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L'État québécois: Où en sommes-nous?
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Livre électronique939 pages11 heures

L'État québécois: Où en sommes-nous?

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À propos de ce livre électronique

L’État québécois a beaucoup évolué depuis les 60 années qui le séparent de la Révolution tranquille. Il a d’abord vécu une importante période d’expansion – comme en témoigne la création de multiples ministères et sociétés d’État – pour ensuite connaître des vagues de réformes ayant pour objectif de diminuer les pressions sur les finances publiques. De nos jours, le concept d’« État québécois » fait référence à une réalité complexe, comprenant de nombreux domaines et instruments d’intervention – comme des ministères ou des sociétés d’État – et, finalement, des moyens, notamment financiers, considérables.

Pour rendre compte de cette complexité, le présent ouvrage couvre plusieurs secteurs, tout en accordant une attention particulière aux sujets de l’administration publique, de la santé, de l’économie et de l’environnement, des finances publiques et enfin de l’éducation. Ces thèmes – qui correspondent aux cinq parties de cet ouvrage – sont détaillés et analysés en profondeur grâce à la collaboration de spécialistes de renom. En conclusion, le lecteur trouvera les résultats d’une enquête d’opinion réalisée auprès des Québécois afin de connaître leur perception sur les différentes questions traitées dans cet ouvrage.

Robert Bernier, Ph. D. en science politique, est professeur associé à l’École nationale d’administration publique (ENAP). Auteur de plusieurs ouvrages sur la politique canadienne et québécoise, il a notamment été secrétaire particulier du ministre québécois de l’Industrie et du Commerce (1975-1976), conseiller spécial du ministre de la Défense nationale (1980-1983) et sondeur pour le gouvernement du Canada (1993-2001).

Stéphane Paquin est professeur titulaire à l’ENAP. Il est directeur du Groupe de recherche et d’études sur l’international et le Québec. Il a rédigé, corédigé ou dirigé 28 livres ou revues scientifiques et publié plus d’une centaine d’articles sur l’économie politique internationale et comparée, sur la réforme de l’État et la social-démocratie, sur la politique internationale des États fédérés ainsi que sur le Québec en comparaison.
LangueFrançais
Date de sortie11 sept. 2019
ISBN9782760551992
L'État québécois: Où en sommes-nous?
Auteur

Robert Bernier

Robert Bernier a enseigné pendant plusieurs années aux adultes à mieux comprendre la peinture. Il est l'auteur de nombreux textes destinés à des catalogues d'exposition, à des revues et à des journaux. Il est le fondateur, le directeur et le rédacteur en chef de la revue Parcours. Il a publié cinq ouvrages aux Éditions de l’Homme sur la peinture au Québec et une biographie sur Paul Tex Lecor aux Éditions Québec-Amérique.

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    Aperçu du livre

    L'État québécois - Robert Bernier

    Introduction

    Robert Bernier et Stéphane Paquin

    L’État québécois a beaucoup évolué depuis les 60 ans qui le séparent de la Révolution tranquille. Il a d’abord vécu une période d’expansion considérable, comme en témoigne la création de multiples ministères et sociétés d’État, pour ensuite connaître des vagues de réformes ayant pour objectif de diminuer les pressions sur les finances publiques. De nos jours, le concept d’« État québécois » fait référence à une réalité complexe avec de multiples domaines et instruments d’intervention – comme des ministères ou sociétés d’État – et, finalement, des moyens, notamment financiers, considérables. Pour rendre compte de cette complexité, le présent livre couvre plusieurs secteurs tout en accordant une attention plus particulière aux thèmes de l’administration publique, de la santé, de l’économie et de l’environnement, des finances publiques et enfin de l’éducation.

    La première partie du livre porte sur l’administration publique. Le chapitre 1 traite notamment de la question fondamentale de la gestion du changement au sein de l’administration publique auprès des nouveaux gestionnaires et le chapitre 2 présente le Cercle des jeunes leaders de l’administration publique et l’accompagnement de la relève des hauts gestionnaires. Le chapitre 3 aborde pour sa part une question qui a fait couler beaucoup d’encre depuis les dernières années, soit la stratégie institutionnelle de protection de l’intégrité et la promotion de l’éthique au sein de l’État québécois. Le chapitre 4 porte sur l’évolution du monde municipal au Québec depuis 2015 en prenant pour exemple le cas de la Ville de Laval, ville proactive qui a connu d’importants changements.

    La deuxième partie de ce volume porte sur la question de la santé. Le financement de la santé et des services sociaux représente environ 45 % du budget du gouvernement du Québec, contre 24 % pour l’éducation et l’enseignement supérieur. Le chapitre 5 présente l’historique des réformes de la santé, notamment du point de vue des instruments et de leur impact. Le chapitre 6 traite pour sa part de la question fondamentale de l’amélioration de la performance des services de santé de premières lignes dans une perspective critique.

    Dans sa troisième partie, ce volume se penche sur l’économie et l’environnement. Le chapitre 7 s’intéresse à la question fondamentale de l’innovation et la création de la richesse au Québec. Dans un contexte où le gouvernement du Québec veut accorder un rôle plus important à la société d’État Investissement Québec, le chapitre 8 tombe à point nommé. Le chapitre 9 propose pour sa part un bilan stratégique d’Hydro-Québec comme acteur fondamental du développement économique. Le chapitre 10 porte sur le rôle du Québec, en comparaison avec l’Ontario, dans les négociations commerciales du Canada, notamment la renégociation de l’ALENA. Le chapitre 11 parle d’un des enjeux les plus fondamentaux pour le Québec, mais aussi pour l’ensemble de la planète, la question de la protection de l’environnement, des changements climatiques et du développement durable.

    Dans la quatrième partie de cet ouvrage, les auteurs s’intéressent à la question centrale des finances publiques pour l’État québécois. Le chapitre 12 propose une analyse des contours de la fiscalité au Québec, le chapitre 13 décrit l’évolution de la dette publique au Québec alors que le chapitre 14 porte sur le processus budgétaire au Québec et le chapitre 15 sur la vérification générale au Québec en tant qu’outil démocratique.

    La dernière partie du livre se penche sur le dossier crucial de l’éducation. Ainsi, le chapitre 16 s’intéresse à la question de la réussite pour tous au sein du réseau préscolaire jusqu’au réseau universitaire. Le chapitre 17 porte sur l’enjeu du décrochage scolaire alors que le chapitre 18 traite des caractéristiques sociologique et démographique des jeunes Québécois placés en famille d'accueil. Le chapitre 19 quant à lui réfléchit sur les effets des politiques de financement des Universités au Québec.

    La conclusion présente des considérations spécifiques en plus de revenir, plus en détail, sur les résultats de l’enquête d’opinion réalisée auprès des Québécois afin de connaître leur perception sur les différents thèmes traités dans cet ouvrage.

