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Miss Désastre
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Livre électronique291 pages3 heures

Miss Désastre

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À propos de ce livre électronique

Après avoir suivi Mackenzie dans le premier tome de la série, Miss Malaise, les lecteurs s’attacheront cette fois à Holly qui a elle aussi le don de se mettre les pieds dans les plats!
 
Passer les vacances de Noël sur un bateau de croisière avec ses deux horribles cousines ne fait pas l’affaire d’Holly. Dans un moment de désespoir, aux prises avec le mal de mer, elle s’engouffre dans une cabine... où elle est accueillie par un jet de poivre de Cayenne. Le coupable? Un superbe gars appelé Nick. Mais quand Holly s’apprête à repartir, elle a le choc de sa vie : le couloir est bondé d’adolescentes en pâmoison. Car Nick est en fait Dominic Wyatt, le batteur de ReadySet — le groupe le plus en vogue du pays.

Par un curieux concours de circonstances, Holly jouera le rôle de la blonde de Dominic afin de sauver les apparences. Chance ou malchance? C’est ce que Holly découvrira!
LangueFrançais
Date de sortie15 avr. 2015
ISBN9782894559628
Miss Désastre
Auteur

Marni Bates

Marni Bates a publié son autobiographie, Marni, à l’âge de dix-neuf ans. Son premier roman, Miss Malaise (Awkward) a été traduit en plusieurs langues et fait l’objet d’une option de série télévisée sur le réseau Disney. Elle a écrit trois autres romans dans cette série ainsi que plusieurs nouvelles.

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    Aperçu du livre

    Miss Désastre - Marni Bates

    Merci !

    Chapitre 1

    Holly

    J’ai l’air d’une traînée. Je tire sur le petit bout de tissu monstrueux qui me ceint la taille afin qu’il m’arrive à mi-cuisse, et essaie de me rappeler pourquoi Jennifer Lawley est ma meilleure amie. Cette fois, elle est allée trop loin.

    — Je ne peux pas faire ça !

    J’ai déjà essayé de me rebeller, mais comme je porte maintenant le bout de tissu monstrueux au lieu de le contempler sur un cintre, je suppose qu’elle avait raison de croire que j’allais abdiquer.

    Mais c’est la dernière fois.

    Elle gonfle ses lèvres rouge cerise et lève les yeux au ciel en me regardant dans le miroir.

    — Allons, Holly ! Ce n’est pas si pire.

    — Pas si pire ? dis-je en bafouillant. On ressemble à des mutantes ! Pire que ça ! Des mutantes aguichantes dont les vêtements seraient passés dans une déchiqueteuse.

    — Mais non, on ressemble à des lutins du père Noël. Entre donc dans l’esprit des fêtes ! C’est la saison, après tout !

    Évidemment. Rien ne remonte plus le moral d’une fille que d’entendre des chants de Noël pendant des heures tout en demandant à des petits enfants s’ils ont été sages. Si je n’ai toujours pas interrogé d’enfants sur leur degré d’obéissance, c’est uniquement parce que je n’ai pas encore rejoint la foule dans le pavillon Westside pour me transformer en « lutin du père Noël ». Malgré tout, je sais ce qui m’attend. Des bébés en pleurs et des parents surprotecteurs rivés à leur cellulaire, qui donnent des ordres et se plaignent de leurs stupides cartes de Noël annuelles. De plus, vu la nature extrêmement courte de nos jupes de « lutin », j’ai le sentiment que Jen et moi entendrons plusieurs commentaires suggestifs sur la façon dont nous pourrions aider des garçons à profiter de la période des fêtes.

    Je te le dis, il faut être désespéré pour accepter d’être un lutin à Los Angeles. Ou n’importe où, en fait.

    C’est justement ce que je suis : désespérée. Peut-être que si j’avais une allocation ou un revenu régulier, je ne partirais pas en croisière de Noël sur la côte mexicaine avec mon grand-père et mes cousins (grimace), sans vêtements convenables à me mettre sur le dos. Mais mon grand-père estime que je dois apprécier la véritable valeur de l’argent, et je peux affirmer que je l’apprécie… C’est la différence entre se faire ridiculiser ou se faire accepter.

    Dans des circonstances normales, Jen me dirait à quel point j’ai de la chance d’avoir un grand-père qui veut célébrer son soixante-quinzième anniversaire au paradis. Elle m’envierait de troquer le smog de Los Angeles pour les plages ensoleillées et les boissons fruitées. Et en temps normal, je serais ravie d’y aller… s’il n’y avait pas mes cousins. Je dois reconnaître qu’Andrew et Jacob ne sont pas si mal. Oui, ce sont des adolescents qui seraient sûrement très intéressés par la longueur de la jupe de Jen. Cependant ils sont relativement inoffensifs.

