État des lieux sur la philanthropie subventionnaire québécoise
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À propos de ce livre électronique
Divisés en trois parties, les différents chapitres qui composent État des lieux sur la philanthropie subventionnaire québécoise proposent des éléments théoriques, des études de cas et des réflexions en matière de prospective. Ils contribuent à l’approfondissement des connaissances sur l’écosystème philanthropique québécois et introduisent des perspectives nouvelles sur la philanthropie, dont le regard autochtone. Plusieurs spécialistes se penchent sur les modalités de gestion des organisations philanthropiques, et surtout, portent une attention critique sur l’effet des interventions de fondations subventionnaires.
Considérant le peu de connaissances existantes sur les fondations québécoises en matière de philanthropie, cet ouvrage apporte un éclairage à la fois de base et spécialisé sur un secteur hétérogène composé d’une grande diversité d’organisations dont les actions sont relativement méconnues, et surtout, qui demandent à être mieux connues. Il s’adresse à un public varié composé de personnes actives dans le secteur philanthropique, intéressées par ce dernier ou en interaction avec des organisations de bienfaisance ou des fondations subventionnaires.
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Avis sur État des lieux sur la philanthropie subventionnaire québécoise
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Aperçu du livre
État des lieux sur la philanthropie subventionnaire québécoise - Diane Alalouf-Hall
Introduction
Jean-Marc Fontan, Diane Alalouf-Hall et Caroline Bergeron
Présentation des parties et chapitres de l’ouvrage
Le présent ouvrage se divise en trois parties. La première partie présente des ancrages théoriques ou réflexifs sur le secteur philanthropique. Comment le penser à la façon d’un écosystème et comment envisager une meilleure intégration de ses composantes (chapitre 1) ? Quels apprentissages tirer de la conception ou de la vision de l’action philanthropique à partir de la perspective autochtone (chapitre 2) ? Comment théoriser et envisager l’influence des fondations, de façon à rendre l’action philanthropique plus en harmonie avec les dynamiques territoriales (chapitre 3) ? Quels critères employer pour évaluer la performance organisationnelle des subventionnaires et quel type de moyen déployer pour ce faire (chapitre 4) ?
La deuxième partie aborde la philanthropie sous l’angle du prisme sectoriel. Sont ainsi dégagés des outils de la philanthropie subventionnaire et les limites de cette dernière. Des questions d’ordre général sont aussi posées, appelant à une certaine transversalité des actions entre les parties prenantes de l’écosystème philanthropique. Comment peut-on résoudre la tension entre la réponse immédiate aux besoins et la transformation des causes des inégalités (chapitre 5) ? Quelles motivations poussent les individus ou organisations à donner : une motivation économique ou une façon de concrétiser un engagement social (chapitre 6) ? Qu’espérer de la responsabilité sociale des entreprises et quel rôle la philanthropie peut-elle jouer en ce sens (chapitre 7) ?
Enfin, dans la troisième et dernière partie, le livre aborde ce qui pourrait être appelé une philanthropie prospective. Ainsi, diverses contributions permettront de comprendre les modes d’action sur lesquels s’appuient les subventionnaires atypiques (chapitre 8). Comment les investisseurs institutionnels traversés d’une forte inertie peuvent être amenés à participer à la transition écologique (chapitre 9). Comment la pandémie de la COVID-19 a imposé, par son urgence, une grande flexibilité dans les milieux philanthropiques et communautaires (chapitre 10). Enfin, comment ont été mis en place des modèles d’action et de collaboration entre les fondations qui pourraient faire boule de neige à l’égard d’autres enjeux que ceux portant sur la justice sociale, telle la grande question de la lutte aux changements climatiques (chapitre 11).
Une conclusion et une postface complètent la présentation des résultats des principales activités de recherche menées par PhiLab Québec depuis l’obtention d’une subvention partenariale de recherche du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH) en 2018. La conclusion, écrite par Adam Saifer, se penche sur les répercussions de la COVID-19 sur les organisations de bienfaisance en lien avec les financements accordés par des fondations subventionnaires. La postface, produite par Hilary Pearson, réalise un retour réflexif sur une nécessaire réforme de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) eu égard aux modalités fiscales associées aux activités de bienfaisance.