    PARTIE 1 /

    ADMINISTRATION PUBLIQUE

    CHAPITRE 1 /

    Contre les idées reçues

    La gestion du changement au sein de l’administration publique vue par une nouvelle génération de gestionnaires

    Jessica Tornare, Natalie Rinfret, Jennifer Grenier et Miché Ouédraogo

    1 / Un contexte mouvant

    Au début des années 1980, un vent de réformes administratives, regroupées sous le vocable de Nouveau Management Public, a soufflé sur la plupart des administrations publiques des pays industrialisés (Côté, 2014). Dans la foulée de ces défis et enjeux de modernisation de l’État (Bourgon, 2011), la plupart des sociétés occidentales font face à de grands bouleversements démographiques et sociaux : le vieillissement de la population est ainsi l’un des facteurs ayant les effets socioéconomiques les plus importants sur les sociétés modernes (Audet, 2004). Le Québec n’échappe pas à cette réalité : en 2011, 15,7 % de la population était âgée de plus de 65 ans et cette proportion ne cessera d’augmenter au cours des prochaines années (Institut de la statistique du Québec, 2014). C’est dans ce contexte de multiples changements que les nouveaux gestionnaires de la relève de la fonction publique québécoise doivent exercer leur fonction. Leur posture face à ces changements, leurs rôles et les compétences qu’ils devront déployer sont déterminants pour la réussite des projets à mettre en œuvre (Autissier, Bensebaa et Moutot, 2012). A-t-on besoin de rappeler que la performance de la société dépend de la qualité de sa fonction publique ?

    L’étude qui suit vise donc à explorer comment ces gestionnaires perçoivent les principaux défis et enjeux de l’administration publique québécoise, leurs rôles et les compétences qu’ils comptent mobiliser pour mettre en œuvre les changements. Après avoir rappelé les principaux enjeux pour le secteur public, nous présenterons la perception du changement des gestionnaires, ainsi que le rôle et les compétences nécessaires à la mise en place et la conduite du changement.

    2 / Les gestionnaires du secteur public face à une déferlante de changements

    2.1 / Les enjeux

    Plusieurs facteurs communs aux démocraties occidentales ont concouru à la dissémination et à la propagation des mesures prônées par le Nouveau Management Public. Il s’agit notamment de l’effet conjugué de la crise des finances publiques, des impératifs de la mondialisation de l’économie, du déclin de la confiance du public à l’endroit des administrations publiques, des nouvelles technologies d’information et de communication et de l’amélioration des services aux citoyens (Aucoin, 1995 ; Charih et Daniels, 1997 ; Charih et Rouillard, 1997 ; Côté, 2014). Ces réformes ont conduit et conduisent encore aujourd’hui les États et les gouvernements à revoir leurs programmes publics, leurs processus administratifs et à s’intéresser à l’organisation du travail, à la responsabilisation et à la professionnalisation des agents publics ainsi qu’à l’amélioration des services aux usagers (Mazouz, 2014 ; Pettigrew, 1997). De plus, la littérature sur la gestion des ressources humaines relève d’autres enjeux spécifiques au secteur public. Ceux-ci concernent l’attractivité et la rétention des ressources humaines dans un contexte de restructuration permanente (Bryson, 2011 ; Chrétien, Arcand et Tellier, 2010 ; Lemire, Martel et Charest, 2015). À ces spécificités s’ajoutent les contraintes démographiques, puisque de plus en plus de travailleurs en âge de la retraite quittent progressivement le marché du travail, diminuant ainsi la population active (Audet, 2004) et affectant davantage l’équilibre budgétaire de l’État. À l’image de la société, la fonction publique québécoise est aux prises avec le vieillissement de son personnel (SCT, 2016, 2018) et la rareté de la main-d’œuvre (SCT, 2018). Le problème se fait particulièrement sentir au sein du personnel d’encadrement, dont la moyenne d’âge est de plus de 50 ans. D’ici 2020, 33,2 % des cadres de la fonction publique québécoise seront admissibles à la retraite (SCT, 2016). En conséquence, la mise en place de stratégies visant l’amélioration de la qualité des services aux citoyens (Harvey et al., 2010 ; Rinfret et Lagacé, 2016) et de la performance des organisations publiques (Bourgon, 2011), exigées par les transformations des 30 dernières années, sera effectuée par une nouvelle génération de gestionnaires, dans un contexte de départs massifs à la retraite (SCT, 2018) ; mise en place à laquelle s’intègrent parfois en toile de fond des tensions entre le politique et sa fonction publique (Michaud, 2017a, 2017b), ou même entre les citoyens et leur fonction publique. En témoigne le sondage téléphonique administré au Québec à l’automne 2018, qui révèle que pour 27,9 % de l’ensemble des personnes interrogées, les fonctionnaires québécois apparaissent peu ou pas du tout compétents (voir question 12, chapitre 23). Une opinion qui varie cependant en fonction des générations, puisque les 18-24 ans et les plus de 65 ans voient très majoritairement les fonctionnaires comme très ou assez compétents, soit respectivement 71,8 % et 76,4 %, alors que cette croyance est moins partagée parmi les 25-44 ans (62,7 %) et les 45-64 ans (64,5 %). Cette différence entre les générations est cependant moins marquée lorsque la question porte sur la confiance que les personnes interrogées accordent aux fonctionnaires du gouvernement québécois (question 13) : alors qu’un peu plus de la moitié (58,2 %) du total des personnes questionnées accordent beaucoup ou une certaine confiance aux fonctionnaires, ce résultat descend à 55,8 % pour les 18-24 ans. Il remonte à 58,7 % pour les 25-44 ans, et s’établit à 56,0 % pour les 45-64 ans, tandis qu’il augmente jusqu’à 62,1 % pour les 65 ans et plus. Cela signifie aussi que 39,1 % des personnes ayant répondu au sondage ne font pas du tout ou peu confiance à leurs fonctionnaires…

    2.2 / La perception, le rôle et les compétences des gestionnaires de premier niveau face au changement

    De nos jours, les gestionnaires du secteur public doivent, au quotidien, composer avec les changements démographiques et sociaux, les changements technologiques, le resserrement des finances publiques, l’amélioration des services aux citoyens et de la performance, et le nouveau modèle de gouvernance (Walker, Boyne et Brewer, 2010). Dans cet environnement instable, la gestion du changement constitue un enjeu considérable (Alis et Fergelot, 2012 ; Collerette, 2008). À ce titre, elle figure parmi les 14 compétences clés du gestionnaire leader du gouvernement du Québec (SCT, 2012a).