    Par contre, Allison et Claire sont comme les jumelles Olsen¹ pompées aux stéroïdes de garce.

    Je n’exagère pas.

    Allison et Claire sont un amalgame de tous les problèmes sociaux du vingt et unième siècle. Ces chipies matérialistes qui se croient tout permis passent leur temps en ligne à intimider et à ridiculiser les gens. Ces filles déplaisantes sont également douées pour déceler la moindre fissure dans l’estime de soi d’autrui, sur laquelle elles s’acharnent jusqu’à ce que leur victime éclate en mille morceaux.

    Et j’ai la chance de partager leur patrimoine génétique. Je sais donc par expérience que si je me présente à bord vêtue du jean que je porte depuis deux ans, elles vont recommencer à m’appeler Annie. Comme la petite orpheline Annie. Parce que depuis la mort de mes parents dans un accident de voiture, c’est exactement ce que je suis. Une orpheline.

    C’est super, hein ?

    Mais ce n’est pas si grave. Je n’ai jamais véritablement connu mes parents. Apparemment, j’étais un bébé difficile. Alors que j’avais neuf mois, mes parents ont demandé à mon grand-père de me garder une fin de semaine, afin de prendre une pause bien méritée.

    Lorsque mon père épuisé s’est endormi au volant et que la voiture s’est écrasée contre un arbre, ce qui devait être un séjour de deux jours s’est transformé en situation permanente.

    Mon grand-père a été génial. Il n’a négligé aucun devoir parental. Il m’a encouragée lorsque je suis entrée chez les scouts et guides, m’a aidée à vendre des boîtes de biscuits et m’a serrée dans ses bras quand je lui ai dit que les autres filles ne m’aimaient pas. Il a rétorqué qu’elles n’appréciaient pas mon culot autant que lui. Et même s’il va à la synagogue chaque semaine, il n’a jamais insisté pour que j’aie une Bat Mitzvah ou que je me fasse appeler Rachel, mon deuxième prénom d’origine juive. Grand-papa comprend qu’après un pénible accouchement de dix heures un 25 décembre, sa fille juive et son mari catholique n’avaient guère d’autre choix que de me prénommer Holly.²

    S’ils pouvaient me voir maintenant, habillée en lutine débauchée ! Je tire une fois de plus sur ma jupe.

    — Je suis sérieuse, dis-je à Jen. Tu as dit que je pourrais refuser après avoir essayé ce costume. Eh bien, je l’ai essayé. J’ai l’air d’une prostituée de Noël. Est-ce qu’on peut partir, maintenant ? Il faut que je fasse le tour des magasins avec mon c.v.

    Jen tire sur son propre costume, baissant le haut vert décolleté pour révéler une partie de son soutien-gorge rouge vif.

    — Tu n’as même pas de c.v.! proteste-t-elle.

    Elle n’a pas tort.

    — Raison de plus pour partir d’ici afin que je puisse en faire un avant d’aller dans les magasins.

    — L’économie va mal, comme d’habitude. Personne n’embauche en ce moment, Holly. C’est un miracle de Noël que nous ayons trouvé cet emploi. Maintenant, allons répandre la joie du temps des fêtes !

    Je ne sais pas comment elle parvient à dire cette dernière phrase en gardant son sérieux.

    — Un miracle de Noël qui me donne un air de dévergondée et m’oblige à demander aux gens s’ils ont été sages ? Si on était dehors, on se ferait arrêter pour indécence !

    — Ce n’est pas indécent pour un lutin, réplique-t-elle en rejetant sa mèche rousse en arrière. Écoute, il y a des enfants là-bas qui s’attendent à ce qu’on les rende heureux. Veux-tu vraiment décevoir des bambins ?

    Jen sait que j’ai un faible pour les tout-petits. Si cela peut me convaincre de sortir d’ici pour m’aventurer dans le centre commercial, où elle pourra appliquer sa technique de séduction dans sa jupe verte de lutin, elle va jouer à fond la carte de la déception des enfants.

    — D’accord, dis-je en grommelant, mais tu…

    — Oui, oui, je t’en dois une, termine-t-elle pour moi. Je sais, Holly. Maintenant, allons hardiment là où plusieurs lutins sont déjà allés !

    — Bon. Débarrassons-nous de cette corvée une fois pour toutes.

