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Analyse d’impact réglementaire (AIR): Balises méthodologiques pour mieux évaluer les réglementations
Analyse d’impact réglementaire (AIR): Balises méthodologiques pour mieux évaluer les réglementations
Analyse d’impact réglementaire (AIR): Balises méthodologiques pour mieux évaluer les réglementations
Livre électronique587 pages5 heures

Analyse d’impact réglementaire (AIR): Balises méthodologiques pour mieux évaluer les réglementations

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À propos de ce livre électronique

En tant qu’instrument d’intervention dont disposent les gouvernements pour résoudre un problème public, la réglementation doit favoriser le bien-être social, tout en évitant les effets néfastes sur l’économie et les entreprises. Son efficacité est évidemment tributaire de la qualité des analyses et des évaluations qui ont été menées au préalable. Conséquemment, la mise en place d’éléments d’aide à la prise de décision est nécessaire pour appuyer les gouvernements dans la formulation d’une réglementation efficiente.

L’analyse d’impact réglementaire (AIR) est une méthode d’évaluation pour examiner les effets anticipés d’une action publique et communiquer ces informations aux responsables politiques.

Cet ouvrage traite des enjeux de l’AIR ainsi que des repères méthodo­logiques et des étapes à suivre pour la réaliser. Il aborde les notions relatives à la documentation et à la formulation de problématiques publiques et expose les méthodes efficaces en matière de collecte et de traitement des données. Il présente les techniques reconnues pour mesurer le rendement d’une intervention publique, puis les meilleures pratiques visant à éclairer la prise de décision et à communiquer les résultats d’une AIR. Enfin, il comporte des études de cas propres à la France et au Québec pour contextualiser ce type d’analyse à l’aide d’exemples pratiques.

Proposant un parcours balisé pour la réalisation de meilleures AIR, il servira de guide aux étudiants, aux analystes, aux gestionnaires, aux parties prenantes du secteur privé et, pourquoi pas, aux parlementaires concernés et intéressés par les concepts et les méthodes de l’AIR.
LangueFrançais
Date de sortie6 mai 2015
ISBN9782760542617
Analyse d’impact réglementaire (AIR): Balises méthodologiques pour mieux évaluer les réglementations

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    Aperçu du livre

    Analyse d’impact réglementaire (AIR) - Moktar Lamari

    réglementaire

    Pour une démarche balisée par des étapes analytiques successives et des repères méthodologiques complémentaires

    Lisette Moreau et Moktar Lamari

    Comme la plupart des gouvernements des pays de l’OCDE, le gouvernement québécois est conscient de l’importance des répercussions socioéconomiques que peuvent générer les réglementations, notamment sur les entreprises. Depuis plus d’une décennie, le gouvernement du Québec a pris des dispositions claires pour exiger que toute nouvelle réglementation fasse l’objet d’une évaluation d’impact avant son adoption (analyse ex ante ). Ce type d’analyse est conçu de façon à réduire les conséquences socioéconomiques néfastes de ces règlements, notamment auprès des entreprises.

    Nécessaire et indispensable au bon fonctionnement de l’économie et de la société, la réglementation commande toutefois un dosage approprié entre le « pas assez » et le « trop ». L’important est de savoir quand réglementer et s’il existe d’autres façons plus efficaces ou plus efficientes de parvenir à ses fins (Tellier-Cohen, 2009, p. 2).

    Cela dit, les analyses d’impact réglementaire ne sont pas toujours faciles à réaliser. Elles doivent se conformer à une démarche rigoureuse et à une procédure capable de faire consensus quant à leur faisabilité pratique et à leur fiabilité, pour faciliter une prise de décision favorable à la réglementation, et non aux autres options à la disposition du gouvernement (statu quo, incitation, encadrement, etc.).

    Le présent chapitre se propose de mieux cerner la nature de ce qu’est l’analyse d’impact réglementaire, à quoi et à qui elle sert et quelles sont les principales étapes à franchir pour en assurer la qualité et la rigueur.

    1.1 L’analyse d’impact réglementaire (AIR)

    L’analyse d’impact réglementaire (AIR) constitue avant tout un outil d’aide à la prise de décision. En premier lieu, il faut bien sûr déterminer s’il est nécessaire de réaliser une AIR. Est-ce que le projet de loi ou de règlement risque d’avoir des conséquences sur les usagers ? Quelle est l’envergure économique, politique, juridique, réglementaire du projet ? De quels délais peut-on disposer pour réaliser l’analyse d’impact, en tenant compte notamment de l’agenda parlementaire et gouvernemental ?

