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La dernière sortie avant le pont du Bosphore
La dernière sortie avant le pont du Bosphore
La dernière sortie avant le pont du Bosphore
Livre électronique267 pages3 heures

La dernière sortie avant le pont du Bosphore

Par Yesari

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À propos de ce livre électronique

Au carrefour de deux continents, le pont du Bosphore s’imposait devant les gratte-ciels et tel un géant, attendait tous les jours d’engloutir des centaines de milliers de voitures...

Une histoire de passion, qui commence en 1960 et continue jusqu’au début du millénaire. Un roman qui pose des questions; à propos du temps, des conséquences de nos choix et de la nostalgie envers les choses perdues de notre vie.

Pour Ferda, une professionelle au sommet de sa carrière, est-il temps de remettre en question sa vie à la veille du millénaire? Sa mère Lara, une peintre, pourra-t-elle se débarrasser des fantômes du passé? Berk, un jeune étudiant, sera-t-il capable de laisser ses maladies de jeunesse derrière lui? Et Bora, membre d’une famille aristocratique, a-t-il trouvé ce qu’il cherchait dans l’Allemagne des années 60, tout en étant un ‘Gastarbeiter’.

Est-ce que les réponses se trouvaient dans le manoir situé à l’endroit de la dernière sortie avant la construction du pont?

Et vous? Vous sentez-vous coincé dans le système? Comme le disait Épicure il y a des siècles, cherchez-vous le bonheur au bon endroit? Malgré tous les malheurs que la vie apporte, y-a-t-il un espoir pour nous? Trouverez-vous un jour votre propre sortie?

LangueFrançais
ÉditeurYesari
Date de sortie20 sept. 2019
ISBN9780463598702
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    La dernière sortie avant le pont du Bosphore - Yesari

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    1

    Relire ces lignes ne me rendait pas aussi triste qu'avant, mais à chaque fois je ne pouvais empêcher les sombres souvenirs du passé affluer dans mon esprit.

    Sa lettre disait Je souhaite que tu sois heureuse! et comme les derniers mots, Tu sais combien je t'aime. Ce matin-là avait commencé comme les autres. Je m'étais réveillée avec la sonnerie persistante du réveil mais en constatant que Lèvent n'était pas à mes côtés.

    C'était comme de prendre conscience qu'il ne serait plus là dans ma vie dans les heures et les minutes à venir. En sortant de ma douche, j'avais trouvé la lettre sur la console du salon. Je me souviens de ce jour seulement remplie de la pluie battante qui sortait de mon cœur...

    Demain, 4 ans auront passé depuis cette lettre. A une heure tardive de la nuit, je suis assise dans mon bureau, une fiole d’alcool à la main, la lettre jaunie posée sur la table.

    Moi, Ferda Okay, l'une des directrices adjointes de La Société Karnas et au sommet de sa carrière. Sur le chemin où je suis, même si je ne veux pas me retourner pour regarder le passé, la vie ne cesse de me pousser à me remettre en question à chaque arrêt que je fais.

    Ferda, perdue dans ses pensées, se leva de son bureau et en chancelant, dut se retenir au coin de la table pour ne pas tomber. Ce soir-là l'alcool lui avait elle fait plus d’effets?

    Elle se rappela que pour son déjeuner ennuyeux avec le client anglais, elle n’avait mangé qu’une salade et elle pensa qu’il était temps de rentrer chez elle pour dévorer quelque chose.

    Elle prit son sac sur l'étagère et le mit sur son épaule. Après avoir regardé un instant du haut du gratte-ciel jusqu’en bas vers les lumières d’Istanbul, elle ouvrit la porte et sortit dans l’entrée. Sa tête tournait toujours, alors qu’elle attendait l’ascenseur. En montant dans sa voiture, avant d’allumer le contact elle ferma les yeux et posa sa tête en arrière. Dans le noir, elle écouta le silence et se souvint que sa mère avait dû avoir les résultats de ses analyses et qu’elle avait oublié de l’appeler.

    Elle regarda l’heure et s'aperçut qu’il était presque minuit. Un jour de plus de sa vie était terminé alors qu’elle laissait derrière elle, dans la nuit, les gratte-ciels, hauts, lumineux mais sans vie...

    Lara se leva tôt. Quand les rayons du soleil vinrent l’effleurer à travers les rideaux, seulement quelques heures avaient passé depuis qu’elle s’était laissé aller entre les mains du sommeil. Elle avait passé toute la nuit à tourner dans son lit. Les seules fois qu’elle avait cédé à la fatigue ce n’était que pour faire de nombreux rêves. Elle s’en rappelait un, elle était sous un ciel étoilé. Elle portait une longue robe blanche et marchait pieds nus dans le désert, les étoiles au dessus d’elle lui clignant de l’œil. Même seule et loin de tout, elle n’avait ressenti que le bonheur et son seul désir était que ce moment ne finisse jamais...

