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Éthique budgétaire publique
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Livre électronique339 pages3 heures

Éthique budgétaire publique

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À propos de ce livre électronique

La budgétisation publique n’est pas un univers clos accessible aux seuls initiés qui, ce faisant, ont toute latitude pour agir à leur gré. Au contraire, il s’agit d’un monde fortement encadré, traversé par des courants normatifs majeurs qui encadrent l’activité des gouvernements: la constitution, les lois, les règlements, les ordonnances et les directives. C’est aussi un monde marqué par de fortes valeurs tenant à la fois de la démocratie, de l’économie, de l’administration et du budget. En tension les unes par rapport aux autres, ces valeurs ne s’actualisent pas toutes en même temps et souvent, il faut choisir lesquelles prioriser.

La difficulté de la gestion publique et de la gestion budgétaire consiste justement à essayer de concilier des objectifs contradictoires dans un contexte d’incertitude. Quelle priorité choisir? Quels moyens retenir? Comment choisir entre deux solutions à un problème alors que ni l’une ni l’autre ne semble optimale? C’est le genre de dilemme auquel sont souvent confrontés les élus et les administrateurs publics.

Ce livre explore l’univers des valeurs à partir desquelles les décisions budgétaires se prennent. Il s’adresse donc à tous ceux qui veulent mieux comprendre les courants qui traversent cet univers.

Pierre Cliche, Ph. D., a travaillé pendant 35 ans dans la fonction publique du Québec, dont plus de 25 ans à titre de gestionnaire supérieur, que ce soit au ministère du Conseil exécutif à titre de secrétaire adjoint ou au secrétariat du Conseil du trésor comme secrétaire associé aux politiques et programmes budgétaires. Il a été au cœur des dispositifs de coordination administrative et budgétaire de l’État. À l’École nationale d’administration publique (ENAP) depuis 2007, il a occupé les fonctions de professeur invité et de directeur de l’Observatoire de l’administration publique. Il mène des activités de conseil et d’enseignement en gestion budgétaire dans le cadre des diverses activités offertes par l’ENAP. Aux Presses de l’Université du Québec, il a publié Gestion budgétaire et dépenses publiques (2009), Budget public et performance (2015) et Le budget du Québec : fondements, contraintes et défis (2017). On lui doit également une douzaine d’articles et chapitres de livre.
LangueFrançais
Date de sortie7 oct. 2020
ISBN9782760553576
Éthique budgétaire publique
Auteur

Pierre Cliche

Pierre Cliche, Ph. D., a travaillé pendant 35 ans dans la fonction publique du Québec, dont plus de 25 ans à titre de gestionnaire supérieur, que ce soit au ministère du Conseil exécutif à titre de secrétaire adjoint ou au secrétariat du Conseil du trésor comme secrétaire associé aux politiques et programmes budgétaires. Il a été au cœur des dispositifs de coordination administrative et budgétaire de l’État. À l’École nationale d’administration publique (ENAP) depuis 2007, il a occupé les fonctions de professeur invité et de directeur de l’Observatoire de l’administration publique. Il mène des activités de conseil et d’enseignement en gestion budgétaire dans le cadre des diverses activités offertes par l’ENAP. Aux Presses de l’Université du Québec, il a publié Gestion budgétaire et dépenses publiques (2009), Budget public et performance (2015) et Le budget du Québec : fondements, contraintes et défis (2017). On lui doit également une douzaine d’articles et chapitres de livre.

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    Aperçu du livre

    Éthique budgétaire publique - Pierre Cliche

    Introduction générale

    L’administration publique est de plus en plus confrontée à des attentes et des demandes des citoyens qui rendent sa gestion plus complexe. On a besoin de savoir ce qui se trame derrière les portes des bureaux administratifs. Si, dans le passé, en dehors des périodes électorales, la population s’intéressait peu aux agissements gouvernementaux, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Les moyens de communication modernes ont rendu l’information disponible jusque dans les coins les plus reculés du territoire. À cela s’ajoutent l’accroissement du fardeau fiscal que les citoyens doivent aujourd’hui supporter et, du coup, le besoin de savoir à quoi est employé le produit des taxes et impôts perçus.