    Pour être utile, l’analyse d’impact doit se réaliser assez tôt dans le processus d’élaboration d’une loi ou d’un règlement afin de permettre aux ministères et aux organismes de revoir leur projet en fonction des résultats obtenus.

    Au sein d’un gouvernement, l’AIR permettra de synthétiser l’information sur la réglementation, d’améliorer la compréhension des retombées d’une réglementation et de mieux les expliquer aux parties prenantes et aux groupes d’intérêts. À l’externe, l’AIR permettra de générer des questions et des commentaires sur les règlements proposés et de comprendre les lois et les règlements proposés par le gouvernement, de même que les obligations qui en découlent (Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, 2010).

    L’AIR devrait conduire à une meilleure compréhension de la situation problématique qui requiert l’intervention du gouvernement. L’AIR devrait aussi permettre d’examiner la pertinence d’un changement législatif ou réglementaire, de passer en revue toutes les autres possibilités d’action et de proposer des critères de choix de l’action publique la plus appropriée.

    L’AIR précisera les résultats attendus en prenant la perspective des citoyens et des usagers, dont les entreprises. Les résultats attendus doivent être définis de manière « intelligente » (SMART : Specific, Measurable, Achievable, Realistic, Time-bound) (Rigaud, 2014).

    Bien que l’AIR doive se réaliser dans un laps de temps relativement court, sa planification doit respecter les phases préliminaires de tout projet de recherche, d’évaluation ou d’élaboration d’une politique. Les autorités désignent d’abord un ou une responsable en lui précisant les échéances à respecter. Une rencontre de démarrage de l’AIR permettra au responsable de présenter à ses collaborateurs (internes ou externes) le contexte, le problème que vise à résoudre la loi ou le règlement, les orientations générales du projet, les objectifs poursuivis, le public visé, etc. Cette rencontre constitue un moment privilégié pour s’entendre sur le mode de fonctionnement et sur le délai de réalisation de l’AIR.

    Préalablement à cette rencontre, le responsable aura amorcé une recherche d’information sur le sujet. Cette information peut provenir de différentes sources : instituts de la statistique, universités, associations d’affaires, etc. Cette première recherche d’information servira de base à la collecte de données subséquente, qui constitue une étape importante de l’AIR. Enfin, tout au long des travaux, le responsable s’assurera de réunir les principaux acteurs pour rendre compte de l’avancement du projet.

    Rappelons que le principal objectif de l’AIR est d’assister le preneur de décision dans le choix du meilleur moyen d’intervention pour résoudre un problème. « Par conséquent, la qualité de travail investie, la portée et le calendrier de l’AIR doivent prendre en compte quelles informations sont nécessaires au preneur de décision et quand elles sont nécessaires » (Horizons de politiques Canada, 2012, p. 1).

    Selon Bardach (2009, p. xvi), il y a huit étapes à suivre pour réaliser une AIR. Ces étapes ne se déroulent pas nécessairement en ordre chronologique et il y a des itérations nécessaires entre chacune d’elles. Pour mener à bien une AIR, il faut :

    définir le problème à résoudre ;

    rassembler les données et les évidences sur le problème et ses enjeux ;

    examiner les différentes possibilités d’action publique ;

    choisir les critères de mesure d’impact ;

    mesurer les effets ;

    évaluer les coûts et les avantages ;

    prendre une décision ;

    communiquer les résultats de l’analyse.

    Dans les sections qui suivent, nous examinerons chacune de ces étapes et décrirons les écueils à éviter pour assurer la rigueur de l’analyse.

    1.2 La définition du problème

    La définition du problème constitue la première étape de l’analyse d’impact réglementaire. Afin de trouver la meilleure façon de résoudre un problème, il faut d’abord bien cerner ce problème. C’est une étape cruciale. Une mauvaise compréhension du problème conduirait à proposer des solutions inadéquates, tout en engendrant des coûts inutiles. Très souvent, les erreurs dans la compréhension du problème à résoudre par l’action publique engendrent des erreurs dans la conception, le calibrage et la mise en œuvre des instruments préconisés pour endiguer ce problème. Comme le laisse entendre l’adage populaire, « un problème bien compris est un problème à moitié résolu ».

