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Communication des risques météorologiques et climatiques
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Livre électronique502 pages4 heures

Communication des risques météorologiques et climatiques

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À propos de ce livre électronique

Nous sommes tous exposés à des risques météorologiques et climatiques pouvant avoir des conséquences plus ou moins importantes sur notre quotidien. De nombreuses organisations, dans lesquelles œuvrent des professionnels provenant de plusieurs horizons, disposent de moyens pour prévoir et gérer ces risques. Communiquer adéquatement les enjeux aux personnes potentiellement concernées et aux divers acteurs de la gestion de ces situations problématiques est essentiel pour en diminuer les effets nuisibles.

Le présent ouvrage veut faire comprendre le rôle de la communication dans la gestion du risque. Des praticiens et des chercheurs y partagent leurs expériences et leurs observations et offrent au lecteur, par leurs exemples, réflexions et exercices pratiques, une panoplie d’outils visant à améliorer la communication et la compréhension des phénomènes qui touchent la circulation des messages.

Ce livre aborde les notions relatives à la communication de risques, la pratique de la communication proprement dite et la communication dans le contexte du numérique et de ses répercussions collectives. Il permettra au lecteur, qu’il soit un professionnel ou un étudiant en gestion de risque ou en communication, de mieux participer à la mise en place de stratégies de communication efficaces et pertinentes pour minimiser les conséquences négatives des crises.
LangueFrançais
Date de sortie24 mai 2019
ISBN9782760547063
Communication des risques météorologiques et climatiques

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    Aperçu du livre

    Communication des risques météorologiques et climatiques - Bernard Motulsky

    INTRODUCTION

    Ce livre se veut un outil de formation et de référence rédigé par 16 auteurs, basé sur l’état actuel du savoir sans prises de positions idéologique ou politique. Mais il faut tout de même s’attendre à ce qu’il y ait des différences de points de vue entre les auteurs, voire des ambiguïtés puisque la tolérance à l’ambiguïté fait partie de la communication.

    Les auteurs ont été invités à y participer en s’inscrivant dans une cohérence d’ensemble. Ce n’est donc pas un recueil de textes mais bien des textes originaux qui s’insèrent dans une démarche planifiée. Ces auteurs ont été recrutés pour leur notoriété dans des champs de recherche, d’enseignement ou d’expérience pertinents.

    Nous traitons d’un domaine du savoir encore en plein développement, déjà riche d’ouvrages, de cours, d’articles, de colloques, de conférences ou d’autres activités universitaires et sur le terrain. Paradoxalement, tous les gestionnaires de risques font de la communication de risques soit directement, soit à travers leurs collaborateurs, notamment les communicateurs, sans être toujours conscients de l’apport précieux que peuvent fournir ces expériences pour construire ce nouveau savoir.

    Le point de départ de cet ouvrage se situe dans le cadre des travaux de la Chaire de relations publiques et communication marketing (CRPCM) de l’UQAM sur les risques météorologiques et climatiques, faits avec la contribution financière d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) que nous tenons d’ailleurs à remercier. À noter que les auteurs ont joui de la totale liberté propre à un milieu universitaire. S’il y a des convergences ou des divergences de points de vue avec ECCC, ce ne sont que pures coïncidences.

    Cet ouvrage, même s’il est centré sur la préoccupation de la communication des risques météorologiques et climatiques, demeure ouvert sur la communication des risques en général. La transposition à la globalité des risques est d’autant plus naturelle que, dans les faits, les risques naturels, technologiques et anthropiques forment un tout qui s’approche de plus en plus du risque global. De plus, les risques météo et climatiques sont à l’origine d’effets désastreux qui déclenchent d’autres facteurs de risques ou contribuent (en les aggravant ou en les atténuant) aux effets désastreux provenant d’autres risques. Ce manuel peut donc être utilisé pour toute formation en matière de communication des risques en effectuant les transferts appropriés.

