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Gérer les rumeurs, ragots et autres bruits: Comment réagir face aux rumeurs
Gérer les rumeurs, ragots et autres bruits: Comment réagir face aux rumeurs
Gérer les rumeurs, ragots et autres bruits: Comment réagir face aux rumeurs
Livre électronique483 pages6 heures

Gérer les rumeurs, ragots et autres bruits: Comment réagir face aux rumeurs

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À propos de ce livre électronique

Comment retourner le bad buzz à son avantage ?

Beaucoup d'organisations doivent gérer, un jour ou l'autre, des rumeurs, ragots, légendes urbaines, spams, scams ou autres bruits. Ces phénomènes ont des conséquences les plus souvent négatives : instauration d'un climat de méfiance, réduction de la motivation et de la productivité du personnel, déstabilisation de la hiérarchie, augmentation des conflits, perte de clientèle, détérioration de l'image, attaques des consommateurs, triomphe des concurrents, etc.

Comment y réagir ? Se taire ? Nier en bloc ? Diffuser des démentis ? Retourner le buzz à son avantage ? Souvent, les réactions des organisations n'ont pas les effets escomptés et empirent la situation, faisant croire à leurs publics qu'elles essayent d'étouffer l'affaire pour éviter la panique, cacher leurs « intentions malveillantes », ou encore dissimuler leurs erreurs. Elles peuvent aussi se sentir la cible innocente de concurrents mal intentionnés ou perdre le contrôle de leur communication.
Ce livre est destiné aux chefs d'entreprises, aux responsables de la communication, du marketing et des ressources humaines désirant mieux comprendre les énoncés rumoraux afin d'y réagir le plus efficacement possible. Il répond à leurs questions, les aide à distinguer les différentes sortes de rumeurs, à comprendre leurs modes de diffusion, leurs effets positifs et négatifs, les raisons pour lesquelles les individus y croient ou les diffusent, ainsi que celles pour lesquelles leur organisation en a été victime. Il leur donne une méthode de gestion de ces bruits et des conseils concernant la communication à leur sujet.

Ce guide vous offrira de précieux conseils pour surmonter les bruits négatifs qui entravent vos projets.
LangueFrançais
ÉditeurEdiPro
Date de sortie3 sept. 2014
ISBN9782511014028
Gérer les rumeurs, ragots et autres bruits: Comment réagir face aux rumeurs

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    Aperçu du livre

    Gérer les rumeurs, ragots et autres bruits - Aurore Van de Winkel

    Remerciements

    Ce livre n’aurait pas vu le jour sans la confiance que m’ont accordée Christine Donjean, Présidente de l’Association Belge de la Communication Interne, et mon éditeur, Luca Venanzi. Je les remercie donc d’avoir cru en l’intérêt de cette matière encore trop peu souvent étudiée malgré les impacts qu’elle peut avoir sur les individus et les organisations. Un livre ne s’écrit jamais seul et de nombreuses personnes y ont contribué par leur soutien moral et logistique, et aussi par l’apport d’idées et de renseignements utiles. C’est pourquoi je voudrais également profiter de ce passage pour remercier chaleureusement Jean Louis et Jacqueline Van de Winkel-Klein, Denise Van de Winkel-Turcksin, Christophe Roux-Dufort, Naïma Lehiany, Miguel Quaremme ainsi que les nombreux auteurs ayant travaillé sur le sujet des énoncés rumoraux ou des sujets connexes. J’espère contribuer à mettre leur travail en lumière.

    Préface

    Ils courent, ils courent la rumeur, les spams, les scams, les buzz et tous ces bruits de fond dont les mécanismes sont si précisément décrits par Aurore Van de Winkel dans cet ouvrage. Un ouvrage qui pourrait bien vite devenir le livre de chevet des directeurs de la communication qui s’essoufflent à courir après ces insaisissables informations qui ruinent en quelques clics ou en quelques heures des années d’investissement en image et autres réputations.

    Autant le dire tout de suite, avec les rumeurs, nous sommes rarement gagnants. Au mieux, elles meurent de leur belle mort par manque de relais et donc d’intérêt; au pire, elles persistent et sapent lentement les fondements d’une vérité dont nos sociétés sont tellement en quête. Car c’est bien là la nature de ces énoncés qui prennent naissance dans des niches écologiques naturelles ou technologiques : ils fonctionnent comme une négociation collective, désordonnée et souvent désespérée de sens et de certitudes sur lesquelles on peut se mettre d’accord, sans autre preuve que l’étendue de leur partage et de leur diffusion.

