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Le temps des relations publiques
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Livre électronique498 pages6 heures

Le temps des relations publiques

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À propos de ce livre électronique

La nécessité pour les organisations de définir des terrains d’entente avec les groupes, les organismes et les individus qui peuplent leur environnement est aujourd’hui devenue très évidente. Ce domaine d’expertise est celui des relations publiques. Le présent essai est le premier qui, en français, fait le pont entre les prescriptions de la théorie et les réalités de la pratique en relations publiques. Il jette les bases d’une vision – voire d’une philosophie – moderne de cette sphère.

L’auteur explore la définition même des relations publiques, énumère les types de pratiques dans ce champ et la relation ambiguë qu’il entretient avec le marketing. À partir d’un portrait de l’évolution de l’importance des relations publiques depuis un siècle, puis des obligations éthiques et professionnelles inhérentes à cette profession en émergence, il soutient qu’il n’existe pas de relations publiques efficaces qui ne soient éthiques. La dernière partie de ce livre se penche sur la relation aussi essentielle que difficile entre les relationnistes et les journalistes. L’auteur conclut avec un appel aux relationnistes afin qu’ils prennent leur place dans un contexte où les relations publiques sont plus nécessaires que jamais.

Cet ouvrage saura intéresser les relationnistes, les universitaires et les étudiants de toute la francophonie.

Au fil de quelque 40 années de pratique, Guy Versailles, ARP, FSCRP, a développé une expertise en stratégie et planification des relations publiques et des communications. Il a travaillé comme secrétaire de presse et chef de cabinet pour différents ministres du gouvernement du Québec, a été responsable des relations de presse et de la gestion des communications de crise à Hydro-Québec, de même que vice-président Affaires publiques et membre du comité de direction au Fonds de solidarité FTQ. Il a également été président du conseil d’administration de Relations publiques sans frontières. Il agit actuellement à titre de consultant. En 2011, il a reçu le prix Yves Saint-Amant, la plus haute distinction décernée par la Société québécoise des professionnels en relations publiques.
LangueFrançais
Date de sortie4 déc. 2019
ISBN9782760552685
Le temps des relations publiques
Auteur

Guy Versailles

Au fil de quelque 40 années de pratique, Guy Versailles, ARP, FSCRP, a développé une expertise en stratégie et planification des relations publiques et des communications. Il a travaillé comme secrétaire de presse et chef de cabinet pour différents ministres du gouvernement du Québec, a été responsable des relations de presse et de la gestion des communications de crise à Hydro-Québec, de même que vice-président Affaires publiques et membre du comité de direction au Fonds de solidarité FTQ. Il a également été président du conseil d’administration de Relations publiques sans frontières. Il agit actuellement à titre de consultant. En 2011, il a reçu le prix Yves Saint-Amant, la plus haute distinction décernée par la Société québécoise des professionnels en relations publiques.

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    Aperçu du livre

    Le temps des relations publiques - Guy Versailles

    INTRODUCTION

    Les relations publiques : un besoin plus actuel que jamais

    La nécessité pour les organisations d’établir des terrains d’entente avec les groupes, les organismes et les individus qui peuplent leur environnement est aujourd’hui plus évidente que jamais. Cela est vrai dans l’univers des sociétés commerciales comme dans celui des organismes publics, des gouvernements, des organismes communautaires, des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations internationales. Celles qui n’y parviennent pas souffrent inutilement et voient souvent leurs projets contrariés par des opposants qui ont appris à utiliser le pouvoir des médias à leur avantage.

    Au-delà de la communication, pour être efficaces, les organisations doivent négocier des terrains d’entente, former des coalitions, coordonner leurs actions et leurs messages en temps réel avec leurs alliés. Pour cela, les relations publiques sont d’un grand secours, par la capacité d’analyse de l’environnement et d’action dont elles disposent. Les relations publiques sont importantes, voire indispensables lorsque vient le temps de jeter des passerelles entre les organisations. Elles fournissent les codes et les moyens grâce auxquels une multinationale parviendra à communiquer avec des groupes de pression sur des sujets n’ayant souvent rien à voir avec les finalités commerciales de l’entreprise. Elles permettent d’apparier les préoccupations les plus diverses, de dégager les terrains d’entente possibles, de formuler des objectifs de manière à les rendre acceptables pour des groupes qui autrement demeureraient antagonistes.

