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Gemma: Un roman cinématographique
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Livre électronique252 pages3 heures

Gemma: Un roman cinématographique

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À propos de ce livre électronique

Quand huit amis font tout pour sauver le neuvième de la dépression...

C’est l’histoire d’un coup de foudre, apparemment rien de très original, à ceci près qu’il s’agit d’un coup de foudre « cinématographique ». Un dialogue s’installe entre le narrateur et ses amis à propos de l’actrice anglaise Gemma Arterton (qui a tourné le film Gemma Bovery et plus récemment L’histoire de l’amour). Très vite, on comprend que notre héros a subi un choc amoureux d’une violence inouïe, choc qui l’a conduit tout droit à l’asthénie et la déprime. Fautif, le cinéma, la coupable, cette femme qu’il a vue sur grand écran. Depuis, il ne mange plus et se laisse dépérir sur son canapé. En somme, il a tous les symptômes du malade amoureux. C’est là que ses huit amis proches rentrent en scène, débarquent chez lui et tente de lui faire remonter la pente.
Au cours de la même soirée, chacun va alors lui inventer un scénario imaginaire, mettant en jeu les qualités de tous, pour qu’il puisse tenter de séduire la belle Gemma.

Un roman d'amour au scénario original !

EXTRAIT

J’étais resté complètement interdit par l’idée d’Olivier. Et comme suspendu à ses larges lèvres. Qu’allait-il encore inventer ? Je sentais que je n’étais pas le seul à me le demander et toute l’attention était désormais sur lui, maintenant que le temps semblait retenu. Dave fut le premier à oser briser le silence.
— Bon, alors, quel est ton plan, Olivier ?
Ses deux minutes de réflexion s’étaient écoulées seconde par seconde et notre curiosité l’amusait. De mon côté, je n’aurais pas pensé possible de tenter autre chose que d’avaler un ou deux bonbons magiques de Maître Cheng pour tout oublier.
— L’aider à montrer ce qu’il est et ce dont il est capable, répondit-il, avec une simplicité confondante.
Bien sûr, c’était gentil et bien essayé de sa part, mais j’avoue que, posé au creux de mon canapé, je n’avais pas l’impression d’être capable de faire grand-chose...
Devant mon visage ahuri, il reprit, en s’adressant à moi :
— Puisque tu es un artiste, prouve ton talent ! Fais une œuvre qui retienne son attention...
— Fais donc son portrait, coupa Annika, ça pourrait lui plaire, la flatter.
— Sans compter que ça pourrait se vendre, ajouta Jean-Raoul, les euros dans les yeux...

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gabriel d’Arnac est né en 1975. Juriste, il engage ses compétences au service d’organisations humanitaires tout en nourrissant ses passions pour la création artistique et l’écriture.
Touche à tout, rêveur, amoureux de l’immensité de la mer et de la beauté, Gabriel d’Arnac entend suivre ses inspirations dans toute leur extravagance, loin des cadres imposées. D’ailleurs, pourquoi ne pas imaginer maintenant que ce premier roman puisse faire un très bon film ?
LangueFrançais
ÉditeurEncre Rouge
Date de sortie12 févr. 2018
ISBN9782377890682
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    Aperçu du livre

    Gemma - Gabriel d'Arnac

    cover.jpg

    GABRIEL D’ARNAC

    GEMMA

    Petits péchés entre amis…

    Cet ouvrage a été composé par les Éditions Encre Rouge

    img1.jpg ®

    7 rue du 11 novembre – 66680 Canohes

    Mail : contact.encrerouge@gmail.com

    Graphiste : Olivier DUKERS

    ISBN papier : 978-2-37789-067-5

    ISBN numérique : 978-2-37789-068-2

    « Le péché est la seule note de couleur vive qui subsiste dans le monde moderne. »

    Oscar Wilde

    Introduction

    Il y a un évènement.

    Cet évènement, il s’appelle Gemma.

    L’état dans lequel m’a mis cette femme est unique.