    Même si les légendes font froid dans le dos et apportent leur lot de mystères ou de drames supposément cachés, elles produisent au moins le sentiment que nous existons tous par la peur que nous avons de la même menace. Peu importe leur véracité, ce qui compte, c’est d’être d’accord et de se retrouver temporairement là où le risque menace toujours de nous séparer. Car les énoncés rumoraux sont comme des sous-produits modernes de la société du risque. Cette société où les principaux repères structurants disparaissent (religion, famille, éducation) laissant le champ libre au discours sur le risque, seul concept permettant de lire le monde au regard des incertitudes qu’il comporte.

    Dans la société du risque, où tout événement est analysé sous l’angle des menaces probables qu’il fait peser, le discours officiel revêt une importance politique centrale. Ce discours, qui reconstruit (storytelling), réconforte et lisse les aspérités (politiquement correct) qui pourraient être propices à la déstabilisation, agit comme un couvercle étanche sur la marmite parfois bouillante d’un consensus social fragilisé. D’où cette fascination naïve des cercles politiques et économiques pour la communication de crise si souvent vue comme la clé de la reprise en main des affaires.

    Dans cet environnement risqué et lissé, les rumeurs et autres spams offrent une poche de résistance au discours officiel. Dans le monde des rumeurs, il existe une autre version de l’histoire, celle que l’on nous cache, proprement incorrecte, si fraîche et vivante au regard du lissage discursif des communiquants de tout poil. Qu’il est rassurant de croire en ces énoncés tant ils nous invitent à la résistance en nous donnant parfois le sentiment de prendre part à la révolte contre le mensonge officiel.

    C’est dans cet underground discursif où tout est permis que nous emmène Aurore Van de Winkel avec le regard neutre et curieux d’une scientifique en quête de réponses pour ceux qui cherchent à atténuer le bourdonnement permanent qui règne dans leurs oreilles. Opposant la rigueur scientifique à l’apparent désordre et la supposée irrationalité des objets qu’elle étudie, Aurore Van de Winkel cartographie le bruit et toutes ses ramifications en proposant un ouvrage mêlant un rare souci analytique et pédagogique qui procure à l’ouvrage une fraîcheur et une accessibilité incontestable. C’est avec grand plaisir que je vous invite à rentrer dans l’univers des rumeurs, des ragots et des bruits en tout genre. Mieux les connaître, c’est déjà mieux les gérer.

    Christophe Roux-Dufort

    Professeur Agrégé

    Faculté des sciences de l’administration

    Département de management

    Université Laval

    Québec, Canada

    Avertissement

    Nous présentons dans cet ouvrage de nombreux exemples pour illustrer nos propos. Nous avons délibérément choisi de faire paraître les énoncés tels qu’ils avaient pu être diffusés, en conservant leurs fautes d’orthographe et de grammaire, afin que le lecteur puisse en prendre connaissance comme s’il les avait reçus d’un propagateur de rumeur. Les énoncés non corrigés se trouvent dans les encadrés.

    Introduction

    Beaucoup d’entreprises ou d’organisations diverses (commerciales, institutionnelles, associatives, socioculturelles, politiques, médicales ou scientifiques) doivent gérer à un moment ou à un autre des rumeurs, des ragots, des légendes urbaines, des spams, des scams ou autres bavardages qui les visent en interne ou en externe. Ces phénomènes ont des conséquences le plus souvent négatives : instauration d’un climat de méfiance, réduction de la motivation et de la productivité de certains membres du personnel, déstabilisation de la hiérarchie, augmentation des situations conflictuelles larvées ou ouvertes, perte de clientèle qui fuit les lieux incriminés, diminution des ventes de certains produits ou réduction du nombre de contrats, détérioration de l’image de l’organisation, perte de la confiance des consommateurs, attaques de ces derniers, triomphe des concurrents, etc.

    Les organisations ne savent pas toujours comment réagir face à ces « bruits » qui courent en leur sein ou sur leur compte. Se taire, nier en bloc, diffuser des démentis dans la presse et les nouveaux médias, retourner le buzz à leur avantage ? Il semble même que les actions mises en place n’aient pas les effets escomptés et empirent la situation, faisant croire à leurs différents publics qu’elles essayent d’étouffer l’affaire pour éviter la panique, pour cacher leurs « intentions malveillantes » (leur recherche du profit au détriment de la santé ou de la sécurité de leurs clients, par exemple) ou encore pour dissimuler leurs erreurs (mauvaise appréciation d’un produit ou d’une situation dangereuse, mise en danger d’autrui par cupidité, non-respect des règles sanitaires ou de sécurité, pratiques non éthiques...). Les organisations peuvent aussi se sentir la cible innocente de concurrents malveillants ou perdre le contrôle de leur communication.

