Un conseil de presse est-il encore possible?: Les misères de l’autoréglementation
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Un conseil de presse est-il encore possible? - Raymond Corriveau
Un conseil de presse
est-il encore possible ?
Un conseil de presse
est-il encore possible ?
Les misères de l’autoréglementation
RAYMOND CORRIVEAU
Préface de Dominique Payette
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre : Un conseil de presse est-il encore possible ? ou Les misères de l’autoréglementation des médias / Raymond Corriveau.
Autres titres : Conseil de presse est-il encore possible ? | Misères de l’autoréglementation des médias
Noms : Corriveau, Raymond, auteur.
Collections : Collection Communication (Presses de l’Université du Québec)
Description : Mention de collection : Communication | Comprend des références bibliographiques.
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20230054609 | Canadiana (livre numérique) 20230054617 | ISBN 9782760558779 | ISBN 9782760558786 (PDF) | ISBN 9782760558793 (EPUB)
Vedettes-matière : RVM : Conseils de presse—Québec (Province) | RVM : Journalistes—Déontologie—Québec (Province) | RVM : Journalisme—Droit—Québec (Province) | RVM : Conseil de presse du Québec.
Classification : LCC PN4917.Q8 C68 2023 | CDD 070.06/0714—dc23
Révision
Karine Lavoie
Correction d’épreuves
Emily St-Arnaud
Conception graphique
Marie-Noëlle Morrier
Mise en page
Michèle Blondeau
Image de couverture
iStock
Dépôt légal : 4e trimestre 2023
›Bibliothèque et Archives nationales du Québec
›Bibliothèque et Archives Canada
© 2023 – Presses de l’Université du Québec
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Nous tenons à remercier Dominique Payette
pour sa collaboration et sa précieuse relecture.
PRÉFACE
Dominique Payette, Ph. D.
Professeure associée, Université Laval
L’ auteur de cet ouvrage est un idéaliste. Profitons-en, le modèle n’est plus si répandu. De quoi rêve donc Corriveau ? D’abord, que nous nous sentions beaucoup plus concernés par le contenu des médias de chez nous, et ensuite, que nous développions un modèle de contre-pouvoir pour ces médias qui donnerait de meilleures entreprises de presse, faisant ainsi de nous, espère-t-il, de meilleurs citoyens.
Convenons-en, le projet est ambitieux. Notre société a développé un réflexe de passivité par rapport aux médias qui fait bien l’affaire de ceux-ci et les conforte dans leurs habitudes. Combien de fois me suis-je heurtée, dans des discussions, des débats, à ce sentiment de fatalité que nous avons développé collectivement par rapport au contenu des informations et aux pratiques du journalisme ? À quoi bon, croit-on, faire connaître son avis ? Pourquoi protester ? Personne n’en tiendra compte. Combien mon opinion peut-elle bien peser dans la balance ? Pourquoi les médias en seraient-ils préoccupés ? Ce fatalisme est lourd à contrer et freine les velléités de mobilisation critique de l’information. Toutes les tentatives d’organisation face aux médias du Québec, ces dernières années, que ce soit à travers le travail de l’Institut canadien d’éducation des adultes ou l’Association nationale des téléspectateurs, par exemple, ont aujourd’hui disparu des radars.
En outre, Raymond Corriveau souhaite que les médias soient appelés à rendre des comptes quant à leurs pratiques et à l’application de la déontologie qui les concerne. Il y a 50 ans, le Québec a choisi de mettre sur pied un conseil de presse pour répondre à cette attente de la population. Force est de constater, un demi-siècle plus tard, que cette formule, telle quelle, échoue. Corriveau est un ancien président de cette organisation. Il nous fait ici la démonstration de cet échec. Mais par quoi et comment faudrait-il le remplacer ? La discussion est ouverte. Pour l’auteur, un ordre professionnel regroupant les journalistes est une option. À mon avis, le Québec a plutôt raté une belle occasion de lier les subventions gouvernementales, dont les entreprises de presse sont aujourd’hui gratifiées, au respect des normes déontologiques, en trouvant un mécanisme pour rendre les premières dépendantes des secondes. J’avais proposé un mécanisme de ce genre au gouvernement du Québec dans un rapport, intitulé L’information au Québec : un intérêt public (Payette, 2011). Le Québec a accepté la proposition de soutenir les entreprises de presse, mais pas d’établir ce lien entre le respect de la déontologie et le financement en créant un titre protégé de journaliste professionnel. Il n’est pas trop tard pour bien faire.