Première partie : « Philanthropie structurelle »
Le chapitre 1, « Dimensions éthique et esthétique de l’écosystème philanthropique québécois », écrit par Jean-Marc Fontan, présente une réflexion théorique sur la notion d’écosystème philanthropique. L’auteur applique les concepts de système et d’écosystème, tels que développés en écologie et en philosophie, au domaine d’étude de l’action philanthropique canadienne et québécoise. L’analogie entre écosystème naturel et écosystème culturel va au-delà d’un simple isomorphisme sémantique pour démontrer en quoi ces deux mondes écosystémiques partagent des principes fondamentaux communs tout en les appliquant de façon singulière. Ces principes, regroupés autour des notions d’éthique et d’esthétique, lorsqu’appliqués au secteur philanthropique, rendent compte d’un déficit performatif qu’il importe de combler ou de résorber. Après avoir établi les points de concordance entre les deux types d’écosystèmes, l’auteur passe en revue ce que philanthropie signifie au passage du XXIe siècle. Une fois le champ philanthropique bien défini, il propose d’intégrer aux écosystèmes culturels les clés opérationnelles des écosystèmes naturels.
Le chapitre 2, « Raconter le paysage philanthropique : re-narration collective du don et du partage à travers les perspectives autochtones », écrit à plusieurs mains incluant neuf autrices et auteurs autochtones – Shelley Price, Kris Archie, Alexandre Bacon, Kim Chevrier, Marie-Claude Cleary, Linda Delormier, Josh Iserhoff, Victoria Metallic et Justin Roy –, et deux collaboratrices – Juniper Glass et Shereen Munshi –, présente le produit d’un exercice collectif visant à définir ce qu’est la philanthropie vue sous l’angle de la tradition et du monde vécu autochtones. Les histoires et les expériences vécues de don ou de partage, sous leur aspect positif et négatif, sont exposées dans des narrations individuelles qui sont mises en dialogue afin de dégager une perspective générale. L’exercice permet aussi de porter un regard critique sur la philanthropie mise en scène dans l’espace canadien par les settlers. D’une certaine façon, ce chapitre nous invite à porter un regard différent sur les expériences, initiatives, réflexions et analyses présentées dans chacun des chapitres de cet ouvrage.
Le chapitre 3, « Concevoir la portée chez les fondations subventionnaires : des orientations types pour l’apprécier » est coécrit par Nancy Pole et Linda Rey. Les autrices ont porté un regard critique sur la volonté d’utiliser la notion de mesure d’impact pour guider le travail d’évaluation des activités de financement réalisées par des fondations subventionnaires. L’utilisation de cette notion advient dans le contexte d’une croissance du secteur philanthropique et d’appel à plus de responsabilité sociale des organisations. Reconnaissant que le sens du concept ne fait pas consensus, qu’il est socialement construit et qu’il est employé à des fins distinctes selon les moments d’une intervention, les autrices développent quatre orientations types où se croisent deux éléments : la posture stratégique adoptée par une fondation et la façon dont elle conçoit son impact. L’intérêt du cadre d’analyse proposé repose sur le dialogue possible entre les quatre postures présentées par les autrices. Une cinquième orientation, appelée l’orientation écosystémique, permet de dégager les contours d’une philanthropie territoriale.
Le chapitre 4, « Fondations subventionnaires : l’enjeu des frais administratifs », coécrit par Antoine Gervais, Jacques Bordeleau, Jean-Marc Fontan et Pascale L. Jullien, s’intéresse à l’enjeu des frais administratifs. Ce chapitre s’attaque au mythe selon lequel un bas ratio des frais administratifs par rapport au capital réservé au programme d’action d’un organisme communautaire est associé à une bonne gestion. Les auteurs démontrent que l’accent mis sur les données financières comporte des limites et ceux-ci démontrent l’importance de réhabiliter le bien-fondé des coûts administratifs pour soutenir la mission visée par tout organisme. Les auteurs proposent un ensemble de recommandations pour que les fondations subventionnaires reformulent le discours et leurs pratiques vis-à-vis des frais de gestion : utiliser leur influence à l’égard des administrations publiques, tenir compte des coûts réels des activités menées par les organisations subventionnées, se doter de modalités proactives d’autorégulation et raffiner leurs outils financiers.
