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Le bon, le mauvais, et le magique
Le bon, le mauvais, et le magique
Le bon, le mauvais, et le magique
Livre électronique399 pages5 heures

Le bon, le mauvais, et le magique

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À propos de ce livre électronique

Lorsque la fleuriste magicienne Harriette Harkette décide d’organiser une fête somptueuse pour ses 80 ans, elle embauche Darcy et le service de conciergerie personnel de sa tante Ve, Comme vous le souhaitez, afin de planifier la soirée. Mais Harriette ne célèbre pas seulement ses 80 ans : l’artisane de fleurs a récemment créé la rose noir minuit de l’Heure magique, la première rose naturelle ayant cette couleur.

Darcy travaille fort pour planifier une célébration extravagante qui donnera à Harriette l’impression d’être la belle du bal. Mais lorsque le jeune livreur du gâteau, Michael Heather — un ancien employé de la serre d’Harriette —, est retrouvé mort, la fête prend un tournant imprévu. L’empreinte du fantôme de Michael est maintenant gravée sur Darcy, ce qui signifie qu’ils sont unis jusqu’à ce qu’elle ait démêlé l’écheveau qui entoure son meurtre — et élucidé ses véritables liens avec la rose de l’Heure magique.
LangueFrançais
Date de sortie9 févr. 2018
ISBN9782897679965
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    Aperçu du livre

    Le bon, le mauvais, et le magique - Heather Blake

    Copyright © 2013 Heather Webber

    Titre original anglais : The Good, the Bad, and the Witchy, The Wishcraft Mysteries

    Copyright © 2017 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée avec l’accord de Penguin Group (USA) Inc., New York, NY

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Renée Thivierge

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe et Féminin pluriel

    Conception de la couverture : Amélie Bourbonnais Sureault

    Photo de la couverture : © Thinkstock

    Mise en pages : Kina Baril-Bergeron

    ISBN papier 978-2-89767-994-1

    ISBN PDF numérique 978-2-89767-995-8

    ISBN ePub 978-2-89767-996-5

    Première impression : 2017

    Dépôt légal : 2017

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives nationales du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada

    Téléphone : 450 929-0296

    Télécopieur : 450 929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC)

    pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Conversion au format ePub par:

    www.laburbain.com

    À cette heure magique de la nuit,

    La lune est pleine et luit,

    Et les étoiles scintillent, scintillent,

    Semblant ouïr avec des yeux qui brillent.

    Mais que ouïent-ils ?

    — John Keats

    Remerciements

    Je l’ai déjà dit, et je le redis : j’ai les meilleurs lecteurs au monde, et leur créativité ne cesse de m’étonner. Alors, il n’est pas surprenant que lorsque j’ai demandé de l’aide sur les médias sociaux afin de trouver certains noms pour ce livre, j’ai reçu tellement de suggestions qu’il m’a été ­difficile de choisir.

    J’ai fini par retenir la suggestion de Jennifer W., sur ­Twitter, de « Stiffington » pour le nom de Hot Rod, et la recommandation de Zuzana U., sur ma page Facebook, de « Manoir Boo » pour le nom de la maison hantée du festival pour la famille. Un gros merci à vous deux !

    Si vous souhaitez me suivre (et peut-être m’aider pour un autre livre), vous pouvez me joindre à

    www.facebook.com1heatherblakebooks sur Facebook et

    @bookshyheather sur Twitter.

    Chapitre 1

    Le plus longtemps je vivais dans le Village enchanté, plus je prenais conscience que non seulement la magie y résidait, mais aussi la réelle excentricité.

    Il y avait des gens bizarres, très bizarres, dans les parages.

    Y compris Harriette Harkette, 80 ans, spécialiste du gothique, qui s’était organisé une fête d’anniversaire pour filles seulement afin de célébrer le grand jour. Elle avait embauché Comme vous le souhaitez, le service de conciergerie personnel de ma tante Ve, afin de planifier la soirée sous le thème du noir et blanc — et la fête avait lieu ce soir.

    Ve se mit à crier pour se faire entendre au-dessus de la musique rythmée.

    — Tu es certaine d’avoir engagé un danseur nu, Darcy ?

