Gestion par résultats: Concepts et pratiques de gestion de la performance des organisations de l'État
Par Bachir Mazouz
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À propos de ce livre électronique
Après avoir publié en 2008 La gestion intégrée par résultats – ouvrage qui répond aux questions de nombre de praticiens et de théoriciens du management public concernant la GPR –, Bachir Mazouz et ses collègues, par le présent ouvrage, se chargent de démystifier les pratiques et les outils de la GPR.
Sur le plan conceptuel, les études présentées dans ce collectif démontrent qu’une institutionnalisation efficace de la GPR doit d’abord tenir compte de facteurs contextuels, notamment des structures politiques, des cadres institutionnels, des situations sociodémographiques et économiques distinctes et des valeurs et projets de société. Sur le plan de la mise en œuvre, les auteurs démontrent ici que la GPR nécessite des agencements organisationnels caractérisés par l’exercice du pouvoir décisionnel, l’organisation du travail, l’allocation des ressources, la coordination des activités, les flux informationnels et les apprentissages réalisés par les agents de l’État. Contextes et agencements organisationnels contribuent donc à générer une grande variance empirique dans la manière dont la GPR est mise en œuvre dans divers pays, divers secteurs de l’action publique et diverses entités formant le tissu organisationnel de l’État.
Ce livre permettra aux enseignants-chercheurs, aux étudiants et aux gestionnaires publics d’accéder à une connaissance plus élaborée des facteurs d’institutionnalisation et de la mise en œuvre de la GPR dans les organisations de l’État.
En savoir plus sur Bachir Mazouz
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Aperçu du livre
Gestion par résultats - Bachir Mazouz
Gestion par résultats
Gestion par résultats
Concepts et pratiques de gestion
de la performance des organisations de l’État
Sous la direction de Bachir Mazouz
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Vedette principale au titre:
Gestion par résultats: concepts et pratiques de gestion de la performance des organisations de l’État
Comprend des références bibliographiques.
Publié en formats imprimé(s) et électronique(s).
ISBN 978-2-7605-4834-3
ISBN 978-2-7605-4835-0 (PDF)
ISBN 978-2-7605-4836-7 (EPUB)
1. Administration publique – Gestion. 2. Direction par objectifs. 3. Efficacité organisationnelle. I. Mazouz, Bachir.
Révision
François Roberge
Correction d’épreuves
Christian Bouchard
Mise en page
Interscript
Images de couverture
iStock
Dépôt légal: 4e trimestre 2017
›Bibliothèque et Archives nationales du Québec
›Bibliothèque et Archives Canada
© 2017 – Presses de l’Université du Québec
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Imprimé au Canada
D4834-1 [01]
À la mémoire de notre ami et collègue,
le professeur Olivier KERAMIDAS,
pour qui toute quête de performance
publique exige de l’éthique, de l’équité
et de l’honnêteté des agents publics.
