Le Plan de communication: Une approche pour agir en société
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Ce guide pratique, synthèse de diverses théories et de la longue expérience de l'auteur, présente les assises de la communication sociale et décortique en 13 étapes le plan de communication en y intégrant les éléments particuliers à ce type de marketing.·De nombreux tableaux;·Des exemples pertinents; Une démarche étape par étape; Des aide-mémoires; ·Une bibliographie; ·Un guide de recherche fort utile en annexe.
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Aperçu du livre
Le Plan de communication - Raymond Corriveau
projet.
LE PLAN DE COMMUNICATION
COMMENTAIRES
PRÉLIMINAIRES
CHANGEMENT DE COMPORTEMENT
En choisissant certains modèles de développement, et parfois de sous-développement (déforestation, déruralisation, création de mégalopoles et de leurs bidonvilles, etc.), l’homme contemporain favorise une concentration des populations, établissant ainsi un facteur de proximité qui peut entraîner la propagation et la mutation de maladies, la fragilisation des modes de vie traditionnels, la redéfinition de la cellule familiale, l’effritement des anciennes solidarités et une modification radicale de la vie urbaine. Ces transformations majeures accentuent souvent un processus d’individualisation déjà à l’œuvre et la mondialisation des échanges ne fait qu’augmenter la pression sociale déjà existante. Le terrorisme aveugle et les migrations massives des populations déshéritées soulèvent un large éventail de questions sociales ; pour y apporter réponse, nous devons réapprendre à reconstruire le lien social, projet ambitieux, s’il en est. Par conséquent la communication sociale ne constitue pas une option, mais bien notre seul recours.
Le plan de communication véhicule, de façon avouée ou non, presque toujours une proposition de changement de comportement. Mais il arrive également que l’on utilise le plan de communication pour suggérer une conduite éventuelle à adopter dans telles ou telles circonstances. Dans ce dernier cas, la suggestion de transformation de l’habitude n’est que différée, déplacée dans le temps. En fait, même la transmission d’informations la plus factuelle présuppose presque toujours une modification du comportement, que ce soit pour améliorer ou transformer la vie quotidienne. L’information transmise accroît du possible ou le restreint ; l’être humain bouge, vit, se développe désormais grâce à l’information.
Dans les pages qui suivent, nous approfondirons notre réflexion sur ce postulat souvent oublié des actions de communication. Fort de notre expérience de ces trente dernières années, acquise sur plusieurs continents, nous traiterons de la question des modifications comportementales. Nos interventions dans divers pays, passées et présentes, nous autorisent à produire une gamme d’inférences, de l’induction à la déduction. Nous argumenterons que la communication, tout en fournissant un cadre explicatif aux obstacles qui surgissent fréquemment, constitue le seul moyen, dans une optique sociale, qui puisse permettre la mise en œuvre de solutions viables.
COMMUNICATION, PUBLICITÉ OU PROPAGANDE
Il n’est pas rare que les organisateurs d’activités de publicité ou de propagande se plaignent de l’insuffisance de leurs actions, de l’impact limité de leurs campagnes sur la modification comportementale. Ce constat d’échec relatif nous permet d’établir, d’entrée de jeu, une distinction importante. Sans nous engager dans une polémique sur la qualité du travail des concepteurs, force est de reconnaître que le message véhiculé par la publicité et la propagande se caractérise par son « unidirectionalité », la seule rétroaction possible étant souvent l’achat ou non de telles ou telles marques, de tels ou tels produits. Pourtant, la communication trouve sa définition fondamentale dans le contraire, c’est-à-dire dans un processus d’échange constant, dans la rétroaction. En ce sens, il conviendrait de distinguer les moyens de transmission (radio, télévision, etc.) des moyens de communication (médias classiques avec opportunités participatives, médias communautaires, assemblées délibératives, audiences publiques, groupe de discussion, activités communautaires, etc.). Cette distinction, omise dans le langage commun, est fort utile dans l’examen approfondi de la réalité car ce glissement a des conséquences qui dépassent la sémantique.