    Mais qu’a-t-on à faire des relations publiques ? De tout temps et sous toutes les latitudes, les groupes ne se sont-ils pas toujours entendus sans avoir à recourir à des services spécialisés ? La réponse est oui… et non, à la fois. Car l’histoire est bien plus remplie d’exemples d’« ententes » imposées par les rapports de force qu’issues de véritables rencontres des volontés. Or, dans un nombre croissant de circonstances, cela n’est tout simplement plus possible.

    Le monde moderne gagne sans cesse en complexité, à tous les niveaux. L’immigration massive et soutenue des dernières décennies a produit des sociétés nettement moins homogènes, caractérisées par des rapports sociaux plus tendus entre des groupes qui arrivent difficilement à se comprendre par-delà les cultures. L’augmentation formidable des déplacements internationaux pour les affaires, le tourisme et l’éducation, l’explosion des échanges commerciaux, la création de réseaux économiques planétaires et l’avènement de moyens de communication qui nous permettent de savoir à la minute près ce qui se passe au bout du monde mettent en présence comme jamais auparavant des acteurs de sociétés très différentes, les unes plus développées et plus grandes consommatrices, les autres luttant pour se faire une place au soleil et préoccupées par la survie au quotidien. Ces sociétés sont de plus en plus unies par une préoccupation commune envers les problèmes planétaires émergents, notamment la conciliation du développement économique et social avec la protection de l’environnement ; elles demeurent cependant séparées par des barrières de langue, de religion et de culture et elles sont affligées de tensions interculturelles, interreligieuses et interraciales qui peuvent maintenant s’exprimer à l’échelle planétaire. Le dialogue est difficile à établir et le champ d’action pour les relationnistes n’a jamais été aussi vaste.

    Depuis l’apparition de l’humanité et jusqu’à aussi récemment que le milieu du XXe siècle, les grands empires pouvaient s’isoler les uns des autres et prospérer chacun de leur côté. La Chine l’a fait, à l’abri de la Grande Muraille, jusqu’à ce qu’elle soit littéralement prise d’assaut par les canonnières occidentales au XIXe siècle. Le continent nord-américain, grâce à son éloignement, a pu sortir intact de la Deuxième Guerre mondiale, qui a transformé toutes les autres puissances en champs de ruines. Mais aujourd’hui, nul n’est à l’abri d’un missile intercontinental ou d’une bombe nucléaire « sale », importée en douce par un mouvement terroriste. Les plus grandes puissances constatent que leurs seules armes ne suffisent plus et qu’elles doivent utiliser l’équivalent international des relations publiques, la diplomatie, pour neutraliser les crises qui menacent leur sécurité et leur prospérité.

    Il n’est pas rare de voir de grandes entreprises en apparence très puissantes courber l’échine devant des groupes mille fois plus petits. Les exemples sont légion, ici même au Québec. Pensons, par exemple, aux mises en échec subies par Hydro-Québec face aux Cris de la Baie-James et aux groupes environnementaux, notamment avec le projet de centrale thermique du Suroît. Pensons à Gildan, une multinationale du textile basée à Montréal, qui a choisi, en réaction à une virulente contestation internationale, de faire alliance avec une coalition d’organismes internationaux préoccupés par les droits des travailleurs dans ses usines du Honduras et du Bangladesh. Pensons aux multiples projets de terminal méthanier que les grandes entreprises énergétiques n’ont jamais réussi à implanter le long du Saint-Laurent. Pensons à l’opposition de la population aux pratiques forestières qu’a suscitée le film L’erreur boréale de Richard Desjardins. Pensons à l’échec cuisant essuyé par l’industrie du gaz de schiste, dont personne ne connaissait l’existence au Québec et qui est devenue en quelques semaines le nouvel archétype du capitalisme insouciant. A contrario, observons comment les entreprises énergétiques travaillent à préparer l’opinion à la venue des pipelines, à grand renfort de consultations publiques et de publicité, comment les compagnies minières et forestières soignent leur image en multipliant les adhésions aux normes environnementales internationales. Le recours aux relations publiques, bien qu’il ne soit pas une garantie de succès, est devenu une composante essentielle à la réussite de tout projet majeur.

