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Big Data et société: Industrialisation des médiations symboliques
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Livre électronique546 pages6 heures

Big Data et société: Industrialisation des médiations symboliques

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À propos de ce livre électronique

Le Big Data (ou mégadonnées) suscite des discours porteurs de visions économiques prometteuses: efficience du microciblage, meilleurs rendements par gestion prédictive, algorithmes et intelligence artificielle, villes intelligentes… bref, toute une économie des données qui trouverait son achèvement véritable dans une créativité enfin libérée de tout joug disciplinaire, idéologique et politique. L’éclatement des individualités «émancipées» sonde le «social» tel qu’il est porté par ces discours de promotion. En effet, force est de constater que le social est relativement absent, pour l’instant, des réflexions que l’on présente comme névralgiques pour un avenir meilleur.

Ce phénomène soulève d’importantes et préoccupantes questions, que ce soit concernant l’intégrité de la vie privée face à la marchandisation des données personnelles, les dynamiques – économiquement productives – de la surveillance corporative, les rapports de pouvoir induits par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), les pièges du temps réel ou encore la dynamique «algorithmique» et sa tendance à suppléer les lois (le politique) par les faits (le réel enfin rendu indéniable grâce aux données quantifiables).

Ce premier ouvrage collectif du Groupe de recherche sur l’information et la surveillance au quotidien (GRISQ) envisage le Big Data comme producteur d’effets en même temps que produit de dynamiques sociales. Il intéressera les étudiants et les chercheurs du domaine de la communication qui s’interrogent sur le vaste univers des mégadonnées.
LangueFrançais
Date de sortie19 sept. 2018
ISBN9782760550193
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    Aperçu du livre

    Big Data et société - André Mondoux

    Cet ouvrage, appelé nous l’espérons à être suivi par d’autres, est le premier livre collectif produit par le Groupe de recherche sur l’information et la surveillance au quotidien (GRISQ). Fondé en 2010, il regroupait à l’origine des chercheuses et chercheurs issus des champs disciplinaires de l’économie, des sciences politiques, de la sociologie et de la sémiologie. Si les premiers travaux du groupe gravitaient autour du thème de la surveillance, notamment en menant des recherches subventionnées sur les médias socionumériques, la mobilité et les dynamiques de ludification, le GRISQ est aujourd’hui au cœur d’un ensemble de problématiques qui regroupent, en plus de la surveillance, l’impact des technologies numériques et des pratiques du Big Data (données massives) sur les médiations symboliques, les circuits de marchandisation, l’automatisation, la gouvernementalité dite «algorithmique» et les pratiques de résistance (hacktivisme). Ainsi, au moment de rédiger ces lignes, le GRISQ mène des projets de recherches sur le Big Data et les circuits marchands, la nouvelle gouvernance par les algorithmes, les villes intelligentes, la quantification de soi (quantified self), l’analyse cinématographique des images de surveillance produites par les technologies personnelles de captation (téléphones intelligents et drones), et a entamé la réalisation d’une série de courts-métrages documentaires liés à l’intimité à l’ère du Big Data.

    Cet essor est redevable en grande partie à l’apport d’une nouvelle génération de chercheuses et chercheurs dont le GRISQ fut l’heureux témoin de son passage. Ainsi, plus de la moitié des auteures et auteurs de ce présent ouvrage sont des doctorantes et doctorants dont la qualité de travaux non seulement nourrit le GRISQ, mais, surtout, porte en aval la recherche scientifique en un domaine qui ne cesse présentement de soulever de nombreuses interrogations. À bien des égards, en effet, la recherche sur le Big Data est encore relativement jeune et beaucoup reste à faire. Nous sommes cependant persuadés que cette nouvelle génération de chercheuses et chercheurs saura mener à bien le développement de ce champ disciplinaire important.

    Cet ouvrage est également l’occasion de présenter deux auteurs importants au public francophone alors qu’ils publient pour la première fois, en français, un de leurs récents textes. La première auteure, Jodi Dean, est professeure au département de sciences politiques de Hobart and William Smith Colleges et a occupé des postes de chercheuse invitée à l’Institut des sciences humaines de Vienne, en Autriche, ainsi qu’à l’Université McGill, à Montréal, et à l’Université de Cardiff, au Pays de Galles. Puisant dans le marxisme, la psychanalyse, le poststructuralisme et le postmodernisme, elle apporte une contribution certaine à la théorie politique contemporaine, à la théorie des médias et à la théorie féministe, notamment avec sa théorie du capitalisme communicatif (voir à cet égard son livre Democracy and Other Neoliberal Fantaisies, 2009). Elle réfléchit également à la fusion en ligne de la démocratie et du capitalisme en une seule formation néolibérale qui subvertit les impulsions démocratiques des masses en valorisant l’expression émotionnelle sur le discours logique.

