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Développement durable - Une communication qui se démarque
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Livre électronique597 pages6 heures

Développement durable - Une communication qui se démarque

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À propos de ce livre électronique

Dans le climat de tourmente, d’intolérances et de tensions qui s’installe sur tous les fronts à l’échelle planétaire, nos modèles de relations avec nos univers proches ou lointains se complexifient. Mais comme pour les autres phases de rupture que l’Homme a dû affronter au cours des siècles, l’inaction cède la place à l’inventivité. Le présent ouvrage met le cap sur ces nouvelles pratiques qui prônent l’engagement citoyen, la protection des richesses de la Terre, la relation de l’Homme avec la nature, tout autant que l’équité, la démocratie, la solidarité. L’engagement devient multiple, multiforme, sans frontières.

Comment la communication peut-elle assumer son rôle d’acteur structurant dans un contexte marqué par la dominance des discours promotionnels et commerciaux, par la passion des marques, dans un monde fissuré par la précarité, la pauvreté, les bouleversements sociaux, et où les dérives communicationnelles côtoient l’engagement en matière de développement durable ?

Des spécialistes des deux côtés de l’Atlantique précisent ici les responsabilités de la communication développement durable – à la fois engageante, agissante, dialogique, participative. Cet ouvrage est un plaidoyer pour une communication ouverte, plurielle, qui n’élude ni la complexité des situations ni la pluralité des voix.
LangueFrançais
Date de sortie14 févr. 2018
ISBN9782760548671
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    Aperçu du livre

    Développement durable - Une communication qui se démarque - Solange Tremblay

    INTRODUCTION

    Pour une communication agissante

    Solange Tremblay, Nicole D’Almeida et Thierry Libaert

    Dans le climat de tourmente, d’intolérances et de tensions qui s’accélèrent sur tous les fronts du Nord au Sud, d’Est en Ouest à travers le monde, nos modèles de connexions, de relations avec nos univers proches ou lointains se complexifient. Catastrophes climatiques, terrorisme, crise des réfugiés, montée de la droite extrémiste et du suprémacisme blanc, nouvelles dictatures, nos repères sont de plus en plus troubles.

    Mais tout comme pour les autres grandes ruptures que l’Homme a dû affronter face au monde connu au cours des siècles, l’inaction, le repli n’ont aucune place. Les appels aux solidarités, à l’aide, émanent de toutes parts. Aujourd’hui, un simple clic déplace les lieux du pouvoir, la communication se démultiplie à tous niveaux et devient un pilier qui permet de nourrir l’action et la résilience sociales.

    De surcroît, alors que se juxtaposent plusieurs crises à la fois, comment la communication peut-elle assumer son rôle d’acteur structurant dans des sociétés mondialisées et numérisées, travaillées par des changements d’échelle spatiale et temporelle, marquées par l’interdépendance?

    Cet ouvrage met le cap sur ces nouvelles pratiques qui parlent d’engagement citoyen, d’engagement social, autour de la protection des richesses de la Terre et de la relation de l’Homme avec la nature, tout autant que d’équité, de démocratie, de solidarité. L’engagement devient multiple, multiforme, sans frontières. Ouvert.

    On le retrouve à tous les niveaux de la vie en société: tant sur les plans communautaire, local, national, territorial que dans l’arène diplomatique internationale ou au cœur de l’agenda des organisations. De nombreux registres le décrivent ici: social, politique, culturel, scientifique, environnemental, climatique.

    Une communication dont les mots phares se regroupent autour de ceux d’éthique et de droiture, de dialogue citoyen et d’ouverture, d’engagement et d’imputabilité sociale, avec tout l’idéal mais aussi les difficultés et contradictions que cela comporte.

    Cet ouvrage s’inscrit dans un contexte marqué par la dominance des discours promotionnels et commerciaux par la passion des marques dans un monde fissuré par la précarité, la pauvreté, les bouleversements sociaux et la violence à l’échelle planétaire. Et où les dérives communicationnelles côtoient des formes d’engagement véritable en matière de développement durable.

    Au premier chef, Développement durable – Une communication qui se démarque propose une compréhension de la communication développement durable qui se distingue des autres modes de communication. La communication développement durable ne peut s’établir sur un simple élargissement des balises communicationnelles habituelles sur lesquelles peuvent se greffer un vocabulaire spécifique et quelques valeurs pour véhiculer un projet de société. Elle se dissocie en outre de toute idée de parenté avec la notion de «marque», ce concept omniprésent devenu ode quasi religieuse à la société de consommation.