    On demande aux gouvernements d’être plus transparents, d’expliquer ce qu’ils font. Pourquoi telle intervention? Quels objectifs sont poursuivis? Quels résultats sont attendus? Plus encore, on s’attend à ce qu’ils vérifient avant d’agir si la population soutient ce qu’ils veulent faire. Des démarches de consultation publique de plus en plus systématiques sont entreprises afin de valider l’acceptabilité sociale des projets gouvernementaux.

    Le besoin d’une gestion publique plus transparente est affirmé avec force et un gouvernement qui aujourd’hui n’en tiendrait pas compte pourrait voir ses chances de réélection fortement compromises. Mais la transparence n’est pas la seule exigence à laquelle les autorités de l’État sont confrontées. On supporte de plus en plus mal la corruption, les conflits d’intérêts, le manque d’intégrité ou l’incompétence. Chaque nouveau cas soulève la colère et le mécontentement de la population.

    Devant la montée des exigences, les gouvernements ont réagi en resserrant l’encadrement normatif qui les contraint à respecter davantage les souhaits légitimes des citoyens et leurs droits. Les lois et les règlements ont été progressivement ajustés de sorte que la gestion publique corresponde mieux aux attentes. Si, par ailleurs, l’univers budgétaire a longtemps été considéré comme un monde un peu à part, tel n’est plus le cas. Il est perçu comme le révélateur de ce qui se passe vraiment au sein de l’administration, de sorte que les exigences à son endroit sont les mêmes que pour les autres dimensions du gouvernement. La transparence y est de mise et les autres courants qui traversent l’appareil étatique l’affectent également.

    Gérer dans une maison de verre comporte des obligations et, à une époque où tout manquement ou accroc à la morale collective est répercuté immédiatement sur la place publique, la tâche devient de plus en plus complexe. Mais les gouvernements n’ont pas le choix: ils doivent maintenir une attitude et un comportement respectueux des citoyens, de leurs droits et de leurs attentes. C’est cette perspective qui a guidé la démarche de ce livre. Établir clairement les droits et les valeurs associés à la gestion publique et voir de quelle manière ils peuvent être et sont transposés dans la gestion budgétaire.

    Nous commencerons par délimiter les différents niveaux encadrant la prise de décision publique en examinant le rôle joué par la morale, les mœurs, le droit, la déontologie et l’éthique. Les valeurs inspirent chacun de ces niveaux et ont trouvé une certaine systématisation dans l’administration gouvernementale, leur emploi faisant ressortir la similarité des situations auxquelles l’État est confronté.

    Dans la première partie, nous allons explorer les rapports entre les divers groupes de valeurs: les valeurs démocratiques, les valeurs économiques, administratives et budgétaires. Chaque groupe de valeurs porte une signification particulière et réfère à des situations de gestion différentes. Leurs implications sont fortes tant par la portée de ce qu’elles représentent que par la précision des droits et des principes en jeu. Mais peut-on identifier leur rôle respectif dans la gestion budgétaire? Sous ce rapport, toutes n’ont évidemment pas la même importance, mais toutes peuvent influencer la prise de décision. Nous verrons que les valeurs démocratiques et les valeurs économiques sont en tension continuelle et que cette tension influe sur les valeurs de l’administration, obligée de respecter l’une et l’autre. Le lien entre les valeurs administratives et les valeurs associées à une budgétisation responsable est plus direct, celles-ci étant fortement influencées par celles-là. Il n’empêche, cependant, que sur le plan du budget, la prise en compte des valeurs économiques ne peut être ignorée.

    La deuxième partie s’attache à l’étude du cas québécois en examinant comment ces valeurs trouvent leur place dans notre contexte. Nous présenterons d’abord le processus budgétaire du Québec, en en situant les principales étapes ainsi que le rôle des acteurs impliqués. Très formalisé, ce processus laisse peu de place à l’improvisation. Ensuite, nous nous attarderons à préciser la vocation des organismes centraux (Conseil exécutif, Finances et Trésor) et des ministères dans la gestion budgétaire de même que les valeurs particulières qu’ils doivent respecter. Comme on ne peut éliminer l’incertitude liée à la prise de décision à ce niveau, les acteurs doivent composer avec la difficulté d’estimer correctement les retombées de leurs actions et ce que cela implique en termes de tension et d’insatisfaction. Nous verrons enfin que les organismes de surveillance de l’administration, désignés par le pouvoir législatif, jouent un rôle de premier plan, remettent celle-ci en face de ses responsabilités et renvoient aux valeurs fondamentales qu’elle doit respecter.