L’idée de créer un ordre professionnel mérite qu’on s’y attarde. De nombreux jeunes journalistes souhaitent que leur profession se distingue davantage des autres métiers de la communication et des nouvelles options d’informer – sans règles éthiques – qu’offre désormais Internet aux multiples blogueurs et autres influenceurs. Pour certains, un ordre serait une solution à la confusion qui se répand entre eux et ces intervenants du Web. Pour d’autres, cette formule est trop rigide pour permettre l’évolution des pratiques en rapport avec l’évolution de la société. Et pour d’autres, enfin, rien ne doit risquer de s’interposer entre les journalistes et leur auditoire.
Cet ouvrage a le mérite de venir secouer notre apathie collective et notre fatalisme face aux médias. Il nous rappelle, en fin de compte, que ceux-ci nous appartiennent et qu’ils sont à notre service. À nous de les définir selon nos attentes.
NOTE PRÉLIMINAIRE
Porter une lecture critique sur le Conseil de presse ne se veut d’aucune manière un mépris envers les centaines de personnes qui y ont consacré des milliers d’heures de bénévolat au cours des années. Bien au contraire, notre regard voudrait trouver les avenues qui permettraient le respect de son mandat initial. Si cela est encore possible…
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
FIGURE 2.1 L’organigramme du Conseil de presse
FIGURE 2.2 Le Conseil de presse en bref
FIGURE 2.3 L’examen de la plainte
FIGURE 4.1 Information et entreprises : la confrontation des systèmes de pertinence
TABLEAU 2.1 La situation financière en 2022
TABLEAU 2.2 Le Conseil de presse dénaturé
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES
ACRIMED Action-Critique-Médias
CCNR Conseil canadien des normes de la radiotélévision
CPQ Conseil de presse du Québec
CRTC Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
DERP Droits et responsabilités de la presse
FNC Fédération nationale des communications
FNCC Fédération nationale des communications et de la culture
FNLI Fonds pour les nouvelles locales indépendantes
FPJQ Fédération professionnelle des journalistes du Québec
GAFAM Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft
SRC Société Radio-Canada
INTRODUCTION
La production de l’information est une des choses les plus importantes en société. Pourtant, la réglementation qui devrait la garantir est un sujet très peu débattu dans l’espace public. C’est surprenant puisque la confiance envers les médias continue de s’éroder, avec comme toile de fond les troubles financiers des entreprises de presse ¹. Tous ces ingrédients problématiques étaient déjà bien installés lors de la tournée du Québec effectuée par le Conseil de presse du Québec (CPQ) ² en 2008. Comme nous le verrons au fil du texte, la crise du modèle financier des médias a souvent accaparé toute la discussion, laissant de côté le débat sur la gestion éthique du discours médiatique. Pris en étau entre une crise de confiance et une crise financière, l’avenir de l’information devient préoccupant. Le sujet justifie à lui seul une réflexion, mais le fait que tout se trame dans l’absence de discussions publiques ne vient qu’en renforcer la pertinence. Le rôle de plus en plus grand des médias sociaux nous place dans l’obligation de préciser, dès le départ, l’objet de notre préoccupation. Notre réflexion porte sur l’information, mais avant qu’elle ne soit reprise par les médias sociaux.
Nous avons aussi voulu jeter un regard historique pour mieux comprendre ce qui s’est fait par le passé dans le domaine de la réglementation des médias. Nous n’avons pas pu trouver l’ouvrage synthèse, le Graal de la compréhension historique. Nous avons donc été contraint à produire une rétrospective limitée, mais qui a tout de même le mérite de s’appuyer sur une publication de l’UNESCO (1980). Ce premier pas nous fait prendre conscience de la complexité de la problématique communicationnelle qui, ce faisant, interdit une prétention à l’exhaustivité à qui que ce soit. Faute de pouvoir nous appuyer sur des références solides, nous avons aussi tenté de reconstituer le casse-tête historique de la naissance du CPQ. Sans prétention, l’exercice nous a appris quand même beaucoup de choses, ne serait-ce que la discussion entre tous les protagonistes est possible.