    Professeur à l’Université Monash (École des médias, du cinéma et du journalisme), Mark Andrejevic se spécialise dans les implications sociales et culturelles du forage de données et de la surveillance en ligne, analysés d’un point de vue socioculturel. Il est l’auteur de trois monographies et de plus de 60 articles universitaires et chapitres de livres, dont le dernier en date est Infoglut: How Too Much Information Is Changing the Way We Think and Know (2013). Il est également collaborateur au GRISQ, qui a eu l’occasion de l’accueillir à plusieurs reprises.

    Nous tenons ici à remercier ces deux auteurs pour leur participation à cet ouvrage.

    LE BIG DATA… DANS SON ENSEMBLE

    Phénomène de l’heure, le Big Data suscite des discours enthousiastes porteurs de visions économiques prometteuses: efficience du microciblage, meilleurs rendements par gestion prédictive, algorithmes et intelligence artificielle, villes intelligentes… bref, toute une économie des données qui trouverait son achèvement véritable dans une créativité (traitement des données) enfin libérée de tout joug disciplinaire, idéologique et politique. Et c’est bien cet éclatement des individualités «émancipées» qui interroge le social tel qu’il est porté par ces discours de promotion. En effet, force est de constater que le «social» est relativement absent pour l’instant des réflexions que l’on présente comme importantes et pressantes pour un avenir meilleur. Après tout, peut-il en être autrement lorsqu’il s’agit de l’avenir d’«une planète plus intelligente, plus instrumentée et plus interconnectée» (IBM)?

    Par le «bas», sur le plan de l’épistémologie, la majorité des discours sur le Big Data évacuent la dimension sociale de la production de connaissances, en commençant par la prétention à la neutralité de la médiation technique qui, à partir des données «brutes», donnerait un accès direct (sans médiation) au «réel» lui-même. Par le «haut», c’est justement cette prétention au «réel» qui favorise la vision d’une société cybernétique tout affairée à son efficacité processuelle, et ce, au prix de l’occultation du rôle de l’idéologie et du politique comme dynamiques esthétiques, certes, mais également – et surtout – de dynamiques normatives. C’est ainsi que le vivre-ensemble promis par le Big Data rompt avec la tradition d’une praxis, soit la possibilité d’une prise en charge collective de notre destin commun. Nous sommes entrés dans l’automatisation et l’industrialisation des médiations politico-institutionnelles où, désormais, le social comme réflexivité commune ne se fait plus par débats des lois, mais bien par assujettissent aux faits ainsi révélés par l’«intelligence collective», la prédiction statistique ou le pouvoir de la quantification.

    Ces particularités ne sont pas sans soulever d’importantes et préoccupantes problématiques, que ce soit l’intégrité de la vie privée face à la marchandisation des données personnelles, les dynamiques – économiquement productives – de la surveillance corporative, les rapports de pouvoir induits par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), les pièges du temps réel ou encore l’éventuel passage deleuzien de la discipline au contrôle, pour ne nommer que celles-là. Voilà pourquoi le GRISQ a choisi d’interroger le Big Data comme une phase d’une dialectique d’individuation sociétale: oui, le Big Data est producteur d’impacts, certains favorables, mais il est également produit par des dynamiques sociales qui font tout aussi partie de sa genèse.

    La première partie de ce livre est ainsi consacrée au Big Data et à la gouvernementalité dite «algorithmique», c’est-à-dire à comment les formes de savoir et de subjectivité se déploient dans des circuits marchands (chapitre 3, Marc Ménard et André Mondoux) qui induisent des dynamiques de régulation sociale fondées sur l’automatisation (chapitre 2, Maxime Ouellet) et des rapports de pouvoir où le capitalisme poursuit l’accumulation du capital (chapitre 4, Joëlle Gélinas) par la maîtrise de ressources (les données) dissociées du travail vivant (chapitre 1, Jodi Dean) et par la propriété des infrastructures si nécessaires – et trop souvent oubliées – aux mondes dits «virtuels» (chapitre 5, Anne-Sophie Letellier).

    La deuxième partie, axée sur la sémiotique, interroge la production de sens que l’on attribue au Big Data: quelles en sont les bases sémiotiques (chapitre 6, Maude Bonenfant, Lucile Crémier et Laura Iseut Lafrance St-Martin)? Comment celles-ci s’inscrivent-elles dans ce que l’on nomme le «sémiocapitalisme» (chapitre 7, Fabien Richert)? Comment peut-on conceptualiser cette société qui entend se déployer tout entière dans sa propre rationalité instrumentale? Sommes-nous condamnés à une «démocratie sans société» (chapitre 8, André Mondoux), ou nous reste-t-il encore l’espoir de l’intérêt renouvelé envers les communs (chapitre 9, Lisiane Lomazzi)?

