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Recherche : sorcière
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Livre électronique425 pages5 heures

Recherche : sorcière

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À propos de ce livre électronique

Darcy Merriweather et sa soeur, Harper, sont originaires d’une longue lignée de sorcières qui ont le pouvoir d’exaucer des souhaits en se servant de sorts. Elles arrivent dans le Village enchanté, à Salem, au Massachusetts, pour se joindre à l’entreprise familiale; mais elles sont rapidement plongées jusqu’au cou dans une histoire de meurtre...

Jusqu’à récemment, Darcy et Harper enchaînaient les petits emplois sans avenir et essayaient de mettre les troubles de leur passé derrière elles. Puis leur tante Velma leur apprend une nouvelle explosive : elles sont en réalité des artisanes de souhaits — des sorcières qui ont le pouvoir d’exaucer des souhaits simplement en jetant un sort. Comme elles souhaitaient repartir à zéro, elles déménagent avec leur tante, dans la ville touristique consacrée au monde de la magie, afin d’apprendre à maîtriser leurs dons.

Mais leur magie les laisse tomber lorsqu’une pseudosorcière est trouvée morte — étranglée
par le foulard de tante Ve — alors que l’amoureux de tante Ve est surpris tout près du corps. Ve soutient son homme; mais Darcy a entendu Sylar souhaiter que la victime disparaisse — pour toujours. Alors qu’Harper est distraite par son séduisant nouvel amour, Darcy est déterminée à jouer les détectives pour découvrir la vérité. Mais il faudra bien plus qu’un souhait pour résoudre ce mystère…
LangueFrançais
Date de sortie14 août 2017
ISBN9782897677985
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    Aperçu du livre

    Recherche - Heather Blake

    Chapitre 1

    Je n’ai généralement pas l’habitude de marcher furtivement à travers des maisons étranges à la faveur de la nuit.

    Plutôt troublant, c’est le moins qu’on puisse dire, et je me sentais de mauvais poil. Ma tenue ne faisait qu’ajouter à mon malaise. Le maillot de satin à volants froufroutants, le tutu de tulle et les chaussons de danse roses n’avaient rien à voir avec mes jeans et mon T-shirt habituels.

    Et savoir que chacun de mes mouvements était surveillé de près était loin de m’aider.

    Alors que je grimpais les escaliers de bois vieilli d’une grande maison située sur la côte de Salem, au Massachusetts, Amanda Goodwin me suivait, accompagnée de sa belle-mère, Cherise, qui fermait la marche. Dès mon arrivée, elles m’avaient conduite directement à l’étage, leurs yeux étincelants, comme deux petites filles qui allaient jeter un coup d’œil au père Noël sans se faire remarquer. Au sommet de l’escalier, un long couloir se ramifiait en quatre chambres. La porte de l’une de ces chambres était fermée. Des lettres moulées à pois roses et noirs attachées au lambris de bois annonçaient ma destination : la chambre de Laurel Grace Goodwin.

    — Avez-vous déjà fait ça avant, Mademoiselle Merriweather ? demanda doucement Amanda en tirant sur mes ailes diaphanes. Jouer la fée des dents ?

    Avec ses jeans à la mode, son débardeur perlé, et ses sandales d’inspiration grecque, j’avais immédiatement jaugé Amanda comme une maman poule branchée de banlieue. Une blonde naturelle, elle portait ses cheveux longs et droits, séparés par une raie au milieu. Beaucoup de brillant à lèvres et de mascara, mais pas grand-chose d’autre.

    Je souris, en essayant de cacher ma nervosité.

    — S’il vous plaît, appelez-moi Darcy et, oui, c’est ma première fois.

    J’espérais vraiment que ce serait ma dernière. Le tulle et moi, nous n’allons pas bien ensemble. En dépit de la mince protection d’une paire de collants, j’avais de violentes démangeaisons dans les jambes.

    — Eh bien — Cherise avait le fort accent de Boston de quelqu’un qui était né et avait grandi dans cette région — ta tante Velma te recommande fortement, et nous lui faisons confiance sans réserve, à elle autant qu’à Comme vous le souhaitez.