    Développement durable – Une communication qui se démarque prend racine des deux côtés de l’Atlantique, rassemblant chercheurs et professionnels spécialistes de la communication qui réfléchissent sur les enjeux actuels et les réalisations récentes en matière de communication développement durable. Des titres aux perspectives diverses se croisent, les uns et les autres discourant du rôle de la communication et sa fonction d’ouverture qui lève les barrières, accueille, invite à bâtir l’horizon pour favoriser un monde axé sur un développement durable.

    Une communication qui se démarque a donc pour objet de traiter des responsabilités de la communication en matière de développement durable, en explorant de très nombreux aspects des problématiques et lacunes qui touchent aux pratiques actuelles tant du côté des communicateurs, des professionnels du développement durable, des chercheurs, des communautés que des entreprises et des États. Des dérèglements climatiques aux nombreux bouleversements sociaux qui affectent la planète, quels sont les repères qui font sens autour de nous? Quelles sont les orientations à explorer dans la situation contemporaine d’angoisse et de peur? Comment parler de communication responsable sans scruter le discours d’engagement de la grande entreprise sur ces questions? Quels sont les fils qui permettent de démarquer l’engagement véritable des vernis sans fondement? Dans les organisations, au sein de la population ou à l’échelle planétaire, comment invoquer une responsabilité communicationnelle sans revisiter le concept d’«acceptabilité sociale»? Sans promouvoir une pratique du dialogue et des liens continus avec les parties prenantes? Sans regarder l’avenir en ouvrant la porte aux jeunes générations?

    Telle une matrice structurante, Une communication qui se démarque pose la question de la responsabilité de la communication dans tous ses environnements d’expression, loin du cloisonnement et des vases clos, engageant l’innovation et la nécessaire relation de l’Homme avec la nature et avec ses semblables. Mobilisation des communautés ou luttes citoyennes au service de combats locaux ou mondiaux, la communication pour un développement durable ne peut s’improviser et suppose des racines solides tant pratiques que conceptuelles. À la fois communication engageante, communication agissante, communication dialogique et participative, Une communication qui se démarque propose d’établir les contours actuels d’une problématique installée depuis 30 ans mais en rebondissements permanents.

    Le rapport Brundtland (Notre avenir à tous), c’était en 1987, il y a plus de 30 ans. Un anniversaire fort et triste à la fois, qui dit bien sûr tout le chemin parcouru, mais qui révèle plus encore un gouffre béant devant soi. Car aux crises et catastrophes qui se sont multipliées, les solidarités et les efforts déployés pour infléchir leurs courses ne reflètent encore aujourd’hui qu’une parcelle de la route à rencontrer. C’est à une autre cadence, plus soutenue, mieux articulée que cet anniversaire nous convie.

    Et alors que les «faits alternatifs» sont devenus une arme de communication, que le mot démocratie prête maintenant le flanc à des définitions complaisantes favorables à ses pires opposants, que les idéologies haineuses trouvent une place grandissante dans l’espace public, que les enjeux de l’heure en appellent à l’engagement, à la responsabilité, à l’action, le rôle de la communication développement durable prend une dimension qui nécessite toutes les solidarités réunies.

    Ce livre est un plaidoyer pour une communication ouverte, plurielle qui n’élude ni la complexité des situations ni la pluralité des voix.

    PARTIE 1 /

    ANCRAGES

    CHAPITRE 1 /

    De Silent Spring aux Objectifs de développement durable de l’ONU

    Quelques repères dans l’évolution des communications

    Thérèse Drapeau

    En 2015, plus de 150 chefs d’État et de gouvernement se sont engagés dans un vaste plan d’action devant mener à un monde meilleur pour tous d’ici 2030¹. Les 17 Objectifs de développement durable (ODD) de l’Organisation des Nations Unies (ONU) couvrent tous les domaines (éducation, pauvreté, santé, environnement).

    Ces ODD sont ambitieux, ils le sont même davantage que les huit Objectifs du Millénaire qui les ont précédés (2000-2015)². Ils mobilisent les États, les organismes internationaux et le secteur privé autour de mesures concrètes qui, à défaut d’être assorties de sanctions, font l’objet de redditions de comptes volontaires qui ont souvent valeur d’exemples. Pour les communicateurs des secteurs publics et privés, les organisations non gouvernementales (ONG) et les groupes de citoyens qui y adhèrent ou veulent y contribuer, cela représente un immense défi de sensibilisation, d’information et de vulgarisation.