    Il faut s’assurer que le problème que l’on cherche à résoudre, par une loi ou par un règlement, est bien réel et qu’il ne se limite pas à une simple vue de l’esprit ou à un quelconque positionnement idéologique, politique ou rhétorique. Pour mieux comprendre ce problème, l’analyste doit tracer un portrait réaliste de la situation problématique, en décrivant la genèse du problème, les spécificités de ses attributs et enjeux, puis interroger la pertinence d’une intervention gouvernementale pour résoudre le problème et contrer, ou à tout le moins limiter, ses conséquences négatives sur le développement économique et social. Dans cette investigation, l’examen des acteurs et parties prenantes est incontournable, notamment pour comprendre les tenants et les aboutissants du problème, les perdants et les gagnants et, de manière plus générale, les populations touchées.

    Dans cette recherche, l’analyste doit cerner le bien-fondé d’une intervention gouvernementale et démontrer que la solution au problème en question ne peut se trouver que dans une action gouvernementale (réglementaire ou autre). Pour ce faire, il tiendra compte des stratégies gouvernementales existantes (engagement politique, politique budgétaire, stratégie sectorielle, compétences juridictionnelles, etc.).

    La définition du problème peut dans certains cas exiger, en plus de la rigueur scientifique, une dose suffisante de créativité et de synthèse pour communiquer et convaincre le sujet de la nature et de l’ampleur du problème en cause. C’est ce qui fait dire à de nombreux observateurs que la définition d’un problème exigeant une intervention gouvernementale combine des compétences en recherche scientifique (notamment dans le secteur de l’économique et des sciences politiques), avec aussi un sens de la formule, qui peut être un art en soi. S’exprimant à ce sujet, Bardach soutient que « le processus de définition d’un problème repose sur la recherche, la créativité et l’examen d’idées, jusqu’à ce que la question du choix de l’action publique trouve une réponse » (Bardach, 2009, p. 1).

    Pour éviter les écueils et les confusions, le problème doit être défini en termes d’« excès » ou de « déficit », par exemple : « trop d’élèves quittent l’école sans diplôme » ou encore « il n’y a pas suffisamment de places en garderie pour répondre aux besoins actuels ». Un problème se définit donc comme un écart ressenti (un manque, un vide, une différence) entre la situation actuelle et celle qui est souhaitée. Idéalement, la définition du problème doit évoquer l’ampleur du phénomène. « Le niveau de détail et l’ampleur de l’analyse d’impact seront fonction des effets probables de l’action proposée […]. Plus l’incidence escomptée d’une action sera importante et plus l’effort de quantification et d’analyse financière devra généralement être conséquent » (Commission européenne, 2005, p. 9).

    Le problème se définit comme un besoin auquel on cherche à répondre. À cette étape, il faut éviter d’inclure implicitement une solution dans la définition du problème. Par exemple, au lieu de dire qu’« il y a trop peu d’abris pour les itinérants », ce qui sous-entend que la solution est de construire des abris, il faudrait plutôt dire que « trop de personnes se retrouvent en situation d’itinérance » (Bardach, 2009, p. 7).

    Au-delà de la simple description du problème, il faut également poser un diagnostic, car pour trouver des solutions, il faut connaître les causes du problème. On doit cependant éviter les a priori, les causes pouvant être difficiles à cerner de manière rigoureuse et démontrable, chiffres à l’appui. Il arrive souvent que la définition d’un problème soit exprimée par des références à des causes peu démontrées ou démontrables, faisant en sorte que les décideurs finissent par s’attaquer aux causes, plutôt qu’au problème en tant que tel (symptômes et résultats des causes retenues). Les causes d’un problème méritent l’examen des analystes, mais il faut éviter de déplacer le problème et de l’amener sur le terrain des causes ; surtout quand on sait que certaines de ces causes constituent à leur tour une situation problématique qui mérite une intervention appropriée, très différente de celle qui vise à résoudre le problème qu’elles ont engendré. De telles confusions sont dangereuses et engendreront, si elles ne sont pas prises au sérieux, des erreurs de logique dans la conception et la modulation de l’intervention publique.