La difficulté de modifier des comportements est souvent perçue comme un problème sérieux, voire comme un grave irritant. Nous estimons au contraire, qu’il s’agit d’une attitude saine ; l’honnêteté l’exige. En effet, personne n’aime se faire dicter sa conduite. Le communicateur devra donc prendre garde d’invoquer un a priori qui ferait de lui le seul porteur d’un principe de vérité ; la vérité est partagée. Lorsque nous soumettons une proposition à la population, nous devons nous attendre à la justifier, voire la défendre, sans compter que les problèmes d’acceptation de toute modification comportementale pourront varier, en raison de divers facteurs, selon le type de société concerné. Robert Georges (1978), dans Hétérogénéité culturelle et communication, décrit très bien le rôle central que joue la culture dans l’orchestration des agissements lorsque nous nous situons dans le cadre d’une société traditionnelle. Alphonse d’Houtaud (1999), quant à lui, évoque des pistes concrètes de cette intégration culturelle (vocabulaire, mode de vie, etc.). Sans la condamner, car elle peut être utile en situation d’urgence, toute intervention publicitaire ponctuelle risque d’avoir un faible impact. En effet, les médias, pour avoir un impact, doivent satisfaire à certaines conditions. Ils doivent d’abord compter sur l’effet de masse (quantité, fréquence, durée) ; ensuite, les messages qu’ils véhiculent doivent concorder avec une doxa, soit un discours idéologique acceptable à une société donnée, et à un moment donné de son histoire. Cette caractéristique force le promoteur de « produit » communicationnel à s’adresser à des profils d’auditoires déterminés. La tendance à la spécialisation des magazines, des stations radiophoniques, des chaînes télévisuelles, notamment, en témoigne. Bref, le geste publicitaire a peu de chance de s’imposer lorsque des dimensions culturelles profondes sont en cause ; la faible rétention des nouveaux produits mis en marché en est un exemple éloquent. La communication sociale pourra-t-elle modifier les habitudes des gens ? Signalons simplement que loin d’être une panacée, l’approche prônée par la communication sociale donne accès à certains accomplissements généralement inaccessibles dans les approches à orientations unidirectionnelles.
Mais cet énoncé ne valide pas nécessairement son contraire ; les obstacles de l’un ne constituent pas la voie royale de l’autre. La proposition de modification comportementale, quelle qu’en soit la source, ne sera jamais facile à faire accepter. Dans une société postmoderne caractérisée par l’individualisation, la sollicitation comportementale, de toutes sortes, demeure malgré tout très élevée. Les incitations à consommer y sont particulièrement présentes : on peut les compter par centaines du début à la fin d’une journée normale de travail. Pour se protéger, le citoyen des sociétés axées sur le besoin stimulé doit mettre en place un mécanisme de défense contre ces assauts afin de préserver son identité, ses intérêts et son intégrité. Dans le cas contraire, un changement comportemental serait peut-être aisé à obtenir, mais il pourrait conduire à une perte de sens, voire à de graves problèmes d’ordre identitaire. Ce qui serait alors gagné le serait au détriment des individus. Le geste récemment acquis ne s’installerait que pour une période passagère, car il demeurerait assujetti à toutes nouvelles sollicitations. Ainsi, il ne pourrait y avoir aucune continuité comportementale. Par conséquent, les proposeurs de changements jugés bénéfiques ne doivent pas négliger la perspective diachronique et culturelle dans laquelle s’inscrivent les gens qu’ils tentent de convaincre. Ils doivent garder en tête que ces gens vivaient avant leur arrivée, et que leur vie s’insère dans une temporalité plus longue que l’intervention qu’ils veulent mener. Pour toute action communicationnelle, la connaissance de l’autre s’impose comme une prémisse incontournable.
