelle de l’engagement émotionnel, de la sensibilité et de l’accessibilité qui caractérisent des liens sécurisants aptes à nourrir les partenaires pour toute la vie.

    Le processus de cheminement du couple en thérapie est clairement décrit en trois stades et neuf étapes ; s’y ajoute une suite d’interventions répétée, le Tango TCÉ, qui est pertinente à tous les stades et à toutes les étapes.

    Pour ce qui est des interventions, l’approche de la TCÉ-C repose sur une base théorique claire : une théorie du changement, qui découle d’une synthèse de la thérapie humaniste expérientielle et de la théorie des systèmes. Cette synthèse intègre l’optique du système personnel et relationnel à un ensemble clair d’interventions qui donnent la priorité aux réalités affectives des clients. Les interventions expérientielles reposent sur une base de recherche déjà substantielle et toujours en expansion (Elliot, 2002).

    Toutes ces forces ont trait aux interventions, dont la mise en œuvre se fait cependant dans le cadre de la théorie et de la science de l’attachement ; la plus grande force de la TCÉ-C est justement son ancrage dans la vision de l’être humain en tant que mammifère social, dont la survie et le succès dépendent de ses relations intimes avec des proches fiables (Brassard et Johnson, 2016 ; Johnson, Lafontaine et Dalgleish, 2015). La longue période d’extrême vulnérabilité que constituent la petite enfance et l’enfance façonne notre système nerveux pour la recherche d’un havre sécuritaire chez autrui, et ce besoin d’autrui perdure du berceau au tombeau. Ainsi, on peut voir dans l’amour romantique un processus d’attachement (Mikulincer et Shaver, 2007), et le thérapeute de couple dispose, entre autres ressources, des vastes recherches en psychologie développementale et sociale menées depuis le début du siècle afin de clarifier les peurs et les désirs de l’être humain et de comprendre les variables essentielles telles que l’impact de certains comportements relationnels, qu’ils soient négatifs (la critique, le retrait) ou positifs (les confidences, la sensibilité empathique). Le domaine de la thérapie conjugale et familiale a clairement souffert de l’absence de compréhension théorique et scientifique des relations intimes. Il est difficile de cibler véritablement ses interventions, voire de savoir quels changements sont nécessaires et suffisants, sans disposer d’un tel canevas théorique. Nous reviendrons plus particulièrement sur l’attachement dans un autre chapitre.

    La TCÉ-C s’applique en outre à plusieurs types de clientèles. On s’en sert pour traiter une large gamme de couples et de partenaires : des partenaires issus de cultures et de classes sociales différentes (Denton et al., 2000 ; Parra-Cardona et al., 2009), des couples de même sexe (Allen et Johnson, 2016 ; Hardtke, Armstrong et Johnson, 2010 ; Josephson, 2003), des couples aux prises avec des problèmes sexuels (Johnson, 2017 ; Wiebe et al., 2019), des couples âgés (Bradley et Palmer, 2003) et des couples souffrant d’une maladie chronique (Kowal, Johnson et Lee, 2003), de dépression, d’état de stress post-traumatique ou d’autres troubles anxieux (Johnson, 2002 ; Priest, 2013). On a relevé que la TCÉ-C atténue aussi la dépression chez les partenaires (Denton, Wittenborn et Golden, 2012 ; Dessaulles, Johnson et Denton, 2003) et qu’elle réduit efficacement l’insécurité de l’attachement chez les patients anxieux ou évitants (Burgess Moser et al., 2016).

    La TCÉ en tant que modèle ne se confine pas à la thérapie de couple. Comme nous l’avons vu, il existe maintenant un programme d’éducation et d’enrichissement sur les relations en groupe (Hold Me Tight

    MD

     : Conversations for Connection), qui a aussi fait l’objet d’adaptations pour les couples chrétiens pratiquants (Created for Connection – Johnson et Sanderfer, 2016), ainsi que pour les patients en cardiologie et leur partenaire (Healing Hearts Together – Tulloch et al., 2017). Le programme original et ces deux adaptations sont disponibles dans le site Web de l’International Centre for Excellence in Emotionally Focused Therapy (ICEEFT). Ce programme est maintenant offert en ligne (<https://holdmetightonline.com>). La TCÉ se décline aussi en versions adaptées aux individus (la thérapie individuelle centrée sur l’émotion ou TCÉ-I) et aux familles (la TCÉ-F), décrites dans Attachment Theory in Practice (Johnson, 2019a). Les aptitudes à travailler sur les émotions et à s’en servir pour façonner un changement ainsi qu’à créer des rencontres transformatrices avec une personne clé – que ce soit lors d’interactions réelles ou dans le cadre d’un dialogue avec les représentations mentales de ces personnes – sont généralisables dans l’ensemble des contextes et des modalités.

