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Rupture
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Livre électronique168 pages2 heures

Rupture

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À propos de ce livre électronique

Romain s'enfonce peu à peu dans la dépression en assistant impuissant à la lente déchéance de sa mère. Son seul soutien, il le trouve auprès de Carole, sa tante qui lui voue une affection protectrice. Elle mettra toutes ses forces pour l'aider à résister et à se construire un avenir. C'est à Londres, où il décide de partir faire ses études, que son chemin croise celui de Gillian. Débute alors une relation amoureuse renforcée par une sensibilité partagée. L'entourage féminin de Romain va l'accompagner dans les différents moments de son mal-être. Elisabeth qui, derrière un comportement froid, se révèle être une amie attentive. Gillian la compagne blessée qui est partagée entre offrir une main secourable à Romain et l'oublier.

LangueFrançais
Date de sortie4 mars 2019
Rupture
Auteur

Hubert Gorius

Je suis né le 12 avril 1946. Diplômé de l'Institut régional d'administration de Lyon, j'ai effectué ma carrière dans les services du ministère de l'intérieur. Passionné de voyages et de psychologie, je fais de nombreux voyages aux quatre coins du monde en particulier en Amérique du nord, Canada et Usa.

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    Aperçu du livre

    Rupture - Hubert Gorius

    I

    Quelques troncs rachitiques bordaient de vastes enclos recouverts de broussailles laissant entrevoir la façade éventrée d'un vaste bâtiment, dernier vestige d'un passé industriel disparu. La route se prolongeait par une pente assez raide qui débouchait sur un replat. De là on percevait une clameur mêlée de cris et de rires qui parvenait à percer la muraille de béton gris.

    Une nappe de brume laiteuse précédant les flocons masquait l'entrée principale du bâtiment qu'il contourna discrètement par le portillon réservé d'ordinaire aux enseignants. Il redoutait le moment où il allait se retrouver face aux élèves de sa classe d'anglais. Il était dévoré par son incapacité à faire régner un minimum de silence pendant les cours. Pour doper leur motivation, il proposait l'étude de textes moins austères que ceux contenus dans leurs manuels. Malgré ses efforts, il ne parvenait pas, à son grand regret, à susciter un minimum d'intérêt. Il en ressentait une profonde frustration, un sentiment d'échec, même si au fond de lui, il trouvait ses élèves sympathiques et parfois malheureux.

    Une voix stridente le rappela soudain à la réalité : » Alors Romain, tu te caches ! »

    Il se résolut à aller saluer le groupe de collègues dont les regards interrogateurs étaient tournés vers lui. Il remarqua l'absence de Fabienne et pensa qu'elle avait dû rencontrer des difficultés de circulation pour parcourir les quelques deux cents kilomètres qui la séparait de sa Moselle natale.

    La sonnerie retentit à l'instant où elle franchit l'entrée, les pommettes encore rougies par la course. Sa tension retomba quand elle réalisa qu'elle était juste à l'heure. Elle prit encore le temps de saluer rapidement ses collègues en évitant de croiser le regard de Romain.

    Chacun s'apprêtait à rejoindre sa salle de classe lorsqu'elle se dirigea subitement vers lui. D'un ton empreint d'amertume et de tristesse, elle laissa échapper sa colère : « Tu ne réponds plus aux sms ou bien tu t'es fait voler ton portable ? »

    « Désolé, j'ai eu des problèmes ! »

    Elle ne répondit pas, refoula d'un hochement de tête, l'émotion qui se lisait sur son visage.

    Au pied de l'escalier qui conduisait à la salle du troisième étage, un sentiment mêlé d'impuissance et d'épuisement le saisit face à l'agitation des élèves. Il lui semblait devoir gravir une montagne infranchissable. Il s'interrogea sur sa capacité à tenir encore deux trimestres. Loin de l'avoir apaisé, ses vacances avaient augmenté sa fatigue.

    Dans un vacarme assourdissant, il s'efforça de se faire entendre : « Nous devons mettre à profit ces deux prochains trimestres pour réellement progresser », avant d'ajouter : « Quelle que soit la carrière que vous choisirez, il est important à notre époque que vous parliez correctement anglais. Partout où vous voyagerez, l'anglais vous sera utile, ne serait-ce que pour faire des rencontres ! ». La fin de sa phrase ne manqua pas de déclencher aussitôt l'hilarité générale de la classe.