    Se levant doucement de son lit, elle alla dans la salle de bain pour se laver le visage. Elle se regarda dans le miroir, les marques profondes que le temps avait laissé sur son visage ainsi que ses cheveux qui avaient blanchi. Elle n’avait pas mangé grand-chose le soir et elle descendit dans la cuisine, remplit la bouilloire et appuya sur le bouton. Sa tête lui faisait mal. En s’asseyant sur la chaise au coin de la table de la cuisine, elle pensa qu’elle devait manger quelque chose avant de prendre ses médicaments.

    Berk avait dit qu’il resterait le soir chez un ami pour travailler ses cours et qu’il irait directement à l’université le matin, elle allait donc prendre son petit déjeuner toute seule. Elle se leva en entendant le sifflement de la bouilloire, l’éteignit, remplit d’eau la tasse qu’elle avait pris dans le placard, y mit deux cuillères de café soluble et mélangea. Avant de prendre son petit déjeuner elle avait quelque chose à faire, elle prit donc sa tasse et passa dans le couloir pour aller à son bureau.

    En entrant dans l’atelier sombre, elle fut accueillie par l’odeur des peintures et des vernis. Elle choisit l’une des toiles qui étaient par terre et la mit sur le chevalet. Elle ouvrit les rideaux et la fenêtre, regarda le jardin et remplit ses poumons de l’air frais du dehors tout en écoutant le chant des oiseaux.

    Quand elle se sentit prête, elle mit une chaise devant la toile et s’assit. Pendant un moment elle fit des esquisses avec un crayon, puis prenant la palette dans sa main elle y mit quelques couleurs des tubes de peinture. Cela faisait presque une heure qu’elle donnait des coups de pinceaux quand elle sursauta à la sonnerie de la porte d’entrée.

    Quand elle alla ouvrir, elle recouvra la toile et laissa seule la femme aux pieds nus sous le ciel étoilé du désert.

    C’était Ferda.

    Bonjour, dit elle en rentrant à l’intérieur. Hier j’étais très prise avec les réunions et comme je suis sortie tard du bureau je n’ai pas voulu te déranger, j’ai préféré passer ce matin.

    Lara sourit et lui demanda: Veux-tu boire un café? Puis voyant le sac en nylon dans la main de Ferda elle ajouta: Je pense que tu n’as pas pris ton petit déjeuner.

    J’ai pris quelques viennoiseries à la boulangerie du coin pensant que l’on mangerait ensemble.

    Pendant que sa mère se dirigeait dans la cuisine après avoir pris le sac, Ferda s’assit dans le fauteuil marocain du salon et regarda autour d’elle. Derrière la table à manger ronde se trouvait un buffet marron style art déco et devant la fenêtre un coffret à musique à pieds que les années n’avaient pas abîmé. Tous ces meubles et cette maison lui rappelait son enfance lointaine. Berk est sorti? demanda-t-elle.

    Il est resté chez des amis hier soir, répondit sa mère. Ferda avait vu son cousin quelques semaines auparavant quand il était venu avec un ami à son bureau, ils avaient enregistré des questions réponses intéressantes pour un classique devoir universitaire. En pensant à tout ça, elle se leva pour aller vers la cuisine poser à sa mère la question qui lui était revenue à l’esprit. Tu as eu les résultats de tes analyses? Que disent-elles?

    Sa mère qui préparait le petit déjeuner répondit très tranquillement, sans se retourner: Ils ont trouvé une tumeur!

    Juste au moment où elle arrivait à la porte de la cuisine, Ferda vacilla et dit vaguement: Comment ça? Elle se rapprocha de sa mère et dit: Et maintenant? Lara se retourna vers elle et Ferda, tout en essayant de paraître forte; prit sa mère dans ses bras.

    Ils veulent que je me fasse opérer.

    Quand ça? As-tu demandé quels sont les risques? Le mieux est que je parle moi aussi avec les docteurs, dit Ferda.

    Oui bien sûr, mais avant mangeons quelque chose!

    J’ai envie de prendre l’air un peu, on peut s’asseoir dans le jardin? demanda Ferda.

    Elles ouvrirent la porte du jardin et se dirigèrent vers la table qui était sous le camélia entouré de figuiers et de noyers. Ils prirent leur petit déjeuner en silence. Ce petit jardin, même s’il n’était plus si bien entretenu qu’auparavant, apportait à Ferda de la tranquillité.

