Le chemin de traverse: Le récit d'une rencontre
Par Elisa Barriau
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À propos de ce livre électronique
Mathilde part en vacances et pour elle, c’est quelque chose d’exceptionnel. Sous l’influence de ses amis, elle s’est laissé séduire par une parenthèse en leur compagnie. Amaury, qu’elle ne connaît pas encore, les accueille dans la région de La Rochelle et met sa maison à leur disposition. Comment va-t-elle gérer cette rencontre ? Elle qui est encore fragile, hantée par un drame survenu trois ans auparavant.
Quant à Amaury, il s’efforce de cerner le drôle de spécimen qui parcoure les sentiers de sa propriété. Entre fascination et agacement, son cœur balance. Alors comment communiquer avec cette fée des bois ?
Et si, pour l’un comme pour l’autre, ce mois de septembre marquait un tournant décisif dans leur vie…
Plongez-vous dans le récit de la rencontre d'un homme et d'une femme pour qui la vie ne sera jamais plus pareille.
EXTRAIT
Après le repas, le rituel du soir s’imposa. Pour la première fois, nos bavardages ne tournaient pas autour de la maison. Faucheurs de champs OGM, séquestrations de patrons véreux, tels furent quelques-uns de nos sujets de débat ce soir-là. Ce fut également le choc des cultures. Je tenais le rôle de la libertaire tendance anarchiste ou de la naïve irresponsable selon les points de vue. Amaury était le défenseur de la règle, du légal, du droit. Régis et Cécile constituaient le ventre mou de toute opinion publique : les indécis ou même parfois les indifférents.
— La société a besoin d’être bousculée pour évoluer. Je ne crois pas que les choses se fassent d’elles-mêmes. Et il faut une certaine force de persuasion ou d’influence pour arriver au changement puisque la nature humaine a horreur du changement.
Amaury prit son temps pour me répondre. Il n’était plus le type bien élevé et poli. Il devenait l’homme de loi : celui qui est sûr de lui et de son fait. Le spécialiste, capable de réciter les textes par cœur à la virgule près. Sa métamorphose m’impressionnait et me donnait encore plus la volonté de faire mouche. J’avais devant moi un adversaire à ma taille.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après un passage dans le Yorkshire, des études en communication et une dizaine d’années à travailler en région parisienne, Elisa Barriau est revenue vivre dans sa Normandie natale. Elle y a trouvé l’inspiration pour ce premier roman. L’observation des comportements humains et de leurs contradictions est sa matière première.
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Aperçu du livre
Le chemin de traverse - Elisa Barriau
Table des matières
Résumé
Préface
1. Quand Mathilde rencontre Amaury
2. Quand Amaury rencontre Mathilde
3. Quand Mathilde se met à crier
4. Quand Amaury envoie une paire de claques
5. Quand Mathilde la joue fair-play
6. Quand Amaury se fâche
7. Quand Mathilde se réveille
8. Quand Amaury joue avec le feu
9. Quand Mathilde et Amaury se regardent en chiens de faïence
10.Quand Amaury parle de ses cicatrices
11. Quand les aïeux s’en mêlent
12. Quand Amaury a honte de sa famille
13. Quand Mathilde a les oreilles qui traînent
14. Quand Amaury se souvient
15. Quand Mathilde claque la porte
16. Quand Amaury tente le tout pour le tout
17. Quand Mathilde dit adieu
18. Quand Amaury résiste
19. Quand Mathilde met de l’ordre dans ses affaires
20. Quand Amaury savoure
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Résumé
Mathilde part en vacances et pour elle, c’est quelque chose d’exceptionnel. Sous l’influence de ses amis, elle s’est laissé séduire par une parenthèse en leur compagnie. Amaury, qu’elle ne connaît pas encore, les accueille dans la région de La Rochelle et met sa maison à leur disposition. Comment va-t-elle gérer cette rencontre ? Elle qui est encore fragile, hantée par un drame survenu trois ans auparavant.
Quant à Amaury, il s’efforce de cerner le drôle de spécimen qui parcoure les sentiers de sa propriété. Entre fascination et agacement, son cœur balance. Alors comment communiquer avec cette fée des bois ?
Et si, pour l’un comme pour l’autre, ce mois de septembre marquait un tournant décisif dans leur vie…
Après un passage dans le Yorkshire, des études en communication et une dizaine d’années à travailler en région parisienne, Elisa Barriau est revenue vivre dans sa Normandie natale. Elle y a trouvé l’inspiration pour ce premier roman. L’observation des comportements humains et de leurs contradictions est sa matière première.