    Je travaillais pour l’entreprise de ma tante Ve, Comme vous le souhaitez, depuis seulement deux semaines. La compagnie intégrait les tâches d’assistant personnel virtuel et celles d’un service de conciergerie personnel. Les demandes de nos clients étaient variées, souvent complexes, et parfois tout simplement bizarres. Il y avait des tâches administratives, et des courses, des achats de cadeau, une paire de mains supplémentaires pour nettoyer une maison en désordre, et beaucoup, beaucoup plus. La devise de Comme vous le souhaitez, c’était qu’aucune demande n’était trop importante ou trop insignifiante, et qu’aucun travail n’était impossible — comme le prouvait le fait que je me tenais devant les Goodwin et que je ressemblais à un personnage qui sortait tout droit d’un conte de fées.

    Je fis passer mon sac à main de velours à cordon d’une main à l’autre, et je remarquai que je laissais derrière moi une traînée de paillettes qui étincelaient sur les riches planchers de chêne foncé.

    Courte et agréablement dodue — des cheveux très dégradés et crêpés blancs comme neige qui lui allaient jusqu’au menton — Cherise portait un peu trop de maquillage, et un peu trop d’accessoires ; comme plusieurs colliers de perles et de lourdes boucles d’oreilles en forme de chandelier.

    — J’étais contente d’apprendre que vous et votre sœur vous aviez emménagé avec Velma. Je suppose qu’elle doit être heureuse de partager l’entreprise familiale avec vous ?

    Ve m’avait expliqué qu’elle et Cherise étaient de vieilles amies, mais qu’elles ne s’étaient pas parlé depuis un moment. Tout de même, je n’étais pas le moindrement surprise que Cherise soit au courant de mon arrivée au Village enchanté, le quartier de Salem, unique en son genre, où habitait ma tante.

    Une nouvelle sorcière en ville ne passe pas inaperçue, dans ces régions.

    Deux nouvelles sorcières ? Les rumeurs volent plus vite que certains balais.

    Soit que Cherise allait à la pêche aux ragots ou qu’elle était sincèrement curieuse de savoir si ma sœur, Harper, et moi étions conscientes du fait que l’entreprise familiale à laquelle elle se référait n’était pas le point de vente physique de Comme vous le souhaitez, mais le fait que nous pouvions effectivement exaucer des vœux par le moyen de sortilèges.

    Sa question était raisonnable. Jusqu’à il y a trois semaines, Harper et moi habitions en Ohio, et nos vies ne ressemblaient en rien à ce que nous aurions pu imaginer. Lorsque nous avons reçu une note de tante Ve qui nous demandait si elle pouvait nous rendre visite parce qu’elle avait quelque chose d’important à nous dire, nous ignorions alors à quel point nos vies allaient changer. En moins d’une semaine, nous avions emballé le peu que nous possédions et avions déménagé au Village enchanté.

    — Nous sommes heureuses d’être ici.

    Eh bien, moi je l’étais. Harper était toujours en train de s’adapter.

    Laisser derrière moi mon divorce (désastreux), mon incapacité à trouver un emploi décent, et sortir Harper de l’Ohio avant qu’elle ne cause plus d’ennuis, avait peut-être constitué l’incitation parfaite pour déménager ; mais l’apprentissage de cet art qui fait partie de notre héritage de la sor­cellerie — dans le cas de ma famille, il s’agissait des lois des artisans de souhaits —, était désormais une priorité. J’étais toujours en train d’apprendre les lois de notre art, et tous les tenants et aboutissants qui accompagnent la révélation selon laquelle je suis une sorcière.

    Heureusement, certaines lois étaient faciles à retenir. Comme le fait que je ne peux pas souhaiter ou empêcher la mort de qui que ce soit. Ou nuire à tout amour véritable. Ou le fait qu’un artisan de souhaits ne peut exaucer ses propres souhaits (ou ceux des autres artisans de souhaits). Je ne peux pas solliciter ou refuser d’exaucer un souhait sans subir des conséquences graves. Cependant, la règle la plus importante de toutes, c’est que je (ou tout artisan, en l’occurrence) ne peux révéler à un mortel la vérité sur mes pouvoirs, sinon je risque de perdre pour toujours mes capacités d’exaucer des souhaits.