    Dans le dernier chapitre, nous reviendrons sur les niveaux d’encadrement multiples de la gestion budgétaire et nous verrons que, malgré ceux-ci, des décisions difficiles doivent être prises dont on ne peut s’acquitter convenablement sans références aux valeurs fondamentales et sans prioriser certaines d’entre elles.

    CHAPITRE 1 /

    Valeurs, normes et comportement

    1.1 /Le comportement humain

    Le comportement humain, sans être dicté uniquement par la nécessité, n’en est pas non plus complètement affranchi. Peut-on en effet penser que les individus ne cherchent pas d’abord à se procurer ce qui est essentiel à leur survie, à satisfaire des besoins primaires comme avoir un toit, manger ou se vêtir? S’ils sont communs à tous et s’ils peuvent expliquer une partie des agissements humains et de la structuration de leur temps, ces besoins ne constituent pas une base suffisante pour comprendre les rapports que les gens entretiennent entre eux. Si tel était le cas, la multitude et la proximité pourraient mener à l’anarchie, au chaos; pourtant la réalité est que non seulement l’être humain s’accommode de la présence des autres, mais il la recherche. Sa survie en est facilitée. Il le fait au prix d’ajustements qui rendent son comportement prévisible pour les autres, qui s’inscrivent dans une régularité acceptable, sans débordements excessifs ni postures menaçantes.

    En réalité, une société où chacun ferait ce que bon lui semble sans tenir compte d’autrui, sans chercher à adopter un comportement compatible avec celui des autres, ne pourrait survivre. La survie d’un groupe humain est un projet collectif. Des individus rassemblés comprennent rapidement l’intérêt de mieux articuler leur action à celle des autres, d’utiliser idéalement les talents de chacun et d’être complémentaires. Pour y arriver, cependant, ils doivent laisser aller un peu de leur liberté et accepter d’obéir à certaines règles que le groupe juge importantes. Ce qui doit être fait pour que le groupe développe et maintienne une cohésion devient le cadre normatif auquel les individus se soumettent parce qu’ils en comprennent l’intérêt.

    Une fois la pratique sociale établie, on passe à une autre étape, celle de la contrainte. Ceux qui se conforment aux règles vont chercher à réprimer les comportements déviants par la pression du groupe ou par la contrainte directe. La pérennité des sociétés humaines exige que tous répondent à certaines normes, à une façon convenue de faire les choses. Ces conventions sociales prennent diverses formes, mais elles sont toujours le reflet des valeurs dominantes d’un groupe donné.

    1.2 /Le besoin de normes

    Ce que les hommes ont en partage, c’est une certaine idée des rapports sociaux, de ce qui importe et de ce qui est accessoire. Leurs croyances, leurs usages ou leurs besoins vont structurer une dynamique d’échanges ordonnés où chacun sait ce qui est attendu de lui, ce qu’il peut faire ou ne pas faire et ce qu’il adviendra s’il transgresse les règles établies. Ces règles, implicites ou explicites, sont connues et largement respectées. Elles forment le ciment de la vie collective.

    Diverses sources alimentent l’émergence des normes sociales (figure 1.1). D’abord, une certaine idée de ce qui est bon et de ce qui est juste forme l’amorce de cet encadrement des pratiques. Ensuite, les usages viennent préciser quelles évolutions surviendront au fil du temps, dans les mentalités et les circonstances, qui entraîneront certaines modifications des attitudes et comportements. Ces différents éléments inspireront les gouvernants et finiront par transparaître, à des degrés variables, dans les lois et règlements qu’ils adopteront, officialisant ainsi les règles de la conduite sociale. Des groupes iront plus loin et se doteront de règles plus précises encore, encadrant la conduite particulière de leurs membres, par l’application de codes de déontologie. Dans ce passage de règles générales à des règles particulières, toutes les situations ne peuvent pas être prévues et il restera toujours des zones à explorer, laissant à l’appréciation des personnes concernées le soin d’établir la conduite à prendre.