    Nous sommes dans une situation de communications de risques dans laquelle tous les lecteurs se retrouveront. La pluie et le beau temps alimentent la conversation quotidienne de la plupart des gens. Paradoxalement, nous tenons à écouter les prévisions de la météo, mais nous ne nous y attardons que superficiellement; parfois même ces prévisions se fondent dans le cynisme ambiant. Nous comprendrons dans ces pages que les prévisions de la météo découlent d’une science exacte qui fonctionne avec des modèles hautement sophistiqués permettant de faire des projections très solides. Mais les communications relatives à la météo n’en semblent pas le reflet. Souvent fondées sur un langage hermétique (courant jet, anticyclone, dépression, pression barométrique, etc.), elles ne rendent pas justice à leurs savants auteurs. Par ailleurs, on ne tient pas toujours compte des perceptions des publics visés. Comme les conséquences des prévisions pour ces publics cibles ne sont pas suffisamment étayées pour capter leur attention, nous nous retrouvons dans un univers de communications unilatérales. En fait, la communication bilatérale et multilatérale ne fait pas partie de la culture traditionnelle de la communication de risques.

    Plusieurs chapitres permettent d’examiner plusieurs facettes de cette opposition entre une communication des risques descendante (top-down) et une communication multilatérale en suggérant des pistes de réflexion, des exemples concrets, des outils qui sauront permettre aux personnes concernées par la communication des risques météorologiques ou climatiques et autres de devenir plus efficaces. C’est par l’apport des médias sociaux à la communication de risques que le lecteur comprendra que nous y sommes déjà: les citoyens sont désormais des émetteurs au même titre que les autorités en place et les experts ou scientifiques. Trois chapitres explorent cet univers.

    Pour mieux saisir l’influence des médias sociaux, ce manuel aborde les notions de base touchant la communication en général et la communication des risques en particulier. À ce sujet, la norme ISO 31000 est considérée comme la référence en matière de gestion et de communication des risques. Tout le champ de la perception des risques sera en filigrane, mais un chapitre y sera tout de même consacré. Le livre complète le tableau avec les règles de l’art, les dimensions organisationnelles, les effets sur la santé, la gestion du changement par le lien social et le réflexe citoyen. Le chapitre 14 portera sur l’aspect systémique en communication des risques.

    Les auteurs tiennent à remercier Stéphanie Yates, directrice de collection aux Presses de l’Université du Québec, pour la rigueur avec laquelle elle les a accompagnés dans cette entreprise. Ils espèrent que cet outil de réflexion, de formation et de perfectionnement permettra aux lecteurs de progresser dans leurs pratiques respectives de manière à ajouter leur contribution à ce nouveau champ du savoir et à communiquer de façon plus efficace.

    Jean Bernard Guindon,

    Bernard Motulsky

    et Flore Tanguay-Hébert

    CHAPITRE

      1  

    LES DISPOSITIONS DE BASE POUR S’OUVRIR AU DOMAINE DE LA COMMUNICATION DES RISQUES APPLICABLE À LA MÉTÉOROLOGIE ET À LA CLIMATOLOGIE

    Jean Bernard Guindon

    Résumé

    Ce chapitre traite des dispositions personnelles pour s’ouvrir et accéder à la discipline de communication des risques. On tente de comprendre ce qui fait obstacle à la communication efficace des risques et durant les crises: les présupposés, les mythes et les défenses. Pour articuler le propos à celui des autres chapitres, il indique comment on peut faire le passage de l’individuel au collectif dans la communication des risques en utilisant une charte organisationnelle de communication des risques.

    La communication des risques repose sur un processus de gestion des risques par des scientifiques, autorités ou toute personne dûment mandatée. En vertu de la norme ISO 31000, qui sera traitée au chapitre 3, la communication doit intervenir tout au long du processus de gestion et non à la fin, comme un simple appendice. Cette approche part du fait que les risques tels qu’analysés et traités ne sont que perçus. Cette perception résulte de la confrontation d’informations au vécu et aux émotions d’un sujet. La question de la perception sera traitée plus en détail au chapitre 4.

    Par conséquent et en définitive, ce qui fera l’objet d’une gestion de risques sera la perception des risques et non uniquement leur réalité dite scientifique ou objective. Or, si les informateurs sur les risques ne tiennent pas compte de la rétroaction des publics visés tout au long du processus, il y a fort à parier que les comportements attendus des personne ne seront pas adaptés (situation de risques), ni conformes (situation de crise).