    Malheureusement, certaines des lois étaient un peu nébuleuses. Comme celle sur les souhaits au sujet de l’argent — exaucer le souhait signifiait que l’argent allait être enlevé à quelqu’un d’autre. Pour suivre le principe de base des artisans qui disait « Ne nuis pas », les lois des artisans de souhaits exigeaient aussi que seuls les souhaits motivés par un cœur pur soient exaucés. Comment on évaluait effectivement les motivations, cela demeurait pour moi un mystère.

    Cherise persistait.

    — Comment est-ce, de travailler pour Comme vous le souhaitez ?

    Les Goodwin étaient des artisanes guérisseuses, des sorcières dotées d’un pouvoir de guérison. Apparemment, elles étaient de surcroît assez curieuses.

    — Ça va bien, dis-je. Jusqu’à présent, cette semaine, j’ai trouvé des billets à guichet fermé pour le spectacle de ce soir des Boston Pops, j’ai fabriqué un panier-cadeau pour un basset qui se rétablit d’une opération, j’ai fait des recherches en ligne pour trouver un roman épuisé, et maintenant ceci.

    Je fis signe vers mon costume. Je ne mentionnai rien au sujet de l’art des souhaits, et sur la façon dont j’avais utilisé un sort pour aider un client à obtenir des billets de dernière minute sur un vol pour Paris qui affichait complet. Il a ainsi pu surprendre sa petite amie avec une escapade de fin de semaine.

    Comme vous le souhaitez était une entreprise populaire qui réussissait très bien. La plupart des demandes reçues étaient réalisées grâce à un travail acharné et une farouche détermination. Mais, parfois… parfois, il fallait de la magie pour réussir le travail. Souvent, à cause du nom de la boutique, les gens se contentaient d’exprimer des souhaits, ce qui facilitait beaucoup notre tâche. À d’autres moments, il était avantageux pour nous de rechercher l’aide d’autres artisans et de leurs capacités uniques.

    Mais les mortels, qui constituaient la majorité de nos clients, ignoraient que nous utilisions de la magie. Et bien que le client moyen n’aurait pas été surpris que quelque chose de mystique ait lieu dans un endroit appelé le Village enchanté, tante Ve n’était pas prête à prendre le risque de divulguer les pouvoirs de notre famille, surtout après qu’un de nos ancêtres ait failli se faire brûler sur le bûcher.

    — Eh bien, vous faites une belle fée des dents, dit Amanda pendant qu’une horloge grand-père faisait ding-dong à l’autre bout du couloir.

    Il était 21 h. Je devais me hâter, sinon je serais en retard pour la réunion d’urgence du village qui devait commencer à 21 h 30. Ve avait insisté pour qu’Harper et moi y assistions. Notre tante en était toujours à nous présenter aux gens du village et elle avait hâte que nous nous acclimations. Il n’y avait rien qu’elle voulait plus que de nous voir nous enraciner solidement parmi les autres artisans. En fait, ça, et reprendre le flambeau de Comme vous le souhaitez à sa retraite.

    — Ça vous dérange si je filme ? demanda Cherise, qui tenait une petite caméra vidéo. Pour mon fils ? Il ne pouvait pas être ici ce soir.

    — Je suis désolée, dis-je. Nous ne permettons pas l’enregistrement vidéo de nos services.

    Pour une bonne raison. À la caméra, les artisans de souhaits émettaient une lueur aveuglante, une aura blanche. Ce qui expliquait, après toutes ces années, pourquoi il n’y avait pas de photos de bébé d’Harper et moi, et pourquoi chaque photographie où nous nous trouvions était toujours « surexposée ».

    J’étais surprise de voir que Cherise ait posé la question. N’était-elle pas au courant des auras ? Je pensai qu’il ne faudrait pas oublier de demander à Ve ce que les artisans savaient les uns sur les autres et sur leurs limites. À quel point se faisaient-ils mutuellement des cachettes ?

    Il n’était certainement pas question d’autoriser les caméras. Non pas que je me reconnaîtrais maintenant avec tout le maquillage agencé à mon déguisement et les paillettes que je portais. Pour ressembler à une fée, il avait fallu beaucoup d’efforts, et d’étonnants faux cils.

    — Dennis était le bienvenu ici ce soir, Cherise.

    Les joues d’Amanda rougirent.