    Elle ajusta l’arrangement floral composé de roses noires sur la table du buffet.

    Les fleurs, nommées « roses de l’Heure magique », étaient assez impressionnantes. Elles étaient noir minuit — la couleur préférée de Harriette — et avaient récemment gagné des prix internationaux et reçu des éloges des sociétés de roses élites, la variété s’étant distinguée comme la première rose noire naturelle qu’on a jamais cultivée. Mais les roses me semblaient un peu morbides, car la couleur ­foncée me rappelait bien plus un enterrement qu’une fête.

    Cherchant à ignorer la question de Ve, je vérifiai les plateaux de nourriture. Il y avait amplement de hors-d’œuvre, mais le gâteau d’anniversaire, la pièce centrale, n’était pas encore arrivé. Je lui donnais 10 minutes de plus, puis j’appellerais Evan Sullivan, propriétaire de la boulangerie locale, pour savoir ce qui retardait la livraison.

    Autour des yeux de Ve, quelques minuscules rides se plissèrent, en même temps qu’elle baissait la tête et m’évaluait d’un air perspicace du coin de l’œil, ses sourcils cuivrés relevés. Le regard n’était adouci que par quelques longues mèches de cheveux échappées de sa pince à cheveux toujours présente qui encadraient son visage rond.

    — Darcy ? Le danseur nu ?

    De l’autre côté de la salle, devant le bar, trois ou quatre rangées de femmes attendaient de faire remplir leur verre. J’eus soudainement envie de me joindre à elles, mais je me contentai de lancer à Ve un regard impertinent.

    — Tu ne me fais pas confiance ?

    Côté apparence, tout ce que ma tante et moi avions en commun, c’était la couleur de nos yeux — bleus avec des éclats dorés. J’étais plus grande, plus mince, avec de longs cheveux noirs et un visage ovale. Mais quant à la personnalité ? Notre obstination, nos manières évasives et notre insolence mutuelles étaient parfaitement bien assorties.

    — Non, répondit sèchement Ve.

    C’était une sorcière futée.

    Le danseur nu avait été une source de dispute entre nous, et je n’avais pas suivi exactement ses ordres comme je l’aurais dû. Il y aurait un danseur nu, oui, mais peut-être pas du genre auquel tout le monde pouvait s’attendre…

    Ve et moi étions deux des nombreuses femmes dans la salle de fête du Chaudron, le pub du village. Je n’étais pas certaine de ce qui faisait le plus de chahut — la foule du vendredi soir devant le long comptoir d’acajou, ou le groupe de Harriette composé de ses amies les plus proches et les plus chères.

    Le plancher vibrait sous mes pieds, à cause des basses déversées par les énormes haut-parleurs du DJ. Celui-ci paraissait un peu effrayé alors qu’il faisait jouer I Will Survive et que les femmes chantaient à pleins poumons tout en lui lançant des regards obscènes, vu qu’il était le seul homme dans la salle. Il faisait tout pour éviter les contacts visuels, alors qu’il se trouvait à porter la colère de chaque femme maltraitée sur la piste de danse. Je remarquai les trois meilleures amies de Harriette (les quatre femmes étaient collectivement connues sous le nom de « veuves malicieuses » — ou les « Malicieuses », pour faire court) qui chantaient le plus fort, et je me demandai soudain si c’était vraiment un hasard qu’elles soient veuves et non divorcées.

    Mais non. C’était probablement une simple paranoïa qui me murmurait à l’oreille. Et cela m’arrivait souvent depuis les récentes enquêtes pour meurtre. Heureusement, il y avait des mois que je n’avais pas été mêlée à un homicide, et personnellement j’aurais bien aimé que cette tendance se maintienne.

    Pourquoi était-ce une fête pour filles seulement, je n’en avais aucune idée. Même le mystérieux fiancé de ­Harriette n’avait pas été invité. Mais c’était peut-être parce que ­Harriette avait insisté pour que nous embauchions un danseur nu pour la fête, et non pas — comme tout le monde le soupçonnait dans le village — parce que le fiancé n’était qu’un produit de l’imagination excentrique de Harriette.