    Pour illustrer ce type de confusion, Bardach cite l’exemple suivant :

    L’un des problèmes de la pollution de l’air, c’est que les États n’ont pas obligé les motocyclistes à bien entretenir leur motocyclette et leur système d’échappement. […] La définition d’un problème qui contient également le diagnostic peut être utile, mais peut également être insidieuse ou tendancieuse (Bardach, 2009, p. 6).

    En effet, le problème cité en exemple ici, s’il est réel, cache probablement des causes de pollution qui peuvent être beaucoup plus importantes. On doit donc se demander si le problème que l’on cherche à résoudre n’est pas plutôt le symptôme d’un autre problème plus grave auquel il faudrait s’attaquer.

    Cela dit, la compréhension d’un problème, qu’elle soit empirique ou conceptuelle, évolue dans le temps. Il est important de faire des itérations nécessaires entre les concepts ou les données de façon à ne pas s’enfermer dans une définition du problème trop rigide, qui nous empêcherait d’envisager toutes les opportunités, toutes les solutions possibles.

    Enfin, il importe de définir le problème de façon à pouvoir évaluer les actions qui seront entreprises, de façon aussi à pouvoir mesurer les retombées des actions qui seront mises en place et à en faire le suivi. L’approche économique procure une perspective pragmatique en associant les situations problématiques à des imperfections des mécanismes du marché et à des distorsions dans les interactions libres entre des acteurs privés, sensibles aux incitations et aux messages économiques (utilité, rareté, prix, coûts, avantages, etc.).

    La collecte des données s’avérera cruciale pour bien circonscrire le problème, son ampleur, sa prévalence, son évolution, etc. Ce sont d’ailleurs ces données qui nous permettront d’étayer les répercussions du problème, avant et après une éventuelle réglementation.

    1.3 La collecte des données

    Une collecte de données rigoureuse requiert un protocole assorti d’un calendrier, de ressources et pourquoi pas d’instruments de collecte (sondage, indicateurs, observations, focus group, etc.). Étant donné les courts délais qui sont généralement imposés pour l’AIR, il est important de bien préparer la collecte, de façon à cibler les données qui pourront servir d’argumentaire ou de « preuve » démontrant la pertinence ou la non-pertinence d’adopter un projet de loi ou un projet de règlement pour résoudre un problème.

    À cette étape, il est nécessaire de prendre le temps de réfléchir à ce que l’on veut savoir et pourquoi on veut le savoir. Pour éviter les pertes de temps, il vaut mieux, dans la mesure du possible, s’en tenir rigoureusement à l’information ayant un lien avec le problème à résoudre. Il faut cependant « oser » chercher des données qui, à première vue, peuvent paraître éloignées du problème, mais qui, avec un peu d’imagination, peuvent aussi donner des enseignements utiles à la prise de décision.

    Pour bien mener cette étape, on doit valoriser les données et documents ayant traité du sujet dans des contextes comparables. En premier lieu, il apparaît utile de faire une recension des écrits de ce qui a été publié dans la littérature scientifique ou encore dans les documents administratifs. D’autres organismes ou gestionnaires publics ont probablement dû affronter le même problème. D’autres pays ou juridictions ont sans doute déjà effectué des recherches sur le sujet. Quels sont les résultats de leurs recherches ? Quelles sont les données existantes ? Que peut-on tirer des analyses effectuées ? Peut-on établir un parallèle entre la situation du Québec et la situation d’un autre pays, d’une autre province ? Le problème est-il comparable ? Peut-on envisager d’extrapoler la solution ?

    Par ailleurs, ces pays ont peut-être déjà mis en place des actions visant à résoudre le problème. Quelles sont ces actions ? A-t-on évalué leurs impacts ? A-t-on eu recours à la réglementation ou à la législation ?

    Les parties prenantes de la réglementation peuvent aussi avoir, de leur côté, documenté la problématique. À titre d’exemple, pour un problème qui touche le marché du travail au Québec, le Conseil du patronat ou la Fédération des chambres de commerce du Québec, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) ou la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) pourraient avoir réalisé des études sur le sujet. Il est particulièrement important de les consulter si l’on prévoit que le projet aura un impact direct sur les entreprises et les travailleurs.