Table des matières
Liste des encadrés, figures et tableaux
Liste des sigles
Introduction générale
Bachir Mazouz et Pierre-André Hudon
I.1/Les éléments contextuels et les considérations conceptuelles
I.2/Les enseignements tirés des expériences canadiennes, québécoises et américaines
Bibliographie
Partie 1 /
LA GPR: CONTEXTE, ENJEUX ET CONCEPTS
Chapitre 1 /
La gestion par résultats: un cadre conceptuel de gestion de la performance globale des organisations de l’État
Bachir Mazouz, avec la collaboration de Younes Belfellah
1.1/Les éléments contextuels et les considérations conceptuelles de la GPR
1.1.1/L’avènement du NMP, un contexte favorisant les débats sur la performance publique
1.1.2/La performance et la GPR, quelques considérations conceptuelles
1.1.3/Les outils de mesure de la performance publique entre l’utilité et la faisabilité
1.2/De l’administration des budgets et des dépenses à la gestion par résultats: quelques illustrations empiriques concluantes
1.3/Les enseignements tirés des illustrations empiriques
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 2 /
La GPR: connaître la réalité des organisations de l’État
Pascal Gaudron et Bachir Mazouz
2.1/Connaître la mission et la vision des organisations publiques
2.1.1/Le besoin d’un cadre d’analyse pour cerner les spécificités institutionnelles des organisations publiques
2.1.2/La mission de l’organisation publique
2.1.3/La vision de l’organisation
2.2/Élaborer une grille de la CRO
2.3/La nécessité de poursuite de la formation des nouveaux managers publics
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 3 /
L’optimisation des ressources et des moyens des organisations de l’État: les préalables à la performance visée par le déploiement de la GPR
Benjamin Dreveton
3.1/Gérer les ressources: une nécessité au pilotage de la performance
3.1.1/Une institutionnalisation de la gestion par les résultats et les moyens
3.1.2/Au cœur de ces transformations, une ambition: piloter la performance
3.2/Une étude de cas: l’implantation d’un système de tableaux de bord stratégiques dans une collectivité territoriale
3.2.1/Un projet stratégique: la transformation d’une collectivité locale
3.2.2/Un projet: développer un système de pilotage stratégique d’une direction adjointe
3.3/Les enseignements: l’outil de pilotage, un vecteur d’action sur les ressources de l’action publique
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 4 /
La stratégie revisitée par la GPR: une réponse d’adaptation et d’évolution des organisations de l’État
Lilly Lemay
4.1/Vers une post-bureaucratie ou vers une bureaucratie dynamisée?
4.2/François, un gestionnaire stratégique
4.3/Les enseignements tirés du cas présenté: la stratégie pour une action publique post-bureaucratique axée sur des résultats sectoriels et organisationnels
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 5 /
La mesure et l’évaluation des résultats des organisations publiques: le cas d’un centre communal d’action sociale
David Carassus et Christophe Favoreu, avec la collaboration d’Asmaa Ata, de Mathilde Collinet-Ourthe et de Nicolas Pouzacq
5.1/Les éléments contextuels et conceptuels: d’une gestion des moyens à la GPR
5.1.1/D’un contrôle de moyens vers un pilotage par résultats des organisations publiques
5.1.2/Le phasage et les éléments méthodologiques associés au pilotage des organisations publiques
5.2/Cas/étude/illustrations: la recherche-intervention dans un CCAS en France
5.3/Les phases de la mise en œuvre d’un pilotage rénové de l’action sociale territoriale dans le CCAS α
5.4/Les enseignements tirés de l’étude de cas: une méthodologie d’accompagnement primordiale à la mise en œuvre d’une gestion par les résultats
En guise de conclusion: une GPR comme solution au contexte contraint, mais avec des modalités adaptées
Bibliographie
Chapitre 6 /
L’imputabilité des dirigeants publics revisitée à l’aune de la gestion par résultats
Joseph Facal et Bachir Mazouz
6.1/Le contexte et les concepts de l’imputabilité des dirigeants publics
6.2/L’imputabilité des dirigeants publics au Québec: entre une logique de conformité et une logique d’efficience
6.3/Les enseignements tirés de la dynamique de l’imputabilité des dirigeants publics au Québec
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 7 /
La stratégie de mise en œuvre et les facteurs de succès d’une gestion par résultats: le cas des institutions scolaires
Pierre Collerette et Bachir Mazouz
7.1/Les éléments contextuels et conceptuels
7.2/L’élément de stratégie de mise en œuvre et les facteurs de réussite d’une GPR en milieu scolaire
7.2.1/Le défi de la légitimité de la GPR
7.2.2/Le défi de l’opérabilité la GPR
7.2.3/Le défi du réalignement «gestionnaires-enseignants»
7.2.4/Le défi de la perspective développementale versus coercitive
7.3/Que peut-on retenir pour une mise en œuvre réussie de la GPR?