    La route des communications est jalonnée d’initiatives novatrices mises en place à partir de la deuxième moitié du XXe siècle en matière d’éthique et de déontologie³. La nature des enjeux préoccupants pour le public, enjeux environnementaux et de santé publique, a exigé des professionnels en communication et des gestionnaires une adaptation constante pour répondre à ces préoccupations. Plusieurs événements dramatiques ont accéléré la cadence tandis que la mondialisation des enjeux en a élargi la portée.

    Devant l’ampleur des enjeux qui entourent la communication sur le développement durable, on comprend de mieux en mieux l’importance d’une grande maturité et d’une compétence éprouvée en communication pour interpréter les enjeux du développement durable, en saisir l’intérêt pour le public et répondre à ses besoins d’information pour contribuer à l’opérationnalisation de ce vaste projet de société. Cette compétence reste à perfectionner pour plusieurs tandis qu’il faut aussi outiller les nouveaux communicateurs et mettre à jour les compétences des praticiens d’aujourd’hui.

    De plus, avec la prise de parole affirmée des groupes de pression et l’avènement des médias sociaux, communicateurs et citoyens jouent à armes égales dans l’arène des débats publics, moyennant bien sûr l’accès partagé aux connaissances de base sur des enjeux souvent complexes. La collaboration avec toutes les parties prenantes est incontournable.

    Dans ce chapitre, nous présenterons un survol des faits saillants des 50 dernières années dans le domaine de l’environnement et du développement durable. Cela nous permettra d’aborder les communications de crise et du risque ainsi que les communications environnementales, scientifiques et responsables pour en mesurer l’évolution et amorcer une réflexion pour des communications pertinentes et efficaces sur le développement durable. Nous terminerons par des constats et des perspectives pour l’avenir.

    1 /Les années 1960 et 1970: éveil du public aux enjeux environnementaux

    On établit généralement le déclencheur de la conscience environnementale des médias et du public, principalement nord-américains, avec la publication en 1962 du livre-choc Silent Spring de Rachel Carson⁴. Largement commenté et cité par les médias, ce livre situe l’enjeu des pesticides au cœur d’un écosystème non seulement environnemental, mais aussi économique et social. Il dénonce les intérêts de l’industrie chimique combinés à la lâcheté des gouvernements et souligne l’urgence d’agir, ce qui aboutira, en 1972, à l’interdiction du DDT aux États-Unis.

    À la même période, le Club de Rome publie le rapport Halte à la croissance⁵ qui dénonce les impacts de la croissance économique et démographique sur l’avenir de l’humanité et de l’environnement. En 1972 se tient également à Stockholm (Suède) la première grande conférence internationale sur l’impact des activités humaines sur l’environnement et les risques posés pour l’humanité, présidée par le Canadien Maurice Strong. Ce Sommet de la Terre, qui se répétera tous les dix ans, a consacré la légitimité des préoccupations environnementales, ce qui s’est reflété depuis dans la couverture média et les sondages auprès de la population.

    1.1 /Catastrophes environnementales

    À la fin des années 1970, deux événements ébranlent durablement la confiance des Américains à l’endroit des gouvernements quant à leur capacité à gérer des risques environnementaux: la contamination de Love Canal (N. Y.), un site hautement contaminé par la Hooker Chemical Company, qui entraîne l’évacuation de près de 1 000 familles et, en 1979, l’accident de Three Mile Island (Pennsylvanie) qui provoque une crise de confiance à l’égard des mesures de sécurité des centrales nucléaires.

    En 1970 démarre au Canada une longue saga provoquée par le naufrage d’une barge de la compagnie Irving Oil chargée de 4 200 tonnes de mazout lourd (bunker C) au large du golfe du Saint-Laurent. Le déversement de 1 100 tonnes de mazout qui s’est ensuivi a souillé les rives des Îles-de-la-Madeleine sur une longueur de près de 80 km. Pendant des années, une partie résiduelle de la cargaison s’est échappée de la barge, posant une grave menace pour l’environnement. En 1995, lors des démarches entreprises pour en effectuer le renflouement, on découvre la présence d’un système de chauffage en circuit fermé contenant près de 7 000 litres d’un liquide à base de BPC utilisé à l’origine pour maintenir la fluidité de son contenu. Cette nouvelle a alarmé davantage la population, mais après de longues et tumultueuses consultations publiques, la barge Irving Whale est enfin renflouée le 31 juillet 1996. Tous les intervenants dans cette opération en ont tiré de précieuses leçons de communication et de relations avec les parties prenantes.

