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Pour la sécurisation alimentaire au Québec: Perspective territoriale
Pour la sécurisation alimentaire au Québec: Perspective territoriale
Pour la sécurisation alimentaire au Québec: Perspective territoriale
Livre électronique369 pages4 heures

Pour la sécurisation alimentaire au Québec: Perspective territoriale

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À propos de ce livre électronique

La sécurité alimentaire est l’un des plus vieux enjeux du monde. Dans plusieurs régions du globe, l’insécurité alimentaire est présente de manière quasi permanente, et d’autres connaissent une résurgence intermittente de celle-ci, parfois dans ses expressions extrêmes – les crises alimentaires, voire les famines. En contrepartie, au Québec, à l’instar de la plupart des pays du Nord, l’insécurité alimentaire atteint des niveaux d’une ampleur plus modérée. Le phénomène n’est toutefois pas inexistant. Des individus, des groupes, des populations entières font face à ce type de situation, entre autres en raison de l’inaccessibilité physique des aliments, de la précarité financière et de la vulnérabilité sociosanitaire des gens, du décalage culturel, de l’insalubrité et de la perte des ressources productives. Les milieux sont donc amenés à réagir.

Le présent ouvrage illustre les processus permettant de lutter contre cette insécurité. Plus précisément, les auteurs mettent en lumière les dimensions territoriales de la sécurisation alimentaire au Québec en portant une attention particulière aux dynamiques actorielles et à la mobilisation des ressources. Ils présentent des cas issus des milieux urbains, ruraux et périurbains, ainsi que centraux et périphériques, et mettent en évidence la nature territorialisée et territorialisante des initiatives de sécurisation alimentaire.

Mélanie Doyon, titulaire d’un doctorat en géographie de l’Université de Montréal, est professeure au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle est membre du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES). Elle s’intéresse au développement et à la planification territoriale en milieu rural, notamment aux questions agricoles et de sécurisation alimentaire.

Juan-Luis Klein, détenteur d’un doctorat en géographie de l’Université Laval, est professeur titulaire au Département de géographie de l’UQAM et membre du CRISES. Son enseignement et ses travaux portent sur la géographie socioéconomique, l’innovation sociale et les nouveaux modèles d’action en développement des territoires.
LangueFrançais
Date de sortie28 août 2019
ISBN9782760551817
Pour la sécurisation alimentaire au Québec: Perspective territoriale
Auteur

Mélanie Doyon

Mélanie Doyon, titulaire d’un doctorat en géographie de l’Université de Montréal, est professeure au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle est membre du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES). Elle s’intéresse au développement et à la planification territoriale en milieu rural, notamment aux questions agricoles et de sécurisation alimentaire.

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    Aperçu du livre

    Pour la sécurisation alimentaire au Québec - Mélanie Doyon

    Pour la sécurisation alimentaire au Québec

    Sous la direction de

    Mélanie Doyon et Juan-Luis Klein

    Pour la sécurisation alimentaire au Québec

    Perspective territoriale

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre: Pour la sécurisation alimentaire au Québec: perspective territoriale / sous la direction de Mélanie Doyon et Juan-Luis Klein.

    Noms: Doyon, Mélanie, éditeur intellectuel. | Klein, Juan-Luis, éditeur intellectuel.

    Collections: Géographie contemporaine; 40.

    Description: Mention de collection: Géographie contemporaine; 40 | Comprend des références bibliographiques et des index.

    Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20190022434 | Canadiana (livre numérique) 20190022442 | ISBN 9782760551794 | ISBN 9782760551800 (PDF) | ISBN 9782760551817 (EPUB)

    Vedettes-matière: RVM: Sécurité alimentaire—Québec (Province). | RVM: Aliments—Approvisionnement—Québec (Province).