    — Il a refusé. C’est tant pis pour lui.

    — Il est têtu, dit Cherise. Tu le sais.

    J’essayai de me fondre dans les boiseries — plutôt difficile, quand on ressemble à un immense bâton scintillant de barbe à papa. La dernière chose que je voulais, c’était d’être impliquée dans une dispute familiale. J’étais déjà passée par là.

    Amanda avait dû sentir mon malaise.

    — Je suis désolée, dit-elle. Mon mari et moi nous sommes séparés récemment. Je suis certaine que vous n’avez pas besoin des détails sanglants. Qu’il suffise de dire que c’est lui qui est parti.

    J’avais le cœur lourd pour elle. J’étais beaucoup mieux sans mon ex, mais il m’avait fallu deux ans pour m’en rendre compte. Les sourcils de Cherise se levèrent.

    — Il est très têtu.

    Amanda lui lança regard irrité.

    — D’ailleurs, si tu t’en souviens, au départ, c’est sa faute si nous avons dû contacter Comme vous le souhaitez.

    Ce matin, Comme vous le souhaitez avait reçu un appel affolé de Cherise, qui avait besoin d’embaucher quelqu’un pour jouer la fée des dents. La fille d’Amanda, la petite Laurel Grace de cinq ans, avait perdu sa première dent, et elle avait été excitée à l’idée de l’arrivée de la fée — jusqu’à ce que son père lui dise que ça n’existait pas.

    Tante Ve, qui avait pris l’appel, avait tout simplement estimé que le travail me convenait parfaitement. J’avais mes doutes. Surtout après avoir aperçu les ailes diaphanes et les collants roses. Sans oublier le terrible tulle.

    Cherise paraissait peinée.

    — Il n’a pas réfléchi, expliqua-t-elle. Une fois qu’il s’est rendu compte de ce qu’il avait dit, il a essayé de convaincre Laurel Grace qu’il s’agissait d’une plaisanterie, mais le mal était fait.

    — Ce n’était pas la première fois, murmura Amanda.

    — Je souhaite simplement que…, commença Cherise.

    Je retins mon souffle et j’attendis. Chacun de mes nerfs était en état d’alerte, hérissé, picotant, prêt à réagir. L’adrénaline surgit, et m’envahit.

    — Je souhaite simplement…

    Elle hocha la tête.

    — Peu importe.

    Je relâchai le souffle que je retenais.

    — Les enfants de cinq ans ne devraient pas devoir grandir si vite, dit Amanda en se tordant les mains. Darcy, il faut que vous la convainquiez que, parfois, les adultes peuvent se tromper. La dernière chose que nous voulons qu’elle pense, c’est qu’il n’y a pas de magie, surtout quand elle ne connaît pas encore son métier.

    — Je vais certainement faire de mon mieux, dis-je. On essaie ?

    Tante Ve m’avait expliqué exactement ce que je devais faire. Je repassai ses instructions dans ma tête pendant que je tournais lentement la poignée de la porte de la chambre de Laurel Grace. Je retins mon souffle et j’entrai.

    Des rayons de lune glissaient à travers les rideaux rayés, et répandaient une lumière tamisée dans la pièce. Les murs étaient peints rose pastel avec des contours et des détails blanc crémeux. Il y avait partout des touches de vert pâle, des rideaux au fauteuil rembourré dans le coin, jusqu’à la couette sur le lit. Des animaux en peluche débordaient d’un coffre à jouets, des livres étaient empilés sur une étagère d’angle, et une maison de poupées remplie de délicates miniatures était placée bien en évidence sur une petite table au milieu de la pièce.

    Je tournai mon attention vers le lit à baldaquin. Nichée sous une couette légère, Laurel Grace dormait sur son côté. Je m’approchai furtivement. Des bouclettes blondes se répandaient sur une taie d’oreiller garnie de dentelle. Détendu par le sommeil, son petit visage était angélique et paisible.

    Je savais qu’Amanda et Cherise étaient tapies près de la porte alors que je glissais soigneusement ma main sous l’oreiller de Laurel Grace. Je sortis le petit coussin en forme de dent et bordé de dentelle qui avait été livré par messager plus tôt dans la journée pour que Laurel Grace y range sa dent. Je sentais la petite dent sous le tissu alors que j’apportais le souvenir à Amanda pour le lui remettre.