    En somme, il est essentiel de combiner une revue de littérature scientifique avec une recension des bonnes pratiques existantes. Internet, les bibliothèques universitaires ou gouvernementales et les services de recherche des organisations concernées constitueront des sources d’information précieuses.

    Une fois toute cette information recueillie, il y aura lieu de se demander si une nouvelle collecte de données est nécessaire. Dispose-t-on de suffisamment de matériel pour analyser l’impact réglementaire et proposer des solutions de remplacement au projet de loi ou de règlement ou doit-on recueillir de nouvelles données ? Si l’on juge essentiel de procéder à une nouvelle collecte de données, quel type de collecte doit-on effectuer ? Un sondage ? Des entrevues ? Des groupes de discussion ? Des études de cas ?

    Le sondage implique la conception d’un questionnaire, l’élaboration d’un échantillonnage de population, l’administration du questionnaire et l’analyse des réponses. Bref, le sondage est un instrument de mesure qui peut s’avérer très utile pour analyser la situation problématique. Le recours aux nouvelles plateformes technologiques Web 2.0 réduit énormément les coûts ainsi que les délais d’obtention et d’analyse des données issues des sondages.

    La collecte des données peut exiger aussi des entrevues. L’entrevue constitue une méthode relativement efficace pour obtenir de l’information des acteurs directement concernés par le projet de loi ou de règlement. Elle nécessite toutefois l’élaboration d’un schéma d’entretien et une certaine expertise, selon que l’on choisit l’entrevue dirigée ou semi-dirigée. L’enregistrement de l’entretien facilitera l’analyse des réponses.

    Le groupe de discussion permet de recueillir les perceptions, les croyances, de détecter les zones de résistance des personnes visées par le projet de loi ou de règlement. L’élaboration d’une grille d’entrevue sera nécessaire et, idéalement, l’enregistrement des échanges. L’analyse des résultats des groupes de discussion, tout comme celle des entrevues, ne peut toutefois être généralisée, car les participants ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la population visée.

    Finalement, les études de cas permettent d’analyser des situations similaires à la situation problématique vécue ici. Elles nous font souvent réaliser qu’il peut exister des solutions différentes à un même problème.

    Le choix de la méthode de collecte de données devra prendre en considération le temps dont on dispose pour réaliser l’AIR, de même que les ressources disponibles. Il faut surtout éviter de se lancer dans une collecte longue et coûteuse qui risque de ne pas donner les résultats escomptés. Quelle que soit la méthode de collecte choisie, la préparation doit commencer le plus tôt possible. Parfois, les réponses aux demandes d’entrevues ou d’informations peuvent prendre du temps, d’où l’importance de planifier rapidement les rendez-vous, le cas échéant.

    Il est également important de ne pas se restreindre à des groupes homogènes qui partagent des points de vue identiques, des points de vue qui sont tous favorables ou tous défavorables à la loi ou au règlement proposé. La diversité des positions permettra de dégager une analyse plus objective, dénuée de préjugés.

    C’est sur la revue de littérature, la recension des bonnes pratiques et la collecte de données que s’appuieront le projet de loi ou de règlement, les solutions alternatives ou encore les scénarios de remplacement du projet de loi ou de règlement. Ces données énonceront des évidences et apporteront des preuves très appréciables pour l’examen de la situation problématique. Elles constitueront la base du positionnement des autorités, qui pourront s’y référer au moment de communiquer leur décision. Elles doivent donc être pertinentes, cohérentes, rigoureuses et irréfutables.

    Ces données sont aussi très utiles pour l’examen des options et des solutions envisageables. Comme on le verra, ci-dessous, l’analyse des solutions alternatives est fortement tributaire de la qualité des données obtenues.

    1.4 Les solutions alternatives

    La première question à se poser, à l’issue de l’analyse, devrait être : Est-ce que la loi ou le règlement proposé est la solution idéale pour résoudre le problème auquel le gouvernement est confronté ? En s’appuyant sur la revue de littérature, la recension des meilleures pratiques et l’analyse des données recueillies, on devrait être en mesure de porter un jugement assez objectif sur le projet de loi ou de règlement à l’étude. En supposant, dès le départ, que l’on considère ce projet comme la meilleure solution, il serait tout de même judicieux de proposer des solutions de rechange, au maximum trois ou quatre, afin que les autorités puissent être informées et qu’elles puissent juger de leur marge de manœuvre et de ce qui est envisageable pour l’action gouvernementale.