    L’événement donnait bien plus l’impression d’être un enterrement de vie de fille que d’une soirée d’anniversaire, ce qui me fit me demander si Harriette préparait un mariage surprise dans un avenir proche. Cette célébration ­d’anniversaire n’était-elle au fond qu’une ruse pour se payer un enterrement de vie de fille sans le dire ouvertement ?

    L’annonce récente de ses fiançailles avait fait courir des rumeurs dans la ville. Dans la librairie de ma sœur ­Harper, la Librairie envoûtée, des paris collectifs misaient sur les chances que Harriette ait inventé l’existence de l’homme, et ce, à trois contre un. La raison exacte de la tenue d’une telle fête demeurait un mystère, sauf que Harriette était une excentrique, ce qui semblait constituer une raison suffisante.

    Habillée de noir de la tête aux pieds, l’une des deux filles de Harriette, Lydia, lançait des regards noirs et était installée dans le coin, les bras croisés fermement contre elle. Elle ne semblait pas passer un bon moment, mais c’était peut-être davantage relié à l’atmosphère de l’enterrement de vie de fille qu’à quoi que ce soit d’autre. Lydia Harkette ­Wentworth avait plutôt manifesté de vive voix son déplaisir de voir sa mère se remarier — et son agacement se voyait dans chaque ride d’expression sur son visage.

    Je me demandai pourquoi elle était venue ce soir, si elle allait se montrer aussi grincheuse. Ce n’était probablement pas pour voir le danseur nu.

    — Qu’est-ce que tu es en train de machiner, Darcy ­Merriweather ? dit tante Ve, en ajustant sa ceinture sur une robe portefeuille noire qui moulait ses nombreuses courbes.

    Je me mis à jouer avec les serviettes, et j’allai voir ce que faisait mon chien, Missy, qui observait la piste de danse avec des yeux inquiets, en protégeant soigneusement ses pattes de chiot des talons aiguilles ivres.

    — Je ne sais pas ce que tu veux dire, Ve. J’ai engagé un danseur nu. Il sera bientôt là.

    J’avais été totalement réticente à l’embaucher, compte tenu de l’âge de Harriette. Un danseur exotique dans la vingtaine risquait de l’envoyer directement de l’autre côté, et dans la tombe, avant son temps.

    Ve avait démontré vivement son désaccord, et oserais-je le dire ? Une lueur éclairant son regard éveillait mes soupçons qu’elle avait amassé des liasses de billets d’un dollar pour le grand événement de ce soir.

    Ma tante était aussi considérée comme l’une des excentriques du village.

    Je déposai un petit plat d’eau sur le sol pour Missy. Cette salle n’était probablement pas le meilleur endroit pour elle, mais avec les foules dans le village pour la soirée d’ouverture du Festival de la moisson qui se déroulait sur la place publique, je n’avais pas osé la laisser seule à la maison. Elle, un petit Schnoodle gris et blanc (un mélange de schnauzer miniature et de caniche nain), était le Harry Houdini des chiens, capable de se défaire de son collier, et de s’échapper de toute enceinte, laisse ou cage à laquelle je l’aurais restreinte. Je devais trouver un moyen de découvrir comment elle réussissait à s’enfuir. Ce soir, elle était mieux ici, avec moi, où je pouvais garder un œil sur elle. La dernière chose que je voulais, c’était qu’un quelconque touriste la prenne pour un chien errant et parte avec elle.

    — Quand ?

    Ve ajusta son écharpe violette à frange et regarda autour d’elle comme si elle s’attendait à voir le danseur nu franchir la porte à cette minute même et se diriger vers nous et tout.

    Je consultai ma montre.

    — Bientôt.

    — N’a-t-il pas besoin de temps pour se huiler ?

    Elle se tapota la tête, remarqua les boucles échappées et les replaça dans sa broche à cheveux de fantaisie.

    — Je pourrais l’aider.

    — Il est question d’huile ? dis-je en frémissant. Mais ça ne sera pas salissant ? Comme laisser des taches ?

    — Ce n’est pas le moment de s’inquiéter pour la lessive, dit Ve en riant. Tu as eu une vie tellement protégée, Darcy chérie.

    — Tu dis ça comme si c’était une mauvaise chose.