    En Europe, le mouvement soixante-huitard, la remise en question de la consommation effrénée, la diffusion d’images d’oiseaux englués à la suite de déversements pétroliers, comme celui du Torrey Canyon au Royaume-Uni (1967) et de l’Amoco Cadiz en Bretagne (1978), ainsi que la naissance de mouvements militants tels Les Amis de la Terre (1969) mettent les enjeux environnementaux à l’avant-scène. La communication est au cœur des débats et des manifestations.

    1.2 /Craintes et méfiance à surmonter

    Dans les années 1970 se développe le syndrome «pas dans ma cour⁶», réponse frileuse mais compréhensible des citoyens aux dangers de la pollution associée particulièrement à l’industrie chimique et aux déchets dangereux. Les médias sensationnalistes alimentent cette peur, et les communicateurs demeurent en réaction, prenant rarement les devants pour renseigner et rassurer la population. Les gouvernements se réfugient derrière une approche législative à l’efficacité toute relative, tandis que l’industrie tente de se refaire une virginité par des efforts de communication parfois précurseurs de ce qui deviendra de l’écoblanchiment.

    L’inquiétude des premiers écologistes sera pleinement justifiée dans les décennies suivantes alors que se produira une suite scandaleuse de catastrophes environnementales qui auraient souvent pu être prévenues. Notre mémoire collective partage les souvenirs de dérapages de l’industrie chimique (Seveso en 1976 et Bhopal en 1984), mais aussi les préoccupations mondiales à l’égard de la perte de la biodiversité, de l’amincissement de la couche d’ozone, de l’exploitation abusive des ressources non renouvelables, de la pollution de l’air, des sols et de l’eau, ainsi que de la gestion inconséquente des déchets dangereux. Sans compter le risque nucléaire qui se manifestera à nouveau lors du désastre de Tchernobyl en 1986 et dont les impacts affectent encore les populations déplacées, exposées et malades des suites de l’explosion et de la contamination résiduelle.

    2 /Les années 1980-1990: nouvelles pratiques communicationnelles

    2.1 /Penser globalement, agir localement

    La complexité des enjeux et leur mobilité entre les frontières amènent de nouveaux défis et de nouvelles approches de gestion. Avec la création du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en 1972, on adopte de nombreuses conventions internationales⁷ qui influencent à leur tour les instances nationales. Se dotant de ministères de l’environnement, certains États passent d’une approche législative et coercitive à une approche de prévention de la pollution à la source impliquant le secteur privé.

    Cette nouvelle gouvernance accroît la pression sur les communicateurs, augmente l’obligation de rendre compte et stimule l’intérêt des médias pour les questions environnementales. Au Canada et au Québec, comme ailleurs, le public devient concrètement partie prenante par exemple par la création du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (1978), l’adoption de la Loi canadienne sur l’accès à l’information (1985), l’Inventaire national des rejets de polluants (1993), etc.

    Par ailleurs, plusieurs lois et plans d’action⁸ adoptés par les gouvernements sur l’environnement sont accompagnés d’engagements envers la sensibilisation, l’information et l’éducation tant à l’interne qu’à l’externe. Malheureusement, les professionnels en communication manquent d’expertise et d’influence pour faire respecter ce type d’engagements…

    La manière d’aborder les problèmes environnementaux évolue aussi pour les scientifiques. Par exemple, dès le début des années 1980, à Environnement Canada, l’enjeu des pluies acides prend une telle ampleur qu’on parle désormais de Transport à grande distance de polluants atmosphériques (TAGDPA). Un groupe multidisciplinaire est alors formé comprenant des biologistes, météorologues, chimistes, experts en patrimoine bâti, etc. Il était devenu clair qu’aucun plan d’action ne pouvait être envisagé avant d’avoir partagé les connaissances sur la source des émissions, leurs trajectoires, leur interaction avec le milieu, leurs impacts, etc. À travers le monde, les gouvernements et les scientifiques affrontent de la même manière le problème du smog, de l’amincissement de la couche d’ozone, du transport international des déchets dangereux, de la prévention des déversements maritimes et bien sûr des changements climatiques. En matière de communication, les professionnels emboîtent le pas…

    2.2 /Communication du risque

    Dans les années 1980, de nouvelles crises environnementales surviennent à travers le monde. Au Québec se succèdent l’incendie d’un entrepôt de BPC à Saint-Basile-le-Grand (1988), puis celui d’un vaste site d’entreposage de pneus usagés à Saint-Amable (1990). La crise autour de l’élimination des stocks de BPC donne lieu à diverses mesures et divers règlements et à des consultations publiques très médiatisées.