    Si dans une certaine mesure morale et éthique étaient synonymes au départ, il faut reconnaître qu’un courant de pensée tend aujourd’hui à singulariser l’éthique en la situant à la confluence des tensions qui s’exercent sur l’individu lorsque, confronté à une situation nouvelle, il doit prendre une décision qui l’amène à privilégier certaines valeurs par rapport à d’autres. C’est tout le domaine des dilemmes éthiques et du processus de délibération éthique.

    FIGURE 1.1 / L’encadrement progressif des normes de conduite

    Les différentes sources des normes sociales et leur effet sur la conduite des individus seront abordés dans les paragraphes qui suivent.

    1.2.1 /La morale

    Lorsque nous agissons, nous avons fait un choix. Et le premier élément que nous avons considéré est de l’ordre de la vertu. Est-ce bien ou est-ce mal de faire telle chose? Suivant l’importance que nous attribuons à chercher à inscrire notre conduite dans le droit fil de ce qui, pour nous, est bien, nous poserons certains gestes et nous abstiendrons d’en poser d’autres. Évidemment, tous n’ont pas la même perception de ce qui est bon et de ce qui est mauvais. La conscience morale ou faculté de porter un jugement de valeur sur nos actes varie selon les individus, certains ayant la conscience plus large ou élastique. Chacun a à déterminer ce qui lui convient pour être en paix avec lui-même ou pour maintenir sa propre estime.

    Si la morale est avant tout une affaire personnelle, il ne s’en suit pas que ses fondements sont fort différents d’un individu à l’autre. En effet, les croyants, sans égard à leur confession religieuse, adhèrent à certains principes de vie qui facilitent la distinction entre le bien et le mal. La morale religieuse définit pour eux un ensemble de règles ou de positions susceptibles de les faire avancer vers un objectif religieux conforme à leur foi. Elle énonce ainsi divers préceptes d’actions, qui peuvent être relatifs aux rapports avec autrui, à l’emploi du temps, au régime alimentaire: par exemple, manger du poisson le vendredi, jeûner pendant le ramadan, ne pas se faire avorter, respecter le repos dominical, avoir une attitude de non-violence, etc.

    Si la morale possède un caractère plus personnel qu’on appelle la conscience, la religion, quant à elle, possède un caractère qui penche du côté public qui est d’éclairer la conscience des croyants par rapport aux enseignements propres à leur religion. Et c’est par cet enseignement que certains comportements sont favorisés et d’autres prohibés. Les valeurs et principes de chaque religion vont se transposer dans l’univers social suivant l’importance qu’ils ont dans une communauté donnée. Ainsi, le christianisme propose un ensemble de valeurs (la charité, le pardon) et de principes («Aime ton prochain comme toi-même») devant guider l’agir humain. C’est ce qu’on appelle «la morale chrétienne».

    Mais, à l’exception du cas des sociétés théocratiques, la transposition ne se fera pas directement ni complètement. D’ordinaire, la morale religieuse inspirera les règles de la vie publique, tandis que la recherche de la vertu continuera d’être une affaire personnelle, difficilement imposable à tous.

    1.2.2 /Les mœurs

    Les habitudes de vie, les us et coutumes, permettent de voir jusqu’où une communauté est allée dans cette transposition, étant entendu que d’autres éléments que la morale et la religion entrent en ligne de compte. En effet, certains vecteurs ont influencé l’évolution des mœurs, que l’on songe à l’hygiène publique, à l’éducation, à l’industrialisation ou à l’urbanisation par exemple. Les développements dans ces secteurs n’ont pas manqué de produire des effets dans l’ordre des rapports humains. Il en est de même pour la croissance démographique, car les règles de conduite dans une communauté de quelques centaines, voire quelques milliers de personnes, ne sont pas les mêmes que dans des mégalopoles où vivent des millions de personnes. Lorsque tous se connaissent, la pression du groupe peut être inexorable; à l’inverse, lorsqu’on ne sait pas qui sont ses voisins, on se sent moins contraint de faire comme eux.