Comme pour tout bon problème public, nous devons examiner le rôle des acteurs. Nous tenterons par la suite de produire un paysage fidèle du rôle des acteurs qui interviennent dans la réglementation des médias. Cet exercice nous conduira à cerner les enjeux réels et parfois peu abordés qui sont inhérents à toute démarche relative à la réglementation des activités médiatiques. Les enjeux ne peuvent bien se saisir que par la bousculade des idées dans une vision qui cherche à s’établir dans une lecture embrassant le réel dans sa totalité. Seule cette lecture nous offre une compréhension suffisante pour postuler un idéal de la pratique informationnelle et déterminer un seuil minimal au-delà duquel le social devient à risque.
1.Plusieurs travaux vont dans le même sens. Voir le dernier en date : Chardonnet, E. (2021, 16 novembre). « Confiance envers les médias : ça ne va pas dans le bon sens, groupe ! », La Presse,
2.Comme président du Conseil de presse, nous avons été l’artisan de la première et de la plus complète tournée du Québec afin de statuer sur l’état de l’information. Voir Conseil de presse du Québec (CPQ) (2008). L’État de la situation médiatique au Québec : l’avis du public, Montréal, CPQ,
CHAPITRE 1
Une histoire non écrite
1.Une courte rétrospective sur la réglementation des médias
1.1.Un questionnement local aussi bien qu’international
L’histoire de l’encadrement de l’activité médiatique n’est pas encore écrite. De manière assez contradictoire, si l’on devait le faire, il faudrait sans doute retracer ses origines dans le désir d’affranchissement de la libre expression des diverses formes d’autorité, c’est-à-dire dans l’absence d’encadrement. On retrouve des traces de ce long combat en Inde (Baba, 2014), en Grande-Bretagne (Hume, 2012) et dans la France prérévolutionnaire et postrévolutionnaire (Jones, 1980), pour ne nommer que ces pays-là. Le joug imposé par les régimes monarchiques et coloniaux n’a été brisé que par le courage de certaines personnes qui se sont battues au mépris de leur propre liberté pour assurer celle des autres. Le Québec n’a pas échappé à ce désir fondamental de libération. Mais cet affranchissement a représenté un processus dont le parcours a été semé de nombreuses embûches. « […] sous le régime français, Louis XIV avait rejeté par deux fois une demande de permis d’installation d’une imprimerie. Un certain pouvoir théocratique (Mgr de Laval) veillait à ce qu’aucune information ne soit publiée » (LeBlanc, 2003, p. 4). À plusieurs occasions, des propriétaires de journaux et leurs journalistes ont connu de sérieuses difficultés pour avoir fait la promotion d’idées émancipatrices. Prenons comme exemple Pierre Bédard, qui avait fondé Le Canadien (1806), un journal qui promouvait la défense du français ainsi qu’un système électoral représentatif par opposition aux décisions arbitraires du gouverneur. « Le Gouverneur Craig en effet réagit vivement : il fait mettre aux arrêts les journalistes du Canadien et Bédard est incarcéré. Ce journal ne reparaîtra qu’en 1817. » (LeBlanc, 2003, p. 4) En 1837, Duvernay, propriétaire de La Minerve, et ses journalistes ont aussi été incarcérés pour avoir défendu l’affranchissement de la colonie à l’Empire britannique (LeBlanc, 2003). Le Québec a connu ces cas extrêmes. Or, tout au long de l’histoire de la province, les journaux et ceux qui les réalisent ont dû subir de multiples interdits, que l’on pense à la loi du cadenas sous Duplessis ou encore aux restrictions imposées lors des mesures de guerre dans les années 1970. Mais, comme le souligne LeBlanc d’entrée de jeu : « Au Québec, les journaux au début étaient dits de combat
parce qu’ils étaient créés pour défendre une cause, sociale ou politique. Aujourd’hui la presse, tout en défendant un point de vue ou un parti, se veut plus neutre, l’objectivité étant perçue comme un gage de crédibilité » (LeBlanc, 2003, p. 3).