    Cette femme est une promesse.

    C’est une promesse qui est à la hauteur de tout ce que vous avez de plus génial dans votre désir.

    C’est une femme qui va vous mettre dans un état… Mais je vous dis, c’est hallucinant.

    Une bombe atomique, et je peux vous dire que j’en ai eu dans les mains, des bombes.

    Mais là, on est... au-delà.

    Elle rentre dans la boulangerie... Elle prend les croissants...

    Je ne vais pas vous embêter plus longtemps.

    Voilà.

    Gemma.

    Fabrice Luchini

    Présentation du film Gemma Bovery

    Réalisé par Anne Fontaine

    Prologue

    — Arterton. Gemma Arterton, répéta Marie-Lou, qui commençait à bouillir.

    — Artère quoi ?

    — A, R, T, E, R, T, O, N, merde, David, c’est simple quand même ! Et ne me dis pas que tu ne la connais pas !

    — Si, ça y est, je l’ai. Ah ouais, quand même, elle est pas mal… Bon, alors, voyons sa page sur Wikipédia… Mouais… C’est une actrice anglaise, elle est née en 86… Christina est son second prénom, c’est sympa…

    — Mais on s’en fout de ça, Dave !

    — OK, OK… Bon, elle a quand même fait Quantum of Solace

    — James Bond ?

    — C’est ça, Marie-Lou, un James Bond. Avec Daniel Craig et Mathieu Amalric, en plus ! Mais il n’y a pas que ça : Le Choc des Titans, Tamara Drewe, Gemma Bovery, Prince of Persia : les sables du temps, La Disparition d'Alice Creed et plus récemment Hansel et Gretel : Witch Hunters, Byzantium et Players.

    — Et elle a fait du théâtre, a été nominée pour des prix, a été jurée de festivals…

    — Et aussi connu quelques bides, quand même…

    — Houlà, mais c’est long comme pedigree ! Elle a un sacré parcours, pour son âge, intervint alors Mickaëlla, soudain intéressée par les photos et le personnage devant lesquels les garçons commençaient déjà à frémir sans en avoir l’air.

    — Ça y est, « Micky la chasseuse de têtes » reprend du service… opina Maître Cheng d’un mouvement de tête entendu qui fit sourire les autres…

    Tous mes amis, mes meilleurs amis, mes seuls amis en fait, étaient venus, à l’appel de Marie-Lou. Elle m’avait trouvé chez moi, affalé comme une voile inutile, après trois jours à essayer de me joindre sans succès. J’avais coupé mon portable, et ça, c’était suffisamment inhabituel pour générer de l’inquiétude. Il faut dire que même si nous avions le même âge, Marie-Lou Couffin était une vraie mère pour moi depuis que je l’avais branchée dans un des cours de cuisine qu’elle donnait. Et en lieu de plan drague, j’avais trouvé en elle une de mes meilleures amies, toujours drôle, vivante et gourmande. Et parfois câline quand il le fallait.

    Je n’avais plus bougé de place depuis ce coup au cœur qui m’était arrivé sans prévenir. Mon canapé, doux, profond et moelleux était alors devenu le seul élément rassurant de mon univers. Tout se passait comme si je naviguais avec lui, frêle esquif, sur l’océan de mes angoisses. Sauf que là, sous mes cheveux, c’était un vrai typhon qui sévissait… Et puis, Marie-Lou avait cru bien faire, après tout ! Inviter notre bande d’amis à venir, c’était certainement ce qu’il y avait de mieux pour me faire revenir à terre. Malheureusement, là où j’en étais, le port était une notion qui me semblait lointaine.

    Ce n’était donc pas vraiment d’un œil vif que je les contemplais tous, installés autour de moi comme une bande de passagers clandestins qui aurait jailli des soutes pour prendre le contrôle du bateau et démettre le capitaine.

    Avant qu’il ne soit trop tard ?