    La troisième et dernière partie se concentrera pour sa part sur les formes de subjectivité induites par les dynamiques d’individuation psychique et collective. Cette «suprématie du Réel» passe par l’immersion des sujets (réalité virtuelle ou augmentée) dans des formes de représentation sans cadre où les données sont de plus en plus ubiquitaires et totalisantes (chapitre 10, Mark Andrejevic). Et malgré l’actuel engouement envers l’idéal du plein contrôle sur soi par les données (quantified self), celui-ci s’inscrit néanmoins dans des rapports d’aliénation et d’exploitation (chapitre 11, Myriam Lavoie-Moore) où l’on peut interroger, face à l’intégration des données personnelles – voire du désir lui-même – dans des circuits de captation (chapitre 12, Marc Ménard), ce qu’il adviendra de l’intimité et du rêve (chapitre 13, Diane Poitras).

    Bonne lecture!

    Le 1er mai 2014, un groupe de travail mandaté par le président des États-Unis, Barack Obama, pour mener une étude de 90 jours sur les données massives et la vie privée a publié son rapport. Le groupe était présidé par John Podesta, conseiller du président, et comptait parmi ses membres plusieurs hauts responsables de l’administration, tels que les secrétaires au Commerce et à l’Énergie. La lettre de présentation du rapport annonce le ton en affirmant dramatiquement: «Nous vivons au cœur d’une révolution à la fois sociale, économique et technologique» (Podesta, 2014²). De la même manière, à la publication du rapport sur son site Web, la Maison-Blanche affirmait:

    Alors que les données massives présentent de nouveaux défis, elles offrent aussi des occasions considérables d’amélioration de la qualité de vie; les États-Unis sont peut-être plus à même de mener cette conversation que toute autre nation sur Terre. Notre esprit d’innovation, notre savoir-faire technologique et notre engagement profond envers les valeurs de la confidentialité, de l’équité, de la non-discrimination et de l’autodétermination nous aideront à tirer profit de la révolution des données massives et à encourager la circulation libre des informations tout en travaillant à la protection de la vie privée en dialogue avec nos alliés internationaux (Podesta, 2014).

    À la première lecture du terme révolution, on peut certainement rouler des yeux, car il est difficile de faire plus idéologique, considérant tout particulièrement le fait que les États-Unis accusent un retard significatif par rapport à l’Union européenne en ce qui a trait à la protection et à la régulation des données numériques (Bilbao-Osorio, Dutta et Lanvin, 2014). On peut aisément remplacer «données massives» par «Web 2.0», «Internet» ou encore «informatique personnelle» dans les phrases ci-dessus: ce n’est autre que la formulation de base des slogans techno-optimistes des 40 dernières années.

    Ces propos émanant de la Maison-Blanche ne sont pas que tendance médiatique. Ils sont véridiques. Nous avons bien traversé et nous traversons encore plusieurs révolutions technologiques:

    La Bourgeoisie n’existe qu’à la condition de révolutionner sans cesse les instruments de travail, ce qui veut dire le mode de production, ce qui veut dire tous les rapports sociaux. La conservation de l’ancien mode de production était, au contraire, la première condition d’existence de toutes les classes industrielles antérieures. Ce bouleversement continuel des modes de production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes (Marx et Engels, 1994, p. 161).

    La classe capitaliste ne peut qu’être à la recherche de nouvelles occasions de profit et de nouvelles occasions d’accumulation. Engagée dans un processus de création destructrice, elle est perpétuellement en quête de nouveaux marchés, développe de nouveaux produits, lutte contre les travailleurs à propos des salaires et des horaires et tente de trouver de nouveaux moyens d’extraire de la valeur en toute chose. En ce sens, l’annonce par la Maison-Blanche d’une révolution doit être prise au pied de la lettre, reconnue comme une déclaration de lutte des classes et remise dans son contexte d’énonciation, comme une affirmation en soutien à la classe capitaliste.

    On peut donc se poser plusieurs questions. Premièrement, comment les données massives profitent-elles à la classe capitaliste? Quel est leur rôle dans la lutte des classes? Deuxièmement, comment peut-on comprendre l’accent mis sur la confidentialité individuelle dans les discours entourant la production des données massives?