    Les milieux communautaires et ce qu’il est convenu d’appeler la société civile vivent l’effet miroir de la réalité des grandes entreprises et autres détenteurs traditionnels du pouvoir. Alors que les études supérieures étaient jadis réservées à une petite élite, en 2016, plus de 54 % des Canadiens âgés de 25 à 64 ans étaient titulaires d’un diplôme d’études collégiales ou universitaires (Statistique Canada, 2017). Mieux éduquées, les populations sont également sans cesse mieux informées depuis le milieu du XXe siècle. Enfin, les citoyens et les groupes qui les représentent bénéficient de moyens d’expression d’une puissance et d’une facilité d’utilisation sans précédent et savent comment utiliser les médias pour ameuter la population et influencer l’opinion publique. Cette nouvelle conjoncture leur confère une importance et un pouvoir inédits dans l’histoire humaine ; le pouvoir politique réel est plus fragmenté que jamais, et ce, à tous les échelons.

    Entre individus comme entre organisations, nous sommes condamnés à nous entendre, sinon la vie en société deviendra une cacophonie stérile et paralysante. Cette perspective est très réelle. Ainsi, le Québec a vécu durant une longue et interminable décennie, et même deux, un débat sur l’immobilisme, où les élites et les décideurs traditionnels exprimaient leur désarroi devant notre apparente incapacité collective à mettre de l’avant quelque projet d’envergure ; tout sombrait inévitablement dans la contestation et la confusion. Heureusement, nous en émergeons enfin et de nouveau, il semble possible de promouvoir des projets importants de développement. C’est en très grande partie grâce à l’apprentissage de nouveaux modes de gestion qui font enfin appel à une participation accrue des relations publiques. Ce n’est pas l’excès de consultation qui a tué dans l’œuf tant de projets ; c’est, au contraire, un manque de consultation suffisamment tôt dans ces projets et même, une incompréhension fondamentale de ce que doit être une véritable consultation. On présentait un projet déjà dessiné à la population en lui demandant son avis et tout changement autre que cosmétique était la plupart du temps impossible, l’ingénierie financière étant ficelée à partir du projet d’origine. Aujourd’hui, les promoteurs ont appris à intégrer la communauté assez tôt dans le processus de définition des projets pour être en mesure de tenir compte de leurs opinions à leur sujet.

    L’acceptabilité sociale, nouveau mantra de nos gouvernements et promoteurs, ne peut être définie et atteinte qu’à travers un processus de relations publiques. Il en va de même avec la définition de nos priorités sociales, notamment dans l’utilisation des fonds publics et la conception de nos grands projets de société. Il n’y a pas de doute, les relations publiques et leur forme politique, la diplomatie, ont de beaux jours devant elles.

    Cet essai n’est ni un manuel scolaire ni un ouvrage spécialisé qu’auraient pu rédiger les chercheurs et les théoriciens. C’est un recueil de mes observations sur le professionnalisme et l’éthique en relations publiques basé sur 40 années de pratique et sur la lecture d’un certain nombre d’ouvrages spécialisés. Il existe plusieurs conceptions des relations publiques, je livre ici la mienne en espérant contribuer à la discussion collective que nous devons tenir sur notre profession pour la faire avancer. Je ne prétends pas remplacer avec cet ouvrage les manuels rédigés par les spécialistes de l’éthique et les chercheurs dont les travaux nous alimentent. J’encourage au contraire tous mes collègues à les lire. Je le fais moi-même, en quête d’éléments de savoirs basés sur la recherche qui puissent valider mes observations, en espérant ne jamais trahir les auteurs que je cite.

    Dans un ouvrage récent, Joanna Fawkes (2015, p. 22¹) suggère aux praticiens d’entreprendre un dialogue avec les théoriciens : « Le domaine a un grand besoin de praticiens qui peuvent réfléchir aussi bien qu’agir, qui sont prêts à contester les hypothèses et capables de voir le portrait d’ensemble. » C’est dans cet esprit que j’ai rédigé cet essai, tentant de réaliser une synthèse de la théorie telle que je la comprends avec les enseignements de ma pratique. J’espère que les praticiens pourront bénéficier de mes intuitions et des réponses que j’ai trouvées, ou que je me suis forgées, en matière d’éthique et de professionnalisme, tout au long de ma carrière. J’espère que les théoriciens pourront franchir les ponts que je tente de construire entre leurs travaux et ma pratique pour enrichir leurs propres analyses des relations publiques.

    Cet ouvrage n’est pas un guide pratique ni un manuel de théorie de la communication, bien qu’il puise dans ces univers. J’y résume ma conception personnelle de ce que sont et, surtout, de ce que doivent être des relations publiques professionnelles aujourd’hui. Je suis profondément convaincu qu’en ce début de XXIe siècle le temps des relations publiques est venu et que leur utilité sociale s’impose chaque année davantage.