    D’abord, il y avait eu David Gerhard. Évidemment, nous avions tous tendance à l’appeler Dave, plus pour sa coupe de cheveux que pour le diminutif de son prénom, d’ailleurs… Pas très grand, nageant dans ses sempiternels jeans, tee-shirts improbables et converses, il avait les cheveux blonds filasse et le teint clair de celui qui ne décollait pas souvent de ses écrans. Sa vie s’arrêtait le plus souvent aux frontières du monde virtuel qu’il s’était construit ; par moments, il nous semblait que cela valait sans doute mieux...

    Il avait surgi chez moi, en voisin, dès que Marie-Lou l’avait appelé, ce qui lui était d’autant plus facile qu’il passait le plus clair de son temps à glandouiller.

    Je ne sais pas exactement ce que Marie-Lou lui avait dit, mais ça avait dû lui faire assez d’effet pour qu’il décide d’abandonner l’un de ses jeux en réseau préféré et vienne se confronter à mon nouveau monde virtuel de désolation mentale.

    Perdu comme je l’étais, je n’avais perçu sa présence que de loin, ce qui ne l’empêchait pas de se rendre utile. Dès qu’il fut mis au courant de la situation, il aida Marie-Lou à contacter les autres, puis elle le lança dans tout un tas de recherches sur le net dont seul le son du nom de Gemma Arterton venait jusqu’à mes oreilles.

    Très vite, Francis Cheng, son comparse « top nouvelles technologies », débarqua pour lui donner un coup de main. Pour nous, qui le connaissions moins, c’était avant tout Maître Cheng, une sorte de personnage à la David Carradine. Ingénieur informaticien au visage impassible et au regard levantin, Francis avait été adopté par les autres d’autant plus facilement qu’il répondait toujours présent pour tout ce que nous imaginions de faire. D’humeur égale, discret, peu causant mais toujours à l’écoute, sa seule présence suffisait à nous inspirer une certaine sérénité, bien aidée toutefois par le panel des substances psychotropes et illicites qu’il était toujours en mesure de nous fournir... Sans être vraiment des toxicomanes, il fallait reconnaître que certaines de ses pilules étaient divinement magiques ! Il était donc indispensable qu’il soit là. Lorsque je le vis arriver dans son complet Mao noir, et malgré ses airs de croque-mort, j’eus l’impression que lui seul pourrait me sauver.

    Dès son arrivée, Francis fut embauché par Dave pour l’aider à supporter les directives et l’inquiétude de Marie-Lou, qui ne cessait de s’agiter. Et comme d’habitude, sa présence eut immédiatement un effet apaisant, sans même qu’il soit nécessaire de goûter ses bonbons magiques.

    Je l’aimais bien, ce Francis. J’avais passé de sacrées bonnes soirées avec Dave et lui, à écumer les bars du quartier et à le regarder nous écouter refaire le monde. En plus, il était quasiment toujours d’accord avec nous, ce qui était plutôt encourageant !

    Je les regardais s’agiter, là-bas, aux confins de mon univers, qui se résumait à mon salon. Ils s’agitaient et je les admirais avec la même fascination que si j’avais contemplé un aquarium. À un moment, les autres filles sont arrivées ensemble comme un banc de poissons aurait traversé la vitre.

    D’abord, il y eut le poisson-pilote, Mickaëlla Longuet. C’était une espèce de grande bringue brune et sèche comme un entretien de recrutement militaire. Elle passait ses journées à chasser d’improbables candidats pour de plus improbables jobs auxquels nous ne comprenions rien. Je l’avais rencontrée en cherchant un boulot, à un moment où je voulais renoncer à l’art. C’était la première fois que je rencontrais une vraie femme professionnellement fatale. Une de celles qui doivent faire un malheur en entreprise, à ce que j’en crois. Enfin, vu mes prouesses en entreprise, je ne peux pas me rendre compte…