    Cette seconde question est liée à l’idéologie. Si les données massives sont toujours accompagnées d’une quantité folle et insondable de chiffres toujours associés à des algorithmes, une complexité et des technologies qui interagissent selon des règles dépassant de loin notre compréhension et notre contrôle, il est étrange que la question des politiques liées aux données massives soit axée sur l’individu et sa vie privée. Quel rapport y a-t-il entre l’individu et un tel ordre de grandeur? Comment l’individu, ses désirs et ses choix peuventils être pris en compte dans un contexte dans lequel les unités de mesure sont l’exaoctet et le zettaoctet et dans lequel de multiples sources de données confluent pour former des bassins (pools) et des lacs algorithmiquement filtrés pour nous révéler les réponses à des questions que personne n’aurait jamais pensé poser? Pourquoi la vie privée est-elle le nom choisi pour désigner la problématique des données massives?

    Le rapport Podesta sur les données massives et la vie privée reconnaît cette inadéquation lorsqu’il énonce que «le risque le plus commun pour la vie privée concerne encore à ce jour les données non massives [small data] – par exemple, le compromis ciblé de l’information relative aux services financiers personnels pour la prévention de la fraude» (Executive Office of the President [EOP], 2014, p. 21). De plus, selon le rapport du Conseil des conseillers du président sur la science et la technologie (President’s Council of Advisors on Science and Technology [PCAST]) (EOP et PCAST, 2014) publié au même moment que le rapport Podesta, il est clair que les individus ne peuvent plus s’attendre à ce que la confidentialité de leurs données personnelles soit respectée. Le rapport du PCAST affirme que vouloir limiter la collecte des données est une approche erronée, considérant les profits générés par la «collecte quasi ubiquitaire de données» (EOP, 2014, p. 4) ainsi que la manière dont cette dernière alimente «un ensemble de plus en plus important d’activités économiques» (EOP et PCAST, 2014, p. x). Les impératifs propres de la technologie et de l’économie déterminent nos options. Par exemple, nous ne pouvons même pas savoir quelles données sont stockées à propos d’un individu et encore moins attester de la destruction de certaines données. Ce rapport recommande donc que le travail de régulation se concentre non pas sur la collecte ou l’analyse des données, mais plutôt sur l’utilisation des données: l’utilisation des données porte-t-elle préjudice à un individu ou à un groupe d’individus?

    Considérant l’aveu explicite du dépassement de la vie privée, le fait que la Maison-Blanche insiste sur cette dernière apparaît comme une distraction. Obama avait réclamé ces études de la problématique des données massives et de la vie privée le 17 janvier 2014. Son discours portait principalement sur l’Agence de sécurité nationale (NSA) et la controverse qui avait éclaté à la suite de la fuite massive d’informations relatives aux activités de surveillance de la NSA orchestrée par Edward Snowden. Les informations divulguées comprenaient, entre autres choses, des preuves de l’existence du programme PRISM (grâce auquel la NSA accède directement aux données détenues par Google, Apple, Facebook, Skype, Microsoft et d’autres entreprises), des preuves que la NSA avait recueilli des métadonnées en grande quantité entre 2001 et 2011, des preuves du stockage de données concernant des millions d’utilisateurs d’Internet par la NSA, des preuves que cette dernière surveillait régulièrement les téléphones mobiles et la fréquentation d’Internet de dirigeants étrangers, de diplomates et d’entreprises, des preuves qu’elle recueillait des données d’Angry Birds et qu’elle avait infiltré des jeux massivement multijoueurs en ligne. Durant son discours du 17 janvier 2014, Obama a répondu aux craintes relatives à la collecte massive de métadonnées produites par les appareils téléphoniques. Il a ainsi tenté de rassurer les «Américains ordinaires» en précisant que le gouvernement ne surveillait pas l’historique des communications et des autres données produites par leurs lignes téléphoniques et en expliquant en quoi la NSA agissait dans l’intérêt de la sécurité des Américains afin de «ne pas répéter la tragédie du 11 Septembre». Incidemment, la référence au 11 Septembre comme justification de la surveillance massive faisait partie d’une liste de points à débattre à la NSA, obtenue par Al Jazeera grâce à une demande en vertu de la Loi sur la liberté d’information.

    Dans son discours du 17 janvier, Obama émit une nouvelle directive présidentielle concernant la surveillance à l’étranger, stipulant que les États-Unis ne collectaient aucune information dans une visée de répression de la dissidence ni aucune information dans le but de donner un avantage compétitif aux entreprises états-uniennes. Les documents de la NSA divulgués par Snowden suggéraient une réalité toute différente. Certains documents traitaient les opposants politiques et légaux au programme de drones des États-Unis comme des menaces pour la sécurité nationale. Plus encore, la NSA avait manifestement espionné des négociateurs avant la rencontre du Sommet du climat de 2009, événement qui s’est clos dans la confusion alors que les États-Unis essayaient de forcer l’adoption d’un accord que la plupart des autres nations rejetaient (Vidal et Goldberg, 2014).

