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L'amulette
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Livre électronique409 pages5 heures

L'amulette

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À propos de ce livre électronique

Darcy Merriweather est la nouvelle résidente artisane de souhaits — une sorcière qui a
le pouvoir d’exaucer les souhaits des autres — de Salem, au Massachusetts. Alors que
Darcy ne peut exaucer ses propres souhaits, elle possède un certain talent pour résoudre
des problèmes — incluant un meurtre ici et là.
Lorsque Darcy est embauchée par Elodie Keaton pour nettoyer la maison encombrée de sa mère disparue, l’artisane de souhaits est certainement à la hauteur. Après tout, la devise de Comme vous le souhaitez, l’entreprise de services de conciergerie de sa tante Ve, c’est «Aucun travail n’est impossible.» Mais sous des piles et des piles de vieux journaux et de babioles, Darcy découvre quelque chose d’encore plus dérangeant: le corps de Patrice Keaton.

Déterminée à ce qu’Elodie retrouve la paix, Darcy fait enquête sur la disparition et le décès
de la mère de la jeune femme. Patrice avait été vu pour la dernière fois à la suite d’une
querelle avec son petit ami, artisan de sorts, il y a plus d’un an. Son assassinat est-il un crime
passionnel? Ou les problèmes de Patrice ont-ils été causés par l’Anicula, une amulette qui a le
pouvoir d’exaucer des souhaits ? Darcy doit non seulement découvrir un meurtrier, mais aussi l’Anicula — avant que le pouvoir ultime d’exaucer des souhaits ne tombe entre de mauvaises
mains.
LangueFrançais
Date de sortie14 août 2017
ISBN9782897678012
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    Aperçu du livre

    L'amulette - Heather Blake

    Chapitre 1

    — Ç a va être épouvantable comme travail, Darcy.

    La voix d’Elodie Keaton était forte, claire, et com­plètement bouleversée. Si j’avais su ce qui m’attendait, j’aurais écouté cet avertissement. Malheureusement, ce matin, alors que je rencontrais Elodie — une toute nouvelle cliente de Comme vous le souhaitez — dans sa boutique, le Porte-bonheur, j’étais trop distraite pour tenir compte de quoi que ce soit.

    J’étais tellement enchantée par tout ce qui m’entourait qu’il me fût facile de répondre :

    — Je suis certaine que ce ne sera pas si mal.

    Je ne suis pas vraiment du genre bijoux et glamour, mais j’ai été charmée à l’intérieur du Porte-bonheur, alors que je me tenais au milieu d’une sorte de paradis lumineux, brillant, étincelant, et coloré. Partout où je regardais, il y avait des pierres précieuses de tailles et de couleurs variées. Dans des vitrines élaborées, des perles en vrac fabriquées à la main attendaient d’être enfilées en bracelets et colliers personnalisés. Des étalages contenaient des bijoux anciens, y compris des pendentifs, des breloques, des talismans et des amulettes. Des boîtiers fantaisistes arboraient des tableaux de pierres et de minéraux de différentes grosseurs, formes et couleurs. Comme une pie, j’aurais aimé tout ramasser et tout ramener à la maison.

    Comme vous le souhaitez, le service de conciergerie personnelle dont tante Ve était propriétaire, avait reçu ce matin un appel téléphonique d’Elodie pour aider au nettoyage d’une maison encombrée. Ma sœur, Harper, n’était plus une employée de Comme vous le souhaitez, et tante Ve était actuellement clouée au lit à cause d’une grippe d’été. La tâche était donc retombée sur moi. Et comme je voulais désespérément échapper aux microbes de Ve, je m’étais portée volontaire pour me rendre immédiatement à la boutique d’Elodie pour discuter des détails avec elle.