    Mais je ne pouvais pas le nier. Jusqu’à ce que je déménage dans le village en juin, j’avais effectivement vécu une vie protégée  : divorcée malheureuse et gérante de la pratique ­dentaire de mon père dans l’Ohio, j’avais passé la majorité de mon temps libre à surveiller ma sœur, Harper, aux comportements quelque peu délinquants, et je n’avais eu ­absolument aucune idée que j’étais une sorcière. Et que ­Harper aussi en était une.

    Tout cela avait changé, avec la visite de tante Ve après la mort de mon père. Et avant d’avoir le temps de dire « Am stram gram », Harper et moi avions déménagé à plus de 1 500 kilomètres dans un populaire lieu touristique, le Village enchanté, un quartier thématique de Salem, au ­Massachusetts. Un endroit habité par la magie.

    Une magie, sous forme de sorcières. Ou « artisanes » comme on nous appelait dans le coin (bien que les mortels ignoraient notre existence). Ve, Harper et moi étions des sorcières-artisanes avec le pouvoir d’accorder des souhaits en utilisant un sort spécial. Mais notre magie avait des limites, y compris des dizaines de règles et de règlements que nous devions suivre — les Lois des artisans de souhaits —, qui étaient régies par l’Ancienne détenant le secret de l’art.

    Au cours des derniers mois, j’avais été appelée à plusieurs reprises devant l’Ancienne pour des violations de ces lois. J’espérais vraiment parvenir à la nouvelle année sans avoir à lui rendre de nouveau visite. Une sorcière pouvait bien espérer.

    Je me mis à jouer avec de longs brins noirs de ma queue de cheval foncée en même temps que je promenais mon regard sur les gens rassemblés. Il n’y avait aucun moyen de différencier les mortels des artisans, à première vue — juste un clignement de l’œil révélateur et le bouche-à-oreille du village. Même après avoir vécu cinq mois ici, j’en étais encore à apprendre qui était qui, mais je savais qu’un bon nombre de femmes dans cette salle étaient dotées de pouvoirs magiques.

    Il manquait encore Harriette, celle dont on célébrait l’anniversaire, et une artisane de fleurs (elle avait cultivé ­elle-même les incroyables roses noires).

    — Ce n’est pas forcément une bonne chose, dit Ve, en me prenant les mains. Surtout quand on ne sait pas organiser une fête. De l’alcool, le gâteau et un danseur nu. C’est fait.

    Elle me fit tournoyer dans un mouvement vertigineux.

    — Oh, et danser.

    Missy poussa un aboiement comme si elle était d’accord. La traîtresse. Je souris.

    — Tu as apporté une liasse de billets d’un dollar, non ?

    — Bien sûr, dit Ve, en me faisant un clin d’œil.

    — Qu’est-ce que Terry dirait ?

    Terry Goodwin était son nouvel (et ancien) intérêt amoureux. Ils avaient déjà été mariés ; maintenant, ils sortaient ensemble de façon informelle. Terry aurait voulu l’exclusivité, mais Ve n’était pas pressée d’être attachée à nouveau.

    Ma tante avait des problèmes avec la monogamie.

    — Probablement qu’il me dirait de m’amuser, répondit Ve avec un air renfrogné.

    — Depuis quand les danseurs nus font-ils partie d’une fête d’anniversaire, de toute façon ? demandai-je en levant les yeux au ciel.

    — Depuis que Harriette en a demandé un, et nous exauçons toujours les souhaits de nos clients. Quand est-il censé arriver ?

    — Vingt et une heures.

    Il n’était que 20 h 30. Je promenai mon regard autour de moi. La salle était incroyable. Du tissu noir orné de rosettes blanches tapissait les murs, et de hautes tables de pub étaient recouvertes de nappes aux motifs floraux noir et blanc. Les flammes des bougies blanches décorées de délicates fleurs dessinées à la main dansaient dans la pièce faiblement ­éclairée. Tout avait l’air sensationnel. Moderne. Élégant. Et cela ressemblait beaucoup à Harriette.

    — Tu es en train de manigancer quelque chose. Je le vois, dit Ve en plissant les yeux.

    La musique rythmée faisait vibrer mes vertèbres.

    — Harriette Harkette a 80 ans. Ne crois-tu pas qu’un danseur nu risquerait de lui faire faire un arrêt cardiaque ? Je ne veux vraiment pas avoir ça sur la conscience, et toi ?