    Je revins ensuite vers le lit, j’ouvris mon sac à main, et j’en sortis une petite pochette en satin garni de plumes d’autruche blanches. Le nom de Laurel Grace avait été brodé en rose sur le sac. À l’intérieur, deux pièces d’or d’un dollar tintaient l’une contre l’autre. Je glissai doucement la pochette sous l’oreiller.

    Je souris dans le crépuscule, en pensant à ce qu’avait coûté cette petite dent. Deux dollars de la part de la fée des dents, cinquante dollars pour les accessoires, et cent dollars pour une demi-heure de mon temps.

    Je baissai la tête tout près de Laurel Grace et je chuchotai les mots que tante Ve m’avait fait mémoriser.

    — Bonsoir, bonsoir, petite, tu as perdu une dent, tu en perdras d’autres, place-les sous ton oreiller, et fais une douce sieste. Car cette nuit-là, tu recevras ma visite ; il te suffit de croire.

    Les paupières de Laurel Grace se pressèrent en une grimace — je ne pouvais pas la blâmer, c’était une horrible, horrible comptine — et ses yeux s’ouvrirent brusquement.

    Remplie d’une chaleur qui venait du fait que je faisais partie d’un moment si spécial, j’eus soudain des visions d’être la fée des dents la plus populaire de la région. Celle qui répand l’amour et le bonheur à travers… diable, toute la Nouvelle-Angleterre. Même le tulle ne me semblait plus aussi inconfortable.

    Laurel Grace me regarda pendant une seconde, captant sans doute la tiare, les cils, les ailes, le maquillage et les paillettes. Je me taisais, lui donnant un moment pour comprendre ce qu’elle était en train de regarder.

    Brusquement, elle se redressa, me regarda droit dans les yeux, et commença à hurler à pleins poumons. De longs cris stridents qui me blessaient les oreilles.

    — Étrangère, danger. Étrangère, dan-ger.

    Surprise, je me mis à hurler à mon tour. Amanda se précipita dans la chambre.

    — Chut, chut.

    J’ignorais si c’était à moi qu’elle parlait ou à sa fille. Je serrai très fort les lèvres, et je reculai pendant qu’Amanda s’assoyait sur le lit et prenait Laurel Grace dans ses bras pour la tenir tout près d’elle.

    — Chhh.

    — Étrangère danger ! Étran-gère dan-ger ! continuait à hurler Laurel Grace.

    — Non, non, dis-je en rassemblant mes esprits. Je ne suis pas une étrangère ! Je suis la fée des dents.

    Que le ciel me vienne en aide ! Je me mis même à tournoyer. Ma jupe se gonfla, lançant des paillettes sur le tapis.

    — Non, ce n’est pas vrai.

    Des larmes coulaient des yeux de Laurel Grace.

    Ve ne m’avait pas préparée pour ce scénario.

    — Oui, je suis la fée des dents, la rassurai-je, gonflant les couches de tulles, comme si ça aidait ma cause.

    — C’est vraiment la fée des dents.

    Cherise était assise de l’autre côté du lit, et frottait le dos de Laurel Grace.

    — Non, c’est faux, insista Laurel Grace.

    — Pourquoi ne l’est-elle pas ? demanda Amanda à sa fille.

    — Elle… elle…

    J’attendais que le mot « fraude » sorte de ses lèvres, et je fus stupéfaite de l’entendre dire :

    — Elle n’est pas blonde !

    Je retins un sourire alors que je passais mes doigts sur mes longs cheveux sombres, en essayant de penser à ce qu’il fallait faire, ce qu’il fallait dire. Je m’agenouillai près du lit de Laurel Grace et j’improvisai comme je le pouvais.

    —Les fées sont comme les personnes.

    Et les artisans, ajoutai-je silencieusement.

    — Et nous avons toutes sortes de formes, de tailles et de couleurs différentes.

    Elle me regardait avec de grands yeux bleus comme si je n’avais rien à voir avec son idée d’une fée. Il est vrai que je ressemblais bien plus à l’Esméralda du Bossu de Notre-Dame de Disney, ce qui pourrait être un tout petit peu déroutant pour une petite de cinq ans qui s’attendait à une fée du genre fée Clochette. Alors, j’essayai vraiment très fort de ne pas être offensée quand elle recommença à crier.