Deuxième partie : « Philanthropie sectorielle »
Le chapitre 5, « Démarche Faim Zéro
et structuration du système alimentaire montréalais », coécrit par Éliane Brisebois, René Audet et Katia Scherer, introduit une étude de cas sur une initiative parrainée par la Fondation du Grand Montréal. Cette expérience est partie prenante du système alimentaire montréalais et s’inscrit comme une des actions pouvant permettre la mise en place de pratiques alternatives durables face à l’insécurité alimentaire affectant une partie de la population de Montréal. Après avoir décrit le système alimentaire présent dans la métropole et le Conseil mis en place par la Ville de Montréal, les auteurs analysent la structuration de la démarche Faim « Zéro » en présentant ses dimensions financières, discursives et mobilisatrices. Ils notent que la démarche témoigne d’une augmentation du financement philanthropique en matière de sécurité alimentaire. Ils observent également que les actions découlant de cette démarche ont été davantage orientées vers une solution concrète à l’urgence du problème de la faim plutôt que vers des transformations qui pourraient permettre la mise en place d’alternatives durables.
Le chapitre 6, « Capitalisation en philanthropie dans le secteur des arts : politiques culturelles et entrepreneuriat privé au Québec », écrit par Wendy Reid, met en exergue la façon dont peuvent s’entremêler le financement étatique et celui issu d’initiatives privées dans le secteur de l’industrie culturelle. En étudiant l’influence des modalités de financement des arts en France et aux États-Unis, l’autrice est en mesure de caractériser la spécificité des pratiques de financement des arts et de la culture au Québec. Wendy Reid propose une étude de cas, celle du programme de financement Mécénat Musica. Cette initiative appuie le développement de fonds de dotation dans le domaine des arts. Selon l’autrice, une stratégie par capitalisation adaptée aux besoins des acteurs tirerait avantage à utiliser différents types de fonds pour soutenir les activités de roulement et celles de création. La diversité des types de mobilisation de capitaux en appui au secteur des arts et de la culture favoriserait une stabilité organisationnelle dans le secteur.
Le chapitre 7, « Philanthropie corporative dans l’industrie touristique », coécrit par David Zaragoza-Sanchez, Élisabeth Robinot et Léo Trespeuch, présente les particularités de la philanthropie corporative en tant qu’outil de responsabilisation sociale des entreprises dans le secteur touristique montréalais. Cette industrie est particulièrement confrontée à des enjeux sociaux et environnementaux. Selon les auteurs, la philanthropie corporative constituerait un outil permettant de mettre en concordance les aspirations de l’industrie et les attentes de la population. La recherche présentée est basée sur des entretiens avec des cadres et des employés d’organisations touristiques de Montréal. La philanthropie corporative se présente à la fois sous un angle stratégique et comme un mécanisme de légitimation des interventions sectorielles d’une corporation. La notion de structure de l’industrie est centrale au cadre de l’analyse présentée par les auteurs.
Troisième partie : « Philanthropie prospective »
Le chapitre 8, « Soutien des fondations au Bâtiment 7 : la philanthropie à l’épreuve d’une fabrique d’autonomie collective », coécrit par David Grant-Poitras et Sylvain Lefèvre, étudie le cas portant sur les modalités de financement du Bâtiment 7. Cette initiative, développée sur fond de rationalité libertaire, est fondée sur des principes d’autogestion et de propriété sociale d’un bâtiment au cœur d’une vieille friche industrielle à revitaliser. Quatre fondations subventionnaires ont initialement collaboré pour appuyer cet acteur social atypique. Les rapprochements n’allaient pas de soi. Les auteurs, à l’aide des résultats d’une recherche partenariale, proposent une analyse des moments clés de cette collaboration, notamment en se penchant sur le processus de sollicitation, sur la démarche collaborative entre les fondations participantes et sur l’appui de chercheurs universitaires. Les auteurs démontrent comment l’initiative a su composer avec des défis de taille tels les rigidités institutionnelles, les tensions entre autonomie organisationnelle ainsi que la collectivisation des ressources et le travail de construction conjointe de modalités de gouvernance.
Le chapitre 9, « Désinvestissement dans les énergies fossiles : un nouveau mouvement social économique aux portes des fondations », écrit par David Grant-Poitras, rend compte des mobilisations sociales visant à convaincre et à contraindre les investisseurs institutionnels à retirer leurs capitaux des énergies fossiles. Le chapitre s’intéresse d’abord à l’origine du mouvement de désinvestissement. Il présente par la suite les façons dont cinq collectifs étudiants québécois ont milité auprès de la fondation de leur université au cours des dernières années pour promouvoir une stratégie du désinvestissement des énergies fossiles. L’auteur présente les collectifs et les modalités d’action utilisés. Il s’attarde aussi aux effets qu’ont eus leurs démarches sur leurs institutions respectives. Il observe en conclusion qu’une militance s’organise pour que la pression exercée sur la décarbonisation sorte des campus et touche le secteur philanthropique dans son ensemble.