    Jen me prend par le bras et me fait franchir la porte de la toilette des employés comme si elle ne me faisait pas confiance.

    Elle me connaît trop bien.

    Le centre commercial est une véritable maison de fous. Les gens qui magasinent en décembre devraient être obligés de prendre un sédatif avant d’acheter des cadeaux. Une mère à bout de nerfs crie à sa fille :

    — Non, je ne vais pas t’acheter de poneys en plastique, Krystal ! Et si j’entends un mot de plus là-dessus, il n’y aura pas de Noël !

    Jen et moi nous faisons bousculer par des inconnus cherchant désespérément le cadeau parfait qui signifie « Je t’aime et je t’apprécie. Aussi, excuse-moi pour la bêtise que j’ai faite la semaine dernière. » Avec l’obligation de combiner gentillesse, prévenance, créativité et générosité dans un seul cadeau, c’est étonnant qu’il n’y ait pas plus de gens qui mettent fin à leurs jours dans la période des fêtes. Ce n’est pas que je n’aime pas Noël, mais… cette fête éclipse mon anniversaire. Mon grand-père a fait de son mieux, toutefois je n’ai jamais eu de véritable fête. Aucun parent ne voulait trimballer son enfant le lendemain de Noël, une journée généralement consacrée à contempler d’un œil vitreux l’arbre en plastique dans le salon. Quand grand-papa m’a confié ses plans pour cette année — pour célébrer son anniversaire de la mi-décembre, nous allions passer les fêtes sur un bateau de croisière avec ma tante et sa famille traditionnelle parfaite —, j’ai eu envie de lui demander si je pouvais rester à L.A. avec Jen.

    Voilà pourquoi j’ai besoin de nouveaux vêtements et d’un emploi qui m’oblige à répandre la joie de Noël. Et à avoir l’air joyeux. Et tout le reste.

    Je me force donc à arborer un grand sourire et suis Jen jusqu’à l’emplacement où le père Noël termine sa pause du midi en savourant une tasse de lait de poule.

    Ce n’est qu’en arrivant près de lui que nous constatons que le lait et les œufs ne sont pas les uniques ingrédients de sa boisson.

    Apparemment, je ne suis pas la seule à avoir du mal à me mettre dans l’ambiance des fêtes.

    Il semble toutefois ragaillardi quand il nous aperçoit dans nos costumes.

    — Venez vous asseoir sur les genoux du père Noël ! lance-t-il.

    Puis il glousse comme s’il avait dit quelque chose de super intelligent, au lieu d’avoir tenté de draguer des filles du secondaire.

    Jen saisit la manche de ma tunique verte hideuse.

    — Oh, mon Dieu ! s’exclame-t-elle, horrifiée. Pas le père Noël !

    — Eh oui ! On dirait qu’il n’est pas très sage, cette année.

    Jen fait partie de ceux qui croyaient dur comme fer au primaire que le gros bonhomme descendait par leur cheminée. Elle souhaite donc transmettre un peu de cette magie aux enfants. Quant à moi, je m’en fiche. J’aime les enfants, mais ce n’est pas comme s’ils ne devaient jamais découvrir qu’ils s’assoient sur les genoux d’un type bizarre une fois par an.

    Le père Noël se prélasse dans son énorme fauteuil, sans remarquer nos chuchotements.

    — Devrait-on le dénoncer ? dis-je. Ou bien nous en aller ? Cet homme empeste l’alcool. S’il dégobille, je ne veux pas être obligée de tout nettoyer.

    On m’a peut-être embauchée pour me pavaner dans ce costume ridicule, mais personne n’a parlé de nettoyage de vomi. J’ai vérifié.

    — Holly ! grogne pratiquement Jen. On n’a pas le temps de trouver quelqu’un d’autre ! On ne peut pas laisser un père Noël pervers s’approcher de ces enfants ! Il faut faire quelque chose !

    — Je sais bien, Jen. Que veux-tu qu’on fasse ?

    Le père Noël choisit ce moment pour me demander avec un regard trouble :

    — Dis-moi, as-tu été coquine cette année ?

    Une autre série de gloussements accompagne ce trait d’esprit.

    — Reste ici et essaie de me couvrir, dit Jen.

    Elle se dirige vers la file d’enfants qui tirent leurs parents par la manche en demandant si ce sera encore long.

    — Euh, je suis désolée, déclare-t-elle, le père Noël vient de recevoir un message urgent de son atelier de jouets. Il doit retourner tout de suite au pôle Nord. Il vous prie de l’excuser de ce contretemps et vous souhaite un très joyeux Noël !