LA CONNAISSANCE DE L’AUTRE ET LA PROBLÉMATIQUE IDENTITAIRE
La connaissance de l’autre ne se résume pas non plus à des dichotomies faciles. Le cas de la Martinique nous en offre un bon exemple. La campagne menée à Schoelcher¹ (en Martinique) s’adressait à une population très hétérogène, dont les mœurs étaient fortement imprégnées de la tradition et dont le comportement trahissait une solide composante postmoderne. D’ailleurs, il n’est pas rare de trouver chez une même personne de vives inclinaisons postmodernes et un grand attachement à certaines valeurs traditionnelles. Cette densité et cette richesse de culture ne s’apprivoisent pas toujours avec aisance. Mais, pour tenir compte de toutes ces variantes sociales, il faut se donner les moyens d’en être informé ; une analyse fine de la communauté se révèle donc indispensable. Dans le cadre de la campagne de démoustication, par exemple, comme dans le cas de diverses autres démarches de communication sociale, nous proposons plutôt le principe de la triple triangulation qui vise notamment l’analyse des modifications de comportement (p. ex., le modèle transthéorique de Prochaska, 1996), des variables non conscientes (p. ex., les structures idéologiques de Fossaert, 1983) et des variables psychosociales (p. ex., le modèle hiérarchique de la motivation, Vallerand, 1997). L’intervention à Schoelcher est devenue passablement problématique, car l’homogénéité était loin d’être apparente. L’étude de la population a démontré une profonde vénération pour les défunts ; cette caractéristique transgénérationnelle et multisectorielle s’est révélée capitale, car le principal lieu d’infestation était justement le cimetière. L’examen détaillé des mœurs des gens de cette localité a donc fourni à la campagne de communication une piste de travail qui permettait de rejoindre la communauté dans sa presque totalité.
Quant aux populations, le passage du « dire » au « comprendre » est inéluctable. Mais, l’approfondissement de ce « comprendre » nous amène à faire un constat qui est d’ailleurs relevé dans les travaux de Prochaska (1997) : le changement de comportement touche directement la fibre identitaire de l’individu. Dire cela, c’est admettre que le communicateur doit inscrire ses activités dans le temps et oublier la communication « bouton » qui permettrait, selon certains, d’instaurer, quand bon leur semblerait, une modification radicale de comportement. La population inuite nous l’avait bien fait comprendre : en tant qu’Occidentaux, nous sommes porteurs d’un biais temporel en ce qui concerne l’exécution d’une tâche ; tout doit être réalisé en une fois, d’un seul coup. Certes, il est possible de changer des comportements, mais cela se produit rarement au moyen d’une seule campagne de communication. Il est difficile d’être plus rapide que le façonnement culturel lui-même, et cela est particulièrement vrai dans les sociétés traditionnelles. Le marquage sociétal, le tatouage de la mémoire des individus, comme le disait si bien Barthes², demeure un des éléments structurants de cette fibre identitaire. C’est donc à l’aide de ces marquages sociaux, et non pas en dépit de ces derniers, qu’il faut travailler. Le communicateur doit apprendre à les respecter et à les utiliser, car la culture s’érige parfois en gardienne de l’identité ; elle affecte la situation sociale des individus et définit les rituels d’interaction. Le changement de comportement n’est jamais banal dans une société traditionnelle, ni d’ailleurs dans nos sociétés contemporaines.
L’organisation de la vie actuelle, en Occident, se voit attribuer plusieurs qualificatifs. L’un parle du postmoderne, l’autre de l’utracontemporain ou du surmoderne³. Peu importe le terme, retenons que personne n’échappe, selon nous, à l’influence de la société. Charles Taylor (1991), dans son œuvre magistrale portant sur la structure identitaire, démontre que l’idéal d’authenticité du « moi » est légitime, mais aussi redevable à « l’autre ». Si la quête d’authenticité est légitime, ériger le « moi » en pyramide nécessite tout de même la tolérance et le respect du « moi » de « l’autre », et ce, dans toutes ses différences (race, orientation sexuelle, etc.). Le principe d’égalité qui la sous-tend ne peut se concevoir ni s’instituer sans un ensemble minimal de valeurs partagées. Le « moi » ne peut se structurer que dans le dialogue avec l’autre. La mesure de l’égalité de l’un par rapport à l’autre ne peut se réaliser sans se référer à une norme. La difficulté est duale, car non seulement il y a narcissisme, mais ce narcissisme est ici aussi culturellement porté. Cet individu demeure difficile à mobiliser, car sa quête désespérée d’authenticité évacue souvent la prise de conscience visée par le communicateur. L’homme postmoderne ne concevra pas nécessairement la « pertinence » de s’investir pour une cause, ni pour autrui. Pour qu’une information persiste et le marque, il devra y lire son propre intérêt. Prendre acte d’une difficulté n’est pas s’y soumettre et encore une fois, le travail de compréhension doit se poursuivre. Une dernière remarque fait appel à un concept clé : celui de la pertinence. Il abrite beaucoup d’explications, d’exigences et possiblement de solutions. Grâce au concept de pertinence, nous pouvons réconcilier la préservation de la structure identitaire et la nécessité d’instaurer la modification comportementale.