Si l’approche est aujourd’hui différente, la presse de combat existe encore, mais elle est devenue marginale. Il ne faudrait pas s’étonner, par contre, que de tels antécédents laissent des traces et que la réglementation des médias ne soit pas une thèse très populaire auprès de la profession journalistique.
Cette libération de la parole est encore loin d’être acquise partout, mais dans nos démocraties libérales, cette liberté s’est toutefois exercée dans un cadre où un autre dirigisme s’est installé, celui du capital financier. Curran et Seaton (2003, p. 5) parlent même d’une nouvelle forme de censure. Cette emprise financière est apparue dès les premiers jours des médias de masse. La célèbre phrase de Randolph Hearst à Frederic Remington, son photographe, lorsque ce dernier est arrivé à Cuba en 1897, résume assez bien le climat dans lequel la presse américaine se trouvait à cette époque :
À W. R. Hearst, New York Journal, N.Y. : « Tout est tranquille ici. Il n’y a pas de trouble. Il n’y aura pas de guerre. Je veux revenir. »
Remington
À Remington, La Havane : « S’il vous plaît, restez là. Vous fournissez les photos et je vais fournir la guerre. »
W. R. Hearst¹.
Avec un tel exemple, il ne faut pas se surprendre que, dès le début du XXe siècle, des voix se soient fait entendre pour limiter l’ingérence de la logique commerciale et les biais de propriété dans le contenu de l’information. Upton Sinclair (1919)² a publié un essai qui prônait diverses règles à cet effet. Retenons les suivantes :
adoption d’une loi qui défend de falsifier les messages télégraphiques ou câblés ;
instauration de la propriété publique (État, municipalités, etc.) des moyens de production ;
distribution et impression des journaux par l’État ;
abandon de la perspective étatique et adoption d’une démarche plus individuelle laissant place à l’initiative personnelle ;
création d’un journal consacré uniquement à la nouvelle, n’ayant ni publicité ni texte éditorial, et exempt de toute propagande.
Avec le recul, on constate que certaines propositions de Sinclair sont marquées par le temps, les trois premiers éléments en sont un bon exemple. On réalise également que sur d’autres aspects, des progrès ont été accomplis notamment grâce à la multiplication des sources d’information. Admettons tout de même que cela ne garantit pas toujours une couverture exempte de biais idéologiques, voire de falsification de la réalité. On dénote aussi un engouement pour la propriété étatique des médias, voyant cette option comme une panacée. Cet engouement est aujourd’hui beaucoup plus limité. On doit se féliciter toutefois d’avoir une radio et une télévision publiques de qualité. Mais une préoccupation fondamentale signalée par Sinclair demeure d’actualité : « La différence est qu’aujourd’hui, les ressources du monde sont entre les mains d’une classe, et cette classe a le monopole de l’expression de soi. Le problème du transfert de ce pouvoir au peuple doit être étudié comme un problème social dans son ensemble, et pas seulement comme le problème de la presse³. » (Sinclair, 1919, p. 373) L’accès réellement démocratique à l’espace public, exempt de contraintes financières ou idéologiques, qui se trouve indirectement réclamé ici pose en effet toujours problème (Fraser, 2021). Bien que les choses se soient un peu améliorées, Fraser a en effet documenté la difficulté que plusieurs groupes minoritaires (ethniques, féministes, diversité des genres, etc.) ont éprouvée pour soumettre leurs préoccupations à la discussion publique. Le passé et le présent ne sont pas toujours si éloignés l’un de l’autre.