    Quoi qu’il en soit, je ne la remercierai jamais assez de ne pas m’avoir recruté ce jour-là ! Je ne sais toujours pas comment j’avais fait, mais je me suis retrouvé convoqué un matin, pour passer un entretien d’embauche avec elle. C’était pour une de ces boîtes qui semblent n’entretenir qu’elles-mêmes en produisant du vent qu’elles vendaient fort cher. Dès son premier regard sur moi, elle eut l’air follement surprise de me trouver là, dans son grand bureau de verre, empli de meubles en verre dans cette drôle de tour de verre… De mon côté, j’étais bouleversé de la voir si présente dans toute cette transparence et je commençais même à être inspiré pour une nouvelle œuvre. Nous n’étions pas faits pour nous entendre sur un plan contractuel. Elle eut alors l’intelligence de me remettre gentiment sur mes rails et la grâce de se laisser séduire par l’exotisme que je devais représenter dans son univers…

    Ce soir-là, en la voyant, je me sentais complètement indifférent. Tout comme je l’étais vis-à-vis de Sélènia et d’Annika, qui l’accompagnaient.

    La première à avoir attiré mon attention, c’était Sélènia. Ah, Sélènia Leblanc… Une vraie rousse à la peau blanche et constellée de taches de rousseur comme je les adorais ! Je l’avais rencontrée au lycée, au hasard d’un cours, et son profil de madone m’avait profondément attiré, au point que je ne fis rien d’autre ce jour-là que de la dessiner. Les filles étant toujours trop curieuses, ce fut une bonne entrée en matière.

    Mais Sélènia était une fille sage, rangée avant d’avoir vécu. Même si j’aimais sa douce amitié, sa raison ou sa lucidité, elle ne m’inspira jamais que de mauvais dessins, finalement. Mariée, mère de famille, consacrant son temps aux siens, elle continuait à me fréquenter uniquement parce que j’étais la seule fausse note de son caractère trempé. J’oserais dire sa seule faiblesse, sa minute de fantaisie, bien qu’en aucun cas elle n’aurait rompu les promesses faites à son époux. Elle était sans faille et je l’admirais aussi pour cela.

    Rien à voir avec Annika Plommon, froide beauté blonde et nordique. Je l’avais rencontrée à une soirée arty, moi en plasticien qui sort et elle en mannequin dévergondée. Elle était pleine d’esprit, mais pouvait aussi avoir envie de se faire rentrer dedans. Le plus incroyable était son regard, si intense, qui passait pour un bleu mystérieux, mais était du plus beau vert sombre. Notre rencontre fut alors électrique, dans tous les sens du terme. Sur l’instant, bien sûr, j’eus trop de mal à me concentrer pour être capable de tirer de nos rapports le moindre travail créatif intéressant. Par la suite, cependant, je dois dire que c’est grâce à elle que j’ai pu réaliser mes œuvres les plus importantes. Si j’étais trop attaché à l’idée de la posséder pour pouvoir créer, elle était elle-même trop désireuse de conquérir le monde (je devrais dire l’Humanité dans sa partie masculine…) pour se contenter du statut peu enviable de n’être que mon égérie !

    Était venu ensuite les rejoindre Jean-Raoul Chauboudon, notre prince-mécène des temps modernes. Véritable businessman, toujours décalé entre deux jetlags et deux conquêtes, c’était une sorte de bon gros nounours à la fois dilettante, plein de charme et… d’argent. Il régnait sur les technologies des écrans vidéo et avait bâti un véritable empire. C’était incroyable de le voir là, tant nos univers étaient différents. Je l’avais connu par le biais de mon meilleur ami, Olivier Sur, que nous attendions encore. Jean-Raoul avait eu la chance de recruter Olivier pour l’aider dans ses affaires et il s’en était longtemps félicité.