En guise de conclusion
Bibliographie
Partie 2 /
EXPÉRIENCES ET PRATIQUES DE LA GPR
Chapitre 8 /
Les enjeux éthiques de la gestion par les résultats: les enseignements de la loi américaine No Child Left Behind
Steve Jacob, Alex Miller-Pelletier et Lisa Birch
8.1/Les éléments contextuels et les considérations conceptuelles concernant l’institutionnalisation de l’éthique dans l’administration publique
8.1.1/No Child Left Behind: comment les ambitions de performance publique se heurtent-elles au principe de réalité?
8.1.2/Les objectifs de la loi NCLB
8.1.3/La reddition de comptes et le suivi de la performance des élèves
8.2/Les enjeux éthiques de la loi NCLB
8.2.1/En termes d’équité
8.2.2/En termes de transparence
8.2.3/En termes d’effets pervers et de comportements inappropriés
8.3/Les enseignements pratiques à tirer du cas étudié
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 9 /
Le difficile enracinement de la gestion de la qualité dans des bureaucraties assujetties à la gestion par résultats: le cas des hôpitaux publics au Québec
Daniel Lozeau
9.1/Les considérations conceptuelles: la GQ au sein d’un courant plus large
9.1.1/La GQ au confluent de trois grands courants en gestion
9.1.2/Enjeu: des bureaucraties professionnelles en manque de ressources
9.1.3/Enjeu: les HP, la poursuite du bien commun et la montée du courant managérialiste
9.1.4/Quelques questions à propos de l’enracinement de la GQ dans les HP
9.2/Quelques illustrations représentatives de la pratique de la GQ
9.2.1/Situation 1: Des démarches de GQ en montagnes russes
9.2.2/Situation 2: Des renforcements bureaucratiques
9.2.3/Situation 3: Des cadres intermédiaires coincés entre deux cultures contradictoires
9.2.4/Situation 4: Des gestionnaires de premier niveau confrontés à de nouvelles pratiques
9.2.5/Situation 5: Des démarches de GQ calquées sur des programmes d’évaluation en nursing
9.2.6/Situation 6: Des employés d’abord préoccupés par leur QVT
9.2.7/Situation 7: Des médecins consolidant leur pouvoir
9.3/Les enseignements tirés des situations étudiées
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 10 /
Les outils de contrôle et de pilotage par résultats des activités publiques: le cas du calcul de coût d’un centre de lutte contre le cancer dans un établissement hospitalier public français
Laurent Mériade
10.1/La mise en œuvre progressive mais programmée de la tarification à l’activité dans les hôpitaux français
10.2/L’affectation des charges indirectes hospitalières dans un centre de lutte contre le cancer
10.3/Une gestion par résultats à l’hôpital qui impose une réflexion sur les modalités de calcul de coût
10.3.1/Une réduction des subventionnements entre sections
10.3.2/Une nouvelle pertinence du calcul de coût qui peut améliorer le dialogue de gestion avec la tutelle
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 11 /
L’optimisation continue des processus organisationnels: une exigence technique et humaine pour réussir la GPR
Michel Fontaine et Bachir Mazouz
11.1/Les éléments contextuels et les considérations conceptuelles
11.1.1/Les organisations publiques à l’ère de l’optimisation des ressources
11.1.2/Quelques considérations conceptuelles concernant la RPA et la RRCP en contexte public
11.2/Une illustration empirique de la RRCP
11.2.1/Étape 1: Sondages sur la clientèle et la mobilisation du personnel
11.2.2/Étape 2: Description des processus existants
11.2.3/Étape 3: Analyse des données issues des sondages réalisés
11.2.4/Étape 4: Cibles d’amélioration identifiées selon les résultats obtenus et analysés
11.2.5/Étape 5: Évaluation des processus organisationnels existants par les équipes d’amélioration continue
11.2.6/Étape 6: Plan d’amélioration des processus ciblés
11.3/Les enseignements tirés de plusieurs projets soumis au CQA
11.3.1/Les normes d’excellence
11.3.2/Des processus à valeur ajoutée aux clients-usagers
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 12 /
La stratégie de mise en œuvre d’une démarche de gestion par résultats dans un secteur traditionnellement très centralisé: le cas de la mise en place du dispositif Plus de maîtres que de classes