    — Mais il est assis là-bas ! proteste une mère indignée. On attend en file depuis deux heures. Mon fils va voir le père Noël !

    C’est à ce moment-là que tout dégénère. Les parents mécontents, suivis de leurs enfants, contournent Jen et se dirigent vers le père Noël en état d’ébriété. Il est si ivre qu’il ne perçoit pas le danger de cette ruée de parents déterminés.

    — Holly ! crie Jen.

    Je fais la seule chose qui me vient à l’esprit. Je me place devant le père Noël et agite les bras dans un signal universel qui signifie : «S.V.P ne m’écrasez pas ! »

    Pendant un bref moment, on dirait que ça va fonctionner. La foule ralentit et je toussote, prête à faire une promesse inepte de remplacement de père Noël. Soudain, ce dernier se montre à la hauteur de sa réputation de pervers et tend la main pour tapoter mon postérieur court-vêtu de vert.

    Voilà pourquoi je lui assène une gifle devant une foule de jeunes enfants impressionnables.

    Pendant une seconde, je vois rouge et maudis intérieurement cette stupide fête commerciale, ses décorations quétaines, sa musique répétitive et l’absurdité générale de ma situation, et l’instant suivant, un petit garçon se met à crier :

    — Tu ne peux pas frapper le père Noël ! Méchant lutin !

    Puis il se jette sur moi.

    Le choc dans mon estomac me coupe le souffle. En reculant pour échapper à ce petit maniaque, je trébuche sur la marche de la plateforme et m’écroule sur le père Noël, le responsable de ce cauchemar. Tous les gens présents semblent convaincus que j’essaie de commettre un crime de lèse-père Noël. Cela donne lieu à une mêlée qui se transforme bientôt en bagarre en règle. Jen crie pour alerter les gardiens de sécurité et tente de se frayer un chemin jusqu’à moi. Le gros bonhomme rouge, une demi-douzaine de parents enragés et moi roulons par terre en luttant, le souffle court en raison des multiples coups de coude (accidentels ou délibérés) reçus dans le ventre.

    Les choses ne font qu’empirer lorsque je heurte l’arbre de Noël artificiel du centre commercial qui oscille, puis se renverse en fracassant une douzaine d’ornements de verre. Tout le monde — le père Noël, les parents, Jen et moi — s’immobilise et observe le carnage que nous avons causé en à peine quelques minutes. Je suis plantée là avec un regard horrifié quand je sens qu’on me tire par le bras. Un gardien de sécurité me tire par mon costume de lutin indécent pendant que Jen nous emboîte le pas en jacassant sans arrêt.

    — Bon débarras ! lance-t-elle. Je ne voulais pas vraiment de cet emploi, de toute façon. Trop d’hystériques. Maintenant, on va pouvoir profiter des fêtes sans les gâcher avec du travail, ajoute-t-elle en souriant.

    Je la fixe d’un air furieux.

    — Je suis escortée par un gardien de sécurité. Je porte un costume de lutine dévergondée et le père Noël m’a tripotée. Ce n’est peut-être pas le bon moment de me dire que j’ai fait tout ça pour rien !

    Je sais que le meurtre est illégal et que tuer le père Noël à cette période de l’année n’est pas recommandé. Mais je ne connais aucune règle interdisant le lutinicide.

    Jen me jette un regard de chien battu.

    — Je suis désolée. Allons chez moi, enlevons cet accoutrement ridicule et voyons si j’ai des vêtements à te prêter pour la croisière. Excuse-moi, Holly. Je te revaudrai ça.

    Sauf que nous savons qu’elle ne peut rien faire…, tout à coup, une voix familière crie mon nom.

    C’est mon grand-père. Avec toute la famille : ma tante, mon oncle et mes cousins. Ils me regardent comme si je venais de… tabasser le père Noël.

    Grand-papa secoue la tête. Cette fois, je sais que ce n’est pas parce qu’il admire mon culot.

    — On était venus t’encourager pour ta première journée de travail, dit-il.

    Eh bien, son plan est à l’eau.

    C’est alors que je remarque les iPhone de Claire et d’Allison. Il est évident qu’elles ont photographié toute la scène.

    Allison m’adresse un sourire malicieux, en promenant son regard sur ma jupe pour ainsi dire inexistante.

    — Ho, ho, ho.

    Vive le temps des fêtes.

    Le temps de se réfugier dans une caverne et de mourir d’humiliation.


