Penser son association pour mieux communiquer: Manuel à l’usage des petites et moyennes associations
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À propos de ce livre électronique
Les responsables d’organisations non marchandes se demandent souvent comment communiquer. Est-il nécessaire de développer une stratégie de communication ? Et si oui, comment la transformer en messages convaincants, rendant fidèlement compte de leur identité ? Faut-il recourir à des experts extérieurs, engager des professionnels ou est-il possible de gérer sa communication « avec les moyens du bord » ? L’univers de la communication en profonde mutation secoue parfois les associations dans leur confiance à gérer toutes seules ces évolutions.
Partant d’abord d’une prise de conscience de leur identité associative, nous invitons ensuite les associations à une réflexion leur permettant de construire des dispositifs de communication qui en soient le reflet cohérent. Nous sommes convaincus que la communication doit être prise en charge par les associations elles-mêmes, quelle que soit leur taille ! Voilà pourquoi nous interrogeons d’abord l’identité associative, son positionnement dans l’économie plurielle de nos sociétés, ses publics – internes et externes –, les facettes multiples de sa communication, avant de nous pencher sur la question : comment réduire l’écart entre ce que les associations veulent « vraiment » communiquer, et ce que leurs publics perçoivent de leurs messages ? La réponse à ce questionnement réside dans la construction de dispositifs de communication, qui allient efficacement une dimension informative, mais aussi relationnelle et cognitive.
Pas à pas, en proposant des exercices d’observation et de réflexion sur les outils existants, les auteurs tentent d’accompagner la réflexion stratégique des associations pour qu’elles maîtrisent davantage leur communication en y associant l’ensemble de leurs équipes de permanents et de bénévoles.
Un manuel à l’usage de toute association désirant améliorer ses méthodes de communication et sa visibilité
A PROPOS DE L’ÉDITEUR
Depuis plus de 15 ans, Edi.pro, maison d’édition belge, publie des livres et des lettres d’informations à destination des professionnels (dirigeants de PME, cadres, gestionnaires, professions libérales, enseignants, étudiants,…). Distribué dans toute la francophonie, Edi.pro édite des ouvrages, papier et électronique, tant en français qu’en néerlandais. Le catalogue compte près de 250 titres rédigés par des spécialistes de terrain.
A PROPOS DES AUTEURS
Jean-Marie Pierlot exerce la communication associative depuis vingt ans dans divers secteurs : la santé, l’environnement, l’aide humanitaire, le développement et les droits humains. Il collabore aussi à Amnesty International et à l'Université Catholique de Louvain comme maître de conférences invité.
Fabienne Thomas est directrice du Centre d’Études de la Communication (CECOM asbl) à Louvain-la-Neuve et maître de conférences invitée à l’UCL pour l’encadrement du Cours de Communication du non-marchand de l’UCL-Mons.
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Aperçu du livre
Penser son association pour mieux communiquer - Jean-Marie Pierlot
http://www.lececom.be
Première partie
Renforcer l’identité de l’association
Communiquer, pour une association, c’est s’adresser à un certain nombre de publics qui ont chacun leur spécificité. Nous verrons, au fil des chapitres de ce livre, qu’il est illusoire de se contenter de croire que les responsables d’une association, quelle que soit sa taille, s’adressent à leur public, comme s’il s’agissait d’une masse homogène de sympathisants.
Avant de nous pencher sur les supports de communication mis en place par l’association : publications, magazines, affiches, sites web, pages Facebook, etc., - ce qui fera l’objet de la deuxième partie de ce livre, nous allons nous tourner vers l’association elle-même : qui est-elle ? Une organisation comme une autre, comparable à une entreprise ou à un service public ? Ou bien une dynamique de construction d’un bien commun, dont le but est de créer et d’entretenir du lien social entre ceux qui ont décidé de s’associer pour réaliser ensemble un projet ?
Nous prenons le parti, dès le départ, d’opter pour cette spécificité : les associations sont une réalité sociale distincte des entreprises. Leur communication n’a donc rien à envier à ces dernières, pour lesquelles de très nombreux manuels de communication sont proposés sur le marché de l’édition.
Nous partirons d’une interrogation : quelle est l’identité propre des associations au sein de nos sociétés ? Sont-elles des organisations non marchandes, sans but lucratif, non gouvernementales ? Ou encore, représentent-elles le tiers-secteur (comme on parle du tiers-monde), ou les bonnes œuvres ? A toutes ces représentations négatives et, pour le dire franchement, disqualifiantes pour la réalité associative, nous opposons une vision résolument positive de ce secteur, en l’inscrivant dans la réalité économique plurielle de notre société d’aujourd’hui. Vision, mission et valeurs sont les socles sur lesquels peut s’appuyer l’identité de votre association (des exercices sont proposés pour bien en prendre conscience).