Youssef Errami
12.1/Un cadre général d’une réforme publique de l’État dans un contexte incertain
12.1.1/Le contexte d’introduction du dispositif PDMQDC
12.1.2/Des réformes d’essence nouveau management public
12.1.3/La remise en cause de la planification stratégique
12.1.4/Une nouvelle articulation du dispositif de contrôle organisationnel
12.2/Le dispositif Plus de maîtres que de classes: une exception à la bureaucratie de l’EN
12.2.1/Une formation départementale
12.2.2/Un dispositif à géométrie variable
12.2.3/La régulation du collectif des maîtres supplémentaires
12.2.4/Formation disciplinaire REP: prises en compte du dispositif dans les contenus
12.3/Le PDMQDC: un dispositif stratégique pour reconfigurer l’éducation prioritaire
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 13 /
Les compétences politico-administratives spécifiques à la gestion par résultats: le cas de la fonction publique du Québec
Daniel Maltais
13.1/Les éléments contextualisant l’institutionnalisation de la GPR au Québec
13.2/La mise en œuvre de la GPR au Québec: une analyse à partir de trois perspectives
13.2.1/La reddition de comptes par l’administration
13.2.2/Les outils de reddition de comptes
13.2.3/Le fonctionnement de la Commission parlementaire de l’administration publique (CAP)
13.2.4/Être «habile» à rendre des comptes…
13.2.5/Diriger et contrôler pour produire des résultats
13.2.6/À propos de la capacité à diriger et à contrôler… autrement!
13.2.7/Apprendre pour améliorer la performance de l’organisation
En guise de conclusion
Bibliographie
Chapitre 14 /
Vers des organisations publiques apprenantes par leurs résultats: les enseignements tirés de cinq situations professionnelles
Recteur Alain Bouvier
14.1/Les éléments de contexte
14.1.1/Le projet, un progrès notable, mais avec un grand vide
14.1.2/Une première, brève et timide tentative
14.1.3/Le contexte et les concepts d’une organisation apprenante par les résultats
14.2/Quatre autres situations professionnelles
14.2.1/Une étape majeure vers l’évaluation de systèmes
14.2.2/Une expérience construite sur une décennie
14.2.3/Plus de pouvoir formel mais moins d’influence effective
14.2.4/Les risques du terrain
14.3/Que peut-on retenir de ces cinq situations?
En guise de conclusion
Bibliographie
Conclusion générale
Christophe Alaux et Robert Fouchet
Notices biographiques
Liste des encadrés, figures et tableaux
Encadrés
2.1/L’exemple de la mission des établissements publics de santé (EPS) en France
2.2/L’application économique de la matrice MOFF à un centre hospitalier universitaire (CHU) en France
13.1/Je dirige et je contrôle pour produire des résultats
13.2/J’apprends pour améliorer la performance de l’organisation
Figures
1.1/Un cadre conceptuel général de la GPR/GAR
2.1/Les piliers de l’analyse de la GPR
2.2/Les niveaux du manageur public
3.1/Le triptyque de la performance
5.1/Le cadre d’analyse du pilotage des politiques locales
5.2/La roue du pilotage des politiques locales
5.3/Un exemple d’une feuille de route «PMA» du CCAS α
6.1/Le triptyque de l’imputabilité des acteurs publics
6.2/Les rapports d’interface politico-administrative et managériale
11.1/La boucle solidaire
11.2/L’effet des interrelations au sein dans un système
11.3/Les quatre mesures d’évaluation
11.4/La révision des processus
Tableaux
4.1/Les caractéristiques des organisations bureaucratiques et post-bureaucratiques
10.1/Le redécoupage de la logistique générale du CLCC
10.2/L’impact des deux méthodes sur la SA Chirurgie
11.1/Le diagramme de Gantt d’un projet d’optimisation des processus
11.2/L’évaluation des qualités normatives d’un processus
11.3/Processus organisationnels et indicateurs de qualité de service au client
12.1/Les modalités d’intervention à deux enseignants: le maître de la classe et le maître supplémentaire (MC et M+)
12.2/La présentation des actions formation et coordination des circonscriptions ayant des dispositifs PDMQDC
13.1/La GPR à partir de trois perspectives
Liste des sigles
Peut-être qu’avec tout cela, la performance (le dépassement) publique n’est plus loin.
