PORTRAIT
Les contes persans ne commencent pas comme en Occident par « Il était une fois » mais par la formule infiniment plus magique : « Il était il n’était pas », sans virgule, histoire de bien faire trembler la frontière entre réalité et fiction, jusqu’à ne plus pouvoir les distinguer. La femme qui s’avance vers moi existe bien, comme en témoignent les regards qui la suivent dans ce bar d’hôtel parisien confidentiel. Mais elle appartient aussi au monde du rêve et des contes, à la Perse éternelle, celle des artistes, des muses, des poètes. Et l’on pourrait ainsi commencer son portrait, avant de la ramener à son identité terrestre et administrative, avec cette formule : « Elle était elle n’était pas. »
À première vue, Golshifteh Farahani n’a jamais paru aussi sûre d’elle. Tout de noir vêtue, chevelure de jais, regard de charbon, elle dégage la force tranquille teintée de mélancolie d’une reine exilée, qui ne posséderait plus qu’elle-même et se contenterait de ce royaume. Du charme, elle en a toujours eu. Mais cette densité est nouvelle, non ? « C’est l’âge », me glisset-elle dans un sourire. On contemple, étonné, son visage intemporel de madone, mais elle ne plaisante pas. À 40 ans, et près de cinquante films à son actif, elle est en droit de revendiquer une certaine maturité. « Quand j’ai quitté l’Iran pour la France il y a quinze ans, c’est comme si on m’avait coupé les mains et les pieds. Tout était à reconstruire. J’ai dû repartir de zéro, apprendre le français, comme une enfant. Ça prend du temps. » Elle se sert une