    La NSA visait les transactions financières des réseaux Visa et SWIFT. Elle récupérait régulièrement les données produites par les activités de grandes entreprises, comme l’énorme conglomérat du pétrole brésilien Petrobras. Avec de tels documents révélés par Snowden à l’appui, la télévision brésilienne révélait, dans un reportage, «que la compagnie détenait une quantité considérable de données sur les puits de pétrole offshore du Brésil» (Romero, 2013). La NSA traitait ainsi l’accès privilégié aux énergies fossiles et à l’avantage économique sur le Japon et le Brésil comme des objectifs stratégiques de première importance (Shane, 2013). Considérant ces activités de la NSA, il n’est pas surprenant que les secrétaires d’État au Commerce et à l’Énergie fassent partie du groupe de travail mené par Podesta, chargé de rédiger le rapport sur les données massives et la vie privée. Cependant, considérant la description du rapport et son objectif de protection de la vie privée, il est surprenant que le groupe de travail n’ait pas inclus, disons, le volet dédié aux droits civils du ministère de la Justice ou de l’Union américaine des libertés civiles (ACLU), ou encore le Centre pour les droits constitutionnels. Ce décalage est un indice de déplacement discursif.

    Les fuites orchestrées par Snowden constituent le contexte dans lequel Obama a communiqué sa requête de deux rapports distincts concernant les données massives et la vie privée auprès de Podesta et du PCAST. Loin de se concentrer prioritairement sur la vie privée, le président veut alors établir un lien de confiance. Il veut rassurer les «Américains ordinaires» qu’ils n’ont pas à se soucier de la NSA. Et il tente de faire cela en déplaçant l’attention vers un problème que ce public comprend, c’est-à-dire leur propre activité en ligne et leur intérêt personnel. L’accent mis sur la confidentialité retire un poids sur les épaules de la NSA en déplaçant le problème au secteur privé dans lequel les données peuvent être reliées au bénéfice du consommateur et à la croissance économique. Le rapport rédigé par le groupe dirigé par Podesta, intitulé Big Data: Seizing Opportunities, Preserving Values, est explicite sur ce point: «[C]e rapport laisse largement de côté les problèmes soulevés par les données massives en ce qui concerne l’intelligence signalétique à laquelle doit répondre la directive présidentielle annoncée en janvier» (EOP, 2014, p. 9). Il traite les données massives comme un problème relié à la croissance économique, bien qu’il implique des risques.

    Par ce déplacement de l’attention, les données massives deviennent quasi naturelles, générées par l’utilisation quotidienne d’objets quotidiens durant l’exécution de tâches quotidiennes. La production des données massives est aussi inévitable puisqu’elle est une excroissance du développement technologique.

    Comprises comme naturelles, croissantes et inévitables, les données massives peuvent être présentées comme une ressource considérable pour le bien-être social. En tant que révélateur de tendances qui «fournit des résultats incisifs» (EOP, 2014, p. 7), l’accumulation de données génère de nouvelles opportunités économiques: le rapport insiste sur le fait que, «sans égard à l’intensité et aux conséquences des questions posées par les données massives, l’administration reste dédiée au soutien de l’économie numérique et de la circulation libre des données qui stimule l’innovation» (EOP, 2014, p. 9). Le rapport annonce son objectif de promouvoir «l’utilisation des données pour favoriser le bien-être social, tout particulièrement là où les marchés et les institutions existantes ne soutiennent pas de telles avancées» (EOP, 2014, p. 10), tout en protégeant ses valeurs centrales (qui devront s’adapter).

    La rhétorique de la confidentialité utilisée par l’administration Obama dans le débat sur les données massives implique un glissement de l’inquiétude de la surveillance vers le bien commun et un déplacement du rôle du gouvernement en tant que responsable de la sécurité nationale vers un rôle de régulateur économique. Comme l’énergie et le commerce sous-tendent ces deux phénomènes, le souci se trouve condensé par la figure de l’individu dont la vie privée doit être protégée. La manière dont cet individu est imaginé peut nous en apprendre beaucoup sur le champ idéologique dans lequel les données massives se trouvent. Nous montrerons en quoi l’individu est rarement un travailleur et en quoi celui-ci est même conceptualisé par l’absence constitutive des travailleurs. La focalisation sur la vie privée ne fait donc pas simplement écho au refrain de l’individualisme libéral américain: elle est aussi un symptôme de celui-ci, indexant l’individu prolétarianisé, piégé par le capitalisme communicationnel et incapable d’agir en dehors de l’abandon perpétuel de lui-même aux algorithmes et aux analyses de données massives. L’individu produit donc pour le capital, qu’il reçoive un salaire ou pas. Mais, plus fondamentalement encore, le fait que les données massives soient exprimées de manière condensée dans la figure de l’individu permet d’observer l’encerclement (enclosure) et l’expropriation du commun effectués par le capitalisme communicationnel à travers la capture et l’analyse automatisée de données. L’accès au commun, aux flux et aux relations sociales constitue la promesse des données massives. Et cette promesse ne peut être honorée qu’en étant disséminée et retracée par les mouvements toujours plus vaporeux de l’individu. Pour reprendre Karl Polanyi (1971, p. 76), la fiction de l’individu fournit donc un «principe organisationnel essentiel», c’est-à-dire l’illusion de ce qu’il faut apprécier et protéger, alors même qu’il s’élabore en tant que mécanisme d’incorporation des moyens d’expropriation du capitalisme dans la substance sociale.