    1. Sauf indication contraire, toutes les traductions sont de l’auteur. Citation originale : « The field desperately needs practitioners who can think as well as act, who are prepared to challenge assumptions and are capable of seeing the bigger picture. »

    CHAPITRE

    1

    LES RELATIONS PUBLIQUES : DE QUOI PARLONS-NOUS AU JUSTE ?

    Je suis un relationniste, soit un professionnel des relations publiques.

    Peu d’occupations sont aussi mal comprises que les relations publiques, aussi bien dans la population en général que dans les organisations qui emploient les relationnistes. Dans la plupart des milieux de travail, la compréhension qu’ont les employés et les gestionnaires de ce que sont les relations publiques se résume à ceci : parler aux journalistes, rédiger des discours, organiser des événements. D’autres, un peu mieux renseignés, savent que les relationnistes parlent avec les « parties prenantes », ces groupes multiples aux intérêts variés à l’infini qui s’intéressent à leur organisation, souvent pour la critiquer et l’attaquer publiquement. Mais la nature exacte de la relation entretenue avec ces groupes par les relationnistes leur échappe. Enfin, depuis le tournant du siècle surtout, les relations publiques dansent avec le marketing un drôle de ballet où l’on ne sait plus trop qui fait quoi.

    Trop peu de gestionnaires savent faire la distinction entre les relations publiques et les techniques de communication. Ils demandent généralement aux relationnistes des brochures, des sites Web et une gestion des médias sociaux, mais rarement des analyses et des stratégies. Ils les subordonnent au marketing, aveugles à la différence entre le soutien à la création de valeur et à la relation commerciale (le marketing) et la promotion des intérêts de l’organisation auprès des parties prenantes (les relations publiques), qui est aussi créatrice de valeur, mais d’une nature différente, plus sociétale que commerciale ou financière. Ils les intègrent peu ou pas du tout aux processus de planification et de gestion, mais se tournent systématiquement vers eux pour gérer les problèmes et les crises. Comme si la vertu résidait dans le communiqué de presse qu’on diffuse pour s’expliquer après le fait, plutôt que dans la pensée stratégique qui aurait pu contribuer à éviter le problème sur lequel nous devons maintenant nous expliquer. Cette réalité évolue, heureusement, mais beaucoup trop lentement.

    Cette image à la fois très floue et multiforme de ce que sont les relations publiques nous nuit grandement. Elle nous empêche d’affirmer clairement l’utilité de notre rôle dans la société. Il faut réagir! Cela pose toute la question de savoir QUI nous sommes.

    Comment nous définissons-nous nous-mêmes ? Sommes-nous des faiseurs d’images ? Des avocats auprès de l’opinion publique ? Des fournisseurs de services de communication ? Un complément au marketing ? Toutes ces réponses sont valables, mais aucune n’est complète ; même en les additionnant, nous n’obtenons pas encore la vraie réponse, car nous nous contentons d’empiler les pièces du casse-tête au lieu de les assembler de manière à donner un nouveau sens à l’ensemble.

    Pour la majorité de la population, les relations publiques demeurent un univers mystérieux auquel on attribue tantôt des vertus magiques, tantôt tous les défauts, un peu comme on l’a fait avec la publicité durant les années 1950-1960.

    La réalité est plus prosaïque. Les professionnels en relations publiques n’assument pas plus un rôle « magique » ou tout-puissant que les avocats, les ingénieurs ou les autres professionnels à l’emploi des organisations ; de fait, ils exercent souvent un pouvoir nettement moindre que ces derniers en raison de leur faible reconnaissance comme groupe professionnel et de la difficulté qu’ont les dirigeants des organisations à saisir leurs capacités et compétences réelles.

    Il n’en demeure pas moins que leur rôle est devenu graduellement, au fil des décennies, aussi important que celui de ces autres professionnels et qu’il est de plus en plus reconnu comme tel, même si la reconnaissance de la discipline comme profession est en retard sur la réalité.

    Les relations publiques constituent un domaine professionnel beaucoup plus jeune que le droit, le génie ou l’administration. Ainsi, les pratiques modernes ne sont codifiées et théorisées que depuis quelques décennies. Les programmes d’enseignement en relations publiques, au Québec, sont récents ; ils étaient embryonnaires à l’époque où j’ai terminé mes études universitaires en journalisme, à la fin des années 1970, et c’est largement « sur le tas », comme le veut l’expression populaire, ou en situation de pratique, que j’ai parfait mon apprentissage, transposant progressivement dans le contexte de ma pratique les principes généraux de la communication que j’avais acquis sur les bancs de l’université et qui me furent d’ailleurs fort utiles.