    Classification: LCC HD9014.C33 Q8 2019 | CDD 363.809714—dc23

    Révision

    Geneviève Cloutier

    Correction d’épreuves

    Christian Bouchard

    Conception graphique

    Marie-Noëlle Morrier

    Mise en page

    Interscript

    Images de couverture

    UQAM/Nathalie St-Pierre

    Parole d’excluEs, Système alimentaire pour tous

    Le Grenier boréal

    MRC d’Argenteuil

    Dépôt légal: 3e trimestre 2019

    ›    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    ›    Bibliothèque et Archives Canada

    © 2019 – Presses de l’Université du Québec

    Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés

    Imprimé au Canada

    D5179-1 [01]

    AVANT-PROPOS

    Ce livre s’inscrit dans la suite logique de deux événements que nous avons coorganisés. Le premier est le séminaire L’économie sociale et les initiatives en sécurité et souveraineté alimentaire au Québec, qui s’est tenu à Victoriaville le 25 février 2016¹. Le second est le séminaire Sécurité et souveraineté alimentaire en milieu rural: entre valeurs et besoins, qui a eu lieu à Montréal le 11 août 2016 dans le cadre du Forum social mondial². Les deux événements ont permis de faire échanger praticiens, étudiants et chercheurs sur le thème de la sécurité et de la sécurisation alimentaires. Ils ont notamment mis en évidence les besoins de recherche et de documentation du sujet dans le contexte québécois, besoins que les différents chapitres de ce livre souhaitent contribuer à combler.

    Cet ouvrage a bénéficié du soutien financier du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC), qui finance le Collectif de recherche sur les innovations économiques, sociales et territoriales (CRIEST), dirigé par Juan-Luis Klein, dans le cadre du programme Soutien aux équipes de recherche 2018-2022. La publication de cet ouvrage a également été rendue possible grâce à la contribution financière du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES). Enfin, nous avons pu compter sur la précieuse collaboration de Matthieu Roy, agent de recherche au CRIEST, qui a assuré la révision des textes, la première mise en page de l’ouvrage et la réalisation des index, ainsi que sur celle de Mourad Djaballah, cartographe au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

    Mélanie Doyon et Juan-Luis Klein

    1.En collaboration avec le Centre d’innovations sociales en agriculture (CISA).

    2.En collaboration avec le Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) et l’organisme de liaison et de transfert Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS).

    TABLE DES MATIÈRES

    Avant-propos

    Liste des figures

    Liste des tableaux

    Liste des sigles

    INTRODUCTION

    Mélanie Doyon et Juan-Luis Klein

    1.La lutte pour la sécurité alimentaire: vers une transformation sociétale?

    2.La recherche sur le problème de l’insécurité alimentaire

    3.Des facteurs de l’insécurisation alimentaire

    4.L’insécurité alimentaire au Québec

    5.La sécurisation alimentaire: pour une vision renouvelée de la lutte contre l’insécurité alimentaire

    6.Le contenu de ce livre

    7.La contribution de ce livre?

    PARTIE 1

    Face à l’insécurité alimentaire: acteurs et territoires

    CHAPITRE 1

    La désertification alimentaire à Montréal: logique économique et réponse sociale

    Darío Enriquez et Juan-Luis Klein

    1.L’insécurité alimentaire en milieu urbain

    1.1.Les facteurs de l’insécurité alimentaire dans la ville

    1.2.Le processus de désertification alimentaire

    1.3.L’épicerie complète et la désertification alimentaire

    1.4.Les approches face à l’insécurisation alimentaire

    2.La géographie de la désertification alimentaire à Montréal

    2.1.La part des grandes chaînes

    2.2.Les espaces désertifiés

    3.Les actions solidaires en réponse à l’insécurité alimentaire à Montréal

    4.Montréal-Nord: une illustration

    4.1.La construction sociale d’une action systémique

    Conclusion

    CHAPITRE 2

    Le développement d’une méthode pour localiser les déserts et les marais alimentaires à la suite de l’expérience de la région de Lanaudière

    Éric Robitaille, Marie-Claude Paquette, Élizabeth Cadieux et Dominique Corbeil

    1.L’environnement alimentaire local, les déserts et les marais alimentaires

    2.La sensibilisation et la mobilisation des partenaires de la santé publique aux caractéristiques de l’environnement alimentaire local par la DSPublique du CISSS de Lanaudière

    3.La méthode

    3.1.La source des données

    3.2.La catégorisation des commerces où sont vendus des aliments

    3.3.La géolocalisation des commerces et la validation

    3.4.Les analyses spatiales et statistiques

    4.Les résultats

    4.1.Les déserts alimentaires

    4.2.Les marais alimentaires

    4.3.Les déserts et marais alimentaires dans le même secteur

    Conclusion

    CHAPITRE 3

    La sécurisation alimentaire à travers l’innovation socioagricole locale: le cas du Projet d’agriculture communautaire d’Argenteuil