    En accord avec le cadre de l’attachement sur lequel repose la TCÉ, les praticiens de ce modèle ont volontairement mis sur pied des communautés d’apprentissage en TCÉ-C dans de grandes villes d’Amérique du Nord et du monde (voir la liste sous <https://iceeft.com/eft-centres-and-communities>). On compte actuellement 65 communautés qui offrent aux professionnels un soutien, une supervision et une formation continue, un stage de base de quatre jours sur la TCÉ-C ainsi qu’un appui à l’amélioration des compétences des thérapeutes et à la poursuite de leur formation menant à l’agrément officiel décerné par l’ICEEFT et au titre de superviseur diplômé dans ce modèle. Le stage est offert dans le monde entier par les formateurs diplômés de l’ICEEFT – les sites les plus récents se trouvent à Dubaï, en Hongrie, en Afrique du Sud et en Iran. La majeure partie des participants attribuent au stage une cote très élevée en tant qu’expérience d’apprentissage et choisissent de suivre une formation supplémentaire. La voie de l’agrément est clairement exposée dans le site Web de l’ICEEFT, où l’on trouvera également une myriade de ressources de formation, notamment des DVD de séances en direct (pour un résumé de la formation en TCÉ-C, voir Johnson, 2019c).

    L’approche de la TCÉ-C

    Qu’est-ce que la TCÉ-C ?

    La TCÉ-C est intégrative ; ses observations sont intrapsychiques et interpersonnelles. Elle intègre une optique intrapsychique sur la façon dont l’individu assimile son expérience, et plus particulièrement sur les principales réponses émotionnelles axées sur l’attachement, ainsi qu’une optique interpersonnelle sur la façon dont les partenaires organisent leurs interactions en dynamiques et en cycles. Elle examine en quoi la dynamique systémique, l’expérience intérieure et les modèles mentaux de soi et de l’autre s’évoquent et se créent mutuellement.

    Le processus expérientiel et le processus interactionnel sont des pierres de touche pour le thérapeute qui tente d’éloigner le couple en détresse des réponses internes et externes négatives et rigides, et de le guider vers la souplesse et la sensibilité qui sont les bases d’un lien sécurisant entre intimes. On suppose que les positions interactionnelles adoptées par les partenaires sont entretenues à la fois par l’expérience émotionnelle individuelle des partenaires – ainsi que par le mode de régulation de cette expérience – et par le mode d’organisation des interactions, c’est-à-dire les réalités intrapsychiques et les mouvements habituels du couple dans sa danse interactionnelle. Ces réalités et ces mouvements sont réciproquement déterminants et se recréent constamment les uns les autres. Il faut tous les retraiter et les réorganiser pour que le couple puisse nouer un lien affectif positif. La création de ce lien sécurisant est l’objectif ultime de la TCÉ-C.

    La TCÉ-C développe l’expérience et les interactions. Le premier objectif de la thérapie consiste à accéder aux réponses émotionnelles sous-jacentes à la position interactionnelle souvent étroite et rigide de chacun des partenaires afin de les retraiter, ce qui facilite un glissement de ces positions vers l’accessibilité et la sensibilité, qui sont les composantes de base d’un lien sécurisant. Le second objectif de la thérapie est de créer de nouveaux événements interactionnels qui redéfinissent la relation comme une source de sécurité et de réconfort pour chacun des partenaires. Le retraitement de l’expérience intérieure sert à développer le contexte interpersonnel (comme lorsqu’un partenaire découvre que sa femme est plutôt désespérée que malveillante). Inversement, la structuration de nouveaux événements interactionnels développe et redéfinit l’expérience intérieure (« intrapsychique ») de chacun des partenaires (comme lorsqu’un conjoint exprime le besoin qu’il a de sa femme, et que celle-ci fait ensuite l’expérience de sa propre peur de répondre plutôt que de continuer à ne voir

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