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Douceur et sucreries
Douceur et sucreries
Douceur et sucreries
Livre électronique114 pages1 heure

Douceur et sucreries

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À propos de ce livre électronique

« Dès que l’on avait tourné le coin de la rue du Doyen, avant même d’apercevoir la vitrine magique, l’odeur suave et chaude du caramel et du chocolat, donnait la certitude d’être au bon endroit. » Bourges dans les années 50, Capucine nous emmène au cœur de son histoire familiale avec tendresse et humour.
LangueFrançais
Date de sortie31 juil. 2014
ISBN9782312024219
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    Douceur et sucreries - Chantal Duez

    cover.jpg

    Douceur et sucreries

    Chantal Duez

    Douceur et sucreries

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-02421-9

    Anaïs, Lilly, Adèle

    A mes petites-filles, avec toute ma tendresse

    Remerciements :

    A la MO pour sa patiente et efficace relecture

    A Dorothée pour l’idée qui m’a inspirée

    Lorsque nous nous aimerons

    D’amour si profond

    Que les passants étonnés se retourneront

    Alors, les dieux comblés

    A nos pieds déposeront

    Des bouquets de fleurs blanches

    Qu’ensemble nous tresseront

    A pour A

    etc…

    I

    Dès que l’on avait tourné le coin de la rue du Doyen, avant même d’apercevoir la vitrine magique, l’odeur suave et chaude du caramel et du chocolat donnait la certitude d’être au bon endroit.

    L’enseigne, en forme de cœur, portait le doux nom de Péché Mignon. On se demandait bien comment les confiseurs avaient osé afficher le mot « péché » quasiment au pied de la cathédrale. Cela ne leur était même pas venu à l’esprit, car la notion de péché leur était étrangère. Seuls comptaient pour eux la réputation, le savoir-faire, l’excellence.

    Lui, c’était l’artiste, patron et ouvrier à la fois, sucre filé, chocolat fin, parfums exotiques. Il avait nommé sa spécialité « Les petits cœurs de Jacques » pour rappeler que l’on était à Bourges, la cité du grand marchand. C’était de minuscules biscuits craquants en forme de cœur, cachant en leur centre, un coulis de chocolat fondant au gingembre et aux épices.

    C’était mon père, Antoine Del Dongo. Je l’aimais. Je le trouvais élégant, et même beau. Il était grand et mince, doté d’une chevelure châtain abondante et rebelle. J’admirais sa prestance et ses multiples talents. Son atelier était un antre sacré. Il fallait y entrer sans parler pour ne pas briser son inspiration. Nous n’osions pas transgresser l’interdit.

    Elle, c’était la maîtresse de maison. Le magasin était son territoire. Elle disposait, deux fois par semaine, des fleurs fraîches sur le comptoir. Pour accueillir les clients, affirmait-elle péremptoire. Elle garnissait soigneusement les vitrines chaque matin, disposant les sucreries sur des petits napperons en dentelle de papier blanc.

    C’était ma mère, Cécile Martin épouse Del Dongo. Elle était petite et se tenait droite comme un i, sans doute pour compenser sa taille, toujours vêtue impeccablement, sans un pli de travers. Je la trouvais froide et distante, plutôt méprisante pour le genre humain. Elle réservait ses sourires pour ses clients et nous gardait ses récriminations. Nous n’avions pas le droit de descendre la voir. Je croyais que je ne l’aimais pas.

    Nous habitions au-dessus du magasin, un appartement sur deux étages, dans une vieille maison à colombages, aux plafonds à caissons. Nous partagions une chambre sous les combles, ma sœur et moi. Nous avions chacune un lit en fer peint et un gros édredon en duvet d’oie en satin brillant avec des pompons aux quatre coins. Un paravent, tapissé de papier peint fleuri, cachait un lavabo en faïence blanc dont les gros robinets de cuivre ne distribuaient que de l’eau froide. Il n’y avait qu’une fenêtre, et c’est Aurore qui avait le privilège d’être installée à côté. C’était une façon de marquer son droit d’aînesse. Je n’avais accès à la fenêtre que lorsqu’elle n’était pas là. J’en concevais une telle rage que je m’arrangeais pour piétiner les vêtements qu’elle avait imprudemment laissés sur sa chaise, avant de les redéposer comme ils étaient. C’est là que j’ai appris à mentir.

    Aurore avait trois ans de plus que moi. Elle était aussi blonde que j’étais brune, les cheveux lisses et longs. Elle arborait en permanence une moue dédaigneuse qu’elle avait longuement travaillée devant le miroir de notre chambre. Elle ne m’adressait jamais la parole, et répondait à peine à mes questions, entretenant ainsi le feu de la colère qui m’habitait, sans doute depuis ma naissance.