    Camille Arsenault-Hétu et Mélanie Doyon

    1.Le contexte territorial: situation socioéconomique et insécurité alimentaire

    2.Le cadre conceptuel

    2.1.Le circuit de proximité

    2.2.L’empowerment

    3.Les aliments produits par le projet d’agriculture communautaire d’Argenteuil

    3.1.Le projet d’agriculture communautaire d’Argenteuil et la mise en place d’un circuit de proximité

    3.2.La sécurisation alimentaire et l’empowerment de la communauté locale

    4.La production maraîchère communautaire pour la sécurisation alimentaire

    Conclusion

    CHAPITRE 4

    Les ceintures alimentaires et l’agriculture urbaine: composantes et variabilités

    Christopher Bryant et Antonia D. Bousbaine

    1.Les conditions de réussite des projets alimentaires

    2.L’agriculture urbaine au Québec et la région métropolitaine montréalaise

    2.1.Le Système alimentaire montréalais (SAM)

    2.2.Les agricultures de Senneville

    Conclusion: la sécurité alimentaire et l’importance des projets alimentaires locaux

    PARTIE 2

    La sécurisation alimentaire par l’initiative locale: ressources, projets et acteurs

    CHAPITRE 5

    Comment redistribuer les surplus de l’agriculture marchande vers l’aide alimentaire? L’expérience de l’organisme Jardins solidaires

    Mélanie Doyon

    1.Le gaspillage, le glanage et l’aide alimentaire

    2.L’initiative Jardins solidaires

    Conclusion: l’intérêt et les limites du glanage pour diminuer l’insécurité alimentaire

    CHAPITRE 6

    Le Système alimentaire pour tous: un projet de sécurisation alimentaire basé sur la mobilisation citoyenne

    Isabel Heck et Florianne Socquet-Juglard

    1.La mobilisation citoyenne et les premières actions (Phase 1: 2008-2009)

    2.L’élargissement de l’initiative: vers un système alimentaire (Phase 2: 2010-2015)

    3.L’opérationnalisation du Système (Phase 3: depuis 2016)

    Conclusion: la place des citoyens dans le Système alimentaire pour tous

    CHAPITRE 7

    L’autonomisation alimentaire en milieu géographique adverse: le cas du Grenier boréal en Minganie

    Jessica Élie-Leonard et Mélanie Doyon

    1.Longue-Pointe-de-Mingan: entre forêt et fleuve

    2.L’insécurité alimentaire en Minganie: un vécu quotidien

    3.Le Grenier boréal: une initiative agricole limitant l’insécurité alimentaire

    3.1.Les facteurs de réussite du Grenier boréal

    3.2.Les défis rencontrés par le Grenier boréal

    4.Le Grenier boréal: une initiative de sécurisation alimentaire en milieu géographique adverse

    Conclusion

    CHAPITRE 8

    L’entrepreneuriat social en agriculture urbaine: l’entreprise Les Fermes Lufa

    Roufaï Ouro-Koura et Juan-Luis Klein

    1.La sécurité alimentaire et l’agriculture urbaine

    1.1.La sécurité alimentaire

    1.2.La lutte pour la sécurité alimentaire et l’agriculture urbaine

    2.L’entrepreneuriat social et l’entreprise sociale

    3.L’étude de l’entreprise Lufa: précisions méthodologiques

    4.Les résultats: l’entreprise Les Fermes Lufa à Montréal

    4.1.Les ressources mobilisées

    4.2.Les objectifs et la vision de l’entreprise Lufa

    4.3.Le développement des partenariats avec des producteurs agricoles

    4.4.Le système de commercialisation des produits

    4.5.Le soutien aux organismes d’aide alimentaire

    4.6.Le compostage des déchets alimentaires

    4.7.La relation avec les partenaires

    4.8.Les clients de l’entreprise: les Lufavores

    4.9.Les employés: deux réalités

    5.La contribution de Lufa à la sécurisation alimentaire

    Conclusion

    CHAPITRE 9

    Le volet agricole d’une expérience d’innovation socioterritoriale: La Clé des Champs de Saint-Camille

    Pierre-André Tremblay, Mélanie Doyon, Juan-Luis Klein et Camille Arsenault-Hétu

    1.L’émergence du projet (2002-2003)

    2.Le démarrage de la coopérative (2004-2007)