    Ce n’est que beaucoup plus tard, après un quart de siècle de pratique, que j’ai ressenti le besoin d’asseoir plus solidement mes connaissances théoriques, dans le cadre de la démarche d’agrément en relations publiques (ARP), encadrée par la Société canadienne des relations publiques (SCRP). Je ne l’ai jamais regretté. Bien au contraire, cet exercice exigeant m’a remis au monde dans ma pratique, me permettant de constater qu’il existe de solides fondements théoriques sur lesquels baser mes intuitions de communicateur. On entend parfois que la communication et ses diverses déclinaisons, incluant les relations publiques, relèvent autant du domaine de l’art que de la science. C’est faux. Ou, plus exactement, ce n’est ni plus ni moins vrai que pour tout autre domaine professionnel. L’avocat, le médecin et l’ingénieur font chacun l’apprentissage patient de leur « art » et s’ils vivent parfois des moments de grâce où la solution à un problème complexe leur apparaît dans un éclair de génie, ils doivent cette fulgurance aux innombrables heures consacrées à l’apprentissage rigoureux de leur science. Il en va de même avec les relations publiques.

    1. MAIS DE QUOI PARLONS-NOUS AU JUSTE ?

    Il est utile à ce moment-ci de définir ce que sont les relations publiques et de les situer par rapport à d’autres concepts avec lesquels elles sont souvent confondues, soit ceux d’information et de communication.

    L’information est synonyme de diffusion. Dans les dictionnaires usuels, on définit ce terme comme une action ; on informe lorsqu’on transmet un savoir ou une donnée quelconque à une autre personne. Les médias d’information traditionnels font précisément cela : les journaux et magazines, les nouvelles à la radio et à la télévision, diffusent des informations. On définit aussi ce terme comme étant le contenu qui est transmis. Au sens strict du terme, l’information est un processus à sens unique. Le lecteur du bulletin de nouvelles n’a aucune idée de qui l’écoute ou non ; il lit son bulletin, tout simplement. Il informe. Le rôle de l’information dans nos sociétés est essentiel ; j’y reviendrai au chapitre 4, en explorant les complémentarités et les différences entre les relations publiques et le journalisme.

    La communication est une information à double sens, un échange réciproque, une boucle où l’information transmise reçoit une réponse. Pour qu’il y ait communication, il doit obligatoirement y avoir un retour d’information, une rétroaction. On peut dire qu’il y a communication à partir du moment où la personne à l’origine d’une information reçoit en retour un signal de la personne ayant capté cette information. Ainsi, la communication ouvre la voie au dialogue, à l’influence qu’on peut exercer les uns sur les autres. La communication est essentielle aux relations publiques, mais elle n’en est pas synonyme. C’est un outil compliqué et subtil qu’il faut étudier longtemps avant d’en comprendre tous les aspects, qui peut être utilisé à diverses fins : convaincre, vendre, intimider, séduire.

    Les relations publiques sont préoccupées par les échanges entre les organisations. Elles utilisent les outils de la communication dans une optique bien précise : gérer les relations d’une organisation avec son environnement. En voici quelques définitions :

    Selon le Manuel d’agrément de la SCRP (2018, p. 30),

    [u]ne démarche de relations publiques vise essentiellement à influencer les opinions, les attitudes et les comportements d’un public dans un cadre de gestion des relations entre une organisation et son environnement. Les relations publiques permettent de créer et de maintenir un lien de confiance avec les publics internes et externes, et d’aider ainsi l’organisation à réaliser sa mission et ses objectifs.

    James Grunig (1992, p. 389), théoricien bien connu des relations publiques, définit ainsi l’objectif fondamental des relations publiques : « Le rôle fondamental des relations publiques est d’évaluer l’environnement de l’organisation pour identifier les menaces et les opportunités qui se posent à cette organisation¹. »

    Cutlip, Center et Broom (2000, p. 340) vont un peu plus loin en assignant aux relations publiques une fonction non seulement de mise en rapport de l’organisation avec son environnement, mais aussi de résolution des problèmes de cette organisation : « Dans leur forme la plus avancée, les relations publiques sont une partie scientifiquement gérée des processus de résolution de problèmes et de changement d’une organisation². »

    Coombs et Holladay (2007, p. 26), pour leur part, proposent la définition suivante : « la gestion de relations d’influence mutuelle au sein d’un réseau de relations entre parties prenantes et organisations ». Ces auteurs précisent que le terme « gestion » est justifié, car « les relations n’existent pas simplement par elles-mêmes. Tout comme les relations interpersonnelles exigent une attention délibérée et des compétences en communication pour être maintenues, intensifiées ou dissoutes, les relations entre les organisations et les parties prenantes doivent être gérées³ ».