    Selon Bouckenooghe (2010), des attitudes positives, telles que l’ouverture au changement et the readiness for change facilitent l’introduction du changement. À l’inverse, la résistance au changement serait l’une des causes majeures de l’échec des changements organisationnels (Bareil, 2008). Peuvent également s’y ajouter un leadership du supérieur immédiat ambivalent ou évanescent et un manque de légitimité ou d’ambition du gestionnaire envers les changements (Bareil, 2008). Toutefois, les individus qui s’approprient le changement et modifient leurs comportements en conséquence favorisent la réussite et la pérennité de celui-ci (Schein, 1980, Autissier et Vandangeon-Derumez, 2007).

    Kotter (1996) avance ainsi l’idée que les changements s’opèrent grâce à l’attitude et la posture des gestionnaires au quotidien, dont le rôle est structurant. Ce rôle d’agent de changement sollicite plusieurs compétences managériales. Parmi celles-ci on retrouve le leadership, la communication, la vision, la négociation, la mobilisation et l’innovation (Bareil, 2004, 2008, 2010 ; Collerette, 2010 ; Pépin, 2005 ; Kanter, 2004). Par ailleurs, les gestionnaires de premier niveau ont un rôle complexe à jouer face aux transformations à mettre en œuvre dans les organisations publiques. En effet, ils sont à la fois destinataires et vecteurs du changement. Ils doivent exercer un rôle de facilitateur (Schmitt, Fabbri et Gallais, 2011). En somme, ils deviennent les prescripteurs naturels du changement pour leurs équipes (Autissier et Vandangeon-Derumez, 2007).

    3 / La prise en compte du sens dans la gestion du changement

    Selon Kotter (1996), le changement se construit aux deux tiers dans la relation que le gestionnaire entretient avec son équipe, tandis que les dispositifs de communication, de formation et d’accompagnement dans le changement y participent à hauteur d’un tiers. La gestion du changement au sein des administrations publiques est donc une compétence managériale requise au quotidien (Autissier, Bensebaa et Moutot, 2012), car l’ambiguïté générée par les nombreux changements au sein des organisations ne peut jamais être pleinement résolue par la haute direction (Denis et al., 2009). D’où l’intérêt pour le concept de construction de sens dans les recherches portant sur les gestionnaires et le changement (Rouleau, 2005 ; Schmitt, Fabbri et Gallais, 2011 ; Rouleau et Balogun, 2011 ; Guirou, 2015). Devant l’ambiguïté ou l’incertitude des situations de changement, la construction de sens est nécessaire à l’action (Weick, Sutcliffe et Obstfeld, 2005). Le « sensemaking » peut être défini comme la façon dont les gestionnaires comprennent et partagent leur compréhension concernant des caractéristiques de l’organisation, les problèmes auxquels ils font face et comment ils devraient les résoudre (Weick, 1995). « Les processus de construction et de diffusion de sens sont généralement présentés comme le résultat de l’activité consciente des gestionnaires » (Rouleau, 2007, p. 144). Ainsi, c’est l’individu qui, à partir de l’action générée et de celles des autres, crée la réalité existante (Weick, 1995). Pour Weick, ce n’est pas l’incertitude, au sens de manque d’information, qui pose problème, mais l’équivocité, soit la multiplicité des interprétations qu’on peut donner à une situation (Weick, 1995). Le processus de diffusion de sens est complémentaire et perméable à celui de construction de sens (Weick, 2000). Il se rapporte à l’action d’influencer les autres en communiquant ses pensées afin de gagner leur soutien dans l’action (Rouleau, 2007).

    Certains auteurs considèrent le sensemaking organisationnel comme une théorie du processus de changement organisationnel (Van de Ven et Poole, 1995 ; Weber et Glynn, 2006). En tentant de comprendre et de définir les stratégies organisationnelles en contexte de changement, les gestionnaires construisent du sens (Denis et al., 2009), « sensemaking », et donnent du sens, « sensegiving » (Weick, 1995). Par le biais de leurs croyances, de leurs activités quotidiennes et de leurs échanges, les gestionnaires développent des processus de construction et de diffusion de sens (Guirou, 2015 ; Rouleau, 2005). Selon Weick (1995), c’est ce processus qui leur permet d’établir des priorités et des préférences quant aux actions à entreprendre. De plus, les gestionnaires communiquent leur compréhension du changement et influencent leurs équipes (Rouleau et Balogun, 2011 ; Audette-Chapdelaine, 2016 ; Denis et al., 2009), alors que celles-ci scrutent leurs réactions, sceptiques quant à l’engagement de la haute direction à changer (Lüscher et Lewis, 2008).

    4 / Les objectifs de l’étude

    Très peu d’études sur le changement et la construction de sens ont été conduites auprès des cadres de premier niveau (Autissier et Vandangeon-Derumez, 2007 ; Lüscher et Lewis, 2008 ; Maitlis, 2005), alors que leur rôle est essentiel puisqu’ils se situent sur le plan opérationnel de l’organisation (Autissier, Bensebaa et Moutot, 2012 ; Bareil, 2004). Quelles perceptions ont-ils de leurs rôles et des compétences qu’ils doivent mettre en œuvre pour transformer leur milieu de travail ? Leur rôle d’interface entre les supérieurs et les collaborateurs, qui les place dans une situation inconfortable et ambiguë, peut-il être facilité par le fait que ces gestionnaires appartiennent à une nouvelle génération, plus scolarisée que les précédentes, et dont la clé d’épanouissement au travail est l’ouverture au changement, la recherche de défis, le besoin d’apprendre, de se développer et d’expérimenter (Viola, 2005) ? L’objectif de cette recherche est donc d’explorer comment de nouveaux gestionnaires se positionnent face à des enjeux mis de l’avant par une autre génération. Sont-ils disposés à s’approprier et mettre en pratique de nouvelles prescriptions managériales (Desmarais, 2003) et comment le feront-ils ? Quels rôles et quelles compétences mettent-ils de l’avant pour assurer une gestion efficiente de tous ces changements (Alis et Fergelot, 2012) ?

    5 / L’accession aux perceptions et croyances des gestionnaires

    Un devis de recherche qualitatif et exploratoire a été employé selon l’analyse interprétative qui s’intéresse à la manière dont les individus créent, interprètent et diffusent le sens autour d’eux pour agir dans l’organisation (Paillé et Muchielli, 2012 ; Rouleau, 2007 ; Weick, 1995). Ainsi, pour l’analyse interprétative, les comportements, les événements et les actions ont peu d’importance puisque ce sont les significations qui y sont associées qui comptent (Rouleau, 2007). L’activité réflexive est postérieure à l’action et vise à lui donner du sens rétrospectivement (Weick, Sutcliffe et Obstfeld, 2005).