    Jean-Raoul expliquait à qui voulait l’entendre que la seule manière de réussir en affaires, c’était de savoir recruter les bonnes personnes et d’en tirer le meilleur… Même s’ils ne travaillaient désormais plus ensemble, ils étaient restés amis et nous nous étions tous adoptés. C’était un type incroyable, ce Jean-Raoul ! Toujours au taquet, toujours flamboyant, mais finalement aussi généreux que simple. Tout en aimant nous en mettre plein la vue à coups de voitures de luxe ou de sorties VIP, JR le faisait toujours avec humour et fantaisie. Je crois aussi que le décalage qu’il y avait entre lui, mes autres amis et moi devait l’amuser autant que nous.

    Mais voilà, le temps passait et Olivier n’était toujours pas là.

    — On avait pourtant dit vingt heures, maugréait Marie-Lou dans son coin.

    Depuis mon salon, je les voyais tous s’entasser les uns sur les autres pour être au plus près de Dave et de sa nouvelle tablette grand format Sonotonic. Dans leurs yeux, je voyais le reflet hypnotique de l’image de Gemma.

    Elle ne me sortait plus de la tête.

    Soudain, le timbre de ma sonnette retentit et Olivier Sur fit son entrée. Il salua le groupe, prenant soin de me traiter comme un meuble, avant de me considérer en silence, ce qui suspendit un temps toute activité intellectuelle dans mon salon.

     Olivier, c’était le Black « beau gosse » de la bande, qui promenait son charme et ses vêtements de luxe au gré des missions internationales où l’envoyait son métier de financier et de consultant. C’était de lui que je me sentais le plus proche. Avec lui, depuis ma plus lointaine jeunesse, j’avais fait les quatre cents coups, passé les nuits les plus folles et vécu les aventures les plus merveilleuses.

    Toujours tiré à quatre épingles, assortissant les meilleurs tissus, les meilleures coupes à sa peau d’ébène, sortant des meilleures écoles tout en ayant un bagou propre à ouvrir toutes les portes, il écumait la planète financière de ce qu’elle comptait d’entreprises à redresser, d’affaires à monter ou à démonter avec une élégance théâtrale. Je l’avais connu au début, à l’époque où, même bardé de diplômes, un Black avait du mal à être recruté, et nous nous étions bien entendus.

    Au bout d’un moment dont je sentais pleinement l’intemporalité grâce au regard que tous me lançaient, Olivier reprit le tempo :

    — Bon, OK, et il est hors service depuis longtemps ?

    — Trois ou quatre jours, si j’ai bien compris, répondit Marie-Lou. C’est la gardienne qui m’a appelée, car elle ne le voyait plus sortir et la lumière de l’atelier restait éteinte.

    — Trois ou quatre jours comme ça ? Sans manger ? Dis donc, c’est rude, comme programme… Et c’est ce film qui lui a fait ça ?

    — Pas le film, banane, la fille ! intervint Annika.

    — Ah ouais, cette Gemma machin chose ? Naaoon, sans blague ?

    — Tu veux nous faire croire que tu ne la connais pas ? Que tu ne l’as jamais matée à poil sur internet ?

    — Tu sais, je n’ai pas trop le temps… Et puis, les adorations virtuelles, ce n’est pas non plus mon truc…

    — C’est ça, fais le mariole ! coupa Jean-Raoul… N’empêche qu’elle est plus que troublante, cette fille, conviens-en !

    — C’est vrai qu’elle a un petit quelque chose, consentit Olivier ; seulement, de là à le transformer en tas de viande morte sur canapé…

    — Mais t’as jamais été amoureux, toi, ce n’est pas possible ! me défendit Marie-Lou.

    — Ben si, et tu devrais le savoir… Mais toujours d’une vraie fille, pas d’une image !

    — Mais ce n’est pas qu’une image. Elle existe, Gemma. C’est la magie du cinéma et ça peut faire mal.

    — Quand même, je ne l’aurais pas imaginé si sensible, remarqua Dave.

    Comme à leur habitude, Sélènia et Maître Cheng profitaient de la situation et de l’instant en silence. Ce n’était ni de la distance ni du mépris, mais juste leur manière de compatir, je le comprenais bien.