    Pour développer le réflexe de la communication durant tout le processus de gestion des risques, incluant une éventuelle gestion de crise, les transmetteurs d’informations doivent impérativement intégrer des réflexes de communication à leur processus de gestion des risques. Pour ce faire, ils doivent connaître les caractéristiques d’une communication adéquate et efficace, qu’ils soient des communicateurs, des gestionnaires, des scientifiques ou autres professionnels.

    Dans le présent chapitre, nous allons traiter des éléments clés de la communication des risques et des obstacles à une communication susceptibles de changer les comportements individuellement et socialement, pour terminer avec un modèle de charte de communication des risques. Le chapitre 13 approfondira la dynamique du changement en communication des risques.

    1.1LES CONDITIONS PRÉALABLES AU PROCESSUS DE COMMUNICATION DES RISQUES

    De façon générale, on comprend la communication comme étant l’émission d’information sur des faits, sur des prévisions, ou la formulation d’opinions, de pensées et de sentiments. Cette compréhension correspond au fameux droit à la liberté d’expression, dont d’ailleurs on se préoccupe davantage que des conséquences qui en résultent. Cette vision de la communication uniquement centrée sur l’expression est réductrice: elle néglige le fait que l’écoute en est le pendant indispensable. Que vaut l’expression s’il n’y a pas d’interlocuteur qui est en mode écoute et qui, par conséquent, peut donner une rétroaction et poser des questions?

    En communication des risques, ce cycle itératif de l’expression, de l’écoute, de la rétroaction et du questionnement est indispensable à son efficacité. Puisque la communication des risques doit conduire à des changements de comportement chez le public cible et à de l’adaptation aux conditions créées par la présence d’un risque, son efficacité est cruciale et intrinsèque à la réalité même du risque révélé. Sinon, les comportements des personnes peuvent devenir un facteur aggravant de l’importance du risque et surtout de ses conséquences désastreuses. C’est ainsi qu’on peut dire qu’il n’y a pas de véritable gestion de risque si aucune communication n’est incluse dans le processus même de gestion.

    Les gestionnaires de risques n’ont pas qu’à gérer les aléas à l’origine du risque, mais aussi et surtout leur effet sur les personnes potentiellement touchées. Or, on ne peut faire abstraction de la perception qu’auront ces personnes dans une compréhension des risques. C’est cette perception qui accroît ou atténue la gravité du risque selon que les personnes négligent d’ajuster leur comportement ou se conforment et s’adaptent en vue d’en atténuer les effets.

    Il appert que les personnes chargées d’effectuer une communication publique doivent toujours avoir à l’esprit cette dimension des répercussions, que ce soient des scientifiques, des autorités publiques, des intervenants ou des communicateurs.

    Si les personnes responsables de la communication des risques ne possèdent pas les atouts nécessaires pour activer les bons réflexes dans leur communication, nous doutons que les principes, méthodes, outils contenus dans ce livre leur seront de quelque utilité.

    Il découle de ces considérations que certaines attitudes personnelles devraient constamment prévaloir en communication des risques:

    •La présence à soi;

    •La tolérance à l’ambiguïté;

    •La valorisation des différences;

    •La disponibilité.

    Ces dispositions personnelles, relevées par Solange Cormier (2007, chap. 3) dans le cadre de la communication appliquée à la gestion, sont reprises ici en les transposant à la communication des risques et lors de situation de crise.

    1.1.1LA PRÉSENCE À SOI

    Être présent à soi est indispensable pour avoir la conscience de l’autre. C’est «se décentrer de sa propre performance dans l’interaction et ne pas se préoccuper de sa propre image» (Cormier, 2007, p. 63). Il ne s’agit pas de la conscience de soi comme on l’entend généralement, mais plutôt d’une concentration active sur ce qui est à l’extérieur de soi, ce qui suppose d’être présent à soi afin d’y arriver.

    En communication de risques, cette capacité exige de pouvoir penser, en tant qu’émetteur de messages, à qui les recevra, aux répercussions sur sa vie et aux informations multiples qui l’assailliront et parmi lesquelles il ou elle devra faire des choix. Ainsi, un météorologue qui annonce une dépression majeure choisira peut-être de parler de tempête hivernale dont les effets seront de telle ou telle nature sur la vie des gens impliquant famille, déplacements, travail, agriculture, etc., au lieu de donner des explications scientifiques en termes hermétiques.