    Enfin, dans une tout autre voie, les auteurs Seib et Fitzpatrick (1995, p. 1) définissent ainsi la raison d’être des relations publiques dans leur ouvrage consacré à l’éthique de cette profession :

    Chaque profession poursuit un but moral. Pour la médecine, c’est la santé. Pour le droit, c’est la justice. Pour les relations publiques, c’est l’harmonie – l’harmonie en société […] les professionnels des relations publiques favorisent la compréhension mutuelle et la coexistence pacifique entre les individus et les institutions⁴.

    Ces définitions nous permettent de cerner les principaux aspects de ce que sont les relations publiques. Retenons surtout qu’il y est principalement question de gestion des relations entre organisations, et non de communications. Les relations publiques sont trop souvent perçues uniquement à travers les moyens qu’elles utilisent – relations de presse, publications, médias sociaux, etc. – alors que l’essentiel de leur contribution réside dans l’analyse et la stratégie qui ont précédé le recours à ces outils et qui ont défini le contenu de la communication.

    En somme, les relations publiques servent, comme leur nom l’indique, à mettre en relation des personnes et des organisations. Elles visent à influencer les attitudes et les comportements, en établissant un climat de confiance entre les parties. Elles mettent en jeu des moyens d’analyse de l’environnement, d’identification des parties prenantes et d’élaboration de stratégies tenant compte des menaces et des occasions favorables propres à l’organisation. Elles aident les organisations à régler des problèmes concrets et contribuent à les faire évoluer. Enfin, elles contribuent à la poursuite d’un idéal d’harmonie en société.

    Certains termes utilisés ici sembleront naïfs : « établir la confiance », « poursuivre un idéal d’harmonie », notamment. Dans l’imaginaire populaire, on associe plutôt les relations publiques aux situations conflictuelles où la confiance, justement, est loin de régner. Cette perception montre une certaine confusion entre « confiance » et « bonne entente ». En fait, la véritable confiance repose pas sur le fait de s’entendre ou non avec l’autre partie ; elle repose sur la certitude que nous avons que l’autre partie fera ce qu’elle dit et dira ce qu’elle fait. Il est moins important en relations publiques d’être populaire que de donner l’heure juste. Les parties peuvent ne pas s’entendre, mais elles doivent, pour dialoguer ou négocier, avoir confiance que le message qu’elles reçoivent correspond fidèlement à la position de l’autre partie. Le rôle du relationniste est de projeter une image conforme à la réalité et non d’embellir cette réalité ; c’est ainsi qu’il construit la confiance.

    Pour ce qui est de l’idéal d’harmonie, il est précisément cela : un idéal, une qualité aussi difficile à saisir que le sont la santé ou la justice. Les avocats travaillent surtout aux marges de la justice, les médecins aux marges de la santé et les relationnistes aux marges des conflits. Tous travaillent au nom d’un idéal dans des situations où cet idéal fait défaut ; ils n’en sont pas moins convaincus de son importance. Cet idéal constitue un repère, une balise, une valeur fondamentale dont nous verrons toute l’importance dans le chapitre consacré à l’éthique.

    2. LES TROIS NIVEAUX DE PRATIQUE DES RELATIONS PUBLIQUES

    Typiquement, une démarche de relations publiques comporte les étapes suivantes : étude et compréhension de l’organisation pour laquelle on agit ; étude et compréhension de la situation générale de cette organisation dans son environnement ; identification des parties prenantes et de leurs enjeux ; définition d’une stratégie mettant en jeu divers moyens de communication ; mise en œuvre des moyens prévus par la stratégie ; enfin, évaluation des résultats obtenus.

    Cela dit, la pratique des relations publiques revêt une grande variété de formes. Elle relève tantôt du métier, tantôt de la profession et on la définit souvent comme une « fonction de gestion ». De fait, comme dans toutes les sphères d’activités professionnelles, tout dépend du contexte dans lequel l’activité est réalisée et du niveau de responsabilité confié à la personne qui en est chargée. D’une manière générale, il est possible de distinguer trois principales formes de pratique. Chacune comporte ses exigences au chapitre de la formation et ses responsabilités propres.

