« AU SEUIL D’AUTRE CHOSE »
Sur la table ronde devant la fenêtre, au bout de quelques minutes d’une conversation dont j’aurais voulu qu’elle continue de n’être captée par aucun dictaphone, j’ai fini par déposer l’objet entre nous – cet objet qui permet de poursuivre aussi bien qu’il éloigne de l’autre. « Bonjour Virginie Efira », j’ai dit, mimant le début d’une émission de télévision. « Mais ça peut arriver, ça, répond-elle. On parle très librement, et puis l’appareil s’impose et tout s’arrête. » Une surveillance extérieure fait surgir l’idée qu’il y a plus fort que ce qui a lieu là.
« Je préfère parler en petit groupe ou bien à deux. Parce que s’exprimer face à une audience plus large impliquerait le souci, l’angoisse de plaire au plus grand nombre, de trouver le dénominateur commun : faire un truc ambigu avec le consentement de tous, c’est compliqué. » Ce désir de plaire est né dans l’enfance. Mais à l’école, à l’évocation du projet de devenir actrice, on lui a très vite répondu : ah oui, tu veux être pute ? « On me faisait des blagues très humiliantes. Je me souviens d’un prof de maths qui plaisantait en me disant : “C’est combien, Virginie ?” Et donc je rigolais aussi pour donner le change. C’était presque normal. C’est ensuite que j’ai revisité ces endroits d’humiliation. Ces souvenirs sont devenus des moments de trouble bien plus tard. Le passé s’est éclairé d’autres choses. C’est le propre de la mémoire d’être en mouvement. J’ai appris à changer la perception de ce qui a été vécu comme une honte, une douleur, à en atténuer le sentiment de gravité. »
Elle annonce qu’elle aurait voulu décorer cet endroit pour qu’il lui évoque un lieu d’intimité qui n’appartienne qu’à elle, mais qu’au fur et à mesure, il a fini par ressembler à un « lupanar ».
le dernier film de Paul Verhoeven dont elle tient le rôle principal, raconte l’histoire de la jeune Benedetta Carlini,
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