    Ces événements galvanisent l’opinion publique. Nombre de professionnels en communication font leur apprentissage de ces nouvelles réalités sur le terrain. Tour à tour personnes-ressources pour les médias et formateurs de porte-parole spécialisés, ils apprennent les bases essentielles du dialogue avec les populations et les groupes environnementaux. Ces derniers doivent aussi s’investir dans un processus de communication et de consultation avec lequel ils ne sont pas au départ familiers ou pour lequel ils ne disposent pas des ressources nécessaires.

    Les États se dotent d’outils législatifs et de comités de réflexion pour faire face à ce type de situation, ce qui a donné lieu à toute une génération d’experts dont Patrick Lagadec, chercheur français spécialiste de la gestion de crise et de la gestion du risque, qui depuis 1981 a publié nombre d’ouvrages sur ces questions.

    Les États-Unis ne sont pas en reste et encadrent la communication du risque. Le US National Research Council la définit ainsi:

    La communication de renseignements sur les risques est maintenant définie comme un processus interactif, fondé sur l’échange de renseignements et d’opinions entre des particuliers, des groupes et des institutions. Ce processus comprend la transmission de nombreux messages concernant la nature du risque, ainsi que d’autres messages qui ne concernent pas seulement le risque et qui ont pour but d’exprimer les inquiétudes, les opinions, ou les réactions que suscitent les messages relatifs aux risques ou les dispositions légales ou institutionnelles relatives à la gestion du risque (Conseil pour la réduction des accidents industriels majeurs [CRAIM], 2002, p. 53).

    En Amérique, Vincent Covello, fondateur du Center for Risk Communication⁹ et conseiller en situation de crise à l’échelle mondiale, se fait le promoteur de théories sur la notion, la perception et la gestion du risque. Il affirme que la perception du risque n’est pas toujours en adéquation avec les risques eux-mêmes, sur ou sous-estimés, qu’il s’agisse de substances toxiques ou des dangers liés à la cigarette par exemple.

    Covello a identifié pas moins de 47 facteurs qui influencent la perception des risques. Le Guide de gestion des risques d’accidents industriels majeurs à l’intention des municipalités et des industries en décrit sept: risque volontaire ou non, risque naturel ou technologique, crédibilité des organisations, compréhension des risques, phénomène d’association, équité et morale, et enfin, contrôle de la situation (Drapeau et al., 2002, p. 55). Le Guide fournit des exemples d’applications concrètes et incite les communicateurs et gestionnaires de crise ou de situation d’urgence à en tenir compte lors de leurs interventions avec le public et les médias.

    Covello résume en quatre étapes l’évolution de la communication du risque: paternalisme et ignorance des préoccupations du public, apprentissage d’une meilleure communication avec les médias et vulgarisation des données pour le grand public, puis début du dialogue avec les collectivités, surtout avec les parties prenantes intéressées et même hostiles, ce qui implique une réelle écoute des citoyens. À la quatrième étape, on a en principe pleinement assumé le dialogue, accepté le public comme partenaire à part entière et admis que cette démarche peut entraîner des changements dans la culture et les valeurs de l’organisation. Bien sûr, entre la théorie et la réalité, Covello reconnaît qu’il y a des embûches, mais il conclut de façon optimiste:

    If this fourth stage is ever fully realized, risk communication will turn out to have been even more revolutionary an idea than we first thought. We knew that it was going to alter the ways in which the public deals with organizations about risk, and in which organizations deal with the public. What we did not realize was that it would transform the way organizations think of themselves as well. We have discovered, at the most fundamental level, that engaging in meaningful, respectful, and frank dialogue with the public involves changes in basic values and organizational culture (Covello et Sandman, 2001).

    Ces débats sur la communication du risque influencent progressivement le secteur privé qui s’interroge, sous l’œil attentif de ses actionnaires, des médias et du public, sur une utilisation plus judicieuse des ressources et sur ses communications avec les citoyens.