    Voilà. J’étais dans mon appartement, complètement apathique depuis trois jours, et mes amis venaient prendre soin de moi alors que je n’avais envie que d’une chose : disparaître ! Non pas seulement mourir, mais me décomposer en particules toujours plus fines, puis me vaporiser dans l’air et l’éther.

    Je n’aurais pas dû aller voir ce film, tout simplement. Ou tout du moins pas seul, peut-être. Mais voilà, on se croit plus fort que les autres et on fait des trucs de fous. Et puis, comment imaginer l’effet que peuvent avoir sur un type normal quelques jolies images projetées sur un écran Imax…

    Je suis sculpteur. Disons plasticien, pour faire moderne et parce que je touche aussi un peu à tout. Je vis dans un atelier du Marais, dont j’ai eu la chance d’hériter d’un oncle à peine entrevu. Cela m’évite d’accumuler les souvenirs gênants de mes proches… et aussi de récupérer leurs névroses. J’aime particulièrement cet endroit, car l’espace où je m’exerce est surmonté d’une immense verrière où transpercent le ciel et mon inspiration. Comme tant d’autres, j’y cherche sinon la gloire, du moins la liberté de pouvoir créer au gré de mes désirs et de mes envies. Encore me faut-il trouver le souffle nécessaire…

    Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours pensé que l’art n’était pas un travail solitaire ; que c’était juste de l’énergie. Une énergie qu’il fallait être capable de voler aux autres pour mieux la leur revendre ensuite. La beauté, et plus généralement celle des femmes, était la seule chose qui m’inspirait, qui me nourrissait et que je poursuivais. Au fond, j’étais un artiste très conventionnel. On pouvait même dire que je n’avais rien compris au marché de l’art contemporain.

    Or, cette idée de beauté n’était qu’une illusion à laquelle je m’accrochais vainement. Une sorte d’anomalie de la nature, qu’une autre beauté viendrait remplacer en son temps ou tout simplement un peu plus tard dans la journée. Il suffisait, du reste, de passer une après-midi sur une terrasse vers Saint-Germain-des-Prés pour s’en rendre compte. Ce qui rendait la beauté infinie, c’est qu’une beauté plus grande encore venait toujours effacer celle que l’on venait de croiser, dans une course perpétuelle et sans issue.

    Alors, je voulais autre chose. Pas la beauté absolue, bien sûr… Celle-là, il fallait la garder pour soi, dans un coin de sa tête, comme un exemple de ce que l’on ne trouverait jamais. Non, ce qu’il me fallait, c’était une inspiratrice, une égérie. Pas une muse, qui aurait été trop lointaine ; non, juste quelqu’un que j’aime passionnément et qui m’inspire. Ou plus exactement, quelqu’un qui me bouleverse, qui me traverse d’émotions inconnues et amères.

    Plus encore que de vivre un amour passionné, je rêvais d’une apparition. D’un évènement charnel que je pourrais regarder pendant des heures sans ennui, rien que pour le plaisir de voir frémir sa peau, de découvrir une lumière différente dans son regard, la mosaïque renouvelée de ses taches de rousseur à des endroits inattendus, ou le flou d’un duvet. Et surtout, d’une fille qui irradierait de ce charme imperceptible, qui fait que la vraie beauté ne se cache pas dans une série de détails purement plastiques.

    Bref, ma vie artistique baignait dans les lieux communs. Personne, cependant, ne m’ôtera de l’idée que l’art se doit de rester une quête désintéressée du beau.

    Malgré toutes les filles que j’avais rencontrées jusqu’à présent, que j’avais vues fondre à l’idée d’être immortalisées ou d’inspirer l’artiste, je n’avais jamais vécu cette étincelle qui venait de m’embraser.

    Voilà, c’était cela. Je venais de m’embraser en voyant cette actrice et je ne cessais pas de me consumer depuis.

    Je me sentais au plus mal, incapable de continuer à vivre sans la voir, sans la rencontrer ni la connaître. Heureusement, je n’étais plus seul ; mes

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