    C’était à une courte distance de marche. Le Porte-bonheur était situé à peine à un pâté de maisons de Comme vous le souhaitez, où je travaillais et habitais avec tante Ve. Les deux entreprises étaient situées dans le Village enchanté, un quartier thématique de Salem, au Massachusetts. Ce village était une destination touristique importante pour ceux qui y venaient en espérant constater par eux-mêmes la véracité du slogan du village : « Là où habite la magie ». C’était bien vrai, bien que les mortels l’ignoraient. Le Village enchanté offrait un refuge à des centaines de sorcières et sorciers, ou comme nous nous appelions nous-mêmes, des artisans. Ici, nous nous cachions en plein jour parmi les mortels avec qui nous vivions et travaillions.

    Il y avait de nombreuses sortes d’artisans, comme les artisans guérisseurs (des sorcières et sorciers qui possédaient des pouvoirs de guérison), des artisans volatiles (dotés de la capacité de se volatiliser), des artisans concepteurs de capes (maîtres tailleurs), et même plusieurs autres comme moi, ma sœur Harper, et notre tante Ve : des artisanes de souhaits qui avaient le don d’exaucer les souhaits en employant un sortilège spécial.

    Et je venais de découvrir qu’Elodie était aussi une artisane de souhaits.

    Eh bien, en partie. Techniquement, Elodie était une artisane croisée (une artisane hybride). Hérités de son père, ses pouvoirs d’exaucer les souhaits étaient pratiquement inexistants. Son art prédominant était la gemmologie : l’art qu’exerçait sa mère. Il était rare que les pouvoirs d’un artisan croisé soient répartis en parts égales, un don était toujours plus fort que l’autre.

    Partout où je regardais à l’intérieur de la boutique, une babiole ou un bibelot tape-à-l’œil attirait mon attention. Les compétences en gemmologie d’Elodie étaient évidentes dans son travail avec l’argile, les pierres précieuses, les roches et les minéraux. De minuscules étiquettes de prix étaient suspendues à partir de rubans. Certaines pièces étaient tout à fait abordables, tandis que d’autres étaient prodigieusement dispendieuses. Il ne faisait aucun doute qu’il y eût quelque chose pour plaire à tous dans cette boutique, qu’il s’agisse de touristes ou de villageois, mortels ou artisans.

    Elodie fit une grimace désapprobatrice.

    — Ce ne sera pas si mal ? dit-elle répétant mes paroles. Non, Darcy, pas mal. C’est pire. Bien pire.

    Son ton commençait à me rendre nerveuse.

    — À quel point est-ce pire ?

    Courte et mince, des cheveux blonds et bouclés aux épaules, un long visage étroit, de grands yeux bleus et un sourire timide, quoiqu’un peu triste, Elodie était plus jeune que moi. J’évaluai qu’elle avait à peu près l’âge de ma sœur — au début de la vingtaine. Un peu jeune pour posséder sa propre boutique — tout comme Harper, qui avait récemment pris la charge de la Librairie envoûtée.

    Elle se mit à tapoter le comptoir qui nous séparait avec des ongles courts peints d’un bleu scintillant.

    — Avez-vous déjà regardé cette émission de télévision qui parlait des gens qui accumulent des objets de façon maladive ?

    Je l’avais vue. Et tout de suite après, j’avais commencé à nettoyer mon fouillis et à jeter ce qui encombrait la place.

    — C’est de votre maison que vous parlez ?

    Elle ne paraissait pas du genre à vivre dans la saleté.

    Des cristaux étaient suspendus dans la grande baie vitrée qui donnait sur la place du village, et chaque fois que le soleil sortait de derrière les nuages blancs pelucheux, des arcs-en-ciel striaient la pièce et déversaient de la couleur sur la collection déjà dynamique de marchandises de la boutique.

    — Non, dit-elle. Eh bien, peut-être.

    Puis, elle me regarda. On aurait dit qu’il y avait de la souffrance dans ses yeux.

    — Je ne sais pas.

    — Vous ne savez pas si c’est votre maison ?

    La question semblait assez simple.

    — En principe, elle appartient à ma mère, Patrice, tout comme cette boutique d’ailleurs, mais je m’occupe des deux.