    Les parents l’avaient nommée Aurore car elle représentait, pour eux un grand espoir de renouveau. Ils avaient eu, trois ans avant elle, un enfant qui était mort à l’âge d’un mois, d’une fièvre que la médecine n’avait pas su nommer. Ils avaient dû faire leur deuil de Jacques, leur premier et unique garçon. Maman décrivait encore la beauté de son visage, moitié Martin, moitié Del Dongo. Avec le temps, l’aura de perfection s’était tant agrandi qu’il n’y avait plus qu’une petite place pour la blonde Aurore. On pouvait s’interroger sur l’ambiguïté du choix du nom de la spécialité maison. Parlait-on du grand Jacques Cœur ou du petit Jacques Del Dongo, trop tôt disparu comme indiquait son épitaphe ?

    En tout cas, la friandise était délicieuse, et j’en volais dès que possible. Elle faisait la réputation du Péché Mignon. Les paroissiens qui sortaient de la messe le dimanche se précipitaient, sans remords, portés par le joyeux carillon des cloches vers le Péché Mignon. Le grand cœur du Christ et le petit cœur de Jacques faisaient alors bon ménage.

    Le dimanche était un grand jour pour Maman. Elle avait dormi avec des bigoudis et présentait à son public une cascade de boucles blondes artistiquement disposées. Elle portait un chemisier en soie, le plus souvent grège, et une jupe droite qu’elle lissait du plat de la main dès qu’elle quittait le comptoir pour servir ses clients. On apercevait un rang de perles dans l’échancrure du chemisier. Sobriété et discrétion. Elle avait renoncé au port du tablier blanc. « Cela fait trop soubrette », disait-elle du bout des lèvres. Elle n’oubliait pas qu’elle était fille de préfet, d’une classe bien supérieure à celle de la plupart de ses clientes. Elle avait surmonté la honte de la mésalliance, d’abord par amour, puis par ses dispositions, acquises par son éducation, à remettre d’un regard chacun à sa place.

    Ils m’avaient prénommée Capucine, à cause de la chanson populaire que Maman avait entendue juste avant d’accoucher. « Encore une fille, s’était-elle exclamée pour m’accueillir sur terre, c’est le bon Dieu qui me punit ! Regardez-moi ça, une vraie Arabe ! » Inutile de préciser qu’elle était profondément raciste, à la fois par tradition bourgeoise et par peur de la différence.

    J’étais brune et toute frisée. J’avais, sans nul doute, le teint sombre des Del Dongo, de fiers Espagnols issus de Maures. Vexée par ces propos, je criais aussitôt si fort que Papa, flatté de ma ressemblance avec son clan, décréta que je serai chanteuse lyrique. Il était heureux de se retrouver en moi. Cela compensait le mépris silencieux de la famille Martin à son égard.

    Mes parents formaient un couple fusionnel. Ils avaient besoin à tout moment de la présence de l’autre. Il cherchait son approbation sur ses créations, elle attendait des compliments sur ses qualités et son efficacité. Ils se touchaient tout le temps, cela allait du baiser déposé brièvement au passage, aux mains qui se prenaient tendrement sous la table.

    Il n’y avait pas beaucoup d’espace pour nous, voire pas du tout. Aurore avait pris le parti de cultiver l’indifférence. « Je m’en fiche, disait-elle, dès que j’ai fini mes études, je pars… » Je ne lui demandais pas où elle voulait partir. Ce n’était pas par discrétion. J’étais tellement contente à l’idée d’avoir la fenêtre pour moi toute seule, que j’avais peur d’attirer le mauvais sort en lui parlant.

    La fenêtre représentait pour moi l’évasion qui m’était nécessaire pour oublier qu’il n’y avait pas de vraie place pour moi au sein de la famille. Je surveillais la rue, l’ensemble de la grande place où nous habitions, les marches qui menaient au parvis de la cathédrale.

    J’aimais la cathédrale Saint-Etienne. Dès que je pouvais m’échapper, je courais vers elle, grimpant les marches deux par deux. Je pensais à la foi des bâtisseurs et cela m’exaltait. Comment avaient-ils construit des voûtes aussi hautes qui semblaient suspendues entre ciel et terre ? J’avais parfois peur qu’elles ne s’écroulent sur nos têtes tant elles paraissaient légères. Les personnages grimaçants sculptés en haut des chapiteaux m’effrayaient un peu, je les trouvais

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