    2.3 /Planification stratégique des communications

    Les communications de crise ne doivent pas faire oublier le profond changement qui s’est opéré dans les organisations, plaçant désormais le professionnel des communications aux côtés des gestionnaires pour la planification stratégique, tout autant dans le secteur public que dans le secteur privé. L’analyse de l’état de l’environnement public aborde des thèmes sensibles et d’actualité tels que la protection de l’environnement, les énergies fossiles et renouvelables, les enjeux liés à l’éducation, la santé, l’égalité de genres et de cultures, etc. Il devient essentiel de prévoir les changements sociaux et les impacts sur les orientations stratégiques, et la planification des activités et interventions des entreprises et du secteur public.

    La fonction «affaires publiques» s’intègre dans les organigrammes sur le même pied que les autres postes de direction. L’éventail des parties prenantes s’élargit bien au-delà des actionnaires et comprend désormais l’ensemble des groupes et individus impliqués à un moment ou à un autre dans le cycle de production des entreprises et du secteur public.

    2.4 /L’apport de la communication scientifique

    Les communications sur l’environnement et le développement durable constituent certes un défi de communication scientifique. L’information transmise au public est souvent fractionnée, juxtaposée, cloisonnée, alors qu’une compréhension globale des enjeux environnementaux et de développement durable exige une intégration de toutes ces données. L’interprétation et la prise de position sur ces enjeux reposent sur des connaissances multidisciplinaires et requièrent des compétences d’apprentissage parfois difficiles à acquérir, tant pour les communicateurs que pour ceux à qui ils s’adressent (lecture de tableaux complexes, vocabulaire hermétique, grande quantité d’informations à comparer, etc.).

    Communicateurs, journalistes et porte-parole doivent faire l’effort de vulgariser l’information et de tenir compte du niveau de connaissances du public et des parties prenantes ainsi que de leur volonté et de leur capacité à s’impliquer dans un débat ou un enjeu qui les concerne.

    L’écart est parfois très grand, d’abord entre les experts eux-mêmes, et aussi bien sûr avec ce que le grand public sait et comprend des dimensions techniques et scientifiques du développement durable. Même la définition du développement durable, qui fait généralement consensus chez les experts, est souvent mal comprise par le public¹⁰. Certains affirment qu’on peut y inclure tout et n’importe quoi. En vérité, on ne peut nier la complexité de ce concept. Il repose à la fois sur l’écologie, la sociologie, l’économie, les sciences pures, la justice et l’équité, l’éthique et la politique et sur l’interaction entre toutes ces disciplines.

    Ces contraintes ne devraient pas justifier l’inaction en matière de communication sur le développement durable, car il y va des valeurs démocratiques et éthiques de nos sociétés engagées dans cette voie. Elles doivent cependant être prises en compte par les organismes et les entreprises dans l’élaboration et la transmission de leurs communications.

    3 /Les années 1990-2000: mobilisation et éducation relative à l’environnement

    Depuis les années 1970, le mouvement écologiste a pris de l’ampleur et s’est professionnalisé. Les médias et la population sont encore confrontés à un vocabulaire qui fait peur (DDT, pesticides, mercure, BPC, HFCs, dioxines, furannes, etc.) et à l’ampleur insoupçonnée des impacts de la pollution dans leur environnement et au-delà des frontières. On intègre l’éducation relative à l’environnement¹¹ aux campagnes de sensibilisation gouvernementales et aux programmes scolaires. Au cours des années 1990, l’environnement a la cote: les colloques et conférences se multiplient; des ouvrages et des articles sont publiés; les gestionnaires et communicateurs mettent à jour leurs connaissances et leurs approches de communication.

    La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (Rio, 1992) se conclut par un engagement à l’échelle internationale envers les principes du développement durable et souligne clairement le rôle des acteurs en communication et en éducation. Dix ans plus tard, le Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg réaffirme l’importance de la sensibilisation, de l’éducation, de l’information et de la concertation dans une Déclaration et un ambitieux plan d’action¹².

    La communication en matière de responsabilité sociale et de développement durable fait peu à peu son entrée dans les grandes entreprises. Les gestionnaires et les professionnels de la communication doivent s’adapter. Ils vont progressivement devoir valoriser l’écoute, le dialogue et l’échange avec les parties prenantes sur une base de respect, de confiance et de compréhension mutuelles.