    Elle fronça légèrement les sourcils et baissa la voix.

    — Maman a disparu depuis un an et demi, et il n’y a tout simplement pas assez d’argent pour continuer à payer pour les deux endroits. Je vais devoir vendre sa maison.

    Je ne savais pas grand-chose au sujet de la disparition de Patrice Keaton. Seulement ce que m’avait dit tante Ve dans son état fébrile de ce matin : Patrice avait disparu sans laisser de traces.

    — Avez-vous le droit de le faire ? demandai-je.

    — Comme je suis sa fiduciaire, je le peux. Je ne le veux pas, mais je ne vois pas d’autre option. Je n’ai pas suffisamment d’économies pour payer ses factures et les miennes.

    J’avais beaucoup de questions, surtout au sujet de sa mère et des circonstances qui entouraient sa disparition, mais je ne croyais pas que c’était maintenant le bon moment pour les poser.

    — Habitez-vous dans la maison de votre mère ?

    Elle frissonna, et fit traîner un doigt le long du comptoir de verre, ce qui laissa une trace maculée.

    — Non. Ce n’est vraiment pas habitable. Mon fiancé, Connor, et moi vivons ici à l’étage.

    Les boutiques du village étaient soit positionnées côte à côte et partageaient la devanture, ou c’était des maisons détachées qui servaient également d’entreprises. Comme vous le souhaitez était située dans une magnifique maison victorienne installée sur un grand terrain à angle à l’extrémité ouest de la place. Le Porte-bonheur était aussi une maison victorienne. Bien que beaucoup plus petite que celle de Ve, ses plans d’ensemble étaient semblables. Au premier étage, il y avait un salon à l’avant, un large couloir menant à un espace de bureau privé et une petite salle d’eau. À l’arrière de la maison, une grande cuisine et une salle familiale. À l’étage, probablement seulement deux chambres (au lieu des trois de Ve) — beaucoup de place pour deux personnes.

    Je remarquai que la bague de fiançailles que portait Elodie était sertie d’un modeste diamant — fait surprenant, puisque j’aurais cru qu’une artisane gemmologue aurait porté une pierre extravagante. Et maintenant que j’y regardais de plus près, je vis qu’elle n’arborait aucun autre bijou. Pas même une paire de boucles d’oreille délicates. Je ne portais pas beaucoup de bijoux, bien sûr, mais si j’avais été entourée tous les jours de tous ces cristaux et de toutes ces perles, j’aurais été tentée.

    — Pour vendre la maison de maman, me dit-elle, il faut la nettoyer. Un vrai nettoyage. Je ne peux pas embaucher n’importe qui. Maman n’a pas simplement ramassé des trucs bons à jeter. Elle a également recueilli des trésors. Sa maison en est remplie, incluant des journaux d’il y a 20 ans, des boîtes de carton remplies de trouvailles de marché aux puces, et même quelques cadeaux de mariage jamais ouverts.

    Un sentiment de terreur s’incrusta dans mon estomac.

    — Quand s’est-elle mariée ?

    — En 1985.

    J’avalai ma salive. Dans quoi étais-je en train de m’impliquer ?

    La mention d’un mariage me fit soudain penser à ma tante Ve, qui s’était récemment fiancée à un potentiel cinquième mari, Sylar Dewitt. Après deux mois, je ne savais toujours pas trop quoi penser par rapport aux prochaines noces ; surtout que j’avais un mauvais pressentiment à ce sujet. Le mariage allait être célébré ce dimanche. Et malheureusement, Ve avait attrapé un méchant virus à un mauvais moment — aucun planificateur de mariage n’avait été embauché, et elle était elle-même responsable des préparatifs de la cérémonie et de la réception. Des préparatifs qui m’avaient maintenant été confiés, puisque Sylar était trop occupé à gérer son bureau d’optométriste… et l’ensemble du village (il était président du conseil du village). La première chose sur la liste, pour moi, Darcy Merriweather, planificatrice de mariage, était de me rendre plus tard dans la journée à une dégustation pour le menu du mariage. Ensuite, il me faudrait tenter de découvrir la raison du manque surprenant de confirmations de présence de la part des invités.