    Cela ne veut pas dire que la vie sociale est dépouillée de toute référence à la moralité. Certains comportements sont proscrits et d’autres acceptés. Les mœurs sont cataloguées et les bonnes mœurs, celles qui sont acceptables, deviennent une référence utile. Même si elles sont difficiles à définir, les bonnes mœurs apparaissent comme une condition d’appartenance à une collectivité et celle-ci, dès lors qu’elle en a les moyens, va s’efforcer de contrôler la moralité de ses membres. À la différence de la morale qui renvoie à des valeurs stables, transcendantes, souvent marquées par leur origine religieuse, la moralité publique fait référence à la sensibilité d’une collectivité particulière, laquelle est essentiellement contingente et évolutive.

    Les mœurs sont variables dans le temps et dans l’espace, et les bonnes mœurs le sont tout autant. Ce qui fait scandale à un moment donné peut ne plus scandaliser dans d’autres circonstances et d’autres lieux. Le caractère inacceptable ou répréhensible d’une conduite dépend de la perception de la majorité et non de l’attitude ou du comportement lui-même.

    1.2.3 /Le droit

    Le droit désigne l’ensemble des règles applicables dans une société donnée et sanctionnées par l’autorité publique. Il vise à harmoniser les rapports humains dans une société, concilier les intérêts des uns et des autres, prévenir et régler les conflits dans le cadre de certaines valeurs fondamentales propres à une société ou à une culture (Durand 2012, p. 3).

    À la différence de la morale et des mœurs, la règle juridique est coercitive et bénéficie de tout le pouvoir de contrainte de l’État, lequel comprend le monopole de la contrainte physique. Toute transgression est punie conformément aux dispositions de la loi. La légitimité du pouvoir constituant et son respect des droits des citoyens forment l’assise morale de la règle de droit.

    Si le droit se préoccupe de l’observance extérieure de la loi sans égard à l’intention ou aux motifs du citoyen, cela ne signifie pas qu’il soit insensible aux valeurs morales. Suivant les circonstances et l’appréciation qui en est faite, on choisira diverses façons d’intervenir: prohiber, réglementer, permettre, favoriser. Cependant, le droit doit réserver ses interdictions aux problèmes majeurs, seuls les actes qui peuvent nuire de façon notable et directe au bien commun et à l’ordre public méritant d’être interdits. Par ailleurs, le droit évolue lentement et ne cherche pas à anticiper les consensus sociaux de sorte qu’il est toujours un peu en retard sur l’évolution des mentalités. Étant donné son incidence, il est légitime qu’il cherche à distinguer les changements permanents des modes temporaires, ce qui relève de consensus véritables par rapport à ce qui découle de l’activisme de groupes limités.

    Certes, on peut reconnaître que la règle de droit procède de la règle morale dominante, mais elle ne la précède pas et s’en écarte parfois de manière importante. Que l’on pense à l’esclavage ou à l’apartheid par exemple. En fait, elle doit concilier les exigences morales aux contraintes de la réalité et, dès lors, une distance se crée entre les deux. Le légal n’est pas forcément le juste. Des limites existent donc à ce que l’on peut attendre du droit en matière de transposition des valeurs dans la vie sociale. La force de coercition juridique et son application universelle doivent également conduire à ne pas utiliser le droit de manière trop libérale. Malgré sa force ou à cause d’elle, le droit constitue un instrument très imparfait de normalisation des conduites humaines.

    1.2.4 /La déontologie

    La déontologie se distingue de la morale en ce qu’elle met l’accent sur les devoirs et obligations plutôt que sur les valeurs. Elle se distingue également du droit par son champ d’application limité et la responsabilisation des individus concernés. L’approche déontologique consiste à définir un ensemble de règles qui vont gouverner les rapports des individus rattachés à certains ordres professionnels ou administrations (publiques ou privées) avec les autres. Souvent regroupées et présentées dans des codes, ces obligations ont généralement pour but de protéger le public et de préserver la réputation des travailleurs et du groupe dont ils font partie. Ce faisant, si la déontologie donne un cadre normatif au travail des membres d’un groupe donné, il appartient néanmoins à chaque travailleur ou professionnel de veiller à inscrire son action dans la conformité avec ces règles.

    La déontologie est donc exercée individuellement même si elle permet de donner un sens collectif aux personnes exerçant la même profession, les mêmes fonctions. D’un point de vue éthique, le travailleur est responsable de sa déontologie. Il appartient donc à chacun, dans les circonstances diverses créées par ses activités, d’apprécier comment respecter au mieux les règles de conduite générales définies. C’est cette responsabilisation

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