    4 /Du côté des médias

    Le travail des journalistes a également bien changé dans les 50 dernières années. L’information rapportée sur l’environnement et la science était d’abord rare et factuelle. Puis, après la lune de miel technologique de la première moitié du XXe siècle, les journalistes sont passés du Gee-Whiz Age au Watchdog Age¹³.

    Avec le temps, la profession prend du galon. On assiste à un nouveau type de journalisme, le journalisme scientifique, tant aux États-Unis qu’au Canada. Les journalistes se regroupent en association professionnelle¹⁴ et s’impliquent dans les débats sociaux incluant l’environnement et le développement durable.

    Le journaliste prend parfois parti, ce qui se traduit souvent par un préjugé favorable envers les groupes écologistes. Le secteur privé et les pouvoirs publics répliquent: relations publiques, campagnes d’information, contrôle de l’information. L’appétit du public pour les communications environnementales fluctue, mais ne se dément pas.

    Cependant, au tournant du siècle, les compressions dans les salles de nouvelles, souvent dues à la baisse des revenus publicitaires détournés vers les médias en ligne, entraînent une couverture plus superficielle d’enjeux difficiles à couvrir… tel le développement durable. De plus, les publireportages payés par l’industrie ou le gouvernement dans les quotidiens et magazines sont parfois difficiles à distinguer du contenu éditorial. Citons ici Yves Messarovitch, dans l’ouvrage collectif Communiquer sur le développement durable paru en 2005 et toujours d’actualité:

    Les générations futures pourront légitimement reprocher à la présente son manque de clairvoyance ou, plus exactement, de prévoyance, ainsi que son égoïsme coupable, disproportionné avec les enjeux. Ce ne sera pas faute de l’avoir dit et écrit dans des ouvrages et dans la presse spécialisée. Malheureusement, les médias grand public, à commencer par les journaux télévisés du soir, ne parviennent pas à s’intéresser à ces sujets qui demeurent, par défaut, des révélations pour initiés […] C’est un problème qui engage demain et pas aujourd’hui; les sujets qui s’écrivent au futur, parce qu’ils semblent relever d’une certaine fiction, ne font pas recette; il est difficile de se projeter dans le futur lorsque le présent – chômage, terrorisme, pouvoir d’achat – semble vous ligoter; le pire n’est jamais sûr (Messarovitch, 2005, p. 225).

    Fluctuant beaucoup depuis les années 1970, la cote de l’environnement dans les médias est de plus en plus en chute libre. Les rencontres internationales sur les changements climatiques et l’impact environnemental des grandes catastrophes (séismes, tsunamis et ouragans) attisent cependant l’intérêt des médias et du public de manière ponctuelle et font l’objet de débats animés. Une analyse d’Influence Communication, une firme canadienne de surveillance et d’analyse des médias, confirme cette baisse (Influence Communication, 2016). En 2016, le poids des nouvelles environnementales au Québec ne comptait que pour 2,4% des grands thèmes couverts par les médias (1,35% au Canada et 1,36% dans le monde). Cependant, les changements climatiques figurent toujours en bonne place parmi les 25 nouvelles les plus rapportées de 160 pays avec 3,58%. Au Québec, parmi les sujets traités sous le thème de l’environnement en 2015, le développement durable arrivait au 3e rang avec 14% des nouvelles après la question de l’eau (18%) et des changements climatiques (17%).

    L’analyse de la couverture de presse révèle que les environnementalistes jouissent d’une grande crédibilité et que leurs propos sont volontiers repris par les médias. Du côté des promoteurs de grands projets et du politique, la collaboration avec les médias est souvent tiède, par manque de transparence ou par calcul stratégique, ce qui peut entraîner une hausse du cynisme des citoyens. Difficile dans ces circonstances d’avoir des débats éclairés et des communications efficaces sur le développement durable.

    5 /Communicateurs responsables au XXIe siècle

    Encore en évolution, la communication sur le développement durable exige un constant processus d’apprentissage pour rester à jour sur les nombreux enjeux qui se succèdent et elle requiert de la part de toutes les parties prenantes une adaptation en continu, tout autant sur le plan des contenus que sur celui de la forme. Les nouvelles technologies de l’information ont pour leur part augmenté la charge de travail des communicateurs et des médias tandis que le flux croissant de l’information sur une grande variété de plateformes relativise l’importance des nouvelles d’une journée, même d’une heure à l’autre.