    1 Mary-Kate et Ashley Fuller Olsen sont actrices, créatrices de mode, productrices et femmes d’affaires.

    2 Référence à la plante traditionnelle de Noël : en anglais holly signifie « houx ».

    Chapitre 2

    Dominic

    J’aime être une vedette rock.

    Oui, cela comporte des désavantages — l’absence de vie privée est l’un des plus gros problèmes —, mais dans l’ensemble, c’est une carrière plutôt géniale. Je préfère entendre des spéculations sur les starlettes que je fréquente plutôt que de passer mes journées à traiter des données dans un minuscule bureau à cloisons. D’autant plus que je ne serais sûrement pas un petit employé modèle qui brasse méticuleusement des papiers. Je rendrais mes collègues complètement fous en tapant de façon rythmée sur tous les objets à ma portée. Un solo de batterie de quatre heures à l’aide de crayons HB sur une agrafeuse et un porte-trombones aurait sûrement pour effet de pousser quelqu’un à me poignarder avec mes baguettes improvisées.

    Dominic Wyatt, batteur de rock, est aussi un nom qui a de la gueule.

    Je suis donc conscient de ma chance d’avoir un métier où je fais ce que j’aime le plus au monde avec mes deux meilleurs amis : jouer de la musique. En fait, Tim et Chris ne sont pas seulement des amis — ils sont ma famille. Voilà ce qui arrive quand on voyage ensemble à travers le pays dans un minibus de tournée. Ça clique entre les membres du groupe… sauf quand quelqu’un prend « accidentellement » la dernière canette de boisson gazeuse dans le minifrigo, sur une route torride entre Las Vegas et Los Angeles, te privant de la dose de caféine dont tu as désespérément besoin. Dans ce cas-là, tu pètes une coche.

    À moins d’abandonner des cadavres dans un coin perdu du Nevada, il est impossible de passer autant de temps avec deux autres gars et de les considérer simplement comme de vagues connaissances ou des collègues.

    Même si j’adore mon métier, c’est tout de même du travail. Un travail éreintant où les heures s’accumulent jusqu’à ce que tu ne puisses plus différencier une journée de dix-huit heures d’une autre. C’est un métier épuisant où tu ne peux jamais te reposer et ne dois surtout pas avoir l’air fatigué. Personne ne veut d’un musicien exténué qui se frotte les yeux en déclarant d’une voix rauque que s’il doit enfiler une séance de photos, une répétition, une entrevue et une session d’enregistrement avant midi, il faut qu’il ait un Starbucks à portée de la main. Personne ne veut entendre que les artistes doivent se forcer pour avoir l’air décontractés. Personne ne veut savoir qu’à un certain point il devient impossible de déterminer ce qui nous reste d’énergie, car on roule à vide depuis trop longtemps. Voilà le plus effrayant : quand tu t’es convaincu toi-même qu’il suffit d’un autre double expresso pour que tout aille bien.

    Parce qu’à un moment donné, la plupart des gens craquent. Si tu as de la chance, tu ne finiras pas la tête rasée en train d’attaquer des voitures avec un parapluie. Ou tu ne multiplieras pas les beuveries d’une semaine aboutissant à une série de cures de désintoxication. Cette pression incessante et lancinante qui découle d’un travail acharné en vue d’un concept nébuleux appelé « succès »…, ça ne peut pas s’accumuler éternellement s’il n’y a pas de soupape. La pression doit pouvoir s’échapper quelque part. Ironiquement, ma soupape était la musique avant que ça ne devienne mon métier. Ma méthode infaillible de relaxation me garde maintenant éveillé la nuit avec les gars, à arpenter les studios d’enregistrement et à fignoler les moindres détails de notre carrière.

    Voilà pourquoi quand Tim déclare : « Bon, on reprend du début, tout le monde ! », au lieu de hocher la tête et de recommencer à jouer de la batterie, je dépose mes baguettes et masse mes tempes douloureuses.

    — Tim, il faut qu’on se parle.

    Cela attire son attention. C’est une chose qui n’arrive pas souvent quand Tim se lance à fond dans le travail. En fait, la seule chose qui puisse briser la fameuse concentration de Timothy Goff est un appel de son petit ami, Corey O’Neal. Comme ils en sont au stade idyllique du début de leur relation, malgré la distance, il est difficile de savoir combien de temps ça va durer.

    Tim pose sa guitare et Chris se frotte l’œil gauche, du geste ensommeillé qu’il fait toujours quand on travaille trop et trop longtemps. Mais il ne l’admettra jamais. Tim est un bourreau de travail et Chris refuse de dire

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