ROBERT FOUCHET
Introduction générale
Bachir Mazouz et Pierre-André Hudon
Au-delà des idées reçues concernant la transition, maintes fois discutée, de la bureaucratie processuelle vers la gestion par résultats (GPR) se trouve un questionnement important sur l’évolution et la pluralité du management public (Hudon et Mazouz, 2014). En effet, alors que le métarécit le plus communément accepté invoque le lent glissement d’une gestion publique basée sur des règles et des processus juridico-administratifs vers une plus grande autonomie managériale dans l’atteinte des objectifs de gouvernance publique, la réalité empirique montre que cette transition ne s’est pas effectuée uniformément. Même si les prémisses de la GPR constituent le principe de base d’à peu près toutes les administrations publiques des pays de l’OCDE, sa mise en œuvre diffère grandement, non seulement d’une juridiction à une autre, mais aussi d’une administration ou organisme public à un autre.
D’un point de vue empirique, la manière dont les différentes administrations publiques ont mis en œuvre, internalisé et interprété la GPR par rapport à leurs contextes témoigne, d’une part, de l’universalité des prémisses qui guident l’action de ses promoteurs, mais aussi, d’autre part, de la diversité des agencements organisationnels marquant son institutionnalisation. Les contextes dont il est question sont caractérisés par des structures politiques et cadres institutionnels variés, des situations socio-démographiques et économiques distinctes et des valeurs plurielles. Quant aux agencements organisationnels, ils sont différenciés par l’exercice du pouvoir décisionnel, l’organisation du travail, l’allocation des ressources, la coordination des activités et les flux informationnels. Ces deux éléments croisés (contextes et agencements organisationnels) ont contribué à générer une grande variance empirique dans la manière dont la GPR été mise en œuvre dans divers pays, divers secteurs de l’action publiques et diverses entités formant le tissu organisationnel de l’État.
I.1 /Les éléments contextuels et les considérations conceptuelles
Dans de nombreux pays de l’OCDE, l’émergence et l’institutionnalisation de la GPR comme cadre officiel de gestion publique tient à cinq facteurs essentiels (Mazouz et Leclerc, 2008):
1Le triomphe des valeurs libérales incluant la libéralisation du commerce, les flux migratoires plus importants, l’augmentation des échanges de biens et services, la transition énergétique et des mouvements capitaux.
2La pression compétitive provenant de l’existence d’économies libéralisées où les mesures réglementaires et les taux d’imposition sont moins importants.
3La «légitimisation» progressive du discours axé sur l’efficacité à la suite de l’arrivée de fournisseurs privés dans des domaines traditionnellement réservés à l’État (les communications, l’énergie, les transports, etc.).
4La crise budgétaire des gouvernements des pays de l’OCDE à la suite des récessions successives et du vieillissement de la population durant le dernier quart du XXe siècle.
5Des attentes et des exigences plus grandes envers les gouvernements de la part des citoyens en matière de transparence, de professionnalisme, de compétence et de rendement.