    Cependant, certaines valeurs fondamentales sont au cœur de ce processus qui donne à l’éthique tout son sens pour créer et entretenir des relations de confiance. Comme le décrit David Ticoll:

    la transparence est la dimension centrale de toute stratégie d’affaires dans une perspective de développement durable […] Et c’est ici que les professionnels de relations publiques et en communications peuvent devenir des intervenants importants pour assurer la réussite d’une telle stratégie. Ils doivent aider les dirigeants à comprendre le processus et veiller à leur engagement tout au long de celui-ci. Les relations publiques jouent donc un rôle d’éclaireur, tant dans la démarche d’identification et de quête de l’information auprès de parties prenantes que dans l’engagement et la collaboration bidirectionnelle et continue auprès de la direction et des publics ciblés (Ticoll, 2007, p. 99).

    Au fil des ans, une réelle préoccupation pour des pratiques basées sur les principes d’une communication responsable apparaît chez les communicateurs. Ainsi en 2012, lors d’un sondage mené auprès des communicateurs professionnels français par Communication & Entreprise – Ujjef, la majorité avait une opinion assez claire et pertinente de ce que sont les principales dimensions de la communication responsable. Ainsi, 84% ont identifié l’attention portée à la véracité des messages et images livrés et à leur perception par leurs publics, 53% ont mentionné l’éco-socio-conception des supports de communication et actions de communication, 51% ont opté pour l’intégration des parties prenantes aux actions de communication, 38% pour la communication sur les actions de communication de l’organisation en développement durable, 28% pour la lutte contre le greenwashing¹⁵ publicitaire et 14% pour l’engagement de l’organisation dans des actions de mécénat. Cependant, 42% avouaient que l’engagement en faveur de la communication responsable n’était pas encore tout à fait développé (Communication & Entreprise – Ujjef, 2012).

    Dans les organisations toutefois, la communication sur le développement durable et la responsabilité sociale est encore souvent cosmétique et véhicule des messages convenus sur l’écologisation des opérations, le recyclage et la récupération. Plusieurs organisations s’affichent responsables socialement, mais ne le démontrent que par des activités philanthropiques (dons, commandites et manifestations de bienfaisance) et divers événements publics. L’entreprise qui met de l’avant ses communications sur le développement durable le fait souvent plus pour en retirer des bénéfices en termes de notoriété et d’image de marque que pour communiquer une démarche intégrée en développement durable, incluant ses retombées dans la collectivité sur les plans social, économique et environnemental.

    Dans ce contexte, il est certes essentiel de rechercher et d’adapter au besoin les meilleurs modèles de communication en matière de responsabilité sociale et de développement durable. On peut ainsi s’inspirer de mesures très concrètes partagées par les entreprises membres du Pacte mondial de l’ONU sur la base de la prise en compte de dix principes sociaux et environnementaux à intégrer dans les stratégies et plans d’action en développement durable¹⁶. Cette approche par principes, fortement recommandée aux institutions gouvernementales par le commissaire à l’environnement et au développement durable du Québec (2009-2016), M. Jean Cinq-Mars, dans son rapport du printemps 2015 (Cinq-Mars, 2015), permet une reddition de comptes et une communication éclairante sur l’état d’avancement des stratégies de développement durable des organisations.

    Par ailleurs, l’échange de bonnes pratiques au sein de regroupements professionnels se développe de plus en plus comme l’ont fait les musées québécois en se dotant d’une charte¹⁷ et d’un guide de bonnes pratiques en la matière¹⁸. Des forums de discussions en ligne regorgent aussi de thèmes pertinents pour communiquer sur le développement durable. Citons à cet égard le Portail mondial sur la consommation et la production durables du PNUE1¹⁹ accessible à tous sans frais et en constante évolution.

    Il est maintenant acquis que la communication est la clé de voûte de ce vaste projet commun et planétaire qu’est le développement durable. Pour qu’elle le demeure, elle devra poursuivre l’élargissement de ses horizons, renforcer ses engagements dans un monde de tensions et de crises récurrentes et ne faire aucun compromis sur son authenticité, tout en gardant le cap sur les objectifs rassembleurs que constituent les ODD.

    Bibliographie

    Baillargeon, S. (2015). «Le vert dans les médias, comment l’information traite l’environnement et vice versa», Le Devoir, 18 avril, <http://www.ledevoir.com/societe/medias/437530/le-vert-dans-les-medias>, consulté le 2 octobre 2017.

    Cinq-Mars, J. (2015). Rapport du commissaire au développement durable, Rapport du Vérificateur général du Québec à

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