    3.La deuxième phase (2008-2009)

    4.La crise (2010) et la transition (2011)

    5.Le passage à l’entreprise privée: un recul? (2012 à aujourd’hui)

    Conclusion

    Conclusion

    Mélanie Doyon et Juan-Luis Klein

    Bibliographie

    Notices biographiques

    Index thématique

    Index des lieux

    LISTE DES FIGURES

    Figure I.1.La localisation des cas étudiés dans ce livre

    Figure 1.1.Les espaces de désertification alimentaire à Montréal

    Figure 1.2.Les commerces alimentaires à Montréal-Nord (2015)

    Figure 2.1.La distribution spatiale des secteurs qualifiés de déserts alimentaires (n = 70) et le niveau d’accès géographique aux commerces d’alimentation

    Figure 2.2.La distribution spatiale des secteurs qualifiés de marais alimentaires (n = 30), indice de l’environnement alimentaire de détail (IEAD)

    Figure 2.3.La distribution spatiale des secteurs qualifiés de déserts et de marais alimentaires (n = 1)

    Figure 3.1.Le réseau d’acteurs entourant le projet d’agriculture communautaire d’Argenteuil

    Figure 4.1.La sécurité alimentaire et ses principales composantes

    Figure 6.1.Les partenaires et les projets du SAPT dans l’arrondissement de Montréal-Nord (2018)

    Figure 7.1.La localisation du Grenier boréal et de la municipalité de Longue-Pointe-de-Mingan, Côte-Nord

    LISTE DES TABLEAUX

    Tableau I.1.Les chapitres du livre et leur objet d’étude

    Tableau 1.1.La part des types de commerces de détail alimentaires québécois en pourcentages (2012-2016)

    Tableau 1.2.Les déserts alimentaires sur l’île de Montréal

    Tableau 1.3.Les initiatives alimentaires solidaires selon le type et la fréquence du faible revenu

    Tableau 1.4.Les rendez-vous alimentaires de Montréal-Nord (2013-2017)

    Tableau 2.1.Le niveau moyen de l’IEAD et le nombre de secteurs qualifiés de marais alimentaires selon les quintiles de la défavorisation

    Tableau 4.1.Les conditions de réussite des projets alimentaires

    LISTE DES SIGLES

    INTRODUCTION

    Mélanie Doyon et Juan-Luis Klein

    1.La lutte pour la sécurité alimentaire: vers une transformation sociétale

    ¹?

    La sécurité alimentaire est l’un des plus vieux enjeux du monde. Depuis toujours, les humains cherchent à répondre à leurs besoins alimentaires pour assurer leur survie. Les premières politiques agricoles avaient pour objectifs la gestion des stocks de céréales (Chaléard et Charvet, 2004) et le contrôle des prix de certaines denrées (Bruegel et Stanziani, 2004). Ces pratiques anciennes ont été entérinées par la Déclaration des droits de l’homme, qui inclut, dès 1976, le droit à une alimentation suffisante (Bruegel et Stanziani, 2004). Le concept de sécurité alimentaire, lui, émerge au cours de la crise alimentaire mondiale du milieu des années 1970, avec une perspective d’aide internationale. Les pays en situation de famine recevaient l’aide des pays qui en étaient exempts.

    Longtemps, la sécurité alimentaire a essentiellement ciblé la satisfaction des besoins énergétiques. On cherchait à garantir la disponibilité physique et calorique des produits alimentaires de base et à renforcer la capacité des États à accroître durablement leur production pour faire face à la croissance démographique et aux problèmes sociaux engendrés par la faim. Cela requérait des réformes sociales et économiques importantes, notamment des réformes agraires, qui ont fait entrer le problème dans l’arène politique (Berthelot et de Ravignan, 1980). Par la suite, la sécurité alimentaire a été circonscrite à des dimensions sanitaires, mais aussi nutritionnelles et culturelles. Cette tendance s’est poursuivie dans les années 1980 avec la mise en exergue de l’accessibilité physique et économique des denrées alimentaires pour les personnes, ce qui marque le passage d’une perspective mondiale et nationale à une perspective principalement centrée sur les familles et les individus (Maxwell, 1996).