    1.1.2LA TOLÉRANCE À L’AMBIGUÏTÉ

    Être tolérant à l’ambiguïté, c’est renoncer à la logique du vrai et du faux, de la pensée linéaire, de la causalité directe, de la réduction (pensée unique, simple); c’est apprendre à vivre avec la complexité, l’imprévu, l’inattendu, avec ce qui tourne en rond (la pensée circulaire), avec ce qui n’est pas complet, paradoxal, voire contradictoire. L’expression courante «ce n’est pas clair ce que vous dites» deviendra une source d’apprentissage au lieu d’une source de frustration.

    Ainsi, le récepteur des messages sera en mesure de comprendre lors d’un même événement que les mêmes personnes peuvent changer leurs prévisions, conseils ou consignes; ce récepteur doit aussi comprendre que l’ordre logique ne peut être le sien puisqu’il est question de risques ou de situations chaotiques, complexes, dont les causes ne sont pas claires. Il s’agit aussi de comprendre que différentes sources d’informations (médias classiques, médias sociaux) peuvent véhiculer des messages qui ne semblent pas cohérents ou du moins concordants. Ce phénomène peut créer de la confusion, mais il peut aussi être perçu comme une source d’enrichissement dans l’acquisition d’un savoir complexe, paradoxal et très évolutif.

    1.1.3LA VALORISATION DES DIFFÉRENCES

    La valorisation des différences est l’antithèse de la pensée unique (group thinking) qui tend à lisser les idées, les faits et les jugements de manière à être complaisant et conforme à un contexte donné, ce qui renvoie à la culture organisationnelle, professionnelle, voire à la culture ambiante dont toutes les personnes sont parties prenantes. Et cette manière de penser se traduira par des expressions comme celle-ci: «ici, ça ne se dit pas, ça ne se fait pas, ce n’est pas conforme à nos valeurs». Nous avons là une source de blocages à une communication claire, précise et efficace.

    Nous retrouvons ce phénomène dans les organisations où les employés, peu importe leur position dans l’organigramme, tendent à se protéger afin de ne pas compromettre leurs chances d’obtenir une promotion. Par exemple, si une organisation n’est pas ouverte à la communication authentique, bien mal venu celui ou celle qui va à l’encontre de l’ordre et des coutumes établis. Pourtant, la lecture des faits et des idées passe par des fenêtres qui ne permettent de percevoir qu’une partie de la réalité, qui, même si elle est identique, n’est jamais perçue comme telle. Ainsi, plusieurs personnes dans une même pièce peuvent regarder dehors par une fenêtre et ne pas voir la même chose, car cela dépend de l’angle où elles sont placées. Les points de vue scientifiques, inter- et intra-organisationnels, politiques, communicationnels sont autant de fenêtres qui amènent certaines personnes à faire une lecture différente du même objet. C’est pourquoi il est difficile pour une seule personne de prétendre à l’objectivité. L’art du partage dans les différences au sujet d’un même objet permet de valoriser les différences pour mieux s’approcher d’une certaine objectivité. Par exemple en météorologie, toute communication de risques qui sera partagée sera source d’enrichissements et de clarifications profitables aux partenaires et aux publics cibles.

    1.1.4LA DISPONIBILITÉ

    L’écoute est indispensable à quiconque veut communiquer adéquatement, autant à l’émetteur d’un message qu’à son récepteur. Il arrive bien souvent que le manque d’écoute ait pour effet d’accroître l’incompréhension lors d’une communication. La disponibilité physique et psychique permet de mieux capter tout message, toute réaction afin de parfaire un cycle d’échange, essentiel à l’atteinte de la coopération en vue de parer à tout risque par des comportements adaptés. Ainsi, les messages météo sont souvent écoutés de façon distraite et ensuite on leur reproche de ne pas être suffisamment clairs…