    — Mon père avait essayé de contrôler l’impulsion de ma mère à collectionner, dit Elodie. Mais après le décès de mon père, l’accumulation compulsive s’est intensifiée. J’ai parlé à Mme Pennywhistle l’autre jour, alors qu’elle était venue ici faire des emplettes, et elle vous a hautement recommandée. J’ai besoin de quelqu’un en qui je peux avoir confiance. Quelqu’un qui ne va pas trouver une gemme non taillée au milieu des détritus et la glisser dans une de ses poches.

    Mme Pennywhistle, ou comme presque tout le monde l’appelait, Mme P, était la fougueuse matriarche du village. Il y avait quelques mois, je l’avais aidée à nettoyer l’appartement de sa défunte petite-fille. Depuis, Mme P faisait partie de la famille.

    — Puis-je vous faire confiance ? me demanda Elodie.

    Pour une raison étrange, j’avais le sentiment qu’elle me demandait quelque chose qui dépassait le simple fait de piquer des babioles. Ce qui me rendit nerveuse. Et me fit douter de ma réponse :

    — Absolument.

    — Alors, vous acceptez cette tâche ?

    Elle s’agrippa au bord du comptoir, son regard bleu se fixa sur moi et elle me regarda sans cligner des yeux.

    Soudainement, elle paraissait anxieuse, et un peu désespérée. Ce qui me rendit vraiment nerveuse. Me dissimulait-elle quelque chose ?

    Des traces de panique bordaient ses yeux.

    — Darcy ?

    Nettoyer la maison d’une accumulatrice compulsive me semblait un cauchemar, mais je n’avais pas vraiment le choix.

    — Puisque la devise de Comme vous le souhaitez est « aucune demande n’est trop importante ou trop insignifiante, et aucun travail n’est impossible », j’accepte.

    Je n’avais jamais manqué à ma parole. Alors, maintenant que je l’avais donnée, j’étais entièrement commise à cette tâche, pour le meilleur et pour le pire.

    Elle me sourit de son sourire triste et repoussa une boucle blonde derrière son oreille.

    — Vous regretterez peut-être votre devise, surtout après avoir vu la maison.

    Je la regardai.

    — Êtes-vous en train d’essayer de me faire peur ?

    — Non, c’est simplement un petit avertissement.

    J’ignorai le nœud qui se formait dans mon estomac et j’essayai de garder un ton léger.

    — Vous savez que nous facturons à l’heure, n’est-ce pas ?

    Elle se mit à rire.

    — Vous mériterez chaque centime, Darcy. Chaque centime.

    Chapitre 2

    Je quittai la boutique avec une promesse de rencontrer Elodie chez Patrice plus tard cet après-midi afin de jeter un rapide coup d’œil aux travaux demandés. Il me fallait évaluer moi-même dans quoi je m’embarquais afin de me préparer en conséquence. J’étais une planificatrice — je ne pouvais pas m’en empêcher.

    C’était une journée relativement douce pour le mois d’août, pas trop chaude ni trop humide. Une légère brise faisait froufrouter les auvents colorés au-dessus des vitrines des magasins du village. Il était presque midi, et les boutiques étaient déjà remplies de touristes. Pour ajouter à l’agitation habituelle, il y avait les Pierres vagabondes. Cette foire de pierres et de minéraux campait sur la place du village pour la semaine. Plusieurs tentes rouges appariées tachetaient le paysage, les volets levés pour montrer gemmes, fossiles, minéraux, roches et bijoux faits main. Pour moi, tout cela ressemblait à un décor de marché aux puces ; mais les Pierres vagabondes ne vendaient certainement pas leurs marchandises à des prix de marché aux puces. J’avais acheté d’un fournisseur de superbes mais dispendieuses boucles d’oreille serties d’une obsidienne, dans le but de les offrir à Harper pour Noël.

