1. La salade niçoise
Le « problème » de la salade niçoise réside paradoxalement dans sa simplicité. Parce qu’elle est d’extraction modeste – une salade du jardin préparée avec ce que le potager voulait bien donner – elle a été, au fil des ans, dénaturée, trafiquée, pour la rendre plus riche, plus nourrissante, au point d’en perdre la lettre originelle. Le mal est venu en partie d’Auguste Escoffier lui-même. Le grand codificateur de la cuisine française moderne au début du XXe siècle avait une approche pour le moins fantaisiste de la niçoise, dans laquelle il autorisait la présence de pommes de terre. Il était pourtant originaire de Villeneuve-Loubet, dans les Alpes-Maritimes, mais entre cette commune et Nice, il y a une rivière. Un monde, donc ! La recette emblématique de ce qu’on appelle la « cuisine nissarde » connaît une règle principale : tout y est cru, sauf l’œuf dur. Elle ne peut donc contenir ni haricots verts, ni riz, ni… pommes de terre. Dans la composition jugée authentique par le Cercle de la Capelina d’Or, instance incontestable en matière de justice culinaire nissarde, seuls sont autorisés les produits suivants : tomates, œufs durs, anchois salés, thon (cuit, lui aussi !), cébettes, olives noires de Nice et basilic. Et du sel, du poivre, de l’huile d’olive. Le mesclun est toléré ainsi que le thon à l’huile, difficilement trouvable autrefois. Modeste, on a dit.
À la tête du restaurant parisien Baieta* (« bisou », en patois niçois), elle est la plus jeune cheffe étoilée de France. Elle a grandi dans le quartier de Cimiez, poumon vert de Nice, où sa marraine avait un potager qui l’a vue pousser et se passionner pour les produits de la terre autant que pour la cuisine. La salade niçoise, elle a grandi avec. Bien sûr, elle en respecte les règles, frotte consciencieusement le plat de service avec de l’ail et dresse les ingrédients directement dedans. Que du cru, sauf l’œuf pas tout à fait dur, au jaune encore humide et luisant. Elle place le mesclun au centre et toutes les crudités qu’elle souhaite. On assaisonne d’huile d’olive, de citron, d’un peu de sel (attention, les anchois