Une association ne vit pas en vase clos : son ouverture sur ses publics constitue la réalité de son ouverture sur le monde. Qui sont ces publics ? Qu’attendent-ils de la communication de leur association ? Que peuvent-ils lui apporter ? D’une simple segmentation des publics à la mise au point d’une analyse stratégique de ceux-ci, vous serez invités, par le biais de plusieurs exercices encore, à reconnaître vos publics et à déterminer quelle stratégie de communication vous développerez pour aller à leur rencontre, qu’ils vous soient favorables, hostiles ou tout simplement indifférents.
Davantage encore, une importante distinction peut être opérée entre publics internes et publics externes : une association est composée de bénévoles, de permanents ou d’un mélange des deux. Cette réalité n’est pas sans créer des tensions spécifiques, qu’il importe de prendre au sérieux en développant une communication interne destinée à valoriser l’activité des uns et des autres en vue de l’objectif commun. Quant aux publics externes, il s’agit de leur apporter une réponse aux questions qu’ils se posent à propos de votre association, de les intéresser à ce que vous faites, dans l’espoir qu’ils vous rejoindront en offrant quelques heures de leur temps ou en soutenant vos activités par une solidarité financière.
Du positionnement identitaire présenté dans le chapitre 1, nous pouvons à présent revenir à l’identité communicationnelle de l’association, qui tienne compte tant des émetteurs de la communication que de ses récepteurs (les publics que nous avons identifiés dans les chapitres 2 et 3) et du ton particulier de la relation entre les uns et les autres.
Enfin, équipés d’une vision claire de la manière dont l’association construit son identité propre avec ses publics internes et externes, nous sommes en mesure de jauger l’écart qui peut se produire entre l’image voulue par l’association et l’image telle qu’elle est perçue par ses différents publics (chapitre 5). Le diagnostic de cet écart permettra d’y remédier en (re-)travaillant les différents dispositifs de communication que les associations diffusent vers leurs publics internes ou externes. La mise au point de ces dispositifs fait l’objet de la seconde partie de ce livre.
CHAPITRE 1
Créer, entretenir, cultiver le lien social : à la découverte du cœur des activités des associations
Introduction
Pour saisir l’impact que les associations, quelle que soit leur taille, peuvent avoir sur la société dans laquelle nous vivons, il importe de pouvoir les situer adéquatement dans l’écheveau des activités économiques. Dans l’esprit de beaucoup de gens, les associations ne produisent rien, ne contribuent pas à la richesse nationale. Au mieux, elles aident les personnes en situation de précarité et évitent ainsi les révoltes sociales. Au pire, elles rassemblent ceux qui n’ont pas de travail intéressant ou productif, reçoivent des subsides pour passer leur temps en palabres et discussions…
Pour s’éloigner de ces clichés, il faut sortir du schéma un peu simpliste de l’économie telle que nous le présentent des visions économiques focalisées sur des questions de productivité, de récession ou de rentabilité financière, et nous placer dans la perspective d’une économie plurielle.
Selon le modèle qui s’est développé au XIXe siècle en Europe à l’époque de l’industrialisation, la société était divisée en deux grands groupes, ceux des entrepreneurs capitalistes et ceux des ouvriers exploités. On connaît le succès qu’a produit la théorie de Karl Marx, qui a largement contribué à édifier la société socialiste en Russie d’abord, plus largement en Union soviétique ensuite. Cette société à économie planifiée s’est effondrée avec la chute du Mur de Berlin en 1989, à peine plus de trois ans après l’effroyable catastrophe nucléaire de Tchernobyl en Ukraine.
En ce début du XXIe siècle, la lecture marxiste de la société divisée en classes a du plomb dans l’aile ; à l’inverse, la lecture libérale du « chacun selon ses propres intérêts » conduit à l’égoïsme et à la destruction progressive de la planète par l’épuisement inexorable des ressources naturelles. D’autres grilles de lecture sont aujourd’hui nécessaires pour comprendre le sens et l’évolution de la société.
Deux anthropologues qui ont vécu dans la première moitié du XXe siècle, Karl Polanyi et Marcel Mauss, vont nous servir de guides pour saisir la place de nos associations dans une économie plurielle.
Le premier, Karl Polanyi, a enquêté dans le temps et dans l’espace, pour caractériser les économies d’un grand nombre de sociétés, de l’Égypte ancienne à l’Éthiopie, en passant bien sûr par nos pays d’Europe occidentale. Il a mis en évidence quatre types de comportements économiques, tous présents mais à intensité variable, dans l’ensemble des sociétés observées :
Le marché, où se réalise la vente d’un produit ou d’un service en fonction d’un prix.