Au fur et à mesure que les contextes sociopolitique et économique se complexifient, l’identification des objectifs à atteindre par l’action publique devient un exercice périlleux. Trois éléments ont contribué à propulser la GPR sur la scène de la gestion publique: le besoin d’identification des objectifs par des engagements crédibles de réalisation; le désir d’optimisation des ressources; et la naissance de la culture de la performance. À cet égard:
plusieurs pays de l’OCDE ont mis sur pied une nouvelle approche plus managériale de la conceptualisation et du contrôle de la dépense publique [où] il ne s’agit plus seulement de réaliser des activités pour exécuter la législation mais, toujours en conformité avec le cadre législatif, d’identifier des objectifs à atteindre et d’obtenir des résultats en optimisant l’utilisation des ressources (Bourgault, 2004, p. 109).
En effet, la mise en œuvre de la GPR s’est souvent faite dans la foulée de l’institutionnalisation du nouveau management public (NMP). Cette dernière s’est généralement effectuée par une loi-cadre visant à instituer la planification stratégique et opérationnelle, les indicateurs de mesure de la performance, la reddition de comptes et l’intégration avec les autres dimensions de la gestion des organisations (Martin et Jobin, 2004).
D’un point de vue stratégique, la mise en œuvre de la GPR par des gouvernements des pays de l’OCDE a pris plusieurs formes, dont les accents varient substantiellement. Au moins quatre paradigmes – c’est-à-dire quatre formes principales – respectant les prémisses de performativité énoncées plus haut ont été suggérés par Aucoin (2000, cité dans Mazouz et Leclerc, 2008).
1La dépolitisation. Une séparation stricte est établie entre le politique et l’administratif. Si le politique continue d’orienter les décisions, il se retire des questions opérationnelles qu’il laisse aux gestionnaires. Ces derniers sont imputables de l’optimisation des ressources allouées à l’action publique et de l’atteinte des cibles de résultats.
2La mesure du rendement. Les objectifs à atteindre doivent être spécifiques à chacune des organisations de l’État, mesurables à l’aide d’indicateurs objectivement vérifiables et de moyens de vérification appropriés à des fins de mesure de la performance. La mesure de la performance devient ainsi un mécanisme de contrôle permettant de rendre des comptes sur l’efficacité et l’efficience de l’action gouvernementale et celle des entités formant le tissu organisationnel des secteurs publics.
3La professionnalisation. Elle constitue en quelque sorte la condition nécessaire à la GPR. La dépolitisation et la contractualisation laissant plus de place à l’initiative administrative et managériale, une fonction publique professionnelle et autonome doit émerger.
4La privatisation. Une fois la mesure du rendement bien implantée, il devient facile d’établir des benchmarks de performance permettant la comparaison, notamment des façons de faire des entreprises et autres organisations du marché. Or, si le secteur privé peut démontrer qu’il offre une meilleure performance, la privatisation des services étalonnés devient une possibilité réelle.
Ainsi, il est important de retenir que la mise en œuvre de la GPR n’est pas un exercice d’uniformisation de la gestion publique à l’échelles nationale ou internationale; au contraire, les choix symboliques, fonctionnels, stratégiques et politiques de la part des décideurs sont nombreux et peuvent donner lieu à des formes institutionnelles très variées et des configurations organisationnelles adaptées aux spécificités de la sphère publique. Cette variabilité peut par ailleurs être expliquée par les théories tirées de la sociologie des organisations.
Considérée selon la perspective de l’institutionnalisme sociologique, la structure gouvernementale émergeant à la suite de la mise en œuvre de la GPR peut être considérée comme une institution au sens sociologique du terme (North, 1991), soit la combinaison d’une structure formelle contingente de l’environnement dans lequel elle évolue et d’éléments symboliques dérivés des croyances et des valeurs prédominantes (Meyer et Rowan, 1977). Ainsi, les institutions gouvernementales sont à la fois le produit de leur environnement à la suite d’une recherche de rationalité instrumentale, mais également le reflet des valeurs et des pratiques historiques:
Ces formes et procédures devaient être considérées comme des pratiques culturelles, comparables aux mythes et aux cérémonies élaborés par de nombreuses sociétés, que, par conséquent, elles étaient incorporées aux organisations, non pas nécessairement parce qu’elles en accroissent l’efficacité abstraite (en termes de fins et de moyens), mais en raison du même type de processus de transmission qui donne naissance aux pratiques culturelles en général (Taylor et Hall, 1997, p. 481-482).