    Quand Ferda appela sa secrétaire avec son portable pour lui dire qu’elle allait être en retard, Lara dit: Ne sois pas en retard à ton travail, on parlera plus tard.

    Je pense qu’on devrait montrer les résultats d’analyses à un autre docteur, dit Ferda.

    Ce n’était pas le docteur de votre société qui nous avait recommandé ce professeur? Quelle différence y aurait-il avec un autre?

    Elles restèrent encore quelques instants en silence. Ferda regardait pensivement le jardin rempli des couleurs de l’automne, des feuilles jaunies qui volaient au vent et des oiseaux qui piaillaient joyeusement sur les branches des arbres. Les mots qu’elle voulait dire à sa mère pour la réconforter restaient bloqués dans sa gorge. Elle put dire: Allons marcher au bord de mer, cela nous fera bouger un peu.

    Elles sortirent de la maison et marchèrent un peu. Quand elles dépassèrent l’église et qu’elles arrivèrent à côté du lycée, elles furent surprises par le bruit du tramway et se mirent sur le côté en attendant qu’il passe. Le quartier de Moda¹ était calme, il n’y avait personne à part les retraités qui sortaient faire la promenade du matin, quelques jeunes qui faisaient l’école buissonnière et les personnes qui promenaient leurs chiens. Après avoir dépassé le vendeur de glace et les terrains de tennis, Ferda demanda à sa mère si elle voulait s'asseoir au jardin de thé. Elles décidèrent de descendre au bord de mer. Après s’y être promené, elles s’assirent sur un banc pour regarder la mer. Cela faisait longtemps que je n’étais pas venue ici, dit Ferda. En écoutant le bruit joyeux des vagues, son téléphone sonna. C’était Serpil sa secrétaire. Elle parla des documents importants qui venaient d’arriver et qu’il fallait signer d’urgence et lui rappela gentiment la réunion de l'après-midi avec un client qu’ils essayaient de gagner depuis longtemps.

    On peut partir si tu veux, dit Lara à Ferda. J’ai de toute façon pleins de choses à faire à la maison et toi ne sois pas empêchée dans ton travail. Ferda pris le bras de sa mère en remontant tout doucement les escaliers. Une fois arrivé au niveau du jardin de thé, Ferda brisa le silence. Comment vas-tu? Tu as des douleurs?"

    Je vais mieux, dit Lara. J’avais pris mes médicaments avant de sortir. De toute façon cela fait des années que je suis presque amie avec ma migraine. Elle s'arrêta. Enfin c’est ce que je croyais jusqu'à quelques temps, dit-elle. Et elle se tut.

    Tout en rentrant, elles passèrent devant la papeterie où Ferda avait travaillé pendant ses années universitaires pour se faire de l’argent de poche. Ce quartier lui rappelait beaucoup de choses du passé. Elle s’y sentait en paix mais en même temps vulnérable et ouverte à tout.

    Après avoir raccompagné sa mère chez elle, Ferda remonta dans sa jeep, appela le docteur et n’entendit rien de différent de ce que sa mère lui avait dit. Il était important d’enlever au plus vite la tumeur du cerveau. En dehors du fait que l’opération était risquée, ils n’avaient pas décelé de métastases et pour pouvoir dire quelque chose de certain il fallait faire d’autres analyses. Ils pouvaient les faire quand sa mère viendrait à l'hôpital et définir la date de l’opération. Avant de remercier et de refermer le téléphone, Ferda prit un rendez-vous pour le lendemain matin.

    En descendant la pente à côté de l’école primaire, elle appela sa secrétaire pour lui dire qu’elle était en route et que selon la circulation elle pensait être au bureau au plus tard dans une heure. En face d’elle se trouvait le parc de Yogurtcu où elle venait avec sa mère quand elle était enfant. C’était comme si rien n’avait changé et elle pensa que tout était resté comme avant. Elle crut sentir la mauvaise odeur de la rivière comme pendant les jours de grands vents. Sans faire attention elle ferma la fenêtre.

    Après le stade, en passant près de l'auto parc, elle se rappela quand ils venaient en famille au marché du Mardi. Elle s'y était perdue une fois et sa mère l’avait retrouvée au bord de la mer en train de regarder les barques.