    Je vis les lèvres de Cherise bouger, mais je ne pouvais pas entendre ce qu’elle disait, puis son œil gauche cligna deux fois. Laurel Grace se calma immédiatement, mais sa moue était encore tremblante.

    Cherise avait utilisé un sort de guérison pour calmer la petite fille.

    — Pourquoi ne regardes-tu pas sous ton oreiller, ma chérie ? dit rapidement Amanda.

    Je sais reconnaître une chance de m’échapper quand j’en vois une.

    — Il faut que je parte. Beaucoup d’arrêts à faire ce soir. Beaucoup de dents tombées !

    Je reculai pour sortir de la chambre pendant que Laurel Grace tirait la pochette en satin de sous l’oreiller.

    — Comment a-t-elle su mon nom, maman ? entendis-je, de la sécurité du couloir.

    — Parce qu’elle est magique, répondit Amanda. Y crois-tu, maintenant ?

    — Peut-être, chuchota Laurel Grace.

    Je dus sourire devant l’absence d’engagement.

    Cherise m’avait suivie.

    — Je vous remercie, Darcy, dit-elle, pendant que nous descendions l’escalier.

    Dans la cuisine, elle pressa un chèque dans ma main.

    —Je ferai savoir à Velma quel excellent travail vous avez fait.

    J’étais prête à mettre toute cette nuit derrière moi et accrocher mes ailes pour de bon. Je glissai le chèque dans mon sac à main.

    — Avec plaisir.

    Cherise se frotta les oreilles comme si elles résonnaient encore.

    — Elle est petite, mais elle a une paire de poumons qui rivalisent avec ceux d’un chanteur d’opéra. Parfois, les sorts sont utiles, vous ne croyez pas ?

    Je me trémoussai, ne sachant pas quoi dire.

    — Je souhaite simplement que Dennis puisse être ici en ce moment, dit-elle avant que je n’aie le temps de trouver une réponse. Il manque vraiment un événement important dans la vie de sa fille.

    Elle me regardait fixement, comme si elle attendait quelque chose.

    Elle m’avait coincée. Comme artisane de souhaits, j’étais obligée d’exaucer le souhait. Mais si les motifs de Cherise pour faire le vœu ne provenaient pas d’un cœur pur, mon sort serait inefficace. Ne pas nuire. Mes nerfs tintaient alors que je disais doucement :

    — Souhait que je pourrais exaucer, souhait que je peux exaucer, souhait que j’exauce sans tarder.

    Je fis cligner deux fois mon œil gauche, ce qui pour un mortel aurait simplement eu l’apparence d’une secousse, mais d’autres artisans auraient su que mon sort avait été jeté.

    — Vous êtes sournoise.

    — Je sais. Désolée.

    Elle me fit un petit sourire malicieux.

    — Par les temps qui courent, on ne peut tout simplement plus faire confiance aux gens.

    Chapitre 2

    Dix minutes plus tard, mon cellulaire niché dans le porte-gobelet de la voiture aboyait comme un limier. Le bruyant « ouah ouah ouah » me disait que l’appelant était ma sœur, Harper. La tonalité avait été choisie en raison de la tendance d’Harper à aboyer, même si elle ne mordait pas vraiment (généralement). Je répondis.

    — Où es-tu ? demanda-t-elle dans un murmure tendu. C’est comme si j’avais été livrée en pâture aux loups. On n’arrête pas de me poser des questions.

    Harper était un peu mélodramatique, et plus que quiconque, elle était le loup déguisé en agneau.

    — Je suis en voiture, dis-je. J’ai été retardée par un souhait.

    — Le souhait s’est-il réalisé ?

    Elle était encore sceptique quant à notre don et elle n’avait jeté aucun sort depuis son arrivée au village.

    — Oui.

    Un Dennis Goodwin déconcerté (à juste titre) avait fait irruption dans la maison d’Amanda alors que j’en sortais. Il m’avait jeté un bref coup d’œil et avait maugréé. De toute évidence, il n’avait pas été impressionné par mes paillettes, pas plus que par mes cils. Tel père, telle fille. Mais surtout, il n’était pas heureux d’apprendre qu’on avait souhaité sa présence.