    2.1. LES RELATIONS PUBLIQUES COMME MÉTIER

    Le premier niveau de pratique est celui des activités : relations de presse, organisation d’événements, rédaction. À ce niveau, le relationniste exécute un plan conçu par d’autres ; il n’est pas responsable d’élaborer les objectifs ou la stratégie. Toutefois, son travail sera meilleur s’il en comprend le sens général, ainsi que l’objectif lié à sa participation.

    Les emplois où les activités de métier sont dominantes représentent la voie d’entrée la plus naturelle et la plus facile vers une carrière en relations publiques. Les jeunes y sont donc surreprésentés. Il existe plusieurs raisons à cela. En premier lieu, ils sont suffisamment proches de l’action pour observer les réalités du milieu et parfaire leurs connaissances, sans pour autant avoir à assumer des responsabilités trop lourdes pour des praticiens inexpérimentés. Ensuite, la plupart des jeunes ont un penchant naturel pour l’action et de l’énergie à revendre, ce qui est souvent précieux dans la conduite des opérations, surtout en situation de crise. Les jeunes présentent également une facilité naturelle dans l’utilisation des nouveaux moyens de communication et peuvent être d’un grand secours aux responsables de la planification en attirant leur attention sur les possibilités offertes par ces moyens.

    Ce serait une erreur toutefois que de minimiser l’importance des activités de métier ou de considérer qu’elles sont indignes des praticiens d’expérience. Les meilleures stratégies réussissent ou échouent souvent sur le plan de leur exécution ; ce maillon de la chaîne doit être aussi solide que les autres. Comme dans toute autre occupation, l’expérience acquise avec les années permet d’obtenir de meilleurs résultats tout en rationalisant les efforts et les ressources, et les améliorations possibles sont infinies. Bon nombre de praticiens choisissent de faire carrière en se consacrant entièrement à l’un ou l’autre des métiers de la communication, par exemple les relations de presse, l’organisation d’événements, la rédaction professionnelle ou la gestion des médias sociaux. Ils deviennent souvent des experts dont le savoir-faire inspire les stratèges et leur devient indispensable.

    La pratique des relations publiques comme métier demande, idéalement, une connaissance générale de la théorie des relations publiques, qui facilitera la compréhension du contexte général de travail. En effet, le responsable d’une activité doit être en mesure de comprendre le sens général de la stratégie à laquelle il participe ; ses produits n’en seront que plus pertinents. Il doit aussi maîtriser les fondements techniques essentiels à la préparation des produits ou des activités dont il a la charge. Ici, la maîtrise technique au sens restreint de ce terme ne suffit pas. On n’insistera jamais trop sur l’importance de la maîtrise de la langue parlée et écrite, à la fois outil d’expression et outil de réflexion. Même dans les activités de métier, la communication est au cœur des relations publiques et la langue est le fondement de la communication.

    2.2. LES RELATIONS PUBLIQUES COMME PROFESSION

    La profession se définit entre autres comme une activité qui requiert l’établissement d’un lien de confiance entre le praticien et son client. N’ayant pas étudié le droit, la médecine ou le génie, nous n’avons d’autre choix que de nous en remettre aux avocats, aux médecins et aux ingénieurs. Il en va de même pour les relations publiques, dès que l’on quitte la sphère des activités de métier pour celle de la stratégie et de la planification. Il est toujours étonnant de constater comment des personnes à qui ne viendrait jamais l’idée de rédiger leurs propres avis juridiques, de prescrire des médicaments ou de construire un immeuble sans consulter un ingénieur s’improvisent, le plus naturellement du monde, spécialistes en relations publiques.

    La gestion des relations d’une organisation avec son environnement fait appel à un ensemble de savoirs spécialisés. Il faut, en premier lieu, comprendre les rudiments de la communication entre les personnes et entre les organisations, ce qui la rend possible et les innombrables pièges qui peuvent la rendre inefficace. Il faut aussi savoir comment repérer dans l’environnement les parties prenantes et comment procéder pour connaître leurs opinions et leurs attentes ; structurer des stratégies et des plans efficaces ; utiliser les méthodologies reconnues ; évaluer les résultats obtenus. Cela ne s’improvise pas.

    Le praticien devient un professionnel au sens premier du terme dès lors qu’il applique ces savoirs pour conseiller une organisation dans la gestion de ses relations avec son environnement. Le professionnel sera typiquement responsable des activités de planification, de la supervision des activités de communication et de l’évaluation des résultats. Il conseille l’organisation et articule un ensemble de moyens de communication à l’intérieur de stratégies de relations publiques.