    — Ça dépend à quel point le danseur nu est sexy, lança Ve en inclinant la tête d’un côté à l’autre.

    — Ve !

    — Quoi ? demanda-t-elle d’un air innocent. ­Quatre-vingts ? Harriette a vécu une bonne et longue vie.

    — Tu es horrible, dis-je en souriant.

    Ve agita un doigt. Ce soir, elle avait peint ses ongles en noir en l’honneur de la fêtée.

    Le — que le ciel me garde — danseur nu devrait arriver bientôt. Mais c’est le gâteau qui commençait à m’inquiéter. Il aurait dû être livré il y a plus d’une heure. Je sortis mon cellulaire, et j’envoyai un bref message texte à mon bon ami Evan Sullivan, propriétaire du Pain d’épices, demandant à quel moment serait livré le magnifique gâteau à trois étages qu’il avait confectionné.

    Pendant que j’envoyais ce texto, le DJ se mit à exécuter un roulement de tambour dramatique, et je levai les yeux vers la porte de la salle de fête qui s’ouvrait lentement.

    Tout sourire, Harriette entra en adoptant une démarche furtive. Les femmes, à l’exception de Lydia, se déchaînèrent.

    C’était la première fois que je voyais quelqu’un s’avancer ainsi en chaloupant, mais Harriette l’avait fait. Une longue foulée après l’autre — elle semblait prête à se lancer dans un tango à tout moment. Elle leva les bras en l’air.

    — Que la fête commence !

    Staying Alive se mit à jouer, et je perçus cette pièce comme une forme de représailles du DJ pour tous les regards meurtriers qu’il avait reçus pendant I Will Survive, et Harriette lui jeta un regard furibond.

    Il feignit de l’ignorer. Homme sage.

    À mon avis, Harriette était dotée du complexe de Dr Jekyll et M. Hyde. Une minute, elle était heureuse autant qu’on puisse l’être, le boute-en-train de la fête, et la minute ­suivante… une vipère. J’espérais que ce soir ses crocs resteraient rentrés.

    — Velma ! La place est tout simplement magnifique !

    Harriette embrassa Ve sur les deux joues, puis sur les miennes. Elle jeta un regard dubitatif à Missy, qui émit un grognement guttural.

    Harriette se pencha et grogna à son tour.

    Missy découvrit ses dents, et je la saisis avant qu’elle puisse prendre une bouchée de la cheville osseuse de Harriette.

    Harriette exhalait la richesse. Grande, agile, joues émaciées, long nez, menton pointu. Yeux bleus tranchants comme un rasoir, cheveux blancs impeccables tirés vers l’arrière en une coiffure de fantaisie. Des diamants pendaient à ses oreilles et sur son cou. Une longue robe noire moulait sa mince charpente ; ses manchettes et son ourlet étaient bordés de plumes blanches. Une ceinture incrustée de diamants encerclait sa taille minuscule. Pour compléter l’extravagante tenue, des escarpins argentés à bout découpé scintillaient et exhibaient des ongles pourpres.

    Un énorme diamant jaune brillait sur son auriculaire, et pour la millionième fois depuis que j’avais appris qu’elle était fiancée, je m’interrogeais au sujet de son supposé fiancé.

    Louis.

    Harriette n’avait jamais révélé son nom de famille, de sorte qu’à moins qu’il n’ait l’état d’esprit de Cher ou de Prince, elle n’en disait probablement rien à dessein. Ce qui me rendait immédiatement soupçonneuse — ce n’était pas un secret que mon pari à la Librairie envoûtée favorisait carrément l’idée que cet homme était une pure invention.

    Autant qu’on le sache, Louis n’était pas du village, et Harriette n’avait révélé avec contrariété que peu de choses sur la relation.

    Mon cellulaire se mit à bourdonner.

    — Excusez-moi, dis-je en me détournant pour vérifier le message.

    Je déplaçai Missy dans le creux de mon bras gauche et j’ouvris mon téléphone. Je lus sur l’afficheur :

    Michael est parti il y a une heure et demie.