Elisa Barriau
Le chemin de traverse
Roman
ISBN : 978-2-37873-475-6
Collection Blanche : 2416-4259
Dépôt légal septembre 2018
© Couverture Ex Aequo
© 2018 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.
Toute modification interdite.
Éditions Ex Aequo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les bains
www.editions-exaequo.fr
Préface
Ce roman est un jeu de piste ou de cache-cache entre deux êtres qui s’observent, s’inquiètent et usent de subterfuges pour masquer leurs différences. L’une est happée par un drame récent qui lui impose prudence et culpabilité, l’autre se surprend à ne plus regretter ses aventures légères.
Mais au-delà d’une rencontre hasardeuse et d’attirances équivoques, ce long cheminement amoureux est surtout l’occasion pour l’auteure de visiter les ressorts d’une vie parsemée de douleurs. Comment oser aimer à nouveau sans idéaliser le passé, se défaire des règles de la bienséance et reconstruire une liberté perdue ? Comment se démarquer du jugement d’autrui ?
Cette histoire aux nombreux rebondissements nous aide ainsi à savourer la lueur des chemins de traverse. Chacun progresse vers l’autre, lutte contre ses propres freins et ouvre les lucarnes pernicieuses de sa prison mentale pour enfin libérer un avenir partagé.
Jean-François Rottier
1. Quand Mathilde rencontre Amaury
Paris, en mars
Journée de grande mélancolie. L’horizon est plombé et la pluie ne va pas tarder. Mon cerveau vagabonde et se demande comment les corps se repèrent et s’attirent. Il paraît que les phéromones y sont pour quelque chose et que notre profil hormonal serait décisif dans le choix du partenaire. Tomber amoureux et être attiré serait-il la même chose ?
***
La Rochelle, en septembre
— Bonjour, vous êtes bien Mathilde ? Je suis Amaury.
Je venais de descendre du TGV. Comme d’habitude, j’avais attendu la dernière minute pour sortir du wagon. J’aimais savourer les arrivées à destination, surtout quand celle-ci m’était inconnue.
Le quai était maintenant presque vide. Je regardai l’armature métallique au-dessus de ma tête. Le contraste entre l’intérieur du wagon climatisé et l’air lourd de chaleur et d’humidité de la gare me donnait un peu la nausée. J’avais quitté Paris sous un ciel gris et bas, dans une ambiance ni chaude ni froide et je n’étais pas préparée à ce changement de température. Maintenant mon pull avait le poids d’une cotte de mailles. Mon jean commençait à faire office de bouillotte. Mon imper était largement de trop pour cette ambiance de fin d’été. J’avais donc commencé à me décharger de ces éléments encombrants. C’était en sortant la tête de mon pull que je vis cet homme devant moi.
Amaury, c’était bien le prénom que m’avaient donné Régis et Cécile. Un bon mètre quatre-vingt, des épaules larges, un buste trop long qui lui donnait l’allure d’un personnage de cartoon, quarante ans environ, cheveux ondulés châtains foncés, un regard vert perçant et une jolie fossette sur le menton. Une belle gueule quoi. Il n’était pas besoin de voir sa déclaration d’impôts pour savoir que ce type vivait dans une opulence certaine. Même habillé d’un jean déchiré et d’un t-shirt déformé, il aurait gardé cette élégance naturelle qui m’agaçait déjà. Il tenait au bout de ses doigts des lunettes de soleil, celles qui étaient portées par les aviateurs et qui lui donnaient le style aventurier des temps modernes en costume gris et chemise bleue. Chaussures sur mesure pour petits petons sensibles. Montre rutilante au cadran rectangulaire équipée de multiples aiguilles pour suivre en direct les fuseaux horaires de l’autre bout du monde. Le costume trois-pièces avait le tomber impeccable d’une robe de mariée et la veste laissait apercevoir des boutons de manchette : ronds, plats et ciselés. Définitivement raffiné. Mais… pas de cravate ! Son côté rebelle, sans doute. Sa coiffure dénotait aussi du reste de la panoplie : un carré s’arrêtant au milieu du cou encadrait ses mâchoires anguleuses. J’avais devant moi l’homme, le vrai, celui qui assure. Mais Amaury était le mécène de mes vacances, alors je me moquerai plus tard !