DE LA PERTINENCE
Dans la figure 1, nous montrons les principaux acteurs qui interviennent lors de la mise en place du principe de pertinence ; Sperber et Wilson (1989) expliquent en détail en quoi consiste leur rôle. Un peu comme en analyse sémiotique, ils attirent notre attention sur l’identification très claire des protagonistes et des enjeux. Les paramètres de temps et d’espace n’y sont toutefois pas abordés comme tels, mais ils apparaissent en filigrane tout au long de leur analyse.
Retenons globalement que l’axe du processus cognitif est redevable d’une rétroaction provenant de ceux dont nous voulons changer la performance. Le choix du terme « interlocuteur » n’est pas anodin puisqu’il sous-entend une interaction, un processus de négociation entre les deux protagonistes : le proposeur et l’interlocuteur. Cette rétroaction est à la fois condition et processus pour que le principe de pertinence puisse se mettre à l’œuvre ; cette responsabilité incombe à celui qui soumet une nouvelle information, c’est-à-dire le proposeur. Ce dernier, s’il désire que son information soit reçue, acceptée et retenue par son interlocuteur, devra remplir deux conditions. La première condition consiste à produire un discours adapté à un public déterminé dans le cadre d’une activité de communication légitimée, et ce, aussi bien dans le contenu que dans la mise en œuvre du message.
Dans cette perspective, on voit toute l’importance que peuvent prendre les enquêtes de population, car elles seules permettent de comprendre la mécanique d’inférence qui prévaut chez divers groupes d’individus. Là nous attendent évidemment tous les pièges reliés aux disparités, aux différences sociales et culturelles entre le proposeur et l’interlocuteur. Cette nouvelle information doit être validée par l’interlocuteur (le receveur de l’information) qui doit se l’approprier et y réagir afin de l’intégrer à son bagage cognitif. Par ailleurs, il est clair que plus une population est grande, moins il y a de chances qu’elle soit homogène. Pour tenir compte de ses disparités, il conviendra donc d’organiser des campagnes parallèles et multisectorielles.
Si la conception d’un message pour un interlocuteur donné demeure une tâche complexe, la diffusion de ce même message en société l’est tout autant. L’étape du message-en-action comporte des contraintes, elles aussi, très lourdes de conséquences. La première condition, celle qui traite de la question de l’harmonisation des jugements entre proposeur et interlocuteur, ne se déroule pas qu’au niveau du langage, mais représente aussi une instance de validation entre les paroles du proposeur et sa façon d’agir ; tout décalage à cet égard entraîne une perte considérable de légitimation, un effondrement de la crédibilité. Mais cette première condition se déroule aussi au niveau du langage et pour qu’il y ait harmonisation entre les jugements proposés, nous devons porter attention à la formulation verbale du proposeur. Cela nous amène à considérer les travaux classiques d’Austin (1991) et de Searle (1998) qui, eux, traitent des actes de langage ; le titre de l’ouvrage d’Austin est assez explicite à ce sujet : Quand dire c’est faire. Dans le prolongement concret de cette vision théorique, chacun est convié, en l’occurrence chaque proposeur, à prendre conscience que diffuser un message en société constitue, déjà, une action sociale significative. La manière de l’énoncer dévoile l’intention avouée ou non de ceux qui prennent la parole pour faire des recommandations à la société civile. L’usage de chacun des termes et, tout particulièrement, le choix de chacun des verbes véhiculent d’énormes présupposés quant aux rapports de force et à la distribution des pouvoirs. D’une intentionnalité toute relative, diverses formulations peuvent trahir une attitude autoritaire que l’auteur ne s’avoue pas lui-même ; l’analyse rétrospective d’une communication émise en situation d’urgence est très révélatrice à cet égard⁴.
Mais ce proposeur, très souvent institutionnel, doit aussi s’interroger sur les autres dimensions de son discours. Ainsi, il nous est arrivé, au Québec, de constater que les gens ne faisaient pas de distinction entre, d’une part, le proposeur, qui était le ministère de la Santé et des Services sociaux et, d’autre part, le parti politique