    Si elle apprenait que j’avais acheté des cadeaux de Noël en août, elle me taquinerait certainement. Mais, à mon avis, plus tôt je commençais mes emplettes, mieux c’était. D’autre part, Harper préférait la course effrénée de la veille de Noël pour tout acheter. Non pas qu’elle était procrastinatrice, mais elle aimait vivre le frisson du tourbillon d’une frénésie d’achats. Comme j’avais joué le rôle de figure maternelle dès le jour de sa naissance (qui, malheureusement, était aussi le jour du décès de notre mère), je me demandais parfois où je m’étais trompée dans son éducation. De qui Harper avait-elle hérité sa nature aventureuse ? Je n’en étais pas du tout certaine — certainement pas de moi, même si je souhaitais parfois être un peu plus spontanée. Comme il m’était impossible d’exaucer mes propres souhaits (une loi de l’art des souhaits qui m’embêtait beaucoup), je faisais de mon mieux pour opérer moi-même des changements. Je n’y arrivais pas si facilement.

    Dans la foule sur la place, je repérai mon amie et consœur artisane de souhaits, Starla Sullivan. Sa queue de cheval blonde se balançait pendant qu’elle prenait des photos. Propriétaire de Photographie Hocus-Pocus, elle gonflait ses revenus en vendant des photographies prises sur le vif des visiteurs du village. Son chien, Twink, l’accompagnait — un petit bichon frisé qu’Evan, le frère jumeau de Starla, aimait appeler « la bête ». Le chien sautillait plus qu’il ne marchait, et il captait l’attention des touristes qui ne manquaient pas de faire des « oh ! » et des « ah ! » en l’apercevant.

    Tout en marchant rapidement, je tournai mon attention vers ma prochaine destination, le Grill du sorcier, un restaurant familial local. J’avais un rendez-vous à midi pour un dernier test de dégustation du menu du mariage de tante Ve, et j’étais en retard.

    Le restaurant était une présence solide de l’extrémité nord de la place, et son architecture était parmi les favorites du village. Avec ses pignons multiples et ses lignes de toiture en pente raide couvertes de faux chaume, ses fenêtres aux vitres diamantées, sa façade de pierre, sa cheminée centrale, et sa porte de planches avec couvre-joints, on aurait vraiment dit qu’un sorcier y vivait. Tout à fait approprié, étant donné que les personnes qui s’offraient la nourriture de l’artisan cuisinier, Jonathan Wilkens, affirmaient souvent, et justement, qu’il était un magicien de la cuisine. Le talent avec lequel il combinait des aliments de tous les jours dans une cuisine gastronomique avait autrefois fait de son établissement un haut lieu de restauration.

    Ve m’avait raconté que le Grill du sorcier avait connu des moments difficiles au cours des deux dernières années. Elle n’était pas entrée dans les détails, mais elle m’avait parlé de problèmes de rongeurs, et de plusieurs épisodes d’intoxication alimentaire, dont l’une aussi récente que la semaine dernière.

    Lorsque j’avais demandé à Ve pourquoi diable elle le choisissait comme traiteur pour préparer la nourriture du mariage, elle avait souri.

    — Je crois que les gens ont droit à une seconde chance, ma chère Darcy. Pas toi ?

    Moi aussi, mais une intoxication alimentaire ? Je n’étais pas certaine de vouloir prendre ce risque, et je le dis à Ve.

    — Nous, les artisans, nous devons nous soutenir les uns les autres. J’ai confiance en Jonathan. Il a tout simplement eu un accident de parcours.

    Il me faudrait donc faire confiance à Ve sur ce sujet.

    Alors que je m’approchais, je sentis un merveilleux arôme qui m’aida à apaiser mes doutes. De la nourriture qui sentait aussi bon ne pourrait pas me causer d’intoxication alimentaire. Du moins, c’est ce que je me dis pour me convaincre de goûter au menu dégustation.