    Perdue dans ses pensées elle s'aperçut qu’il était un peu plus de onze heures quand elle prit la route du pont. Même si la circulation était plutôt fluide en cette heure matinale, les voitures ralentissaient avant la sortie d’Altunizade. Ferda se remémora d’autres souvenirs. Juste à cet endroit, avant la construction du pont², se trouvait une maison où elle venait avec sa mère. C’était une grande maison de trois étages, dans un grand jardin rempli de toutes sortes d’arbres, plantes et qui possédait un petit bassin. A l'arrière se trouvait un jardin à perte de vue qui se prolongeait tout le long du mur d’une école privée.

    Cette maison appartenait à la famille d’un ami d’école de Lara qu’elle avait connu à l’Académie des Beaux-Arts et qui était décédé. Madame Mediha y vivait avec son autre fils, sa belle-fille et leur enfant. A chaque visite de Ferda et de sa mère, Madame Mediha, se rappelant son enfant décédé, était toujours très touchée et les accueillait très chaleureusement. Ferda aimait beaucoup cette maison et Madame Mediha. Quand cet endroit lui manquait, Ferda demandait à sa mère Maman, peut-on aller voir la Grand-Dame? En dehors de courir et de jouer dans le jardin, l’endroit qu’elle préférait était le grenier.

    Ou avec les jumelles que lui avaient donnés Madame Mediha elle regardait par la fenêtre ronde les voiliers dans la baie de Kalamis et espérait voir le bateau Kismet de Sadun Boro³, ou bien elle essayait de lire attentivement les magazines empilés de Dogan Kardes⁴. Elle ne voyait pas le temps passer dans cet endroit.

    Au début des années 70, quand la construction du pont commença, la famille fut expropriée car la maison se trouvait juste sur le passage de la route. Alors que son fils acheta une maison sur l’avenue de Bagdad⁵, Madame Mediha préféra louer toute seule un appartement sur la rue de Bahariyé. Habitants proches ils purent voir La Grande Dame très souvent jusqu'à ce qu’elle décède il y a trois ans de cela.

    Chaque matin, quand Ferda passait à cet endroit où la circulation ralentissait, elle regardait sur le côté de la route pour apercevoir l’arbre sur lequel se trouvait une balançoire où elle jouait pendant des heures. Mais ce moment ne durait jamais longtemps et la circulation redevenant fluide, elle se retrouvait sur la route au milieu de centaines de voitures qui avançaient doucement comme un lourd convoi.

    Il se mit à bruiner alors que la dernière sortie avant le pont était derrière elle. Le pont du Bosphore, majestueux, s’imposait devant les gratte-ciels et attendait, tel un géant, d’engloutir les voitures.

    Depuis le tremblement de terre du mois d'août⁶, elle n’avait plus envie d’écouter la radio ou de regarder la télévision. Mais ce matin, les conversations avec sa mère et les docteurs ne lui avaient pas remonté le moral et pensant que d'écouter de la musique lui ferait du bien, elle alluma la radio. Aux informations du matin, on parlait de la mort de Monsieur Kislali⁷, ancien Ministre de La Culture, qui avait perdu la vie dans un attentat à la bombe. Elle se sentit encore plus triste et éteignit la radio.

    Ferda alluma une cigarette, sa voiture roulait sur le pont. Après en avoir tiré une longue bouffée, elle regarda Istanbul. Alors que les nuages noirs recouvraient la ville, la mer était calme comme le silence avant la tempête.

    2

    Munich, le 29 Décembre 1960

    Chère Lara, comment vas-tu? Tu es habituée à vivre avec ta mère? Est-ce que je te manque? Nous sommes arrivés à Munich ce matin à 08h15. Le voyage s'est bien passé jusqu'à Belgrade, j'étais seul dans le compartiment et j’ai pu m'allonger. Mais le wagon à destination de Munich a eu une panne et nous avons dû changer de train. Le voyage en Yougoslavie a été une catastrophe. J’étais avec quelqu'un originaire d’Edirné. Jusqu 'en Autriche nous étions debout, pendant dix à douze heures, à nous bousculer, les valises par terre. Les Yougoslaves sont assez rustres. Nous avons eu un différend avec le contrôleur au sujet d'un billet qui n'était plus valide. La serrure de la valise a lâché, les paquets ont craqué, même pas une personne ne pouvait passer dans le couloir, nous étions les uns serrés à côté des autres. Nous n 'avons pas mangé depuis hier matin. Enfin tout cela est passé et je suis enfin à Munich. Zahidé n'était à la gare. Avec deux étudiants iraniens nous sommes allés dans une pension à cinq marks la nuit. Les douaniers ont voulu confisquer les bouteilles de raki et ils ont fouillé en détails nos bagages en prenant une partie, que je récupérerai plus tard. Munich est une grande ville avec de très belles boutiques. Je n’ai pas dormi depuis deux jours, je vais aller me reposer un peu. Ce soir ou demain je t'écrirais plus en détails. Ah oui j'oubliais, il y a quinze à vingt centimètres de neige à Munich, toutes les rues en sont remplies et de petits flocons tombent. Ne t'inquiète pas je prends soin de moi, tout mon amour.