    Ces solutions auront sans doute émergé au fil de l’analyse, notamment en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs, de ce que nous apportent les écrits, voire les propos des acteurs rencontrés. En premier lieu, il faut établir les liens causaux entre le besoin, les moyens à prendre et les résultats attendus. On doit élaborer un modèle causal du système qui entoure la problématique. Ce modèle, sans être compliqué, doit mettre en évidence l’essentiel du problème, les moyens ou stratégies pour le résoudre et les résultats escomptés.

    Plusieurs moyens et instruments peuvent conduire aux résultats attendus. À cet égard, Hood et Margetts (2007) ont défini quatre types d’action publique :

    Nodality : information, éducation, sensibilisation, diffusion de la recherche ;

    Authority :outil contraignant, obligatoire ;

    Treasury :financement, subvention, tarification, taxe, sanction financière ;

    Organization :réorganisation du management interne, structuration d’un réseau de politiques publiques, consultation, partenariat, délégation de services publics.

    En d’autres termes, il s’agit de voir quelles sont les possibilités d’action d’un gouvernement : l’information à la population, l’imposition de taxes, l’octroi de subventions, l’encadrement de l’activité économique, l’adoption du budget, les modifications législatives ou réglementaires, l’adoption de nouvelles lois ou de nouveaux règlements, les réformes ministérielles, etc. Les actions que mène le gouvernement peuvent être de nature incitative (p. ex. les subventions) ou coercitive (p. ex. les taxes).

    Toutes ces possibilités nous conduisent au constat que la réglementation n’est pas le seul moyen d’action possible et que d’autres instruments existent comme solutions de rechange ou encore de façon complémentaire. L’élaboration de différents scénarios est un processus itératif. Les solutions alternatives qui seront proposées doivent, dans la mesure du possible, être mutuellement exclusives, c’est-à-dire qu’elles ne devraient pas se recouper. Elles doivent être construites en pensant au public visé et aux impacts qu’elles pourraient avoir sur les individus, sur les entreprises et sur la population en général (nous y reviendrons à la section 1.6).

    Les scénarios proposés doivent également tenir compte des contraintes politiques et budgétaires pesant sur le gouvernement. Il est inutile de proposer des solutions alternatives qui seront de facto rejetées par les autorités parce qu’elles sont trop coûteuses ou encore parce qu’elles susciteraient un mécontentement général.

    Les possibilités d’action qui seront suggérées dans l’analyse d’impact réglementaire doivent demeurer réalistes et réalisables. Il faut considérer la faisabilité des propositions et tenir compte de leur mise en œuvre. On doit prendre en considération les contingences politiques et administratives du gouvernement, la réalité québécoise, qui peut différer sensiblement de celle d’autres États, les caractéristiques de la population visée, etc. En somme, les solutions alternatives qui seront proposées dans l’AIR doivent être adaptées au contexte politique, économique et social du champ de leur application.

    Cela dit, ces solutions ne génèrent pas toutes les mêmes retombées et ne requièrent pas le même niveau d’effort de la part du gouvernement et des acteurs socioéconomiques. L’AIR doit éclairer la prise de décision et fournir des arguments facilitant la sélection de la meilleure option possible. Ces arguments doivent s’appuyer sur des critères, des indicateurs et des mesures facilitant la comparaison et la valeur ajoutée (socialement, économiquement, politiquement, etc.) de chacune des options examinées. Nous voici donc parvenus à cette étape cruciale portant sur la sélection des critères qui serviront à mesurer les impacts du projet de loi ou de règlement.

    1.5 Le choix des critères de mesure d’impact

    Le choix des critères constitue la partie la plus évaluative de l’AIR. Les critères les plus souvent utilisés pour mesurer les retombées d’une loi, d’un règlement ou d’une politique ont principalement trait aux dimensions de l’efficacité (atteinte des objectifs visés) et de l’efficience (rentabilité sociale en termes de différence entre les avantages et les coûts associés).

    D’autres critères peuvent également servir pour anticiper les effets d’un projet de loi ou de règlement : la légalité, la pertinence, l’équité, la faisabilité de la mise en œuvre, la cohérence de l’action gouvernementale, la qualité des processus. Certains de ces critères s’imposent d’eux-mêmes et auront parfois déjà été considérés dans l’élaboration du projet de loi ou de règlement (p. ex. la légalité).