    Les savoirs requis pour les activités de type professionnel sont donc en partie différents de ceux de la sphère technicienne. Si la connaissance de base des possibilités offertes par les différents moyens de communication est nécessaire, il n’est plus requis ici de connaître par le détail les plus récents développements des techniques et technologies. Cependant, le professionnel doit absolument posséder un fondement théorique solide en relations publiques et en communication, ainsi que des connaissances dans des domaines connexes que sont la sociologie et la psychologie. En outre, il se doit de connaître au moins les fondamentaux du domaine d’affaires ou d’activités dans lequel il exerce sa profession.

    2.3. LES RELATIONS PUBLIQUES ET LA GESTION

    Les relations publiques sont-elles véritablement une fonction de gestion ? Pas plus ni moins que le droit, le marketing, la gestion des processus de production ou la gestion elle-même. Toutes ces fonctions sont nécessaires à la bonne marche de l’entreprise ; mais dans une entreprise saine, elles ne contribuent véritablement à la gouverne que dans la mesure où elles se mettent au service d’un tout qui est plus grand qu’elles, à savoir l’organisation.

    L’entreprise ne se résume pas au marketing de ses produits, à l’efficacité de sa chaîne de production ou à l’exactitude de sa comptabilité. Toutes ces fonctions sont nécessaires. Lorsque le responsable de l’une d’elles agit comme dirigeant d’entreprise, il dirige l’ensemble de l’entreprise et ses stratégies deviennent des stratégies d’entreprise.

    Ainsi, le responsable de la fonction relations publiques qui accède à l’équipe de direction d’une entreprise ne doit plus réfléchir uniquement en fonction des relations publiques ; son champ d’action est maintenant l’entreprise elle-même. Il travaille, en collaboration avec ses collègues de la direction, non pas à des stratégies de relations publiques, mais à des stratégies d’entreprises, auxquelles il apporte sa contribution, toute particulière, qui ne peut venir que des relations publiques : sa connaissance de l’univers externe et interne ; des détenteurs d’enjeux ; de la conjoncture sociopolitique favorable ou défavorable aux objectifs de l’entreprise ; des stratégies et des moyens les plus susceptibles de contribuer à l’atteinte des objectifs de l’organisation dans ce contexte. Lorsque la direction d’une organisation se réunit, les considérations de relations publiques n’ont de sens qu’eu égard aux objectifs de l’organisation. Le dirigeant responsable de la fonction relations publiques communiquera ensuite à son équipe les objectifs de l’entreprise, et assumera avec elle le mandat d’élaborer des stratégies de relations publiques pour soutenir ces objectifs d’entreprise.

    Sur ce plan, les connaissances requises débordent largement l’univers des relations publiques. Quel que soit le secteur de l’organisation dont il provient, le dirigeant doit posséder une connaissance fine de son organisation, de ses objectifs, de ses contraintes, des forces et des faiblesses qui la caractérisent dans son marché et de sa culture interne. Qui plus est, un dirigeant d’entreprise aura avantage à posséder une connaissance minimale en matière de gestion. Il est certes possible d’acquérir pareille connaissance sur le terrain, mais il est généralement souhaitable de se doter de bases solides en milieu universitaire. Le relationniste qui souhaite accéder un jour à un poste de direction doit donc rechercher les occasions de contact avec les différentes parties de son organisation et planifier sur le long terme sa formation universitaire.

    Ces trois niveaux de pratique ne sont pas mutuellement exclusifs. De fait, en règle générale, les niveaux technique et professionnel se chevauchent à maints égards. Ils se confondent en premier lieu dans l’esprit même de la plupart des relationnistes qui, par inattention ou manque de formation, distinguent mal leurs frontières. Cette ignorance est une erreur, car, comme nous le verrons dans le chapitre consacré à l’éthique, le statut de professionnel comporte des obligations envers les clients, envers les collègues, envers la profession, envers soi-même et envers la société. L’ignorance de ces obligations ne peut être que préjudiciable à ce statut ; pour être traités en professionnels, les relationnistes doivent agir comme tels.

    Les niveaux de pratique se confondent aussi très souvent chez les employeurs et les clients des relationnistes, surtout en entreprise et parmi les personnes formées dans les écoles de gestion, d’où sont issus la majorité des dirigeants des organisations.

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