La redistribution, organisée par la puissance publique (l’État), où la collecte d’un impôt permet de redistribuer la richesse accumulée sous la forme de « services publics » : santé, éducation, sécurité, mobilité, etc.
La réciprocité, où les échanges se font principalement pour créer et entretenir du lien social.
L’économie domestique : où la solidarité primaire s’exerce au sein d’un ensemble familial plus ou moins étendu.
Le second, Marcel Mauss, était le neveu du sociologue Emile Durkheim. En 1924, il écrit son « Essai sur le don », qui fera l’objet tout au long du XXe siècle de commentaires de la part de grands anthropologues tels que Claude Levi-Strauss, Maurice Godelier et bien d’autres. Dans cet essai, il observe que des sociétés fort éloignées des nôtres concluent des accords avec les sociétés voisines en échangeant des cadeaux rituels (phénomène nommé potlatch ou kula), selon une logique de « donner, recevoir, rendre ». Bien plus puissante que le seul échange économique, Mauss identifie cette logique comme un « fait social total », créateur de lien social.
Des auteurs d’aujourd’hui² observent les mêmes phénomènes dans nos sociétés contemporaines, à côté des échanges marchands et de ceux issus de la redistribution étatique. En effet, il suffit de penser aux pratiques d’un chef d’État qui, rendant une visite officielle à un homologue, lui apporte généralement des cadeaux qui symbolisent l’amitié de son pays pour le pays visité. Plus largement, les parents donnent la vie à leurs enfants, de nombreux bénévoles donnent de leur temps aux associations qu’ils soutiennent ; des individus donnent leur sang à la Croix-Rouge, d’autres acceptent de faire un don d’organe à un inconnu ; beaucoup d’associations comptent sur leurs donateurs pour bénéficier de ressources indépendantes ou, du moins, complémentaires aux ressources fournies par l’État ou, plus rarement, par le marché (sous la forme de sponsoring ou de mécénat, par exemple).
On voit donc qu’il y a une place pour des formes d’échange qui ne sont pas seulement orientées vers l’intérêt pour soi (pouvant caractériser les organisations qui vendent des biens et services), mais qui laissent une large part au désintéressement – mieux, à l’intérêt pour l’autre – et à la gratuité.
C’est là que réside la spécificité du fait associatif : entretenir des échanges qui privilégient le lien social, plutôt que développer des échanges de biens et de services selon les règles du marché³.
1. A la recherche de l’identité associative
A. Place dans l’économie au sens restreint
Interrogeons-nous sur la place occupée par les associations dans la société sous l’angle économique. La Fondation Roi Baudouin a publié un tableau détaillé⁴, que nous reprenons ici en l’adaptant légèrement, sur l’ensemble des activités économiques en distinguant 3 éléments (secteur, but et financement) qui, combinés entre eux, permettent le classement des organisations :
L’activité de l’organisation relève du secteur privé ou du secteur public.
L’organisation poursuit un but lucratif ou non lucratif.
Son financement provient du marché, de celui-ci et des pouvoirs publics (ressources mixtes) ou bien de sources ne provenant ni de l’un ni de l’autre (dons des sympathisants).
Examinons les variantes ligne par ligne.
Les activités dont les ressources proviennent exclusivement du marché donnent les cas de figure suivants (les lettres reprennent celles qui figurent sur le tableau):
A. Secteur privé, but lucratif : ce sont les entreprises marchandes « classiques », qui vendent des biens et services sur un marché et en tirent des bénéfices
B. Secteur privé, but non lucratif : ce sont les diverses entreprises appartenant à l’économie sociale, dont l’objectif principal n’est pas le profit mais l’épanouissement des travailleurs et le partage des ressources générées par l’activité sur le marché. Dans cette case figurent les coopératives, les sociétés à finalité sociale, les entreprises d’économie solidaire (type ‘Terre’, par ex.), etc.
C. Secteur public, but lucratif : on n’en trouve pas en Belgique. En France, l’entreprise Renault fut nationalisée après la seconde guerre mondiale, en raison de la collaboration de sa direction avec l’occupant allemand, jusque dans les années ‘90 ; la SEITA (Société d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes) fut qualifiée en 1959 d’établissement public à caractère industriel et commercial ; elle fut privatisée en 1995. Ces deux entreprises, dans leur phase de fonctionnement public, eurent des activités à caractère lucratif pour le compte de l’État français.