    La disponibilité se caractérise aussi par une prise de distance émotionnelle par rapport à la teneur de ce qui est exprimé ou de ce qu’on exprime. Il s’agit de faire un effort pour se mettre dans des dispositions d’ouverture non critique face aux messages tout en conservant la sensibilité nécessaire pour saisir d’autres points de vue que les siens. Cet amalgame complexe entre nos perceptions par définition subjectives et l’ouverture à celles des autres se réalise à travers la disponibilité. Par exemple, la formulation d’un risque météorologique se situe dans l’ambiguïté entre l’aléa relevé et les menaces qu’il peut faire peser sur la vie des gens; la peur de créer un climat de panique pourrait réduire la clarté d’un message et la panique chez le récepteur peut se produire indépendamment de la volonté de la source du message. La disponibilité permet de doser la communication afin qu’elle soit efficace tout en conservant une sensibilité suffisante pour ajuster les interactions entre les interlocuteurs.

    Il découle de ces réflexions que la communication des risques requiert des dispositions intérieures bien intégrées afin que l’authenticité de la personne, la crédibilité de son message et la qualité de son écoute partent de l’intérieur de son être en mode de communication et non seulement des codes extérieurs auxquels elle se soumettrait, par exemple, un code d’éthique. Quiconque a eu l’occasion de voir à l’œuvre la météorologue Jocelyne Blouin peut reconnaître que sa personne et ce qu’elle dégageait lorsqu’elle s’exprimait sur les risques météorologiques étaient d’une cohérence qui lui assurait une très grande crédibilité.

    1.2LES OBSTACLES À LA COMMUNICATION DES RISQUES

    Même si nous avons les meilleures dispositions et les meilleurs talents du monde pour communiquer efficacement, il reste que les humains ont besoin de mécanismes de défense pour les aider à affronter les situations complexes ou menaçantes en demeurant en possession de leurs moyens et en diminuant l’angoisse qu’elles engendrent. Cependant, de tels mécanismes de défense peuvent nous empêcher de communiquer ou, à tout le moins, nous limiter dans la communication.

    Notons que le problème ne se pose pas dans la manifestation à court terme d’un mécanisme de défense, mais plutôt dans sa persistance. Par exemple, si le déni à la nouvelle de la mort d’un proche est indispensable pour maintenir un certain équilibre psychologique, la persistance dans le déni pourrait avoir des conséquences fâcheuses et regrettables, comme la fermeture à toute communication avec l’entourage.

    1.2.1LES MÉCANISMES DE DÉFENSE

    Il existe plusieurs catégorisations des mécanismes de défense, mais aucune ne semble plus pertinente que celle de Pauchant et Mitroff (1995, p. 79-101) qui les ont utilisées pour comprendre les blocages observés chez l’être humain lors de la gestion des crises. Comme toute gestion de crise comporte une gestion de risques, avant, pendant et après (Bérubé, 2013, p. 532), et que celle-ci est imprégnée en tout temps de la communication des risques (Bérubé, 2013, p. 537), nous prenons la liberté d’opérer ce transfert pour tenter de comprendre quels sont les blocages possibles à une communication claire, précise et crédible.

    Le tableau 1.1 présente une application de ces mécanismes de défense faisant obstacle à la communication des risques météorologiques (les termes entre parenthèses sont de l’auteur).

    1.2.2LES PRÉSUPPOSES ET LES MYTHES

    Comme nous l’avons mentionné, les mécanismes de défense, lorsqu’ils se manifestent et se vivent à court terme, le temps de se ressaisir et de retrouver son équilibre et le bon dosage des mesures à prendre, ne sont pas problématiques. Ils peuvent même contribuer, grâce à la présence à soi, à une prise de conscience plus rapide de dérapages possibles dans la communication de risques. Mais s’ils persistent, ils peuvent renforcer des présupposés et même engendrer des mythes, lesquels deviennent des obstacles à une communication efficace.

    Les présupposés et les mythes sont des idées établies ou reçues qui, par leur présence, empêchent une lecture juste de la réalité et l’expression de celle-ci dans les communications. Pauchant et Mitroff (1995) les classent sous la rubrique des suppositions de base. C’est tout ce à quoi nous croyons et que nous ne songeons pas à remettre en question.