    Je racontai à Harper la version abrégée de ma nuit, et j’ignorai son rire devant la réaction « étrangère danger » de Laurel Grace.

    — Je suis presque arrivée au village. Où es-tu ?

    Je m’étais attendue à entendre le bruit de la réunion du village en arrière-plan, mais il n’y avait que le silence.

    — Je me suis tirée en douce dans la ruelle arrière, et je suis surprise que personne ne m’ait suivie. Des vautours.

    — Je croyais que c’était des loups ?

    — Assez proche. On s’acharne à me mettre en pièces, un membre après l’autre.

    Je n’étais aucunement inquiète à l’idée qu’elle se trouve seule dans une ruelle sombre. Bien sûr, elle était petite, mais elle était puissante et c’était une vraie combattante. Elle l’avait toujours été, depuis sa naissance prématurée, il y a 23 ans. Ma poitrine se serra comme elle le faisait chaque fois que je songeais à la naissance d’Harper. Le jour qui était aussi celui du décès de notre mère.

    En outre, le Village enchanté était aussi effrayant qu’un caneton. Il ne s’était jamais rien passé de mal ici. Cette ruelle était aussi sécuritaire que la définition du mot le signifiait.

    — Je ne suis toujours pas certaine que ce village soit bon pour nous. Je sens un très mauvais ju-ju à cette réunion.

    Des éclairs clignotèrent au loin et illuminèrent la sombre couverture nuageuse. Je frémis. De toutes les fibres de mon être, je détestais les orages.

    Je me concentrai sur ce qu’avait dit Harper ; je savais que je serais folle de ne pas tenir compte de ses instincts — ils étaient bien rodés —, mais je pensais que ce village était exactement l’endroit où nous devions être. Depuis quelques années, tant de choses avaient mal tourné dans nos vies. De mon divorce aux démêlés d’Harper avec la loi.

    — Ça ne peut pas être pire que l’endroit où nous étions, non ? dis-je.

    — Ce n’était qu’une petite arrestation, Darcy. Il y a six mois déjà, ajouta-t-elle avec impatience. Est-ce qu’on ne peut pas passer à autre chose maintenant ? Je ne veux vraiment pas que mon rapport d’arrestation me suive partout pour le reste de ma vie.

    Elle aurait dû y penser avant de se faire prendre pour vol à l’étalage d’un chiot. Harper avait juré que c’était la première et seule fois qu’elle avait volé quelque chose, et je voulais la croire, mais je n’y arrivais pas tout à fait. Depuis qu’elle était petite, elle s’attirait toujours toutes sortes d’ennuis. À l’école primaire, c’était d’écrire sur les murs des toilettes à propos des injustices reliées à la nourriture industrielle de la cafétéria (elle était toujours trop intelligente pour son propre bien). Au secondaire, il s’agissait la plupart du temps de farces stupides aux dépens des intimidateurs de la classe (par exemple, se faufiler dans le vestiaire et placer du poil à gratter dans les coquilles de protection). Au collège, elle avait été la principale suspecte dans la libération de douzaines de rats de laboratoire dans un labo de science (pas assez de preuves pour porter des accusations). Pour ce que j’en savais, elle suivait actuellement un chemin droit et étroit, ses tentatives malavisées d’activisme mises en échec. Avec un peu de chance, un changement de décor saurait la garder sur cette voie. Je ne voulais vraiment pas la voir aller en prison.

    — Hé, c’est quoi un secret de plus ?

    J’étais tout à fait d’accord qu’il valait mieux taire son passé. Les gens étaient terriblement enclins à critiquer.

    Elle se mit à rire.

    — Je pense que les trucs de souhaits de sorcière l’emportent sur mon écart de conduite.

    Je souris à la pensée de Miss Écart de conduite, alias Missy, le Schnoodle gris et blanc (moitié schnauzer, moitié caniche) qui faisait maintenant partie de notre famille. Le chien était le seul aspect positif de l’arrestation d’Harper. Bon, d’accord, d’accord. Il y avait aussi le fait que l’arrestation d’Harper avait déclenché une enquête qui avait conduit à la fermeture de l’épouvantable animalerie et de trois usines à chiots (et c’est pourquoi le juge avait été indulgent avec elle et ne lui avait imposé que du service communautaire au lieu du temps en prison). Quoi qu’il en soit, Harper se moquait bien de s’attirer toutes sortes d’ennuis si elle croyait se battre pour une juste cause.