D. Secteur public à but non lucratif : sociétés commerciales où l’État a des parts majoritaires, mais est de plus en plus associé au secteur privé. Il en est ainsi de la téléphonie : la société Régie des Télégraphes et Téléphones (R.T.T.) avait le statut d’entreprise publique entre 1930 et 1992. Elle devient une entreprise publique autonome en 1992 en prenant le nom de Belgacom, puis s’associe à divers partenaires privés, l’État restant actionnaire majoritaire avec 50% des voix + 1.
E. Entreprise privée financée par les pouvoirs publics : on y trouve des entreprises dont les clients quasi-exclusifs sont les organismes publics aux différents niveaux de pouvoir (communes, provinces, régions, niveau fédéral). Ces entreprises de Travaux publics réalisent des routes, des ponts, des travaux de voirie, etc.
F. Société à but non lucratif financée par le marché et les pouvoirs publics : il s’agit d’entreprises de travail adapté (ETA), qui mettent au travail des personnes handicapées. Ces entreprises reçoivent une subvention des pouvoirs publics et produisent des biens et services, le plus souvent pour d’autres entreprises (par ex. mises sous pli de mailings, transformation du bois, etc.).
G. Entreprise publique à but lucratif, financée par le marché et l’État : on pense ici à la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCB), société anonyme de droit public unifiée, contrôlée intégralement par l’Etat Belge ; son financement est assuré par les ventes de billets et d’abonnements, ainsi que par une intervention annuelle du budget de l’État.
H. Les entreprises publiques à but non lucratif, financées par le marché et l’État, comprennent notamment les hôpitaux publics, les établissements d’enseignement public ou subventionné, etc. On y trouve aussi les organismes d’intérêt public (appelés autrefois « parastataux »), qui ne font pas partie de l’administration publique, mais sont financées par le niveau politique dont ils dépendent par le biais d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance : en font partie la RTBF, le Centre pour l’Égalité des Chances et la Lutte contre le Racisme ou la Plate-forme Prévention Sida, par exemple.
I. Les organisations sans but lucratif avec subsides publics : on y trouve une majorité d’associations, ainsi que les Mutuelles, qui ont un statut particulier (financement par les cotisations des membres).
J. Les associations sans lut lucratif (asbl) ou les associations de fait, financées exclusivement par les cotisations de leurs membres et par les dons des particuliers.
On retrouve donc principalement le secteur associatif dans les cases I et J. A noter que le « secteur non marchand » comprend également les organisations sans but lucratif du secteur public, comme l’enseignement et la santé. On parle souvent des revendications du secteur non marchand : celles-ci concernent souvent en fait les enseignants, le personnel soignant des hôpitaux, les aides familiales, etc. Dans la suite de ce livre, nous parlerons principalement du secteur non marchand dans sa composante secteur privé, c’est-à-dire du secteur associatif sans but lucratif (nous excluons, bien entendu, les « fausses asbl », comme certains clubs sportifs qui brassent des millions d’euros et gardent de manière bien abusive le statut d’asbl ! Il en est de même pour les regroupements d’organisations professionnelles, dont les objectifs sont bien éloignés de ceux des « vraies » asbl.)
Proposition d’exercice
En fonction du mode de financement de votre association, identifiez dans quelle case du tableau ci-dessus se situe votre organisation.
B. Place dans l’économie au sens large
L’approche économique au sens restreint du terme ne suffit cependant pas pour qualifier l’activité des associations. Dans l’approche élargie que nous avons proposée en suivant les éclairages de Polanyi et de Mauss, nous pouvons largement attribuer aux associations une activité centrée sur la réciprocité, fondée sur la création et l’entretien du lien social. Cette activité accorde une place importante au don de temps et au don d’argent. Les associations font, en effet, appel tant à de nombreux bénévoles - ce qui ne peut s’imaginer dans le cas des entreprises centrées sur le profit, qu’à la générosité de leurs donateurs, avec lesquels le lien repose sur la confiance.
Jean-Louis Laville, sociologue des associations et de l’économie sociale, décrit ainsi l’origine d’une association⁵ : « L’association naît d’une absence de lien social vécue comme un manque, par des personnes qui s’engagent pour y remédier, dans la réalisation d’un bien commun qu’elles déterminent elles-mêmes. »
Examinons en détail cette définition :
L’association naît d’une absence de lien social vécue comme un manque : ce n’est que dans la mesure où des citoyens reconnaissent qu’un lien social est manquant qu’ils peuvent se mobiliser pour réagir.
Prenons l’exemple de parents dont un enfant souffre d’une maladie rare, appelée souvent « maladie orpheline » : tant qu’ils restent seuls avec leur difficulté et qu’ils doivent prendre en charge l’ensemble des frais médicaux liés à la maladie de leur enfant,