— Oui, Mathilde, c’est moi ! dis-je avec un sourire timide en lui serrant la main sans avoir eu le temps d’ôter les manches de mon pull.
Il prit ma valise d’autorité et on se dirigea alors vers la sortie où une voiture haut de gamme nous attendait : coupé de marque allemande au nom évoquant une chaîne de télé, habitacle élégant, intérieur cuir et laque piano.
— Mon bureau est à deux pas. J’ai donc proposé à Régis et Cécile de venir vous chercher.
Droite, gauche, gauche, droite puis gauche et encore gauche… Je me sentais mal dans cette voiture climatisée qui sentait fort le cuir. Ma nausée ne voulait pas passer et les virages successifs ne m’aidaient pas à gérer la situation. Sentant que les choses allaient m’échapper, j’ouvris la fenêtre de mon côté : persuadée qu’un peu d’air frais me ferait du bien. Amaury demanda aussitôt :
— Tout va bien ?
— Oui… euh… enfin… non. On peut s’arrêter un peu ?
Et il gara la voiture sur le bas-côté. J’en descendis aussitôt pour m’éloigner. Une série de haut-le-cœur me prit la gorge. Mais tout rentra dans l’ordre au bout de quelques minutes. Je rejoignis Amaury, resté adossé à la portière.
— Ça va mieux ? Je peux conduire moins vite si vous voulez ?
— Oh, votre conduite n’y est pour rien. Ça m’arrive de temps en temps. Ça passera.
On reprit la route et le reste du chemin se déroula dans le silence. Ma nausée ne me lâchait pas, mais, heureusement, elle se fit plus discrète. J’en profitai pour observer le conducteur dont toute l’attention se portait sur la route.
J’essayai de me souvenir comment Régis et Cécile m’avaient brossé le portrait de leur ami. Notaire à La Rochelle. Grosse étude. Issu d’une grande famille bourgeoise locale. Divorcé et sans enfant. Grand séducteur. Sportif de haut niveau à une époque et surtout drogué du travail. Devant ma peur de vivre chez un inconnu, ils m’avaient d’ailleurs rassurée : « Tu ne le verras que le soir ».
La légèreté de la conduite de mon chauffeur me donnait la sensation que je survolais la route. Les paysages se succédaient rapidement devant mes yeux tandis que la voiture serpentait à travers champs. Quelques petits villages se présentaient à nous pour mieux s’éloigner ensuite et être remplacés par un défilé de vastes parcelles de tournesols dorés par le soleil et de champs de blé moissonnés. Pas de vent dans les oreilles, pas de bruits, juste les larges étendues végétales que mon regard saisissait à la volée. Je flottais dans la réalité.
Puis la voiture bifurqua sur la gauche et s’engagea sur un chemin de cailloux. Elle dépassa une grille blanche en métal aux arabesques fines et entrelacées, portée par deux piliers en pierre. Chaque colonne était surmontée d’une imposante pomme de pin posée dans une vasque décorée de feuillages. J’aperçus brièvement un nom inscrit sur la barrière « My Delhi Ma… ». Le véhicule amorça alors une descente le long de laquelle une rangée de vieux frênes nous montrait la voie et formait une haie d’honneur. Chaque tronc mesurait bien cinquante centimètres de diamètre et leur ampleur faisait se croiser les feuillages au-dessus de nos têtes. Cette ombre bienfaitrice reposait mes yeux engourdis par les UV. J’étais impressionnée par cet écrin de verdure qui entourait la maison. Au bout de cette allée, un perron et une porte d’entrée se dressaient. Enfin, le bâtiment à l’imposante silhouette offrit à mon regard son élégance et sa prestance. À ce moment, il m’annonça sobrement :
— Voilà ma maison
Je ne pus m’empêcher de rire.
— Une maison ? Un manoir, une demeure, une propriété, un château à la rigueur !
Ce qu’il désignait comme sa « maison » était une bâtisse carrée sur trois niveaux. Les pierres de la façade étaient usées par le temps. Les fenêtres formaient des arcs plein cintre et étaient distribuées de façon égale autour de la porte d’entrée elle-même ornée d’un fronton reprenant le style et les symboles des piliers de la grille. Un toit à quatre pans chapeautait le tout. Légèrement en saillie, une corniche courait le long de la façade et faisait une belle parallèle avec les bandeaux sculptés en pierre de taille des étages inférieurs. L’ensemble était d’une beauté romantique et mystérieuse : imposant, mais pas hautain, chaleureux, mais pas exubérant. Amaury interrompit ma contemplation :
— Je vous fais visiter ? Si cela vous intéresse ?