    J’essayais de ne pas trop m’inquiéter du léger changement dans la personnalité de Missy depuis notre arrivée au village. Elle était passée d’un chiot mal élevé doté d’une énergie frénétique à une créature à l’enthousiasme plutôt contrôlé. Et un chiot soudainement transformé en artiste de l’évasion qui fuguait aussi souvent qu’elle en était capable. Heureusement, elle revenait toujours, mais c’était épuisant de la chercher, et je ne savais pas trop pourquoi je n’arrivais pas à comprendre comment elle réussissait constamment à sortir de la cour. Était-ce ainsi que progressait normalement le comportement d’un chiot ? Ou étais-je simplement en train de dramatiser ? Après tout, nous avions toutes dû nous adapter au déménagement. Nouvelle maison, nouvelle ville, tout était nouveau. Tout de même, je me demandais si je devais l’amener à un vétérinaire local pour un examen médical. Juste pour être certaine.

    Je ralentis et je tournai à gauche sur la route qui menait au Village enchanté.

    — Moi aussi, j’avais besoin d’un changement, dis-je à Harper pour qu’elle n’ait pas l’impression que nous avions déménagé seulement à cause d’elle. Tu sais, à cause du divorce.

    C’était la vérité. Il avait été bon que je m’éloigne, de ne pas être obligée de voir mon ex avec sa toute nouvelle famille dans la ville. La piqûre dans mon cœur me dit que malgré mes tentatives de me convaincre du contraire, je ne m’étais pas encore tout à fait remise de la situation.

    Couvert de vignes ruisselantes et de calonyctions blan­ches nocturnes, un treillis de fer orné marquait la transition entre la route bitumée et une ruelle pavée qui serpentait en tournants brusques à travers les bois qui entouraient le village.

    Pendant que je conduisais, les branches d’ifs matures s’étiraient au-dessus en s’enlaçant pour former un tunnel naturel. Le passage sombre et ombragé remuait des souvenirs de forêts enchantées de vieux livres de contes où jouaient les lutins et où les dénivellations dissimulaient des trolls malicieux.

    Il était probable que les lutins et les trolls jouaient encore dans ces bois. J‘en étais arrivée à croire que tout était possible dans le Village enchanté. Après tout, j’étais une sorcière.

    À peine quatre mois s’étaient écoulés depuis la mort de mon père. Cet événement avait été le catalyseur qui avait transformé radicalement ma vie et celle d’Harper. Jusqu’à ce moment-là, je travaillais au cabinet dentaire de papa comme gestionnaire de bureau. Après son décès, la pratique avait fermé ses portes, et j’avais perdu mon emploi — plus question de me noyer dans le travail pour oublier mon douloureux divorce. Plus question non plus de faire semblant que tout allait bien dans ma vie.

    Nouvelle diplômée d’université sans offre d’emploi, Harper s’était tournée vers l’activisme pour occuper son temps.

    Bien sûr, papa nous avait laissé un bel héritage, mais nous avons vite découvert que l’argent ne pouvait nous acheter le bonheur qui nous faisait cruellement défaut, non plus qu’il pouvait soudainement nous révéler notre but dans la vie. Nous étions en deuil, et au bout du rouleau. Nous ne savions plus que faire de nos vies. Jusqu’à ce que tante Ve nous rende visite et nous fasse sa grande révélation. Nous étions des sorcières ; un état de fait que notre père connaissait tout ce temps, et dont il ne nous avait pas parlé. J’essaie encore de comprendre pourquoi il nous a gardées dans l’ignorance, allant même jusqu’à faire promettre à tante Ve de ne rien nous dire tant qu’il était en vie.

    Jamais, dans un million d’années, je n’aurais deviné que j’étais une sorcière jusqu’à ce que tante Ve nous annonce la nouvelle. Je me demandais comment ma vie aurait pu être différente en grandissant, si j’avais été au courant des sortilèges. À quel point j’aurais été

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