Il ne faut pas chercher dans les institutions gouvernementales le reflet des grands principes de gouvernance imposée par le haut. Au contraire, si les commandes du gouvernement jouent bel et bien un rôle dans l’orientation générale des politiques, leur interprétation par la structure administrative aboutira à des résultats bien différents selon les valeurs de ladite structure. De plus, même les commandes gouvernementales ne seront pas uniformes: ces dernières sont elles-mêmes interprétées et énoncées au gré du contexte politique et des enjeux du moment (vus sous l’angle stratégique). C’est ainsi qu’un gouvernement voulant mettre en œuvre un cadre officiel de gestion relevant de la GPR pourrait, par exemple, le faire en imposant des objectifs chiffrés accompagnés de bonis de performance, ou alors l’effectuerait en mettant l’accent sur la reddition de comptes et la transparence.
L’institutionnalisme sociologique accorde également une grande place aux explications génétiques. En effet, la forme contemporaine des institutions est présentée comme le fruit d’une évolution graduelle influencée par les formes passées. Les théories de l’incrémentalisme (Lindblom, 1959) et de la dépendance au sentier (Pierson, 2000) rappellent que les institutions ne se réinventent jamais totalement et que même les réformes les plus radicales sont modérées par les structures d’offres préexistantes. Les institutions gouvernementales évoluent donc lentement et la manière dont elles intègrent les changements exogènes reflète toujours leur histoire.
Ainsi, la pluralité des mises en œuvre de la GPR est ainsi fortement teintée par la perspective sociologique appliquée aux organisations publiques. Par conséquent, la variabilité des cadres officiels de gestion observés à l’échelle internationale s’explique par les conditions préalables existant dans les organisations publiques au moment où elles cherchent à se transformer. Les analyses doivent donc faire la part belle aux explications contextualisées.
À titre illustratif, prenons trois exemples de mise en œuvre des prémisses, pratiques et outils de la GPR observés à l’échelle de trois gouvernements des plus visibles à l’échelle internationale: le gouvernement fédéral du Canada, le gouvernement provincial du Québec et le gouvernement fédéral des États-Unis.
Au Canada, historiquement l’administration publique fédérale reprend le modèle britannique hérité de Westminster/Whitehall, mais l’adapte à ses propres besoins. Roberts (2002) trace par exemple un portrait de l’administration publique canadienne, dominée à ses débuts par une volonté très wébérienne de lutter contre le patronage et le favoritisme dans l’embauche, tout en créant une fonction publique hautement qualifiée. Il montre par la suite comment, en réaction aux excès de dépenses perçus durant les décennies suivant la Deuxième Guerre mondiale, la lutte contre les déficits (et le retrait de l’État lui correspondant) est devenue à partir des années 1980 la caractéristique dominante de la gestion de l’État canadien.
Gow caractérise pour sa part le modèle canadien d’administration fédéral comme comportant
cinq caractéristiques principales: 1) un contrôle politique fort, limité par le régime fédéral, la Charte des droits et libertés, les organismes parlementaires autonomes et l’opinion publique; 2) un solide cadre juridique, soutenu par la Charte et les tribunaux; 3) une fonction publique autonome, non partisane et professionnelle; 4) une tradition de modération et de pragmatisme chez les élites politiques et administratives; 5) une assez forte «tolérance de l’ambiguïté», qui se manifeste dans les relations fédérales-provinciales, l’égalité des chances pour les minorités et l’autonomie gouvernementale des Territoires du Nord et des communautés autochtones (Gow, 2004, s. p.).