Je lui répondis par un simple hochement de tête. En descendant de voiture, il tira de sa poche une clé antique au panneton fendu et finement travaillé qu’il enfonça dans le canon de la serrure. La porte s’ouvrit et il posa ma valise sur le sol de ce que je devinais être un vestibule. Soudain je vis un chien surgir du fond du couloir pour venir faire la fête : d’abord à son maître puis, pour saluer mon arrivée.
— Pilote, du calme !
À ces mots, l’animal s’arrêta de sauter sur moi et poursuivit son accueil en remuant la queue et en jappant gentiment.
— Il ne vous fait pas peur, j’espère ?
— Non, j’adore les chiens. Il est beau. C’est un Braque de Weimar, n’est-ce pas ?
— Oui, tout à fait. Il est d’amitié vous verrez. Parfois un peu collant, mais jamais méchant.
Le dallage était absolument magnifique et rappelait les dessins typiques des maisons mauresques d’Andalousie avec ses couleurs vert émeraude, brun soyeux, noir profond et blanc nacré.
Il joua quelques secondes avec la clé de la porte d’entrée entre ses doigts puis commença la visite :
— L’ensemble de la maison date de la fin du XIXe siècle. Elle fut construite par un propriétaire viticole qui avait fait fortune grâce au commerce du cognac. Il avait épousé une femme issue d’une des plus vieilles familles aristocratiques de la région. Ce mariage permettait surtout à cette noblesse de redorer son blason grâce à la richesse du monsieur. Échange de bons procédés, en quelque sorte !
Il me fit signe de le suivre vers une pièce aux murs entièrement recouverts de boiseries qui devait s’apparenter à une salle à manger. Il continua :
— Bien que l’alliance des deux familles fut acceptée, le monsieur n’arrivait pas à se faire apprécier de sa future femme qui ne le considérait pas comme un homme respectable, mais plutôt comme un aventurier sans éducation. Animée par quelques ressentiments face à ce mariage imposé, la belle imagina toutes sortes d’exigences plus onéreuses les unes que les autres, dont celle de faire construire une maison à sa convenance. Les vitraux qui ornent ces fenêtres, par exemple, représentent chacun le blason d’un des ascendants de la dame. Le sol fut d’abord recouvert d’un parquet aux motifs particulièrement complexes. Puis, comme cela ne lui convenait pas, il fut déposé, transféré au premier étage et remplacé par ce dallage d’inspiration mauresque et provenant de Grenade. Tout le rez-de-chaussée en est recouvert.
La passion transpirait de chacune de ses explications. Ses bras et ses mains s’animaient, ponctuaient ses phrases. Le timbre de sa voix était riche, cuivré et son intonation trahissait une éducation au cordeau où toute erreur de syntaxe semblait improbable. De là, il m’emmena vers une cuisine aux dimensions impressionnantes.
— C’est la pièce que j’ai le plus fait transformer pour l’adapter aux exigences du quotidien. Mais déjà à l’époque de la construction, elle était très fonctionnelle.
On s’engouffra ensuite vers un salon qui était équipé d’une large cheminée beaucoup trop imposante pour les dimensions de la pièce. En désignant l’âtre, je lui dis :
— Encore une excentricité de la dame ?
— Tout à fait. L’habillage en bois fut acheté en Angleterre pour répondre à ses désirs. Et à ma connaissance, les bibliothèques proviennent, elles, d’un couvent de Provence où elles ont été négociées par le mari pendant de long mois.
Nos pas se dirigèrent ensuite vers la pièce mitoyenne où je découvris un décor très froid de stucs et de marbre. La pierre était sculptée avec une finesse exceptionnelle et représentait des angelots, des paniers fleuris, des scènes pastorales. Tous ces détails affolaient mes yeux qui ne savaient plus où se poser. L’association entre le dallage mauresque et le marbre style XVIIIe siècle produisait un effet étrange qui me fit sourire.
— Je n’ai pas eu encore le temps de faire des changements ici. C’est mon bureau pour le moment. Je vous fais visiter les chambres ?
Il saisit alors ma valise et