    Lorsque j’ouvris la porte, je constatai que le restaurant était presque vide. Les délicieuses odeurs salées n’avaient pas incité les touristes ou les villageois à entrer. Il était midi, et le restaurant aurait dû être bondé. Il était triste de voir les deux grandes salles à manger remplies de chaises vides. Je donnai mon nom à l’hôtesse et lui expliquai la raison de ma présence.

    Pendant que j’attendais dans le petit vestibule près de la porte d’entrée, je lus les avis locaux sur le babillard. Cloué au tableau, il y avait un dépliant sur la foire des Pierres vagabondes. Je me demandai si Elodie, comme artisane de gemmologie, était impliquée dans l’événement d’une manière ou d’une autre. L’endroit semblait un lieu extraordinaire pour acheter du stock pour sa boutique et pour commercialiser sa marchandise.

    Puis, mon regard se posa sur un avis du Grill du sorcier annonçant qu’ils offraient une série de cours de cuisine, deux fois par semaine, pendant six semaines. Je vérifiai les dates. La première leçon commençait demain soir et était présentée comme un entraînement culinaire, conçu pour transformer en chef gourmet même ceux qui avaient du mal à faire bouillir de l’eau.

    — Aimeriez-vous vous inscrire au cours, Darcy ?

    Je me retournai et je tombai sur le propriétaire du Grill, Jonathan Wilkens, debout derrière moi. Il était grand et mince, avec des cheveux striés d’argent, et des yeux bruns légèrement voilés. Il me donna un baiser sur la joue.

    — Il reste quelques places, ajouta-t-il.

    C’était apparemment le destin qui m’offrait cette occasion. J’avais toujours voulu suivre des cours de cuisine. Mais l’horaire de ces classes ne me convenait vraiment pas. J’étais très occupée à Comme vous le souhaitez, et il y avait le mariage prochain de Ve. De plus, j’aidais Harper à la librairie et à la décoration de son nouvel appartement. Sans parler du truc d’intoxication alimentaire.

    Mais ne venais-je pas tout juste de penser à la spontanéité ?

    — Je vais m’inscrire, lui dis-je, puisqu’il était difficile de dire non au destin.

    Je verrais à tout coordonner. Les cours se donnaient le soir, ils me donneraient donc l’avantage supplémentaire de me faire oublier que je rentrais tous les soirs à la maison pour trouver un lit vide. Mon divorce avait été finalisé depuis plus de deux ans, mais certains détails persistaient à me rappeler mon célibat. Comme ce grand lit Serta.

    Mes pensées se déplacèrent soudain vers ce père célibataire, Nick Sawyer, que j’avais rencontré peu de temps après avoir emménagé au village. Il y avait quelque chose entre nous, mais c’était un lent processus. Ce qui me convenait bien. La dernière chose que je voulais, c’était d’avoir encore le cœur brisé.

    — Merveilleux, dit Jonathan, avec enthousiasme.

    Les rides autour de ses yeux se multiplièrent alors qu’il me sourit, mais je remarquai qu’il paraissait fatigué, blême. Sa minceur ressemblait maintenant beaucoup plus à de la maigreur. J’espérai qu’il n’ait pas attrapé le même virus que Ve.

    — Alors, que se passe-t-il avec votre tante ? demanda-t-il. Elle m’a téléphoné et m’a dit que vous viendriez à sa place.

    Je lui donnai des détails sur sa grippe.

    — Je suis certaine qu’elle ira très bien cette fin de semaine, dis-je enfin.

    Je savais que ce serait le cas. Aujourd’hui, elle attendait une consultation à domicile de Cherise Goodwin, une vieille amie, qui était aussi une artisane guérisseuse, une sorcière dotée de pouvoirs de guérison.

    — Moment mal choisi, dit Jonathan alors qu’il me conduisait lentement à travers le restaurant.