    1.LE CAPITALISME COMMUNICATIONNEL

    Le capitalisme communicationnel désigne une forme du capitalisme tardif sous laquelle les valeurs démocratiques centrales sont concrétisées à travers les réseaux technologiques de communication. Les idéaux d’accès, d’inclusion, de discussion et de participation sont réalisés au sein de l’expansion, de l’intensification et de l’interconnexion des télécommunications mondiales, et à travers celles-ci. Dans le capitalisme communicationnel, la productivité capitaliste est issue de l’expropriation et de l’exploitation des processus communicationnels. Cela ne signifie pas que les technologies de l’information ont remplacé l’industrie: ces technologies stimulent un large éventail d’industries minières, chimiques et biotechnologiques. Cela ne signifie pas non plus que l’informatique connectée a amélioré la productivité, outre celle de l’informatique connectée en elle-même; au contraire, on observe que le capitalisme a incorporé la communication à tel point que la communication ne permet plus de critique externe. La communication est au service du capital, ou bien de manière affective sous la forme du soin (care) envers les consommateurs et les producteurs, ou bien par la mobilisation du partage et de l’expression comme instruments de «relations humaines» au travail, ou encore en contribuant à l’omniprésence des circuits médiatiques.

    L’analyse marxiste de la valeur dans Le Capital permet d’expliquer comment la communication peut devenir le véhicule de la subsomption capitaliste. Dans son analyse célèbre de la marchandise, Marx pose la question de savoir comment différents types de marchandises peuvent être échangés entre eux. Sa réponse est le travail effectué par la main-d’œuvre humaine: compris en termes quantitatifs (mesure de la durée de temps travaillé), le travail rend différents produits commensurables. Comment cela est-il possible? Pourquoi une heure d’activité minière serait-elle commensurable avec une heure d’agriculture? La réponse à cette question repose sur le caractère fondamentalement social du travail.

    Le point commun entre différents types de travail est qu’ils constituent tous un travail au sens abstrait, c’est-à-dire en tant que composantes de la masse homogène plus large du travail humain. Le travail et, de ce fait, la valeur, sont inextricables des relations de production et de reproduction qui constituent la société. Les fruits du travail sont des «cristaux de cette substance sociale commune» (Marx, 2007, p. 45), c’est-à-dire des valeurs. Le capitalisme communicationnel saisit, privatise et tente de monétiser la substance sociale sans attendre sa cristallisation en produits concrets du travail humain, qui ne dépend donc plus de la marchandise. Il exploite directement la relation sociale qui se trouve au cœur de la valeur. Les relations sociales n’ont pas à prendre la forme fantastique de marchandise pour générer une valeur aux yeux du capitalisme. À travers les technologies de la communication et la communication connectée et personnalisée, le capitalisme a trouvé un moyen plus direct d’exploiter la valeur.

    L’une des expressions les plus claires de l’exploitation directe de la substance sociale par le capitalisme communicationnel est la loi de Metcalfe: «La valeur d’un réseau de communication est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs» (Briscoe, Odlyzko et Tilly, 2006). En d’autres termes, plus un réseau est utilisé, plus sa valeur augmente. Cette loi est très juste en ce qu’elle associe la valeur au réseau de communication lui-même. La valeur devient une propriété des relations et des hyperliens entre et dans les pages Web. Par exemple, l’algorithme PageRank de Google est l’un des algorithmes de récupération les plus efficaces, car il prend en compte les liens existants entre les informations. En sondant et en extrayant les savoirs collectifs, PageRank actualise l’idée que les réseaux de communication constituent la subsumption capitaliste de la substance sociale à ses termes et ses dynamiques. Matteo Pasquinelli (2009, p. 6) avance donc que «Google est un appareillage parasitaire de capture de la valeur produite par l’intelligence collective». Il considère le prestige duquel PageRank atteste (et augmente automatiquement) comme la «valeur de réseau» d’un hyperlien donné. La «valeur de réseau» désigne les relations sociales contenues dans un hyperlien: à combien d’autres hyperliens celui-ci est-il relié? Ceux-ci sont-ils reliés à d’autres hyperliens? Combien? Google saisit cette valeur, la substance sociale de cet hyperlien et sa place au sein du système général des relations sociales.