    L’analyse des sources a fait l’objet d’une triple lecture (horizontale, verticale et croisée). Une première étape de double codification par deux chercheurs a été conduite sur la base de thèmes issus de la revue de littérature et des questions de recherche (Paillé et Mucchielli, 2012), soit les enjeux de l’administration publique et les changements qu’ils commandent, la perception face à ces changements et enfin les rôles et compétences des gestionnaires dans la mise en place de ces changements. Cette première analyse a fait émerger de nouveaux thèmes, notés au fur et à mesure de la lecture des sources, et autorisé des recombinaisons. Les codages ont fait l’objet d’accords inter juges (Deslauriers, 1991). Après validation des thèmes et de leur récurrence, une deuxième étape de codification de l’ensemble des sources a été réalisée. Ainsi, les thèmes retenus liés aux enjeux sont la gestion du personnel, la rareté des ressources financières, le service aux citoyens, la performance, le déficit d’image et les nouvelles technologies. Concernant la perception du changement, les thèmes réfèrent aux attitudes positives et négatives face au changement. Finalement, en ce qui a trait aux rôles et compétences les thèmes sont la vision, le leadership (développement, participation, autonomie de l’équipe) et l’innovation.

    5.1 / Les participants

    Les participants de cette étude sont composés de 61 cadres de premier niveau du gouvernement du Québec qui ont suivi un programme de formation d’une durée de 18 mois, conçu pour accompagner et analyser la progression de carrière de nouveaux gestionnaires à haut potentiel. Ce programme s’appuie sur la gestion des talents et le mentorat. De ces 61 nouveaux cadres répartis en trois cohortes, 33 sont de sexe féminin et 28 de sexe masculin. La moyenne d’âge des participants est de 42,33 ans. Ils sont principalement titulaires d’une maîtrise (38 participants) et d’un baccalauréat (18 participants). En moyenne, ils ont 15,63 années d’expérience dans la fonction publique québécoise et occupent leur poste de cadre de premier niveau, qui correspond à la classe 4 au gouvernement du Québec, depuis 2,54 ans. Les participants proviennent de 23 ministères et organismes du gouvernement québécois, répartis dans 10 régions différentes du Québec, mais particulièrement de la Capitale-Nationale (Québec) (37 participants) et de Montréal (10 participants).

    5.2 / La source des données

    Pour connaître le point de vue subjectif et les interprétations des participants quant à leur vécu et leurs expériences (Paillé et Muchielli, 2012 ; Weick, 1995), il a été demandé à chaque jeune leader, à la fin du programme de formation, de produire un rapport pour exprimer sa réflexion quant aux enjeux de l’administration publique dans un horizon de cinq ans, à son leadership et à sa contribution comme gestionnaire de l’État. Les résultats présentés dans la prochaine section se concentrent sur les principaux enjeux de changement au sein du secteur public perçus par les participants. Les rôles que s’attribuent ces gestionnaires face aux changements et les compétences qu’ils doivent mobiliser à cet effet sont également explorés. Des citations, choisies¹ pour leur représentativité, servent à illustrer chacun de ces thèmes.

    5.3 / Les limites de la recherche

    Il est important de préciser les limites intrinsèques au choix de cet échantillon non aléatoire. La vocation du programme, former la relève des hauts gestionnaires de la fonction publique, et la double sélection des candidats, par le ministère ou l’organisme et l’École nationale d’administration publique, a fourni un échantillon composé de cadres à haut potentiel. Ainsi, leurs caractéristiques peuvent différer de celles du reste de la population des cadres de classe 4 et des différents contextes des ministères et organismes qui ne sont pas représentés au sein de notre échantillon. Cependant, ces limites sont autant de pistes de recherche d’approfondissement, qui seront détaillées ultérieurement.

    6 / Les résultats

    6.1 / Les enjeux qui commandent le changement

    Les résultats de cette recherche montrent que ces gestionnaires de la nouvelle génération identifient principalement cinq enjeux qui orientent les changements au sein de l’administration publique : 1) la gestion du personnel ; 2) la rareté des ressources financières ; 3) l’amélioration de la productivité ; 4) le déficit d’image ; et 5) les nouvelles technologies.

    Les enjeux liés à la gestion de personnel (vieillissement de la main-d’œuvre, diversité ethnique, gestion de la génération Y, raréfaction de la main-d’œuvre, attraction, rétention, mobilisation) sont parmi les premiers cités. Puisque d’ici 2020, environ 1,4 million d’emplois seront à pourvoir au Québec, dont plus de 75 % pour compenser les départs à la retraite (SCT, 2012b), l’attraction du personnel qualifié sera, plus que jamais, un enjeu de taille : « Les défis actuels consistent davantage à stimuler, valoriser, demeurer attractif, donner un sens, accueillir une nouvelle génération avec de nouvelles idées » (C1). Les participants soulignent également la difficulté pour la fonction publique d’être compétitive avec le secteur privé pour ce qui est d’attirer les talents, de les mobiliser et de les retenir. Par exemple, un gestionnaire de la cohorte 3 mentionne :

    Il faut revoir les approches de recrutement (être plus souple et plus agressif ), l’encadrement et l’organisation du travail (télétravail, conciliation travail-famille, la diminution des tâches sans valeur ajoutée : l’élimination des redditions de compte inutiles et des approbations multiples), les cadres régissant l’évolution de carrière (identifier la relève, favoriser les promotions, assouplir les échelles salariales, accroître la part de la rémunération variable) et la valorisation des milieux de vie (construire des milieux de vie inspirants et agréables).

    Le deuxième enjeu le plus cité concerne l’équilibre budgétaire. Cet enjeu, dû à « la constante fragilité des finances publiques, conjuguée aux attentes de plus en plus exigeantes des citoyens à l’égard des services publics, a conduit à une révision fondamentale des façons de faire et à une remise en question de plusieurs missions de l’État » (C2). Cela entraîne une décroissance de l’État québécois et certains y voient une occasion.

    Ce contexte flou, quant à l’avenir des programmes que nous administrons, représente pour moi une opportunité d’adapter mon leadership et d’aider mon équipe à faire face à un tournant majeur quant à la façon de répondre aux besoins de nos clientèles, dans le cadre de la révision de nos programmes (C2).

    Les enjeux d’efficience, d’amélioration de la productivité et de modernisation arrivent en troisième position, comme cette citation l’évoque : « les grands enjeux actuels sont […] la capacité à se moderniser, sans ressource supplémentaire, à optimiser nos processus en étant le plus efficients » (C2). Le déficit d’image de la fonction publique se positionne au quatrième rang. Outre un déficit d’image, certains gestionnaires expriment une « opinion publique défavorable envers les fonctionnaires » (C2), « une réputation négative des organisations et des employés de la fonction publique dans les médias et la population en général » (C3) et qu’il y a lieu d’en « rétablir la réputation, afin de regagner à la fois la confiance de la population et la marge de manœuvre vis-à-vis des autorités élues » (C2). Cette dernière citation met en lumière une nouvelle réalité au Québec. En effet, il semble que certains élus ne font plus confiance à leurs fonctionnaires. De surcroît, ces nouveaux gestionnaires mettent en exergue la nécessité de plus de transparence au sein de la fonction publique.