    Dans le cas des politiques et des actions publiques, il est également important de prendre en considération l’acceptabilité politique et sociale du projet à l’étude. La façon dont sera perçue l’action publique est une dimension que les autorités ne doivent pas négliger. Le rejet ou le mécontentement généralisé de la population, des entreprises ou des syndicats devant un projet de loi ou de règlement peut forcer un gouvernement à renoncer à son adoption. Quoi qu’on puisse en penser, l’influence des groupes de pression sur l’action publique n’est pas négligeable. Il faut donc, à cette étape, se demander qui profitera de ces changements et qui aura le sentiment d’y perdre quelque chose.

    À titre d’exemple, en 2007, devant les statistiques inquiétantes concernant les accidents routiers des jeunes, le gouvernement impose l’obligation de suivre des cours de conduite automobile. Il est prévisible que cette obligation entraînera des conséquences telles que l’augmentation des prix des cours de conduite automobile et une restriction d’accès au permis de conduire. La solution proposée est d’imposer un prix plafond, tout en conciliant la rentabilité des écoles de conduite avec le maintien d’une certaine accessibilité au permis de conduire. Pour en arriver à proposer une solution satisfaisante, on procède à un sondage auprès de la clientèle et à des groupes de discussion avec des propriétaires d’écoles de conduite. Les résultats de cette collecte d’informations permettront au gouvernement de fixer un prix plafond (CREXE, 2011).

    Le caractère économique d’une AIR conduit naturellement à privilégier l’efficacité et l’efficience comme critères de mesure d’impact. L’efficacité peut se définir comme la capacité d’atteindre les objectifs que l’on s’est fixés. L’efficience, quant à elle, se mesure par l’optimisation des ressources utilisées pour parvenir à un résultat. Alors que l’efficacité est le rapport entre les objectifs de départ et les résultats obtenus, l’efficience serait davantage le rapport entre les ressources utilisées et les résultats obtenus.

    Une fois les critères choisis, il faut les appliquer au projet de règlement et à chacune des stratégies proposées (section 1.7) pour résoudre le problème. C’est ainsi que les retombées du projet pourront être mesurées et serviront à alimenter la réflexion pour la prise de décision.

    Le choix des critères doit se faire de manière consensuelle et concertée, faute de quoi la suite des analyses risque d’être altérée par des biais (notamment des biais de sélection) et des incompréhensions pouvant aller jusqu’à mettre en péril l’adoption de la réglementation envisagée.

    1.6 La mesure d’impact

    C’est à cette étape que l’on anticipe les conséquences de la réglementation, notamment les effets imprévus ou indésirables. Au-delà du simple fait de savoir si le règlement résout le problème, il faut poser un jugement sur ses effets possibles. Cette étape est sans doute la plus technique et la plus délicate du processus. Elle en est cependant le cœur. Elle permettra au décideur de prendre une décision éclairée en connaissant au départ les conséquences que peut entraîner l’adoption d’une loi ou d’un règlement.

    À titre d’exemple, lorsque la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d’œuvre (LRQ, c. D-7.1 – loi du 1 %) fut adoptée en 1995, on n’avait sans doute pas anticipé que ce seraient surtout les plus petites entreprises (ayant entre 250 000 $ et 1 M $ de masse salariale) qui financeraient généreusement le Fonds national de formation de la main-d’œuvre¹, alors que ce seraient davantage les grandes entreprises qui présenteraient des projets de formation financés par le Fonds (Gouvernement du Québec, 2000). En d’autres termes, les services de formation qui ont profité aux grandes entreprises (et aux multinationales) étaient financés à même les contributions chèrement payées par les petites et moyennes entreprises de toutes les régions du Québec. Cet effet pervers, non relevé dans l’AIR ex ante précédant l’adoption de la loi, a été corrigé en 2004 lorsqu’on a modifié la Loi de façon que seules les entreprises dépensant plus d’un million de dollars en masse salariale soient assujetties à la contribution exigée par la loi, exonérant ainsi les petites entreprises de ce fardeau créé par une réglementation dont les impacts avaient été insuffisamment analysés de façon ex

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