    À partir du milieu des années 1990, cependant, la sécurité alimentaire intègre progressivement des dimensions sociétales. Les conditions de sécurité alimentaire ont ainsi été redéfinies. Selon la Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO, ou Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), il y aurait sécurité alimentaire «[l]orsque toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine» (FAO, 1996). La sécurité alimentaire reprend alors de son ampleur, puisque de telles conditions ne peuvent exister que dans des cadres d’équité sociale et économique difficiles à établir dans le contexte du système économique dominant. Notre point de vue est que la sécurité alimentaire telle que définie par la FAO ne peut pas être atteinte sans une profonde transformation sociétale. C’est la perspective dans laquelle s’inscrit ce livre.

    2.La recherche sur le problème de l’insécurité alimentaire

    Le thème de la sécurité alimentaire a fait l’objet de nombreuses recherches, certes importantes et utiles. Mais son étude s’est souvent limitée à l’analyse des niveaux d’insécurité alimentaire. Ces recherches ont été menées tant au niveau international (Janin et de Suremain, 2012; Touzard et Temple, 2012) qu’au niveau du Québec (Blanchet, Rochette et Hamel, 2011; Hamelin, Beaudry et Habicht, 1998). La plupart des recherches réalisées à l’international portent sur les pays du Sud, particulièrement l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud. Cela s’explique notamment par le fait que la majorité des pays qui ont connu des famines s’y trouvent (IFPRI, 2015; Pouch, 2019) et que les crises alimentaires d’origine naturelle et anthropique y sont plus fréquentes (Josserand, 2006). Ces études se sont pour plusieurs intéressées au diagnostic, ainsi qu’aux niveaux et aux types d’insécurité alimentaire (chronique, transitoire, saisonnière; FAO, 2008). Certaines recherches ont également abordé les causes de l’insécurité alimentaire (Brunel, 2009; Jonsson, 1998), ainsi que les modalités d’intervention pour y faire face (aide, autonomisation, mobilisation pour le droit à l’alimentation) et leur évolution (Janin, 2010).

    En ce qui concerne les pays dits du Nord, en raison certainement de leurs conditions de vie largement supérieures à celles des pays du Sud, ils n’ont été que tardivement inclus dans la problématique de la sécurité alimentaire. Les indicateurs concernant l’économie, la santé et l’éducation, tous fondés sur des moyennes, occultaient les situations de franges de la population ou de régions qui vivaient des problèmes alimentaires importants. Aussi, les recherches sur la sécurité alimentaire dans ces pays ont ciblé au départ moins les carences dans l’accessibilité des aliments pour les citoyens que leur qualité. Ce ne sont pas les images de corps décharnés du type de celles des enfants du Biafra qui ont éveillé les consciences à l’égard des problèmes alimentaires dans les pays du Nord, mais plutôt celles des corps obèses d’une partie de leurs citoyens, associées notamment à la «malbouffe», alors que le tourisme² et plus généralement les déplacements internationaux permettaient de voir en parallèle les populations opulentes du Nord et celles fragiles du Sud. Ce sont ces constats qui ont ouvert la voie vers l’analyse de la malnutrition dans le Nord (Hamelin et Bolduc, 2003; Hubert, 2006).

    Ainsi, au Canada comme dans plusieurs pays occidentaux, le problème alimentaire n’a été reconnu comme crucial pour des parties importantes de la population qu’à partir de la récession économique du début des années 1980, qui a provoqué la perte d’actifs industriels et d’emplois dans les grandes villes et dans les régions ressources, et a posé des difficultés considérables liées à l’appauvrissement des populations des territoires affectés (Fontan, Klein et Tremblay, 2005). Pour les décideurs, ce problème ne pouvait être que passager et devait se résorber de lui-même avec la reprise économique (Tarasuk, 2001). Cependant, la perte d’actifs, le ralentissement de l’emploi et l’augmentation du chômage se sont poursuivis jusqu’à la deuxième moitié des années 1990. La reprise alors amorcée n’a pas effacé le problème alimentaire, si bien que le recours aux différentes formes d’aide alimentaire que l’on observait alors (Rouffignat, 1998) n’a jamais diminué depuis. Une réflexion sur les raisons qui expliquent les carences en sécurité alimentaire dans des pays en théorie riches s’impose donc. Comment est-il possible que dans des sociétés dont les indicateurs de richesse explosent, des couches importantes de la population vivent dans des conditions d’insécurité alimentaire?