    Ce livre est destiné aux chefs d’entreprises, aux responsables communication et marketing et aux responsables des ressources humaines d’entreprises ou d’organisations, ayant été confrontés aux rumeurs ou pensant l’être un jour, qui désirent mieux les comprendre afin d’y réagir le plus efficacement possible, d’en diminuer l’impact négatif au niveau de leur image ou de leur chiffre d’affaires, voire même de pouvoir les retourner à leur avantage.

    Cet ouvrage tentera de répondre à leurs questions, les aidera à distinguer les différentes sortes de rumeurs, à comprendre leurs modes de diffusion, leurs effets positifs et négatifs, les raisons pour lesquelles les individus y croient ou les diffusent, celles pour lesquelles leur organisation en a été victime ainsi que les différentes solutions pour les contrer, voire pour en tirer profit. Il leur proposera une méthode de gestion de ces « bruits » et des conseils concernant la communication à leur sujet.

    Il se compose de trois parties. La première partie est consacrée à l’éclaircissement des notions de rumeurs, ragots, légendes urbaines, mais aussi de spams, de scams et de buzz, car ces phénomènes qualifiés de rumoraux, circulant par des voies informelles et présentés comme des informations véridiques, ont pris une ampleur incroyable avec l’apparition des nouveaux médias et, tous, peuvent avoir des conséquences le plus souvent négatives sur l’organisation.

    La seconde partie explique la provenance de ces énoncés dont la véracité est douteuse, leurs façons de se propager et les raisons de leur diffusion. Nous y abordons également leurs contenus, les efficacités qui leur sont attribuées ainsi que l’adhésion qu’ils rencontrent auprès de leurs publics.

    La troisième partie est consacrée à la place des organisations dans ces énoncés, leurs rôles, ainsi que les raisons de leur implication. Nous y expliquons les réactions possibles qu’ils peuvent déclencher, précisons les limites du démenti et exemplifions les réactions organisationnelles les plus courantes à partir de cas tirés de l’actualité récente. Nous terminons par l’explication d’une méthode de gestion de ces énoncés, utilisable par toute organisation et adaptable à chaque situation. Des conseils et la mention de ressources - qui pourront aider les lecteurs dans l’évaluation de leur situation, l’analyse de leurs actions ainsi que leur appréciation - terminent cet ouvrage.

    Si une meilleure connaissance des énoncés rumoraux permet de mieux les appréhender et de limiter leurs conséquences, ceux-ci ont toutefois la particularité irritante d’être complexes, mouvants, flexibles et, le plus souvent, d’emprunter des voies inattendues. Il est donc illusoire de croire qu’il existe des recettes toutes faites permettant de les éradiquer ou de les contrôler totalement. Ne dit-on pas qu’une rumeur ne meurt jamais ? Toutefois, ces « bruits » sont issus le plus souvent d’autres intentions que celle de nuire et ils peuvent être utiles, voire nécessaires. Loin de nous donc l’idée de les diaboliser ou de manipuler leurs diffuseurs. Nous visons plutôt à leur donner la place qu’il convient et à améliorer les situations problématiques découlant de leur propagation.

    Partie 1

    Clarification des genres rumoraux

    Rumeurs, ragots, légendes urbaines, scams, spams, buzz : que recouvrent ces termes utilisés souvent comme synonymes ou passe-partout ? Comment les définir ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Quelles sont leurs différences et leurs similitudes ? Cette première partie va s’attacher à clarifier ces notions afin de mieux comprendre la réalité qu’elles recouvrent.

    Chapitre 1

    La rumeur

    Définition et caractéristiques

    La rumeur est un terme que l’on retrouve quasi quotidiennement dans les médias et ce, pour désigner des phénomènes très différents. Signifiant au sens premier du terme « bruit confus » ou « clameur », elle a existé de tout temps et dans toutes les sociétés, associée à la notion de réputation. Pourtant, ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle, que le terme « rumeur » fut utilisé pour désigner une nouvelle non vérifiée, provenant d’une source anonyme et se propageant de bouche-à-oreille.