    Le 30 Décembre 1960,

    Nous dormons à trois les uns à côté des autres. Comme les mecs parlent anglais nous pouvons communiquer. Il y a une forte odeur dans la pension, comme dans la maison des Taki. J’ai été dîner avec l’un d’eux dans un bar et j’ai bu trois bouteilles de bières. Elles sont vraiment bonnes. Après j’ai regardé le menu pour voir ce qui était le moins cher et j’ai choisi un fromage pour 80 pfennigs. Deux morceaux de pain aussi grands qu'une mandarine m'ont été servis! J’ai appelé le garçon qui m’a dit que ce fromage était fait avec la mie de pain. Evidemment j’ai renvoyé le fromage en grommelant. 

    Sortant du bar nous avons décidé de manger des saucisses. On aurait dit du plastique! Pour résumer nous sommes restés avec le ventre vide. En rentrant à la pension nous nous sommes perdus et durant une heure et demi nous avons cherché le chemin en demandant notre route aux passants.

    Je me suis réveillé à six heures et demi avec du bruit. C'était en fait le bruit du tramway. Malheureusement, je n'ai pu me rendormir. J’ai téléphoné à Zahidé mais comme il a beaucoup de cours son frère Salim est venu. Nous sommes allés à la gare pour voir l'horaire de train pour Esslingen. Je pars là-bas dimanche matin, je t'enverrai mon adresse une fois arrivé.

    En sortant de la gare nous avons fait les boutiques. Tu devrais voir tout ce qu'il y a! Je me suis acheté une valise pour 18 marks ce qui fait 54 lires turques; je suis sûr qu'en Turquie elle vaudrait 150 lires. Ici le prix des vêtements n'est pas aussi bon marché qu'on le dit, les chaussures sont très chères. Mais tu verrais le prix des voitures, pas cher du tout! Les plus chers valent 2500 lires turques. Ces belles Mercedes des années 1958-1959 sont à 9.000-10.000 lires. Le midi nous sommes allés manger dans un restaurant table d'hôtes. On a bu un potage qui n'était pas mal du tout. Ensuite on a pris une tête de veau et j'ai failli vomir, Salim n'a pas pu y goûter.

    Le dessert était un gâteau gros comme une noix, assez dur, avec de la crème dessus. Si j'avais su que c 'était aussi mauvais j'aurai ramené des conserves.

    Après le déjeuner nous nous sommes baladés et avons été à la pension de Salim où nous avons pris le repas du soir. Nous avons mangé du thon avec de la mayonnaise et du jambon, accompagnés de deux bières chacun. Puis avec un ami de Salim, Raci, nous sommes allés nous promener à Svanen, un quartier qu'ils disent ressembler à Beyoglu⁸. Il n’y a rien en fait là-bas, Beyoglu est vraiment beaucoup plus animé. Nous sommes allés au cinéma voir un film anglais Dracula et juste dans la rangée derrière nous, un homme qui était ivre a commencé à vomir! Bref c'était l'horreur.

    Je suis en train de t'écrire dans la chambre, trente minutes ont passé depuis minuit. Le sommeil me vient. Je te dis au revoir pour le moment. Demain matin je t'écrirai quelques lignes. Voilà ma deuxième journée de passée à Munich.

    Le 31 Décembre 1960, Jour de l'An

    Je me suis réveillé à 8h45. Le temps ici est comme à Ankara, froid et dur. Les gens n'ont pas trop froid. Hier j’ai voulu acheter deux tricots de corps en laine. Cela coûte 25 marks la pièce, évidemment je n’en ai pas acheté. J’ai donc mis un pull sur mon tricot de corps et ne t'inquiètes pas je n’ai pas froid ! Toi comment te portes tu? Fumes-tu des cigarettes? Comment vas ton moral? Ne fume surtout pas, prends soin de toi! Es-tu toujours malade? Après le jour de l’an vas à l'hôpital pour te soigner afin que ça n'empire pas. Avant de finir ma lettre, je te souhaite une bonne année et j'embrasse tendrement tes lèvres qui me manquent. On s'était connu à un bal du jour de l’an et j'avais souhaité qu'après notre mariage nous puissions passer tous les jours de l'an ensemble, mais le destin en a voulu autrement. Souhaite la

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