    Finalement, en cinquième position arrivent les enjeux liés aux nouvelles technologies accentués, selon certains participants, par le retard pris par l’administration publique dans ce domaine :

    Dans un contexte où les grands secteurs économiques (bancaires, assurances, achat-consommation) offrent des services en ligne en mode libre-service (24 heures/24, 7 jours sur 7 et 365 jours par année) est-il surprenant de constater que le citoyen s’attend à la même chose en matière de services publics ? Aujourd’hui, les gens s’attendent à pouvoir transiger à tout moment et de manière autonome avec l’État. L’expression de ce besoin représente une opportunité dans un contexte de pénurie de ressources. Le modèle actuel n’est plus viable (C3).

    Ces enjeux sont associés aux changements qui touchent l’amélioration de l’offre de services, tant quantitative que qualitative, pour l’ensemble du territoire.

    Par ailleurs, certains participants voient également comme un enjeu la redéfinition des services rendus aux citoyens ou du rôle de ceux-ci : « Les gestionnaires devraient utiliser davantage le citoyen dans la définition des changements gouvernementaux » (C1). D’autres, enfin, soulignent que « le plus grand défi de la fonction publique est sans nul doute sa capacité à se transformer » (C1).

    Qu’ils soient organisationnels, sociaux, culturels ou technologiques, les enjeux auxquels font face les gestionnaires de l’administration publique québécoise ont une incidence majeure sur la performance de leur organisation et des employés, d’où l’importance d’apporter les changements requis.

    6.2 / Une vision positive et proactive du changement

    Pour certains nouveaux gestionnaires, le changement est non seulement inévitable, mais il fait partie de leur quotidien : « Je ne vis pas le changement dans la crainte. Bien au contraire, le changement c’est la norme pour moi » (C2). Il est aussi souhaité, passionnant et motivant : « les changements annoncés dans mon organisation sont pour moi une source de motivation incroyable et une belle opportunité de me développer » (C3). La quasi-totalité des participants a non seulement une vision positive du changement, mais souhaite y contribuer. Pour eux, le changement consiste à implanter une culture d’innovation, où les gens peuvent proposer, amener de nouvelles idées et ouvrir de nouvelles perspectives.

    Tous mes collaborateurs ont le devoir de me proposer, de façon proactive, une solution lorsqu’ils soulèvent une action à entreprendre ou un problème à résoudre. Cette façon de faire responsabilise les membres de l’équipe tout en leur envoyant le signal qu’ils sont partie prenante aux décisions (C3).

    Ainsi, ils ont l’attitude souhaitée pour mettre en place des changements en « croyant au bien-fondé du changement et dégageant un sentiment de confiance dans sa réussite afin d’en influencer positivement la réalisation » (C2).

    Bien que la vision du changement soit positive, plusieurs participants ont souligné la lenteur bureaucratique et les contraintes administratives dans la mise en œuvre de nouvelles pratiques au sein des ministères et organismes. Certains participants utilisent même des termes plus négatifs pour qualifier la situation. Ils évoquent les « contraintes lourdes d’une administration publique pouvant apparaître comme impossible à modifier », précisant que la situation peut sembler « dantesque » (C3), ou que tout peut paraître « contraignant, tant les politiques, normes, lois, budgets, effectifs (réduits) que les soubresauts fréquents découlant du politique » (C1).

    6.3 / Les rôles et compétences à mobiliser dans la mise en place des changements

    Ces gestionnaires de la nouvelle génération semblent bâtir la conception de leurs rôles autour de trois compétences clés : la vision stratégique, le leadership participatif et l’innovation.

    6.3.1 / Transmettre et partager une vision stratégique

    La réingénierie de l’État ou la révision du modèle québécois exige de la part des dirigeants politiques et administratifs une vision, une bonne lecture de leur environnement et des gestes à poser pour accomplir les changements nécessaires dans un contexte de décroissance et de vieillissement de la population. Les gestionnaires doivent ainsi donner une vision et un sens aux orientations prises par les dirigeants pour que les interventions du personnel soient efficaces, efficientes et apportent les résultats attendus. Ils se considèrent comme des acteurs qui facilitent les transitions et l’appropriation des changements au sein de leur direction ; comme l’indique un participant : « Je veux poursuivre mes actions comme agent de changement auprès de mon organisation, de mon équipe et auprès de mes collaborateurs » (C3). Ils estiment qu’ils doivent « inspirer en faisant ressortir les opportunités d’affaires que celui-ci [le changement] procure » (C1). Ainsi, ces nouveaux gestionnaires se perçoivent comme des agents de changement qui savent vendre les idées et les valeurs, et qui adoptent une attitude positive. Plusieurs participants se sont comparés à un chef d’orchestre dont le rôle est de guider l’équipe afin d’amener chacun des membres à partager son savoir et à mettre à contribution ses compétences personnelles. Pour un participant sur deux, l’élément essentiel du rôle du gestionnaire dans un contexte de changement est d’« avoir une vision stratégique et être capable de la partager à son équipe » (C1). Transmettre une vision claire des orientations semble être la clé pour assurer la mobilisation de chacun des membres de l’équipe. Selon les participants, le partage de la vision stratégique leur permet de conduire à la fois les changements mineurs au sein de leur équipe et les changements organisationnels de plus grande envergure. Ainsi, il faut au gestionnaire dans un premier temps comprendre et adhérer à la vision des hauts dirigeants pour ensuite la faire sienne et la communiquer à son personnel, comme l’indique ce commentaire : « Je me fais un devoir de porter la vision, de propager la mission, de l’expliquer et d’innover » (C3).

    La vision du leader, grâce à une communication claire, devient un levier mobilisant pour le personnel, de par sa cohérence et sa compréhension par l’ensemble de l’équipe. Elle devient la vision commune des équipes et le socle sur lequel chacun contribue aux objectifs de l’organisation, comme en témoigne ce participant : « Avoir l’opportunité d’inspirer une vision partagée du leadership à mon équipe de gestion permet de favoriser la contribution des employés à la réalisation des objectifs stratégiques de l’organisation » (C3).

    6.3.2 / Adopter un style de leadership participatif en contexte de changement

    Les participants estiment que la conduite du changement passe par la capacité à se positionner comme agent de changement. Pour ce faire, il est essentiel de bien comprendre son environnement interne et externe, « tant du côté humain, qu’organisationnel (politique) afin de pouvoir anticiper les changements et faire partie des agents positifs ou mobilisateurs de la transformation » (C2). Tous sont conscients que le contexte actuel crée beaucoup d’incertitude auprès de leur équipe. La conduite du changement est vue comme une occasion d’accentuer un style de gestion collaboratif en incluant rapidement les personnes concernées afin de les faire participer à l’élaboration de la solution, facilitant de ce fait l’appropriation et la consolidation du changement et diminuant, de facto, leur résistance au changement.