    TABLEAU 1.1

    Application à la communication des risques des mécanismes de défense propres à la gestion de crise

    Ils désignent l’écart qui existe entre la réalité et les fantasmes des personnes et des organisations. Ils faussent la lecture de la réalité en y introduisant des voiles subjectifs issus des émotions, états d’âme ou croyances. Ainsi, il devient difficile de distinguer les véritables événements des émotions qui les accompagnent lorsqu’ils surviennent ou sont survenus. Les présupposés et les mythes issus de la persistance des mécanismes de défense les figent dans la réalité intérieure des personnes en mode de communication.

    Voici quelques exemples de présuppositions:

    •Les citoyens n’ont pas besoin de faire quoi que ce soit devant l’imminence d’un événement météo puisque les autorités vont s’en occuper, donc on n’a pas à se préoccuper des alertes météo.

    •Grâce à l’application du principe de précaution, toute menace à l’intégrité ou à la santé des citoyens sera sous contrôle: en exagérant les avis de précautions à prendre, on pourra ainsi être sûr que personne ne sera victime d’un événement catastrophique météo.

    •Toute communication bien faite et fondée sur la science météorologique se rendra directement aux publics cibles qui sauront automatiquement quelles précautions prendre.

    Voici quelques exemples de mythes:

    •La température est uniquement un phénomène local sans référence à aucun système global planétaire; les prévisions météo se résument à ensoleillement, pluie, vent, nuages sur une base locale.

    •En cas de désastre météo, on peut ignorer les avertissements (évacuer, demeurer à la maison, etc.) parce qu’on sait que les victimes potentielles seront secourues (évacuation en hélicoptère).

    •Les grandes menaces climatiques n’existent pas: c’est une invention pseudo-scientifique de charlatans dans le but de nous faire peur.

    •Toute communication de risques météo est basée sur la peur, donc inutilement traumatisante.

    •Seule la transparence totale permet de produire une communication de risques crédible et fiable.

    Considérer ces énoncés comme farfelus serait sous-estimer la force des communications publiques pour les entretenir, particulièrement celle des médias sociaux. De même, on ne saurait sous-estimer leur influence sur les communications de risques et lors des crises, notamment l’appauvrissement de la qualité, la perte d’efficacité, voire le refus de communiquer.

    1.2.3UN ANTIDOTE: LE QUESTIONNEMENT

    La communication entre les humains a ceci de paradoxal qu’elle sert à nous aider à nous comprendre, tout en étant une source d’incompréhension. Plus nous nous exprimons, plus nous croyons rendre les contenus de nos messages clairs, mais plus aussi nous risquons de brouiller les pistes. C’est le surcroît d’information qui disperse l’attention de l’interlocuteur, en mettant sur un même pied les informations essentielles et les informations accessoires, et l’empêche d’avoir une vue d’ensemble en fragmentant les perceptions de la réalité.

    De là à dire que la transparence totale n’est pas chose réalisable, il n’y a qu’un pas qu’il faut bien oser franchir. En effet, la transparence est une utopie entretenue par certains gourous de la communication qui ne résiste à aucune analyse sérieuse. On ne peut jamais prétendre tout dire quand on prend conscience que le surplus d’information est cause d’incompréhension.

    La problématique de fond réside dans la croyance que seules la rationalité et la mémoire constituent les bases de la communication. L’interaction dans la communication dépasse largement ces deux dimensions pour aller jouer dans la complexité des états d’âme, dans les émotions vives ressenties, dans les perceptions que nous avons de la réalité extérieure, même chez les scientifiques ou les journalistes les plus aguerris qui se croient porteurs de la supposée objectivité dont ils se réclament parfois. C’est d’autant plus vrai qu’en situation de haut niveau de stress face à des risques ou à une crise, les certitudes basculent dans les paradoxes, lesquels confinent parfois au chaos.

    Dans les interactions humaines en situation de stress intense, il vaut mieux éviter toute communication qui ne fait souvent qu’ajouter à la confusion (comme dans un accès de colère). Il vaut mieux tenter de favoriser la compréhension et de réduire la confusion. Toutefois, il restera toujours de l’ambiguïté non résolue parce que la communication est source d’ambiguïtés non intentionnelles compte tenu des

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