    Aujourd’hui, il n’existe pas de consensus sur sa définition car la réalité qu’il recouvre est complexe, voire insaisissable. Souvent connoté négativement, le terme « rumeur » désigne à la fois des processus de propagation de messages, circulant massivement sans être contrôlés, et leur contenu. Jean-Noël Kapferer envisage la rumeur comme « l’émergence et la circulation dans le corps social d’informations soit non encore confirmées publiquement par les sources officielles, soit démenties par celles-ci. Ce qui caractérise son contenu n’est pas son caractère vérifié ou non, mais sa source non officielle »¹.

    Donnant souvent une impression de déjà-vu et de déjà-entendu, la rumeur apporte une information officieuse concernant une personnalité morale, un objet ou un événement précis, célèbre ou connu dans le milieu au sein duquel elle se propage. Celui qui diffuse la rumeur lui attribue une source, qui devient le garant de son authenticité, et la présente comme véridique alors que son origine et sa véracité sont douteuses et incertaines. L’information avancée peut ou pourra être confirmée ou infirmée dans un futur proche par les faits eux-mêmes. La rumeur n’est donc pas toujours fausse et sa vérification est possible !

    Certaines naissent spontanément, d’autres sont construites volontairement, de manière concertée, et visent un objectif précis comme la manipulation, la propagande, la déstabilisation d’un concurrent, etc. dans un contexte de guerre, de concurrence ou de marketing... Contrairement à l’idée reçue, ces dernières ne sont toutefois que minoritaires.

    Au point de vue de sa forme, la rumeur est généralement brève et simple. Son contenu peut facilement être résumé en une seule unité d’information : telle entreprise va se délocaliser; le bisphénol A est cancérigène; les yaourts pro-biotiques participent à l’obésité; tel match de football a été truqué; les attentats du 11 septembre ont été organisés par les autorités américaines; la Shoah n’a pas eu lieu; les agences de notation veulent faire éclater la zone euro...

    La plupart des rumeurs annoncent des événements fortement connotés négativement. Mais il existe toutefois des rumeurs au contenu positif. On les appelle les « rumeurs roses ». Celles-ci relatent des événements surprenants ou des situations extrêmes dans lesquelles les relations sociales habituelles se trouvent bouleversées.

    Ainsi, dans cet exemple, la Veuve Cliquot fait des cadeaux somptueux aux internautes au lieu de les inciter à acheter ! Diffusée par courriel à la mi-décembre 2000, période de fêtes, cette rumeur rose en a piégé plus d’un :

    LA CAISSE DE CHAMPAGNE GRATUITE

    ²

    Veuve Cliquot

    Bonjour !!

    Ceci est une offre exceptionnelle !!

    Il vous suffit, pour gagner une caisse de 6 bouteilles de champagne, de renvoyer ce mail à 10 personnes de votre entourage en y mettant en copie l’adresse suivante :

    XXXXXXXX@veuve-cliquot.fr

    Vous serez ensuite recontacté afin d’avoir votre adresse personnelle et la caisse de champagne vous sera envoyée sous trois semaines…

    Tout est offert !!! Profitez-en !!!! Il n’y a absolument rien à payer !!! Les frais de port sont inclus.

    Ce message fait partie de la nouvelle campagne de publicité visant à faire connaître la marque Veuve Cliquot auprès des Internautes.

    Bonne journée et à bientôt.

    Les individus s’intéressent principalement à la rumeur parce qu’elle se rattache à quelque chose qu’ils peuvent identifier, qui les implique ou les touche ou qui est lié à l’actualité. Au plus un individu se sent concerné par le contenu de la rumeur et pense qu’elle impliquera également les personnes à qui il souhaite la raconter, au plus il la diffuse. Ce sentiment d’implication varie selon la compréhension qu’il aura du message et la valorisation qu’il retire à le diffuser. Ainsi, un employé sera davantage impliqué par des rumeurs de licenciement massif dans son organisation qu’une personne travaillant dans un tout autre secteur.

    La rumeur se construit au fil des rencontres entre individus qui se la réapproprient successivement. Son contenu se modifie donc lors de sa diffusion et cela, selon trois procédés : l’oubli ou la suppression de certains détails, l’ajout d’autres et la restructuration de son énoncé. Cela permet, à celui qui diffuse la rumeur, de cerner son message en fonction de ses préoccupations, de ses caractéristiques ou de ses spécificités culturelles, socio-économiques, idéologiques, géographiques ou temporelles, ou encore de celles de son public.