    Ces nouveaux gestionnaires semblent voir le leadership partagé comme une clé du succès de la mise en place du changement et semblent très confortables dans le partage de leur leadership, allant ainsi au-delà du leadership participatif.

    Cette façon de faire permet aux employés d’avoir le sentiment de contribuer significativement au changement plutôt que de le subir, facilitant ainsi l’adhésion à la vision du leader. Elle permet également de développer la proactivité et la responsabilisation du personnel dans l’atteinte des objectifs de transformation (C2).

    Selon les participants, les multiples changements à mettre en place dans la fonction publique demandent à l’agent de changement de miser sur un leadership partagé plutôt que sur un style de gestion directif/traditionnel, en instaurant une culture de confiance et de droit à l’erreur :

    Pour y arriver, et avoir les résultats escomptés, je me dois d’être porteuse de changement, de proposer des solutions novatrices et adaptées. Je dois faire preuve d’ouverture d’esprit, faire participer les employés dans les décisions, être équitable, faire preuve de transparence et miser sur un canal de communication efficace et fonctionnel afin de transmettre une information claire (C3).

    6.3.3 / Innover pour provoquer et mettre en œuvre le changement

    Conscients du contexte économique et budgétaire difficile dans lequel les transformations de l’État doivent s’opérer, ces nouveaux gestionnaires y voient une occasion d’innover afin d’assurer aux citoyens des services de qualité, en utilisant de façon optimale les ressources gouvernementales. « Idéalement, ils saisiront les changements comme étant une opportunité à être créatifs et à innover » (C2). L’innovation devient ainsi une alliée pour mobiliser son équipe face au changement caractérisé par la volatilité, la turbulence et la complexité. Les participants mettent en évidence l’importance de l’innovation pour favoriser la réussite de la mutation obligatoire de l’administration publique : « Nous avons parfois tendance à négliger l’apport que la créativité peut avoir dans la fonction publique. Pourtant, en particulier dans un contexte de ressources limitées, elle peut alors devenir un moteur puissant pour nos organisations » (C1). D’autres ajoutent l’importance de faire du « benchmarking » afin de s’inspirer des meilleures pratiques mises en place ailleurs dans le monde « pour ne pas avoir à inventer la roue à chaque fois qu’une réorganisation est nécessaire » (C3).

    Ainsi, pour conduire le changement ou composer avec celui-ci, ces nouveaux gestionnaires valorisent l’innovation en stimulant les idées de leur équipe, misant ainsi sur leur potentiel créatif. « En fournissant les objectifs et en laissant libre cours à la discussion, les solutions qui émergent sont souvent les plus novatrices » (C1). Aussi, la mise à profit de l’intelligence collective au sein de l’équipe semble une stratégie gagnante « en amenant chacun des membres à partager son savoir et à mettre à contribution ses compétences personnelles afin d’en faire bénéficier l’ensemble du groupe » (C3). Redonner du pouvoir aux employés ne signifie pas une déresponsabilisation du gestionnaire quant aux résultats : il s’agit d’offrir aux employés la possibilité concrète de contribuer à une meilleure prise de décision afin d’« accomplir plus et mieux » (C2).

    À moyen terme, la transformation de l’État exigera des leaders beaucoup d’initiatives, de créativité, une capacité de réflexion systémique et un goût pour la gestion du changement.

    7 / Comment interpréter ces résultats ?

    Cette étude a mis en lumière les perceptions de gestionnaires de premier niveau, appartenant à une nouvelle génération quant aux enjeux de l’administration publique québécoise, des transformations que ces enjeux commandent, des rôles et compétences qu’ils doivent déployer pour conduire les changements qui en découlent. En se positionnant, ces gestionnaires justifient leur choix, affirment leurs croyances et donnent du sens à ce qu’ils font (Weick, 1995, 2000). Selon eux, cinq enjeux majeurs orientent les changements à mettre en place. Ces enjeux, qui découlent des restructurations importantes mises en place dans la mouvance du Nouveau Management Public dans les années 1980, amplement répertoriés dans la littérature (Aucoin, 1995 ; Bourgon, 2011 ; Charih et Daniels, 1997 ; Côté, 2014), sont donc toujours d’actualité. Par ailleurs, il est intéressant de noter l’ordre d’importance des enjeux perçus par ces jeunes gestionnaires, certainement lié à leur niveau hiérarchique et à l’appartenance à leur génération. En effet, le plus important a trait à la gestion du personnel (Lemire, Martel et Charest, 2015), ce qui pourrait s’expliquer, en partie, par le fait qu’ils occupent un poste de gestion opérationnel. De plus, en étant en contact direct avec les clientèles, ils sont davantage touchés par la raréfaction de la main-d’œuvre qualifiée, l’attraction et la rétention de leur personnel (Bryson, 2011 ; Chrétien et al., 2010 ; Lemire, Martel et Charest, 2015). En deuxième lieu, ils citent la rareté des ressources financières. Conscients des coûts des programmes publics mis en place durant la Révolution tranquille (Mazouz, 2014), ils en remettent en question la pertinence dans un souci d’efficience (Bourgon, 2011). L’amélioration de la performance et la modernisation de l’État, à l’instar de Walker, Boyne et Brewer (2010), constituent un autre enjeu de taille qui arrive au troisième rang. En effet, la lourdeur bureaucratique de l’État québécois est fortement décriée et contribue au déficit d’image de la fonction publique, répertorié au quatrième rang des enjeux perçus. Par ailleurs, selon les participants ce déficit d’image est double. D’une part, on retrouve celui des citoyens et, d’autre part, celui des élus. En effet, le niveau de confiance des citoyens envers les fonctionnaires a décliné entre 1968 et 2006 (Forum des politiques publiques, 2009 ; Mazouz, 2014) et, comme le relèvent ces gestionnaires, ce déficit d’image accentue l’enjeu d’attractivité et de rétention de la main-d’œuvre (Bryson, 2011 ; Chrétien, Arcand et Tellier, 2010). Pour sa part, le déficit d’image des fonctionnaires auprès des élus représente un phénomène mis en exergue par les nouveaux gestionnaires qu’il conviendrait d’explorer davantage. En effet, ceux-ci indiquent que les relations entre les politiciens et la fonction publique québécoise peuvent être dysharmoniques (Michaud, 2017a, 2017b ; Aucoin, 1995 ; Savoie, 2015). Il serait alors intéressant d’étudier si cette perception est partagée par l’ensemble des gestionnaires, et ce, quelle que soit l’administration considérée. Enfin, le dernier enjeu relevé concerne l’intégration des nouvelles technologies de l’information (Riemenschneider et al., 2010 ; Rinfret et Lagacé, 2016). Étant adeptes et grands utilisateurs des technologies de l’information, ils y voient une solution pour améliorer la qualité des services publics et renouveler le modèle de gouvernance (Kuipers et al., 2014 ; Rinfret et Lagacé, 2016). Finalement, les enjeux liés à l’imputabilité et à la responsabilisation des fonctionnaires (Mazouz, 2014) sont peu cités par ces nouveaux gestionnaires. Est-ce à dire que les nombreux cours développés sur l’éthique par le gouvernement du Québec et diffusés auprès de ses gestionnaires depuis une dizaine d’années ont porté leurs fruits ?