    Pendant que nous marchions, j’aperçus Vincent Paxton de l’autre côté de la salle ; il mangeait seul à une table d’angle. Il y a quelques mois, il avait été soupçonné de meurtre. Maintenant, il était le propriétaire de Lotions et potions. C’était également un prospecteur — un mortel qui voulait devenir artisan. Il était obsédé par la sorcellerie, il voulait apprendre tout et n’importe quoi sur le sujet. J’étais pleinement consciente que son degré d’obsession risquait d’être dangereux. Jusqu’où irait-il pour découvrir nos secrets ? Combien en connaissait-il déjà ? me demandai-je.

    Après tout ce qui était arrivé avec cette affaire de meurtre, je ne savais trop si nous étions amis ou ennemis. Mais comme il captait mon regard, il leva timidement la main dans un geste amical.

    Prise au dépourvu, j’hésitai un peu avant de lui rendre la pareille. Comme s’il était soulagé, il me sourit et retourna à son hamburger.

    Tandis que je me demandais ce que je venais de faire, je faillis foncer dans une table. Avais-je vraiment envie d’être amie avec un prospecteur ? N’était-ce pas risquer des ennuis ? Je me hâtai de rattraper Jonathan, qui se frayait maladroitement un chemin à travers le dédale des tables — j’étais contente de n’être pas la seule à manquer de grâce. Ses cheveux argentés brillaient sous les lanternes suspendues, et j’évaluai qu’il devait être au début de la soixantaine.

    En même temps que Jonathan me tirait une chaise à une petite table nichée dans un coin réservé aux dégustations, j’aperçus Marcus Debrowski assis seul au bar. Marcus sourit en me voyant, et il sauta de son tabouret pour venir me saluer.

    — Vous joindrez-vous à Darcy pour la dégustation ? lui demanda Jonathan après lui avoir serré la main. Il y a amplement de nourriture.

    Marcus souleva un sourcil et me jeta un coup d’œil.

    — Je peux ?

    — Bien sûr, dis-je en souriant.

    — Zoey sera ici dans un moment avec vos hors-d’œuvre, dit Jonathan.

    Zoey Wilkens était la première chef et l’épouse de Jonathan — depuis près de deux ans maintenant. Dans le village, on marmonnait que c’était grâce à son mariage avec Jonathan qu’elle avait obtenu le titre de première chef, mais j’avais goûté sa nourriture. Elle était une chef talentueuse de son propre droit.

    — Qu’est-ce qu’on goûte ? dit Marcus en s’assoyant.

    Marcus était un artisan des lois, et à la fin de la vingtaine il était déjà le meilleur avocat du village. Il avait représenté le fiancé de Ve, Sylar, il y a quelques mois, lorsque celui-ci avait été accusé de meurtre. Heureusement, il avait été disculpé de ce crime.

    Les arômes qui flottaient dans l’air firent gronder mon estomac. De l’ail et des oignons sautés, et aussi autre chose qui laissait supposer des épices.

    — Le menu du mariage de Ve. Je suis heureuse que vous soyez ici, d’autant plus que je n’aime pas le poisson, et que la moitié du repas de Ve est composé de fruits de mer.

    Avec ses cheveux brun foncé, ses yeux curieux d’un vert clair et sa carrure mince, il avait l’allure simple de l’avocat d’à côté. Il était bien mis, gominé, charmeur et distingué. Il me fit un sourire mi-sérieux, mi-moqueur.

    — Vous vous servez de moi ?

    — Certainement.

    — Je suis partant. Les fruits de mer sont mon mets préféré.

    Il enleva sa veste et posa sa serviette sur ses genoux.

    — Comment se fait-il que Ve ne teste pas son propre menu ?

    Je lui expliquai qu’elle était grippée.

    — Moment mal choisi, dit-il.

    Je souris. Cette affirmation semblait faire consensus.

    Il prit une gorgée d’un gobelet d’eau à multiples facettes.

    — Ve et Sylar vont-ils reporter le mariage jusqu’à ce qu’elle soit guérie ?

    — Ils espèrent ne pas en arriver là. Cherise Goodwin vient à la maison aujourd’hui pour voir Ve.