Ainsi, bien qu’elle maintienne des caractéristiques proprement wébériennes, l’administration publique fédérale canadienne se distingue par un contrôle politique limité par l’influence d’un certain nombre d’acteurs institutionnels ainsi que par une volonté très libérale de renforcer les droits des minorités. Du point de vue administratif, le contrôle politique demeure fort, mais est néanmoins mitigé par la nécessité d’évoluer dans un cadre fédéral, où les provinces détiennent de substantielles ressources et capacités, et une prolifération des organismes parlementaires autonomes, en particulier du Vérificateur général.
Cela ne veut pas pour autant dire que l’administration publique canadienne n’a pas, elle aussi, entrepris le virage de la NGP. Comme le mentionnent Gow et Hodgetts (2003, p. 191),
From the Increased Ministerial Authority and Accountability system introduced in 1986, through the creation of special operating agencies in the 1990s, the general idea is to replace a number of rules by contractual-type arrangements between the Treasury Board and departments and agencies. Greater delegation of power is supposed to make it easier for management to concentrate on achieving the optimum results, in return for accountability about these results. Under the umbrella title of alternative service delivery, agencies and partnerships are restoring the notion of service delivery at arm’s length
.
Cette volonté de décentraliser, dépolitiser et débureaucratiser la gestion de l’administration publique est en effet très caractéristique du NMP, qui voit en cette pratique une manière d’atteindre non seulement une plus grande efficience dans la gestion des services publics, mais aussi une manière de rendre les gestionnaires plus imputables. Cela laisse supposer l’institutionnalisation et la mise en œuvre de la GPR dans des conditions relativement favorables.
Au sein des structures d’offres en service du gouvernement fédéral canadien, l’impulsion de mise en œuvre de la GPR a été donnée en 1994 par une vaste initiative de contrôle des dépenses nommée «Examen des programmes», où la pertinence de chaque dépense a été scrutée à la loupe. Comme dans beaucoup de pays anglo-saxons, c’est le poids de la dette publique et la recherche d’efficience qui a constitué le point de départ de l’intégration des prémisses et principes de la GPR. Sur le plan pratique, cette mise en œuvre s’est faite de façon très décentralisée, non pas par une loi-cadre, mais bien par une série d’initiatives et de directives administratives. Les plans stratégiques globaux ne sont pas obligatoires, et il incombe aux ministères et organismes de définir les paramètres de mise en œuvre (Martin et Jobin, 2004). Généralement, chaque ministère ou organisme rédige un Plan ministériel, qui constituera une planification stratégique sur trois ans. La reddition de comptes se fait par le Rapport sur les résultats ministériels.
L’autre fil conducteur des réformes administratives fédérales canadiennes, celui qui le rattache à son histoire, est l’importance de la professionnalisation dans la mise en œuvre de la GPR. L’appareil administratif canadien a en effet toujours accordé beaucoup d’importance à la qualité de ses ressources humaines (par exemple, dans la lutte contre le patronage au début du siècle dernier), et il est parfaitement cohérent que les réformes des 20 dernières années s’inscrivent dans cette mouvance:
Le pari des autorités politiques et administratives canadiennes sur la compétence professionnelle des fonctionnaires deviendra le déterminant de la modernisation administrative de l’État. La mise en œuvre se fera dorénavant par l’apprentissage et par la professionnalisation des fonctionnaires, ces derniers ayant mandat de décider des moyens et des méthodes d’offres, d’adaptation et d’évaluation des services aux citoyens (Mazouz et Leclerc, 2008, p. 101).
Au Québec, l’administration publique provinciale se développe en même temps que celle du Canada, mais maintient néanmoins plusieurs caractéristiques distinctes. Là encore, une lecture historique de son évolution permet de dresser un portrait détaillé d’une administration publique ayant réussi à créer un État-providence comparable à ceux d’autres juridictions, s’appuyant notamment