    D’autre part, les résultats montrent que ces nouveaux gestionnaires partagent une vision positive et proactive du changement. Cette vision du changement est certainement liée aux implications positives qu’ils en perçoivent, à la fois pour eux, comme gestionnaires et citoyens, et pour leur organisation. L’amélioration des services publics et de la performance est pour eux un leitmotiv qui amène l’administration publique à vivre les changements en continu. Ainsi, leur attitude face à ces enjeux se rapproche du concept de « prédisposé au changement » (readiness for change), développé par Goh, Cousins et Elliott en 2006 et repris par Bouckenooghe en 2010. Cette attitude, également une caractéristique de leur génération (Viola, 2005), est cruciale dans l’implantation d’un changement réussi (Bouckenooghe, 2010 ; Miller, Johnson et Grau, 1994) ; le gestionnaire de premier niveau en est l’acteur clé (Alis et Fergelot, 2012 ; Autissier, Bensebaa et Moutot, 2012 ; Bareil, 2004). Proche du terrain et des préoccupations des acteurs internes, il est à même de trouver les leviers pour faciliter l’accompagnement du changement (Habib et Vandangeon-Derumez, 2015).

    Selon les participants, trois compétences clés appuient leur rôle d’agent de changement. Ces compétences sont la vision stratégique, le leadership participatif et l’innovation. À l’instar d’Audet (2010), il s’agit en effet de trois éléments essentiels à la mise en œuvre du changement. Les résultats montrent que ces gestionnaires de la nouvelle génération se sentent à l’aise dans leur position hiérarchique, jouant, à la fois, les rôles de destinataire et de vecteur du changement (Schmitt, Fabbri et Gallais, 2011). Ils traduisent la vision des hauts dirigeants aux membres de leur équipe et, ainsi, construisent (sensemaking) et donnent du sens (sensegiving) au changement (Denis et al., 2009 ; Weick, 1995). Ce partage de la vision est garant de la légitimation et de l’ancrage du changement, selon Habib et Vandangeon-Derumez (2015).

    Nos résultats confirment l’utilité de la théorie du « sensemaking » pour analyser les processus du changement organisationnel, à la suite de Van de Ven et Poole (1995) et de Weber et Glynn (2006), que ce soit autant dans la perception du changement lui-même que dans le rôle et les compétences à rassembler pour mettre en place un changement. Par le biais de leurs activités quotidiennes permettant la construction de sens (Rouleau, 2005), les nouveaux gestionnaires mobilisent les membres de leur équipe autour d’un leadership participatif. En favorisant une communication ouverte et franche et en amenant les membres de leur équipe à participer aux différentes étapes de la mise en place du changement, ils favorisent la compréhension, l’appropriation et la responsabilisation du personnel face à l’atteinte des objectifs organisationnels (Bareil, 2010 ; Collerette, 2010). Le style de leadership autoritaire traditionnel n’a plus sa place selon ces gestionnaires. Ils préfèrent de loin partager leur leadership et cherchent à instaurer une culture de confiance dans laquelle le droit à l’erreur est présent, ce qui est porteur d’innovation (Pettigrew, 1987). En faisant du changement une réalité permanente, ces nouveaux gestionnaires cherchent, à travers l’innovation, à rendre leurs structures et leurs modes de fonctionnement toujours plus efficaces (Autissier et Vandangeon-Derumez, 2007). Leur style de leadership devrait ainsi favoriser les innovations puisque, selon Collm et Schedler (2012), celles-ci se réalisent dans un système dynamique et ouvert sur l’environnement externe. Ces gestionnaires de la nouvelle génération perçoivent donc l’innovation comme un vecteur de changement permettant de répondre aux enjeux de l’administration publique québécoise.

    8 / Aller contre les idées reçues

    Devant les grands bouleversements économiques et sociaux qui touchent les sociétés occidentales, les administrations publiques de ces pays n’ont d’autres choix que de se transformer. Dans ce contexte marqué par l’incertitude, il est nécessaire de prendre le temps de construire du sens et de donner sens au changement, d’où la mobilisation des concepts de « sensemaking » et de « sensegiving » de Weick pour répondre aux questions de recherche de cette étude. Jusqu’alors, les travaux sur ces concepts et le changement s’étaient concentrés sur les hauts dirigeants puis les gestionnaires intermédiaires (Rouleau, 2007). Ils avaient encore peu pris en compte les gestionnaires de première ligne. Contre toute attente, les résultats de notre étude indiquent que les participants, constituant une nouvelle génération de gestionnaires québécois et identifiés comme la relève, sont stimulés face aux changements à mettre en place. Ils voient dans ces changements, caractérisés par leur complexité, leur volatilité et leur turbulence, une occasion d’innover et d’améliorer la performance de l’État québécois et de ses services publics.

    Ils croient en la mission de l’État, adhèrent à ses valeurs et, en ce sens, partagent la vision des changements proposée par les hauts dirigeants. Cette vision partagée devrait ainsi favoriser le déploiement de leur leadership auprès de leur équipe, puisqu’elle contribue à la construction de sens. L’attitude et la posture de ces nouveaux gestionnaires face au changement devraient ainsi rassurer le gouvernement du Québec et le citoyen quant aux transformations à mettre en place.

    Il n’en demeure pas moins qu’il serait intéressant de vérifier si cette vision positive et proactive du changement, qui détonne par rapport aux idées reçues sur le changement, est partagée par l’ensemble des nouveaux gestionnaires de l’État québécois et ceux d’autres pays occidentaux. Cette vision est-elle un trait caractéristique de cette génération ? Ou des gestionnaires à haut potentiel ? Aussi, qu’en est-il du déficit d’image des élus à l’égard de leurs fonctionnaires ? Au-delà des divergences de vues entre le politique et l’administratif dans nos pays démocratiques, y a-t-il bel et bien un bris de confiance qui s’installe, comme le suggère le sondage auprès des citoyens ? Si tel est le cas, est-ce que cela risque de mettre en péril l’implantation des transformations dont les administrations publiques ont tant besoin ?

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    1 Pour respecter l’anonymat des participants, les références sont indiquées ainsi : C1 (Cohorte 1), C2 (Cohorte 2), C3 (Cohorte 3).