    — Ah, dit-il, comprenant immédiatement. Avec les soins de Cherise, Ve sera sur pied en peu de temps.

    Nous tournions autour du pot pour éviter de mentionner que Cherise était une artisane. L’art de la sorcellerie n’était pas un sujet dont nous parlions souvent à voix haute. Trop dangereux. Si un mortel nous entendait, nous risquions de perdre nos pouvoirs. Bien sûr, il n’y avait personne autour, mais un artisan ne pouvait jamais être trop prudent.

    — Avez-vous envoyé votre réponse à l’invitation au mariage ? demandai-je. Parce que sinon, je suis chargée de vous retracer pour connaître votre réponse. Ordres de Ve.

    Il se mit à rire et leva ses mains en signe de reddition.

    — Je l’ai envoyé la semaine dernière.

    Je me demandai s’il serait accompagné. Au cours des deux derniers mois, il n’avait d’yeux que pour Harper, mais elle ne montrait pas beaucoup d’intérêt. Dommage. C’était un gars sympa. Et exactement celui dont elle avait besoin. Son dernier petit ami, un policier d’État, n’avait pas fait long feu. Avant même qu’une relation ne prenne forme, il lui avait révélé qu’il n’avait jamais lu Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur. Pour Harper, il n’y avait pas de pire péché. Elle était actuellement célibataire et en recherche d’un prétendant, et je souhaitais qu’elle regarde du côté de Marcus.

    Malheureusement, encore une fois, je ne pouvais exaucer mes propres désirs.

    Zoey fit irruption à partir des portes battantes tout près de nous et déposa un plateau couvert de hors-d’œuvre.

    J’avais été surprise la première fois que je l’avais rencontrée. Seulement à cause de son âge. Elle devait avoir environ 25 ans tout au plus, ce qui constituait une très grande différence entre elle et Jonathan. Elle avait un sourire merveilleux, et même si elle n’était pas ce que la plupart considéraient comme une beauté conventionnelle, j’aimais particulièrement ses douzaines de taches de rousseur, ses yeux gris-bleu et ses cheveux blonds clairs courts en une coiffure coquine. Son nez busqué et son menton fort donnaient du caractère à son visage, quelque chose d’unique.

    Elle pointa vers la tartelette à la poire.

    — J’espère que vous apprécierez celui-là en particulier. Vous apprendrez à le préparer demain soir.

    Elle se lança à nouveau par la porte battante, un tourbillon d’énergie dans une veste de chef toute blanche.

    Marcus leva les sourcils vers moi.

    — Vous vous êtes aussi inscrite au cours de cuisine ?

    — Je n’ai pas pu résister, dis-je, en essayant de ne pas penser à ma liste de choses à faire d’un kilomètre de long et à quel point je n’avais pas de temps à gaspiller. Surtout si la maison de Patrice Keaton était en aussi mauvais état que le disait Elodie.

    — Que savez-vous à propos de la disparition de Patrice Keaton ? demandai-je à Marcus, alors que je remplissais mon assiette de hors-d’œuvre.

    J’essayais de ne pas penser à la salmonelle, à l’E. coli ou à la Listeria quand un abricot fourré glissa des doigts de Marcus et atterrit sur la table avec un floc. Son visage était devenu pâle comme la crème fraîche sur les coupes de saumon au concombre.

    — Où avez-vous entendu ce nom ? dit-il doucement, en regardant autour de lui comme s’il craignait qu’on l’entende.

    À mon tour, je baissai la voix, tout simplement parce qu’il me rendait tellement nerveuse.

    — Sa fille, Elodie, a retenu les services de Comme vous le souhaitez pour nettoyer la maison de Patrice. Elle a l’intention de la vendre.

    Il laissa échapper une profonde expiration.

    — Vous devriez peut-être refuser le travail.

    À quoi rimaient tous ces avertissements ?

    — Qu’est-ce qui m’échappe ? Qu’est-il

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