    Cela nous ramène aux données massives. Le capitalisme communicationnel subsume tout ce que nous faisons. Il transforme non seulement nos interactions médiatisées, mais aussi toutes nos interactions en matière brute pour la production de capital³. Les transactions financières, les interactions saisies par la capture vidéo ou photographique, les données de localisation géospatiale, les étiquettes RFID et, bientôt, les données générées par la multitude de petits capteurs omniprésents que constitue l’Internet des objets transcrivent et circonscrivent tous les aspects de nos vies en format «données». Quelques années plus tôt, nous aurions pu comprendre ce phénomène comme un commun communicationnel. À présent, avec l’incorporation d’un grand nombre de données non structurées en ensembles de grande envergure, il est clair que nous faisons face à quelque chose de plus englobant. «Données massives» est le nom que les capitalistes ont donné à cette matière que Marx désignait comme la substance sociale.

    2.LA DÉPOSSESSION DES DONNÉES

    Deux métaphores ressortent de la rhétorique des données massives: la donnée comme énergie fossile et la donnée comme or, c’est-à-dire comme carburant et monnaie, comme énergie et commerce, ce qui alimente et ce qui circule. Ces deux métaphores relient données et occasion d’immenses profits et, donc, ruée subséquente vers ces profits (Dillow, 2014). Elles traitent toutes deux les données comme des ressources naturelles et mettent toutes deux en valeur le fait que cette ressource naturelle doit être travaillée, que ce soit en la raffinant ou en la manufacturant, en la filtrant à partir d’une substance diluvienne ou en l’identifiant et en la forant à partir d’une masse dense et inutile. La métaphore du pétrole est apparue pour la première fois en 2006 (Palmer, 2006). Celle de l’or est plus tardive, apparaissant autour de 2012 dans le contexte des rapports reconnaissant les défis auxquels les cadres devaient faire face pour extraire des informations concrètes à partir des immenses ensembles de données à leur disposition (Kronos White Paper, 2013).

    Ces deux métaphores de l’or et du pétrole sont révélatrices en ce qu’elles déterminent les données massives comme la ressource naturelle de laquelle le capitalisme communicationnel dépend. Cette ressource, produite collectivement par nous tous, est capturée, cristallisée sous forme de données et privatisée au sein d’un nouveau cycle d’accumulation primitive. Rappelons la célèbre huitième partie du Capital dans laquelle Marx aborde le «procès historique de séparation du producteur d’avec les moyens de production». Ce processus impliquait la capture forcée du commun. Les propriétaires terriens, soutenus par la loi, expropriaient à leurs propres fins ce qui avait appartenu en commun au peuple. La notion de «propriété basée sur le travail du propriétaire» est, ce faisant, remplacée par la notion de «propriété basée sur la possession capitaliste». Pour reprendre les mots de Karl Marx (1867), «la propriété naine du grand nombre» est concentrée «dans la propriété colossale de quelques-uns».

    David Harvey (2004) remarque à raison que loin d’exister en dehors des processus capitalistes comme une sorte d’origine, les pratiques d’accumulation primitive coexistent avec le capitalisme. En ce sens, il met en lumière l’accumulation par la dépossession, associant les schèmes de privatisation, de financiarisation et de marchandisation variés avec une nouvelle capture du commun. La dépossession, loin de survenir soudainement, est un processus continu.

    Personne ne peut nier que le processus de dépossession des données est en cours. Celui-ci est parfois évident, lorsque l’on nous annonce que notre appel sera enregistré à des fins de qualité de service, que l’on nous demande d’approuver encore et encore les changements apportés à la politique de confidentialité d’Apple, ou encore quand il est nécessaire de renouveler nos mots de passe et nos informations de carte bancaire. Parfois, ce processus est plus subtil, naturalisé par les cartes géographiques, les signaux GPS, la surveillance vidéo et les étiquettes RFID sur ou dans les objets que nous achetons. Dans d’autres cas, ce processus dépasse même notre entendement, comme lorsque les ensembles de données sont combinés et forés de manière à fournir des informations exploitables par les États et les corporations à des fins de production de commodités, de politiques publiques ou de modélisations basées sur une connaissance des modes de relation propres à nos interactions, bien que nous n’en soyons pas nous-mêmes conscients. C’est en ce sens que le cours de nos vies tel que nous en faisons l’expérience est fossilisé, figé sous la forme de données-points infiniment atomisables, quantifiables et combinables.