    CHAPITRE 2 /

    Le Cercle des jeunes leaders de l’administration publique

    Une approche innovante de l’accompagnement de la relève des hauts gestionnaires

    Natalie Rinfret, Marie Claude Lagacé, Miché Ouédraogo et Servane Roupnel

    1 / Le contexte et la problématique

    1.1 / Les nouvelles réalités du secteur public

    Dans la foulée des grands changements démographiques et sociaux survenus au cours des dernières décennies, la fonction publique, dans plusieurs sociétés, fait face à de nouveaux défis tels l’amélioration des services aux citoyens (Harvey et al., 2010 ; Joiner, 2009), l’intégration des nouvelles technologies de l’information (Riemenschneider et al., 2010) et un modèle renouvelé de gouvernance (Denis et Van Gestel, 2015 ; Pommey et Denis, 2013). Ces changements obligent à revoir les façons de faire (Riemenschneider et al., 2010) et à mettre en place des stratégies capables d’accroître la qualité des services publics (Bryson, Ackermann et Eden, 2007), de favoriser la performance des organisations (Cong et Pandya, 2003) et d’améliorer les compétences du personnel dans l’appareil gouvernemental (SCT, 2014).

    Par ailleurs, l’un des facteurs critiques ayant les effets socioéconomiques les plus prégnants sur les sociétés occidentales concerne le vieillissement de la population (Audet, 2004) et le Québec, à l’image du Canada et de la plupart des pays de l’OCDE, n’échappe pas à cette situation. En effet, selon l’Institut de la statistique du Québec (2018), 18,5 % de la population québécoise est âgée de plus de 65 ans en 2017, et cette proportion ne fera qu’augmenter au cours des prochaines années (Institut de la statistique du Québec, 2014). Évidemment, ce phénomène se répercute sur les employés de l’État québécois et touche plus particulièrement le personnel d’encadrement. D’ici 2022, plus du quart des cadres supérieurs de la fonction publique québécoise devraient partir à la retraite (SCT, 2018).

    Avec une moyenne d’âge de plus de 50 ans chez les cadres (SCT, 2016), les départs massifs à la retraite risquent d’avoir un impact considérable sur le bagage des connaissances et de l’expertise managériale que possède la fonction publique québécoise à court et moyen termes. En effet, lorsqu’un travailleur d’expérience quitte une organisation, il emporte avec lui ses compétences, ses connaissances tacites et son savoir-faire (Chen et Mykletun, 2014). L’organisation risque alors de perdre une partie de sa mémoire organisationnelle (Rinfret et al., 2010). À cet effet, le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT, 2012a, p. 15) souligne que les « nombreux départs à la retraite ont un effet direct sur l’expertise dont doivent bénéficier les ministères et organismes pour réaliser leur mission ». Alors, comment s’assurer de maintenir et d’améliorer les compétences managériales des gestionnaires appelés à prendre incessamment la relève des baby-boomers ? Pour pallier cette situation, les organisations cherchent à mettre en place des stratégies afin d’assurer le transfert des connaissances, des travailleurs plus âgés vers les plus jeunes (Calo, 2008). Toutefois, dans ce contexte, favoriser le partage intergénérationnel des connaissances est une avenue à privilégier, mais non suffisante pour assurer la performance des organisations publiques.

    1.2 / Le développement du leadership en réponse au casse-tête démographique

    Afin d’assurer les transformations nécessaires pour s’adapter au contexte environnemental, il est essentiel de compter sur des gestionnaires possédant non seulement des connaissances et des compétences en gestion, mais aussi des capacités de leadership (Devine et Powell, 2008). Au Québec, comme dans beaucoup de pays industrialisés, les départs massifs à la retraite accentuent la problématique du besoin en développement du leadership et soulève des préoccupations quant à la préparation d’une relève de hauts gestionnaires de la fonction publique. Bien que les compétences managériales soient nécessaires, elles sont, sans les capacités en leadership, considérées comme insuffisantes aux fonctions du gestionnaire (Alimo-Metcalfe et al., 2008 ; Joiner et Josephs, 2007).

    Reconnu comme un des déterminants les plus importants dans la quête de la performance organisationnelle, le leadership est indispensable au succès de toute organisation, qu’elle soit de type public, privé ou sans but lucratif (Brewer et Selden, 2000 ; Hall et al., 2016). Aux États-Unis seulement, les organisations dépenseraient autour de 14 G $ dans les programmes de leadership (Gurdjian, Halbeisen et Lane, 2014). La présence de leaders compétents favorise en effet l’efficacité et la satisfaction au travail des employés et, de ce fait, la productivité générale de l’organisation s’en trouve améliorée (Kelloway et Barling, 2010 ; Hall et al., 2016). C’est pourquoi le déploiement du leadership des gestionnaires à tous les niveaux s’impose de plus en plus dans les stratégies de développement des compétences (Agostino, Arena et Arnaboldi, 2013).

    Occuper un poste de gestion supérieure dans l’administration publique n’est pas une mince tâche, d’autant plus lorsque l’on y accède rapidement. Dans un contexte où les départs à la retraite sont importants, comme c’est le cas depuis quelques années, certains qualifient ces ascensions rapides de « promotions acrobatiques ». En 2009, le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) et le Secrétariat aux emplois supérieurs (SES) appuient la création et la mise en œuvre du programme et du projet de recherche Cercle des jeunes leaders (CJL) de l’administration publique de la Chaire La Capitale en leadership dans le secteur public de l’École nationale d’administration publique (ENAP), conçu pour répondre à ces préoccupations.

    Assister de jeunes gestionnaires prometteurs dans la progression de leur carrière est l’objectif premier du Cercle des jeunes leaders de l’administration publique, un programme de mentorat et de développement du leadership destiné aux gestionnaires à haut potentiel du secteur public québécois. Ce programme assure le maintien de la mission gouvernementale par le renouvellement du personnel d’encadrement, le transfert des connaissances et le développement de leur leadership. Ce chapitre a pour objectif de présenter le programme de développement du leadership et les résultats de la recherche qui y est associée. Il se terminera sur les leçons apprises afin de pérenniser des programmes de développement du leadership pour les administrations publiques et les perspectives d’avenir.

    2 / Le Cercle des jeunes leaders : de la phase pilote à la version 2.0

    Une cohorte pilote du Cercle des jeunes leaders de l’administration publique fut lancée en octobre 2009, pour une durée prévue, au départ, de 12 mois. Le CJL est alors presque exclusivement conçu comme un programme de mentorat dans une perspective de transfert de connaissances s’accompagnant d’un projet de recherche. Dans la foulée de la gestion des talents, les candidatures sont proposées par un dirigeant, sous-ministre ou président d’organisme, qui souhaite l’accompagnement et la rétention de jeunes gestionnaires prometteurs au sein de son organisation. Les jeunes leaders ainsi choisis doivent compléter un dossier de candidature qu’ils acheminent à la Chaire. Tous les candidats proposés sont rencontrés en entrevue de sélection. Une fois sélectionné, le jeune leader est jumelé à un mentor provenant de

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