Un peu à la même époque, en Europe, d’autres discussions ont eu lieu sur la réglementation des médias. En 1912, la Norvège a fondé un conseil de presse, et en 1919, c’était au tour de la Finlande de se doter d’une loi sur la liberté de la presse et d’un tribunal d’honneur de la presse. En France, c’est en 1918 qu’on a adopté la Charte des devoirs professionnels des journalistes (Jones, 1980). C’est d’ailleurs à Clement Jones (1980), dans le cadre d’un mandat de l’UNESCO, que nous devons l’une des rares rétrospectives historiques sur la déontologie de l’information de même que sur les conseils de presse dans le monde. Dans son préambule, il positionne adéquatement les tensions entre la qualité de l’information et la perte de confiance envers les journalistes comme un élément moteur des requêtes en faveur de l’instauration de paramètres déontologiques. Il prend bien soin de préciser au passage que la déontologie n’est pas une panacée à tous les maux de l’information. Lorsque Jones (1980) aborde les activités internationales de la presse à l’égard de la déontologie, il nous fait réaliser, à juste titre, que l’ancrage de cette problématique n’est pas si lointain. Nous ne sommes pas dans l’archéologie d’une question sociale : « Le journalisme dans ce que nous appelons la grande presse est un métier relativement moderne, comme les journaux à grand tirage qui ont vu le jour au début du XIXe siècle, et les procédés techniques qui ont permis leur impression. » (Jones, 1980, p. 11) C’est dans le processus d’industrialisation même de la presse que sont nées les premières préoccupations journalistiques. Dans ce que Jones appelle le chaos du début de la presse industrielle, les employés ont voulu obtenir des conditions minimales de travail.
Dans certains pays, les journalistes furent les premiers parmi une nouvelle génération de travailleurs intellectuels à s’aviser des avantages qu’ils pourraient retirer d’une organisation professionnelle pour la défense de leurs intérêts, mais dans l’ensemble ils furent aussi beaucoup moins prompts à se regrouper sous l’égide de syndicats que leurs compagnons du marbre ou de la rotative. Les imprimeurs et les artisans de la presse avaient depuis longtemps reconstitué dans le cadre industriel moderne les structures héritées des corporations du Moyen Âge⁴.
Il est particulièrement frappant de constater que le même phénomène persiste encore aujourd’hui. L’engouement des journalistes pour une instance de réglementation est, de nos jours encore, loin de faire l’unanimité. Jones semble penser que cette résistance tient dans la nature même du journalisme dont certains aspects relèvent d’une profession libérale alors que d’autres sont plus près de la création intellectuelle, voire artisanale. À l’échelle de la planète, tient-il à préciser, les réactions sont différentes d’un pays à l’autre, mais la désunion demeure. La donne a quelque peu changé dans les années qui ont suivi la Première Guerre mondiale. Une paix plus que précaire, et les conditions économiques difficiles de l’entre-deux-guerres ont conditionné un climat social trouble favorisant certains regroupements internationaux. C’est dans le cadre de ces regroupements que la question réglementaire a fait surface.
En 1925, l’Association Internationale des Journalistes, reconnue par la Société des Nations, s’est jointe à la nouvelle Fédération internationale des journalistes (FIJ) afin de mandater le Bureau international du travail (BIT) pour qu’il enquête sur les conditions de la profession des journalistes dans le monde. Il est en effet difficile de parler de conditions de travail, de formation et de professionnalisation du métier sans finalement aborder la question déontologique.
En 1928, dans son rapport, le BIT n’a pas hésité à écrire : « L’établissement de tribunaux professionnels spéciaux que les journalistes sont quasi-unanimes [sic] à souhaiter ne rencontrerait pas de grandes difficultés. » (Jones, 1980, p. 12) Comme le rapporteur de l’UNESCO le mentionne, c’était prendre ses désirs pour la réalité, et dans les faits, les tribunaux professionnels ont été bien loin de faire l’unanimité. L’écueil se trouvait non seulement dans le tribunal comme tel, mais aussi dans le code de conduite qui devait l’alimenter. Malgré les divergences de toutes sortes, certaines percées ont marqué l’histoire. La plus ancienne initiative déontologique supranationale semble être le Code d’éthique journalistique adopté à la Conférence panaméricaine de la presse de Washington en 1926 et repris en 1950 par la Conférence interaméricaine de la presse. Les efforts de la première FIJ pour encadrer la profession ont contribué à la création d’une cour internationale d’honneur, en 1931, puis d’un code d’honneur professionnel, en 1939 (Jones,