    La dépossession des données conserve pourtant un caractère étrange qui la différencie des autres processus de dépossession accompagnant la dette, la privatisation et la saisie. Si nos données de localisation sont vendues aux publicitaires dans une sorte d’encan en temps réel, nous ne perdons pas pour autant ces données. Nous possédons encore nos noms et nos adresses courriel, même lorsque nous les divulguons afin d’accéder à un site Internet. Il ne s’agit même pas d’une perte de contrôle de nos noms, des nos adresses ou des nos données d’identification, un tel contrôle a toujours été un mythe traitant les paramètres qui nous situent pour l’État et le capital comme des éléments essentiels à la formation de l’illusion tout aussi fantastique du soi individuel profond, unique et authentique. Nous sommes toujours déjà imbriqués dans des réseaux de relations interpersonnelles, à tel point que les pensées et les émotions, les désirs et les motivations d’autrui sont inséparables des nôtres. Lorsque nous cherchons l’unicité, nous trouvons toujours l’Autre. Plus grossièrement, les rumeurs et les potins circulaient bien avant Internet. La dépossession des données massives ne se rapporte donc pas à une question de contrôle de nos identités individuelles. C’est d’une sorte de temporalité et d’être-ensemble spécifiques que nous sommes dépossédés. Nous en sommes expropriés et aliénés. Deux types de temporalité nous sont ainsi dérobés: le momentané et l’avenir (futurity). Nous perdons le momentané, car tout laisse une trace stockable. Se déplacer avec un téléphone portable produit des données. Toucher et regarder un écran produisent des données. Il ne s’agit plus d’une temporalité d’instantanés, mais d’une suite d’éléments permanents.

    Dans cet ordre temporel, il ne peut plus y avoir d’erreur ou de fautes: les mensonges coexistent avec les rectifications. L’apprentissage et la réfutabilité ne sont plus des dimensions de la signification, mais des attributs des systèmes et des algorithmes. Nous perdons un sens de l’avenir, car l’un des principaux modes de l’analyse des données massives est prédictif. La recherche de tendances est effectuée afin de prévoir et d’intervenir sur l’avenir, que cet avenir se trouve quelques microsecondes devant nous (dans le cas du trading haute fréquence) ou quelques jours ou semaines devant nous (dans le cas, par exemple, de l’espionnage du Sommet sur le climat par la NSA). Dans les deux cas, les analyses de données cherchent à exclure l’imprévu, c’est-à-dire la possibilité même que quelque chose puisse se passer de manière inséparable de son caractère futur.

    Nous devons ajouter, ici, qu’un tel raccourcissement du futur en unités infimes de temps peut aussi faire partie de la dépossession des données. Nous apportons ce point en raison de l’échec des données massives à fournir des prédictions signifiantes à long terme. Si l’on a reconnu que Google pouvait prédire statistiquement les cas de grippe saisonnière, il est aussi vrai que son algorithme surestimait les prédictions pour les États-Unis 100 semaines sur 108 en moyenne et que de meilleurs résultats pouvaient être obtenus en utilisant des données CDC basées sur des cas réels (Arthur, 2014). Un scientifique du MIT a déclaré pouvoir prédire la contestation sociale grâce à Twitter, mais ses preuves étaient rétroactives. Le Centre national des droits des consommateurs (États-Unis) a examiné le travail des start-up soutenues par la Silicon Valley, qui utilisaient les données massives pour élaborer de nouveaux prêts à l’intention des personnes détenant un mauvais dossier de crédit. Selon un article publié dans le Wall Street Journal, cette étude a conclu que «les données massives ne faisaient pas une grosse différence» (Dwoskin, 2014).

    La dépossession des données transforme aussi nos modes de relation en ce sens que l’être-ensemble sert l’intérêt privé d’un tiers. Pour reprendre les mots d’un rapport sur les données massives issus du Forum économique mondial de 2014, «nos discussions collectives, nos commentaires, nos j’aime, nos je n’aime pas et nos réseaux sociaux sont maintenant tous des données dont la quantité est immense» (Bilbao-Osorio, Dutta et Lanvin, 2014, p. 3). La socialisation – non seulement entre les humains, mais aussi entre l’humain et l’animal, l’environnement et les objets – est capturée, analysée pour que ses tendances antérieures soient extraites et stockées pour l’obtention future de tendances potentielles dans le but d’en soutirer un avantage compétitif. La communication, la culture et le soin (care) sont saisis et étiquetés. Nous ne pouvons rien faire qui n’est déjà au service du capital. Suivant les termes de Polanyi (1971, p. 234), la dépossession des données sépare le «peuple du pouvoir sur» sa propre vie communicationnelle, ce qui est significatif, sur le plan

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