    La rumeur se diffuse à grande vitesse, car elle est brève et parce que les nouvelles technologies de l’information et de la communication accélèrent sa diffusion, non plus de bouche-à-oreille, mais d’œil à souris ! Ces nouveaux modes de communication augmentent également sa durée de vie qui auparavant était éphémère. En effet, dès que la totalité de la population était au courant de son contenu, que ce dernier était confirmé ou infirmé par les faits ou que ses diffuseurs changeaient de préoccupations, elle s’éteignait. Dorénavant, grâce à Internet, la population qui peut être informée de son existence est plus importante. La confirmation ou l’infirmation de la rumeur n’arrive, par contre, pas toujours aux oreilles de tous, laissant place à l’incertitude.

    Le tract de Villejuif

    Le célèbre tract de Villejuif a joué un rôle important dans la diffusion d’une rumeur alimentaire mettant en cause des institutions européennes et sanitaires ainsi que des fabricants de produits alimentaires. Il a été lancé, en 1976 et circule depuis lors abondamment, sous diverses formes en Europe. En voici le contenu :

    DISTRIBUE PAR L’HOPITAL DE VILLEJUIF CENTRE NATIONAL DE RECHERCHE CONTRE LE CANCER

    ³

    Tous les additifs ci-après sont actuellement autorisés en France, mais doivent être indiqués. Freinez l’utilisation de ces additifs en sélectionnant les produits que vous achetez (c’est le consommateur qui contienne les options des recherches).

    PENSEZ A VOS ENFANTS : reproduisez ce document, distribuez le autour de vous, affichez-le, et surtout utilisez-le. Il y en va de votre santé.

    QUAND VOUS VOYEZ CES PICTOGRAMMES SUR DES PRODUITS, VOUS FAITE ATTENTION.

    REFLECHISSEZ, IL RENTRE DANS LA COMPOSITION DE LA FABRICATION DES ALIMENTS TOXIQUES CANCEROGENES : E102, E110, E120, E123, N124, E127, E211, E220, E225, E230, E250, E251, E311, E330, E407, E450.

    LE PLUS DANGEREUX : E330 que l’on trouve dans SCHWEPPES citron, certains apéritifs, BANGA, moutarde et produit AMORA, crème de fromage VACHE QUI RIT, et beaucoup d’autres…

    LES SUSPECTS (étude en cours) : E125, E131, E141, E142, E150, E153, E171, E172, E210, E212, E213, E215, E217, E231, E232, E241, E338, E340, E341, E460, E462, E463, E465, E466, E477.

    LES INOFFENSIFS : E100, E101, E103, E104, E105, E111, E121, E122, E132, E140, E151, E160, E161, E162, E170, E174, E175, E180, E200, E201, E202, E203, E236, E237, E239, E260, E261, E262, E263, E270, E280, E281, E282, E290, E293, E300, E301, E302, E304, E305, E306, E335, E336, E337, E401, E403, E404, E405, E406, E408, E410, E411, E413, E414, E420, E421, E422, E440, E470, E471, E472, E473, E474.

    SYMPTOMES :

    perturbation intestinale : E221, E222, E223, E224, E225

    atteinte à la peau : E220, E231, E232, E233

    perturbation de la digestion : E330, E339, E340, E341, E400, E463, E466, E467

    calculs rénaux : E447

    produit dangereux : E102, E110, E120, E124 E127

    restriction vitamines B12 : E220

    accident vasculaire : E230, E251, E252 (charcuterie industrielle et grande distribution)

    cholestérol : E320, E321

    sensibilité cutanée : E311, E312

    aphtes : E330

    indigestion : E407 (crème glacée)

    produit cancérigène : E131, E142, E212, E213, E214

    PRODUIT A EVITER : bonbon LA PIE QUI CHANTE, pastis DUVAL, PICON, MARTINI, COCA-COLA....

    A FUIR : E330, BANGA, CANADA DRY, SCHWEPPES, certaines limonades, fromage LA VACHE QUI RIT, produit AMORA.

    D’allure scientifique, ce tract était déposé dans les boîtes aux lettres, distribué à la sortie des écoles, des magasins et des bureaux. Il était également affiché dans la salle d’attente de médecins, d’hôpitaux, de centres de Sécurité Sociale. Reproduit d’année en année et diffusé dans d’autres milieux, il fut même publié par l’éditeur Armand Colin en 1982 dans son Manuel des sciences expérimentales, destiné aux classes de primaires. La version que nous vous proposons était envoyée par courriel en 2009 et mentionne des marques précises !