Le chapitre 10, « COVID-19 : aggravation des tensions dans le secteur communautaire québécois », coécrit par Diane Alalouf-Hall, Adam Saifer, David Grant-Poitras et Isidora Gievski-Sidorovska, porte un regard analytique sur les répercussions de la COVID-19 sur le secteur communautaire. Le chapitre met en évidence la façon dont des organismes communautaires ont été appelés à moduler leurs actions sur le terrain et comment les fondations ont dû également modifier leur soutien pour bien les appuyer. Les auteurs rappellent que les tensions observées étaient déjà présentes dans le milieu communautaire. La crise sanitaire les a en quelque sorte exacerbées. La présence de ces tensions est révélatrice des dynamiques particulières touchant ce secteur. Elles présagent aussi des voies de sortie d’une crise, laquelle, au-delà du contexte sanitaire particulier induit par la COVID-19, indique l’importance de revoir les modalités de financement et de soutien à accorder aux organisations communautaires. Les auteurs analysent comment trois ordres d’acteurs ont vécu ces tensions, à savoir le secteur de l’action bénévole, celui des organismes communautaires ainsi que celui des fondations subventionnaires.
Le chapitre 11, « Consortium philanthropique COVID Québec : émergence d’une collaboration préventive en temps de crise », coécrit par Charles Duprez, Jean-Marc Fontan et Félix-Antoine Véronneau, présente les résultats d’une étude portant sur la première phase de travail d’un regroupement de fondations constitué en réponse à la crise sanitaire en sol québécois. Les auteurs rappellent la genèse du Consortium. Ils dégagent le modèle d’action coconstruit et font le tour des stratégies utilisées. Ils répertorient aussi les ressources qui furent mobilisées lors de cette première phase d’intervention du Consortium. Les enseignements que l’on peut en tirer à ce jour permettent d’envisager le type de réponse à déployer en ce qui a trait à la capacité d’adaptation du secteur à l’égard d’autres enjeux comme celui des changements climatiques. Les auteurs soulignent les principaux constats qui se dégagent de cette initiative unique en sol canadien. L’étude de cette initiative est toujours en cours afin de mettre en évidence les apprentissages qui émergeront de la deuxième phase d’intervention présentement en cours.
Partie 1
Philanthropie structurelle
Chapitre 1
Dimensions éthique et esthétique de l’écosystème philanthropique québécois
Jean-Marc Fontan
Le secteur philanthropique canadien et québécois, en fonction de l’encadrement légal géré par l’Agence du revenu du Canada, regroupe actuellement 86 000 organismes de bienfaisance dont plus de 11 000 fondations (Imagine Canada, 2021). Dans le premier tiers du XXe siècle, le secteur philanthropique a amorcé un processus de modernisation qui s’est accéléré au courant des décennies 1970 à 1980. Il aura fallu presque un demi-siècle avant que l’ensemble des organisations le composant puisse constituer un système sectoriel relativement intégré.
L’objet du présent chapitre est d’approfondir notre compréhension du sens à donner aux expressions « système » et « écosystème » philanthropiques modernes. Pour atteindre cet objectif, nous répondrons à deux grandes questions. Qu’est-il entendu par « système » et « écosystème » ? Ensuite, les composantes et les pratiques philanthropiques québécoises et canadiennes modernes forment-elles un système d’action et en quoi se comportent-elles comme un écosystème ?
À l’aide d’écrits spécialisés, nous visiterons, dans un premier temps, les notions de système et d’écosystème. Cela nous permettra de montrer en quoi ces notions sont pertinentes pour décrire, analyser et comprendre l’univers d’action de la philanthropie subventionnaire moderne. Dans un deuxième temps, nous définirons ce que nous entendons par philanthropie subventionnaire à l’ère de la modernité. Dans un troisième temps, nous verrons en quoi les différentes composantes organisationnelles et institutionnelles associées à l’action philanthropique répondent aux critères clés permettant d’utiliser les notions de système et d’écosystème pour qualifier le secteur d’activité de la philanthropie. Dans un quatrième temps, nous nous pencherons sur l’écart existant entre la notion d’écosystème écologique et sa déclinaison spécifique utilisée récemment par nombre d’auteurs pour qualifier l’univers des actions philanthropiques subventionnaires (Cheng, 2008 ; Knight, 2018 ; Lévesque, 2015 ; Wang,