LES CHOSES DE SA VIE
Ce jour-là, les cafés sont encore fermés, alors nous avons convenu de nous retrouver dans la rue, sur un banc. Ça a commencé par un appel en absence. Découvrir « Laetitia Casta appel manqué » sur mon portable aurait pu suffire à décrire ce rendez-vous. Je suis assise, seule, sur un banc, à côté d’un reste de taboulé dans une barquette et, en la voyant arriver, je suis surprise qu’elle ne se détache pas de la foule, qu’elle ait si bien appris à s’y fondre. Elle m’indique la fontaine au milieu de la place Saint-Sulpice et nous marchons côte à côte dans un silence timide avant de nous asseoir sur le rebord. C’est étrange, un rendez-vous arrangé dans la rue. Je ne suis pas journaliste, je n’ai jamais fait cet exercice et j’évoque ma crainte à l’idée de « jouer à l’intervieweuse face à elle ». J’ai vu et lu tant d’entretiens d’elle dans lesquels règnent ces injonctions à vouloir la bousculer, extirper coûte que coûte quelque chose. Je rêve que nous puissions nous connaître immédiatement, sans masque, sans les postures des rôles qu’on nous aurait donnés avant cette rencontre. D’ailleurs, c’est une des premières choses qu’elle m’a demandée au bord de la fontaine : « Vous ne mettez pas de masque ? Alors moi non plus... » Mais elle rassure. Je ne dois pas m’inquiéter. « Je suis capable de parler. Mais pour ce qui est de bousculer, je peux très bien le faire toute seule. Face aux journalistes, aux vrais, il y a ce réflexe pathologique de vouloir faire des acteurs, des actrices, des gens normaux. Il leur faut le bon mot, ça me fait flipper, cette injonction à l’autopromotion, il faut s’exprimer sur tout, promouvoir sa pensée, tout devient politique et ça n’est plus naturel. »
Je m’allume une cigarette et je lui demande dans quel état elle se met pour préparer une interview, si elle prépare la scène. « Non. C’est comme juste avant une séance de psychanalyse, on peut toujours penser à
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