    Provoquant la peur en mentionnant des additifs - présents dans de nombreux aliments notamment destinés aux enfants - et en les associant à des maladies graves, ce tract a trompé des milliers de personnes. à la fin des années 80, une famille sur trois connaissait ce tract. Un médecin généraliste sur deux et deux instituteurs sur trois l’ont cru ! Pratiquement aucun médecin généraliste n’a pris le temps de vérifier l’information qui y est contenue. Après enquête, aucun chercheur scientifique n’a jamais écrit cet énoncé. La mention de l’hôpital de Villejuif ou de l’Institut Gustave Roussy ne sert donc qu’à garantir l’authenticité de ce dernier et à diminuer l’esprit critique de ses destinataires. Or, son contenu est faux ! Par exemple, l’additif E 330, considéré comme le plus dangereux, n’est en fait que de l’acide citrique présent dans tous les citrons, les oranges et autres agrumes.

    De nombreux démentis ont été effectués à la télévision ou relayés par des associations françaises de consommateurs comme l’I.N.C., l’U.F.C., la F.O., ou encore par d’autres associations telle la Ligue nationale française contre le cancer, ou même par le Ministère français de la Santé, mais le tract continuait de circuler, laissant croire que le corps médical permettait aux entreprises alimentaires d’utiliser, dans les aliments, des substances nocives pour la santé. Les auteurs de ce tract n’ont jamais été retrouvés et leurs intentions restent obscures : étaient-ils de bonne foi ? Cherchaient-ils à déstabiliser certaines entreprises alimentaires connues ou à discréditer les mouvements de consommateurs ? Nous ne le saurons probablement jamais.

    Ce tract prendrait sa source dans la publication au Journal officiel, en juin 1975, des listes de la première nomenclature unifiée des additifs alimentaires pour les pays de la Communauté européenne. Ces listes auraient été reprises, en décembre de la même année, par le magazine français de vulgarisation scientifique Sciences et Vie, sous la forme d’un tableau commenté. Vingt-neuf additifs y étaient considérés comme « suspects » ou « dangereux ». Le fameux E330 y est déjà présenté comme « suspect ».

    En 1975, la Communauté européenne interdit aussi l’utilisation de neuf colorants alimentaires mais suspend, bizarrement, cette interdiction pour un an. Plusieurs organisations de consommateurs protestent et, au début de l’année 1976, organisent un boycott de tous les colorants. En avril de la même année, le magazine Que choisir ? publie une liste de 107 colorants, en en présentant septante comme dangereux ou suspects, dont encore l’E 330.

    Ce tract a touché la Grande-Bretagne en 1984, le Danemark en 1989 et, en 1990, une version allemande du texte est diffusée parmi le personnel de la Commission européenne à Bruxelles. Il continue sa course folle encore aujourd’hui sur Internet, mais n’a plus le même impact. En effet, les professionnels de la santé et les instituteurs, relais de confiance ayant contribué à la propagation de cette rumeur, ont été informés de sa fausseté et n’utilisent plus leur autorité pour le diffuser.


    1. Jean-Noël KAPFERER, Rumeurs. Le plus vieux media du monde, 1990, p. 25.

    2. Véronique CAMPION-VINCENT, Jean-Bruno RENARD, De Source sûre, 2005, p. 116.

    3. http://prod-hoaxbuster.integra.fr/hoaxteam/forum_contributions.php?idForum=3152&idMess=76707, dernière consultation le 23 octobre 2011.

    Chapitre 2

    Le ragot

    Définition et caractéristiques

    Qu’il se propage dans le cercle familial, social ou professionnel, le ragot est très souvent dénigré et considéré comme futile. Or, il peut avoir des conséquences néfastes sur la vie des individus incriminés, sur leur carrière, leur sociabilité, leur motivation, leur efficacité et leur santé. Circulant sous des noms divers (potin, médisance, cancan, commérage...), le ragot est un bavardage évaluatif sur des individus (amis, membres de la famille, collègues, célébrités).

    Ce terme regroupe toutes les informations non vérifiées prenant pour objet les comportements privés d’un individu connu de ceux qui le diffusent et en discutent. Il apparaît lorsque se forme, se modifie ou évolue un réseau social, d’où son importance croissante dans les nouveaux réseaux sociaux virtuels dans lesquels se joue de plus en plus la réputation personnelle mais aussi professionnelle. Dans la sphère professionnelle, sur laquelle nous nous focaliserons dans cet ouvrage, le ragot sert à divertir, préserver la cohésion d’un groupe (qui peut être un groupe de travail, un service, une organisation, un réseau...), établir, modifier et conserver des normes ainsi que la structure du pouvoir entre les membres de ce groupe.