    C’était un message d’Evan, qui répondait au message texte que je lui avais envoyé quelques minutes plus tôt. Je fronçai les sourcils. Alors, où était Michael Healey, le livreur de la boulangerie ? Le Pain d’épices était situé juste en face de la place — il n’aurait pas dû prendre plus de cinq minutes pour livrer le gâteau.

    Je le textai à nouveau (pas facile quand on tient un Schnoodle irrité) : Aucun signe de lui. Ou du gâteau.

    — Les Malicieuses ont emporté leurs billets de cinq dollars, Velma, dit Harriette d’une voix forte, les sourcils levés, alors j’espère que le danseur nu est exceptionnel. Jeune, ­excitant, sexy.

    Elle remua les hanches.

    Ve me jeta un coup d’œil qui voulait dire  : « Je te l’avais bien dit. »

    Ce qui m’inquiéta beaucoup, et je me demandai ce que voulait dire « jeune » pour une femme de 80 ans. Parce que c’était vrai que j’avais embauché un danseur nu, mais selon sa biographie, il frisait les 70 ans. J’eus soudainement l’impression que la plaisanterie ne serait pas aussi bonne que je l’espérais. Si je ne réglais pas bientôt cette affaire, j’étais assurée de voir les crocs de Harriette ce soir.

    Je me mordis la lèvre et frémis à cette pensée.

    — Votre fiancé est-il jeune, Harriette ? demanda Ve avec désinvolture.

    Je devais lui reconnaître cela ; ma tante n’avait aucun scrupule à s’immiscer dans les affaires des autres.

    Harriette pinça ses lèvres rouge pompier.

    — Louis est un peu plus jeune que moi, c’est vrai.

    — De combien ?

    Mon téléphone se mit à bourdonner.

    EVAN : Je peux voir la camionnette dans le stationnement.

    MOI : Comment ? Vision surhumaine ?

    EVAN : Jumelles.

    Je ne voulais vraiment pas savoir pourquoi Evan gardait des jumelles à la boulangerie.

    — Assez pour que je me sente encore jeune, dit ­Harriette, exhalant un profond soupir.

    Elle jeta un coup d’œil autour d’elle, et ses yeux de serpent se plissèrent en voyant l’emplacement vide sur la table de dessert réservée au gâteau.

    — Le gâteau n’est pas encore arrivé ?

    Je sentis le venin dans l’air.

    — Je vais vérifier. Je reviens tout de suite.

    Le fait de sortir me donnerait aussi le temps de faire marcher Missy et de trouver comment faire venir ici un danseur nu de remplacement le plus rapidement possible.

    Je me frayai un chemin à travers les fêtards qui fréquentaient le pub, et je sortis sur le trottoir. J’attachai la laisse de Missy, je la déposai par terre et je regardai autour de moi. Le village paraissait tout simplement formidable. Le ­Festival de la moisson battait son plein. Un immense feu de joie éclairait une extrémité de la place, et une grande roue était ancrée à l’autre. Entre les deux, il y avait des kiosques et des manèges, et même une fausse maison hantée — toutes des attractions pour attirer les touristes. Mais sous tout cela, en dessous de la surface, quelque chose craquait dans l’air. La magie.

    Cela me fit sourire. Pour les artisans, c’était un moment spécial de l’année. L’Halloween, qui aurait lieu le prochain week-end, était notre célébration la plus importante.

    La place était remplie de touristes et de villageois. La lune gibbeuse croissante était accrochée haut dans le ciel ; la nuit était douce, le feuillage d’automne, magnifique, et j’aurais souhaité pouvoir en profiter pleinement.

    Malheureusement, je ne pouvais pas m’accorder mes propres souhaits (une des Lois des artisans de souhaits), ce qui signifiait que je devais trouver un jeune danseur nu excitant et sexy le plus tôt possible.

    Je me grignotai un ongle et pensai au site Web de « divertissement » qui m’avait été recommandé par Evan. Je ne me souvenais pas d’avoir vu un numéro de téléphone, mais comme c’était le seul endroit dans les environs pour louer les services de danseurs nus, une fois que j’en aurais terminé à l’extérieur, j’emprunterais le téléphone intelligent de Ve (j’avais encore un modèle plus ancien) pour accéder au site et pour voir si je pouvais contacter un responsable afin de modifier ma commande.