    3.Des facteurs de l’insécurisation alimentaire

    À partir des travaux de divers chercheurs dans le monde dit développé, nous pouvons dégager huit facteurs qui interviennent dans l’insécurisation alimentaire, à savoir:

    L’inaccessibilité physique aux aliments: ce facteur fait référence à la capacité des résidents à accéder aux aliments nécessaires à une saine alimentation sans avoir à parcourir des distances qui auraient un effet dissuasif ou qui en rendraient l’accès trop onéreux. Ce facteur est souvent invoqué pour déterminer l’existence de «déserts alimentaires», soit des espaces où il est difficile pour les résidents de s’approvisionner en nourriture adéquate, car ils représentent peu d’intérêt pour les principaux commerces alimentaires en raison de la faible solvabilité des familles qui y résident ou de l’insuffisante densité de population. L’analyse des déserts alimentaires, par trop souvent limitée à des indicateurs de distance et d’accessibilité, doit considérer les grands facteurs qui ont une incidence sur la localisation des jalons de la distribution alimentaire, dont la rentabilité des entreprises de production et de distribution.

    La précarité financière: ce facteur est lié aux difficultés financières empêchant les résidents fragiles économiquement de se procurer des denrées alimentaires adéquates. La précarité économique se concentre dans certains espaces urbains ou ruraux. Dans le cas des espaces urbains, il s’agit de quartiers appauvris par l’effet des mutations sociotechniques qui favorisent d’autres espaces où se concentrent la production à haute valeur ajoutée et les résidents fortunés. Dans plusieurs cas, il s’agit de quartiers centraux qui subissent des processus d’embourgeoisement accentuant la précarité des plus démunis (Ghaffari, Klein et Angulo, 2018). Dans le cas des espaces ruraux, il s’agit en général de régions affectées par des processus de périphérisation ou par la dissociation entre la structure de production agricole et les besoins des résidents. Dans tous les cas, la précarité économique relève en fin de compte de la faiblesse des revenus, ce qui établit un lien entre la lutte pour la sécurisation alimentaire et la lutte contre la pauvreté.

    La vulnérabilité sociosanitaire: ce facteur concerne certaines caractéristiques de la population comme l’état de santé (âge, maladies, problèmes psychosociaux) et la composition familiale (familles nombreuses, monoparentalité) qui accentuent l’incapacité économique et font en sorte que les distances entre le domicile et les commerces offrant les denrées alimentaires sont trop difficiles à parcourir.

    Le décalage et les changements culturels: ce facteur fait référence aux habitudes et aux préférences alimentaires de personnes ou de groupe de personnes et à leur lien avec les stratégies d’amélioration de la sécurité alimentaire ainsi qu’aux changements dans les pratiques d’approvisionnements et de consommation des segments de populations. La dimension culturelle de l’insécurité alimentaire concerne soit la connaissance insuffisante des résidents quant à l’utilisation des ressources alimentaires existantes, soit l’inadéquation entre les aspirations des personnes et l’offre alimentaire existante. On peut penser à des membres de certaines communautés culturelles, essentiellement dans les villes, qui éprouvent des difficultés à se procurer des aliments compatibles avec leurs coutumes. On peut penser également à la situation de résidents de longue date qui, dans des espaces urbains soumis à l’embourgeoisement ou dans des espaces ruraux affectés par une présence forte de néoruraux, voient leur milieu de vie se transformer, ce qui se traduit par la mutation de l’offre de produits alimentaires. À cela, il faut ajouter le recul des pratiques traditionnelles d’approvisionnement dans certains territoires ruraux, surtout éloignés, comme le montrent Élie-Leonard et Doyon dans ce livre.

    Les contraintes politiques et institutionnelles: ce facteur fait référence aux cadres administratifs et réglementaires établis par les différents paliers de gouvernement (fédéral, provincial et municipal) et même à des conventions internationales. On peut penser aux contraintes posées par la réglementation municipale (p. ex. le fait de pouvoir faire ou non un potager devant la maison), aux règlements relatifs aux activités traditionnelles, aux normes sanitaires concernant les aliments ou encore aux politiques rendant difficile l’accès à la terre pour les petits producteurs, notamment ceux de la relève.

    L’insalubrité alimentaire: ce facteur fait référence en général à l’hygiène de la nourriture et aux conditions dans lesquelles elle est produite,

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