    Pour être diffusé, cru et donc avoir un impact, le ragot doit être plausible et relater un comportement envisageable mais déplacé de l’individu qui est concerné. Etre ivre à une réunion de travail, voler du matériel, entretenir une liaison avec son patron... ne sont pas des comportements exceptionnels, mais les membres du personnel ou de la hiérarchie ne sont pas censés commettre ce type de comportements à l’intérieur d’une organisation. L’individu impliqué déroge ainsi aux attentes de son entourage professionnel. Si cette dérogation ne va pas toujours jusqu’à causer de scandale, le ragot peut modifier la nature des relations qu’il entretient avec cet entourage.

    Chaque type d’individus est associé à un type de comportements pouvant donner lieu à un ragot : l’homme à femmes, l’allumeuse, le mythomane, la tire-au-flanc... Cependant, le ragot doit aller au-delà de l’évidence. Il doit relater un comportement qui dépasse l’attente normative de son public, exagéré ou caricaturé.

    Le comportement rapporté est le plus souvent négatif, mais il peut exister des ragots positifs sur d’heureux événements : réponse culottée à un supérieur qui ne donnera pas lieu à une sanction, anecdote liée à la signature d’un contrat... Dans ce cas, les discussions qui en découlent peuvent être, elles, positives ou négatives selon la manière dont cet événement positif est perçu.

    Il existe deux types de ragots. Il peut être proximal et concerne alors une personne faisant partie de notre cercle de connaissances : collègues, supérieurs hiérarchiques, fournisseurs, associés, concurrents, collaborateurs. Ce ragot se diffuse principalement dans ce cercle et difficilement au-delà.

    Le ragot peut également être distal et vise une personne que le diffuseur est peu susceptible de fréquenter personnellement, mais qu’il connaît de vue ou grâce à sa médiatisation : CEO d’institutions importantes, de groupes financiers, personnalités politiques, etc. Si les ragots proximaux resteront circonscrits au niveau du groupe réduit dans lequel ils se diffusent et concerneront davantage la communication interne de l’organisation, les distaux vont obliger cette dernière à prendre position et à communiquer de manière externe. Nous faisons référence aux nombreuses informations non vérifiées circulant sur les personnalités publiques - qui sont reprises dans des magazines ou des sites spécialisés et même relayées par des médias d’information plus généralistes - qui peuvent avoir une incidence sur les partenariats actuels ou futurs de l’organisation, voire même sur son organigramme. Ainsi, lorsque The Daily Mirror publia en 2005 une photo de Kate Moss sniffant de la cocaïne, de nombreuses marques de mode telles que Burburry, Chanel et H&M décidèrent de rompre leur contrat pour éviter que leur image ne soit associée à celle du mannequin.

    Le ragot se fonde généralement sur des indices solides (photographies, témoins, informations confidentielles révélées.), mais peut naître de la mauvaise interprétation de ces derniers. Il peut également être construit de toutes pièces et reposer alors sciemment sur un mensonge dans des objectifs divers. Sa forme est généralement brève, mais il donne lieu à des discussions - sur ses conséquences ou ses implications - qui peuvent paralyser momentanément un service. Le ragot peut également être utilisé comme argument lors de l’élaboration d’un point de vue sur un collègue ou un futur collaborateur, participant ainsi à la construction de sa réputation et avoir des conséquences sur les relations de travail ou les opportunités professionnelles. Il aura toutefois peu de retombées concrètes sur la vie de ses diffuseurs.

    Harcèlements sexuels

    Travaillant comme secrétaire de direction pour le directeur financier de la filiale d’une grande société bancaire et d’assurances belge, une jeune femme rencontra sur son lieu de travail le contrôleur de gestion stratégique du groupe d’assurances. N’étant pas sous ses ordres et son travail n’interférant pas avec celui de ce dernier, ils entamèrent une liaison qui fut soupçonnée par un autre membre du personnel.

    Cette information arriva aux oreilles du CFO de la filiale, chef des deux protagonistes, et de son secrétaire général qui utilisait des ragots pour maintenir, entre autres, sous son contrôle certains employés.