    Missy et moi esquivâmes un groupe de gens qui faisaient du lèche-vitrine comme nous revenions sur notre chemin vers le stationnement public adjacent au pub. Tout au long de la promenade, je ne pouvais m’empêcher de penser au père célibataire Nick Sawyer, et combien il était jeune (d’accord, il avait 35 ans, mais quand même), excitant et sexy. Hélas, il n’était pas un danseur nu (je pouvais bien rêver), mais bien le chef de police du village. Nous sortions ensemble depuis la fin de l’été.

    Je tournai le coin, et bien sûr la camionnette de Pain d’épices était garée à l’arrière du terrain de stationnement, près du chemin menant au Sentier enchanté, une allée pavée qui faisait une boucle derrière la place.

    Comme je trottais vers le véhicule, je me mis à ­écouter l’orgue à vapeur du Spectrousel (un carrousel sur le thème des fantômes), qui jouait une mélodie joyeuse, plein d’entrain sur la toile de fond de tous les autres sons. Des cloches, des sifflets. Des voix murmurées. Des cris de petits enfants. Des rires.

    Je profitais de l’ambiance, jusqu’à ce que Missy s’arrête brusquement.

    — Quoi ? lui demandai-je en regardant autour pour voir si quelqu’un ne se dissimulait pas dans l’ombre le long du mur extérieur en pierre du pub.

    Elle se mit à grogner.

    Pas un grognement d’avertissement, mais quelque chose de primal. Presque un grognement de frayeur.

    Les poils se hérissèrent sur ma peau. Je pris Missy dans mes bras.

    — Tu me fous la trouille, Missy.

    Cela ne m’aidait pas de la voir trembler.

    L’orgue à vapeur eut soudainement un son sinistre, alors que je redoublais ma cadence à travers le stationnement pour arriver à la camionnette en un temps record. Je mis mes mains au-dessus de mes yeux et jetai un coup d’œil à travers la vitre du véhicule. Sur le siège du conducteur reposaient un téléphone cellulaire et des lunettes de soleil. Une canette vide de boisson énergétique citron lime était déposée dans le porte-gobelet, et un sac d’une chaîne de restauration rapide gisait sur le siège du passager. Il n’y avait aucun signe de Michael.

    Malgré mes efforts, j’étais incapable de voir à l’arrière de la fourgonnette.

    Le vent s’intensifia, faisant bruisser les feuilles et refroidissant l’air. Les dards de la peur s’enfoncèrent dans ma colonne vertébrale pendant que je marchais autour de la fourgonnette vers les portes arrière, et Missy recommença à grogner. Je la tins plus fermement, et je me dis que j’étais idiote, que Michael allait très bien, que le gâteau allait bien, que tout allait bien, très bien, très bien.

    Mais… dernièrement, le village n’avait pas été aussi idyllique. Il y avait eu des meurtres ici, des cas que j’avais aidé à résoudre.

    C’est peut-être pour cette raison que je me sentais aussi paranoïaque. J’avais un meurtre à l’esprit, ce qui n’était pas vraiment une bonne chose en marchant sur la pointe des pieds dans l’obscurité.

    Michael était probablement allé au festival — il était difficile de résister à son attrait. Après tout, il y avait là-bas des pommes caramel. Et beaucoup. À moi aussi, elles me tentaient.

    En fait, après l’arrivée du danseur nu, j’avais prévu de quitter tôt la fête de Harriette afin de rencontrer Nick pour un rendez-vous tardif qui impliquait une de ces pommes. Nous avions planifié de faire le tour des manèges et de jouer aux jeux ruineux jusqu’à ce que le festival ferme boutique pour la nuit.

    J’avalai ma salive et j’agrippai la poignée de porte glaciale et je tirai. Les charnières craquèrent étrangement, et je bondis en arrière, comme si je m’attendais à ce que le Bonhomme Sept Heures me saute dessus.

    Heureusement pour ma santé mentale, ce ne fut pas le cas.

    À l’intérieur de l’arrière de la fourgonnette, le gâteau de Harriette reposait fièrement, magnifique avec son motif noir et blanc.

    Il n’y avait toujours aucun signe de Michael.

    Ma

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