    Voulant déstabiliser et écarter le contrôleur de gestion, ils utilisèrent ce ragot pour prétendre que la secrétaire de direction divulguait des informations confidentielles à son amant en déposant des dossiers sur son bureau. Le fait que cette dernière n’avait pas accès à ces informations et qu’aucun témoin ne puisse étayer ces accusations l’en disculpa. Voyant que cette tentative de manipulation de ragot ne menait pas au but souhaité, ils déposèrent, devant le Comité de Direction de la filiale, un dossier d’accusation de harcèlement sexuel du contrôleur à l’encontre de la jeune femme, espérant le licencier pour faute grave. Le licenciement fut décidé, mais ne pouvait être effectif sans l’aval du Comité de Direction de la maison-mère. Or, à la suite de l’intervention du CFO de cette dernière, le licenciement fut écarté et le contrôleur de gestion eut, à la place, une promotion qui lui permit de ne plus être affecté par les agissements malintentionnés de ses deux collègues. La direction étouffa l’affaire, demanda à la jeune femme de démissionner puis, devant son refus et sur sa demande, la licencia avec indemnités.

    Cette histoire authentique dévoile à quel point le ragot peut être utilisé au sein de l’organisation et avoir des impacts sur les membres du personnel.

    Si, dans ce cas, il s’agissait d’un ragot concernant un anonyme, nous avons pu observer en 2011 le traitement médiatique calamiteux de l’affaire Dominique Strauss Kahn, exemple particulièrement parlant de publicisation de ragots concernant une personnalité et ayant un impact sur la carrière professionnelle de celui-ci. Après sa mise en examen pour tentative de viol sur une femme de chambre de l’hôtel new-yorkais Sofitel où il séjournait, Dominique Srauss-Kahn démissionna de son poste de président du Fonds Monétaire International qui dut recruter d’urgence un autre président. Il dut abandonner également son projet de candidature à l’élection présidentielle de France, mettant le Parti Socialiste français dans l’obligation de trouver un remplaçant capable de contrer Nicolas Sarkozy et l’UMP. Les nombreuses zones d’ombre entourant cette affaire et la surprise provoquée par cette annonce ont permis l’apparition de théories diverses expliquant cette accusation par un piège manigancé par les concurrents politiques de Strauss-Kahn, par les autorités gouvernementales de pays tiers voulant décapiter l’institution monétaire ou encore par les médias.

    L’un des arguments utilisés pour crédibiliser la thèse d’un complot de droite fut que l’affaire fut dévoilée par un tweet d’un membre de l’UMP, Jonathan Pinet. Ce tweet fut rapidement repris par Arnaud Dassier, ancien responsable de la campagne web de Nicolas Sarkozy et patron d’un site d’information, Atlantico.fr. Un deuxième argument visa le Sofitel. Cette chaîne appartient à Accor dont l’actionnaire de référence est le fonds Colony, fonds dont le représentant en Europe est un autre proche de Sarkozy : Sébastien Bazin. Atlantico.fr et Sofitel sont ainsi associés à des complots et perdent la confiance des hommes d’affaires et des organisations de gauche.

    Chapitre 3

    La légende urbaine

    Définition et caractéristiques

    Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de consensus sur le terme « légende urbaine ». En France, les auteurs utilisent le terme « rumeur » comme synonyme, d’où certaines confusions possibles entre ces deux genres.

    La légende urbaine est un récit court qui relate des événements - souvent connotés négativement et provoquant le dégoût, la peur ou la surprise - arrivés à un individu au sein de notre société contemporaine. Imputé à un individu alors qu’il est anonyme, ce genre de récits traverse les continents et les ans et s’adapte aux préoccupations, caractéristiques ou spécificités de ceux qui les racontent.

    Ces derniers s’attribuent ou s’approprient un lien de proximité avec le personnage principal valorisé du récit, qui de fictif devient l’ami d’un ami (ADUA). La légende paraît ainsi s’appuyer sur un témoignage premier ou quasi-direct même si, en fait, elle est déjà très éloignée de sa genèse. Le récit, difficilement vérifiable, est donc constamment réactivé et réactualisé par les individus, ce qui lui permet de perdurer, mais ce qui rend extrêmement difficile la recherche de son auteur ou de son origine. Or le récit s’appuie généralement sur un motif narratif connu et ancien qui traite de thèmes fondateurs liés aux préoccupations des individus et qui est adapté à une situation moderne.

    Destinés à être crus, les événements relatés sont présentés comme authentiques alors que leur historicité est douteuse et qu’on ne peut prouver formellement leur véracité. Même si elle est affirmée, cette dernière n’est pas toujours considérée comme essentielle pour les individus, pour autant qu’ils se sentent impliqués, touchés par le récit. En effet, l’important est de tirer des leçons de cette histoire, de croire qu’elle pourrait arriver ou de penser que la raconter peut être utile pour la société. Pour obtenir l’adhésion de

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