    Le manque de motivation de ses élèves le culpabilisait au point de s'en rendre entièrement responsable. D'une voix basse presque chuchotée, il leur demanda de prendre leur manuel. Le brouhaha ne cessa pas malgré son insistance. Les premiers rangs s'exécutaient avec lenteur, les rangs du fond restaient sourds à sa demande ne pouvant résister au besoin frénétique d'envoyer des textos.

    Il fut pris d'un soudain étourdissement, une sensation de tête vide au bord de l'évanouissement. Il était absent ne pouvant plus prononcer un mot, incapable d'évaluer le temps qui passait. L'horloge le rappela à l'ordre : ça faisait plus de trente minutes que son cours était censé avoir débuté !

    Soudain, la clameur diminua progressivement avant de disparaître: « Vous êtes malade M'sieur ? »

    Romain bredouilla quelques mots : « Je ne vais pas bien, je ne vais pas pouvoir poursuivre, je suis désolé. Je vous demande de rejoindre calmement la salle d'études dans l'attente de votre prochain cours. »

    À sa grande surprise, le groupe se dirigea dans le calme vers la sortie en lui adressant un regard compatissant. Il resta assis quelques instants, le temps de remettre de l'ordre sur le bureau et dans sa tête !

    Il allait devoir expliquer la situation au principal. C'était un homme au contact facile toujours disposé à recevoir élèves et enseignants qui le sollicitaient pour des sujets qui souvent n'en valaient pas la peine. Il ne laissait jamais paraître qu'on pût le déranger. Les sujets les plus futiles comme les plus graves méritaient toujours selon lui, d'être entendus. Romain se demanda ce qu'il allait bien pouvoir invoquer au juste : qu'il était malade, mal remis d'une mauvaise grippe ou bien, plus sincèrement, qu'il ne parvenait pas à surmonter l'immense fatigue qui le dévastait, l'impression de n'être plus utile à rien, de n'être ni fait pour ce métier, ni pour aucun autre. En somme qu'il présentait tous les signes d'un état dépressif bien constitué dont tous les traitements successifs n'avaient jamais pu venir à bout.

    Sans doute, pensa-t-il, le principal serait à même de l'entendre mais que pourrait-il bien faire pour lui ? C'était un homme proche de la retraite, apprécié par les enseignants pour son écoute et sa loyauté. Il s'en voulait d'aller l'ennuyer avec ses problèmes.

    « Bonjour Romain, asseyez-vous. Mais diable que vous avez mauvaise mine ! »

    « Je vous présente mes meilleurs vœux, Monsieur. »

    « Meilleurs vœux également mais dites-moi, ou bien je me trompe, ce n'est pas, je l'espère, la seule raison qui vous amène ici, non ? »

    « En fait Monsieur, je n'ai pu assurer mon cours, j'ai dû envoyer mes élèves en salle d'études. »

    Le principal s'inclina en arrière sur son fauteuil en moleskine noir style année cinquante, ferma les yeux un court instant, laissa flotter une hésitation puis arbora un large sourire qui aussitôt rassura Romain. Il ouvrit le meuble à glissière situé à côté de son bureau, en sortit une carafe posée sur un petit plateau avec deux verres. « Vous aimez le bourbon ? »

    « Bien sûr Monsieur ! », affirma-t-il, passant sous silence sa faible résistance à l'alcool.

    « Vous savez Romain, des coups de blues, j'en ai eu mon compte à chaque rentrée. C'est la raison pour laquelle j'ai préféré m'orienter vers la direction d'établissement plutôt que de continuer à enseigner l'histoire-géo. Alors buvons à cette nouvelle année. Je vais sans doute vous surprendre mais vous êtes très apprécié par vos élèves ainsi que par leurs parents, comme me le confiait l'un d'eux récemment et je ne dis pas cela pour vous remonter le moral. La perception que l'on a de soi diffère souvent de la manière dont les autres peuvent nous ressentir. Bon enfin, s'agissant de votre malaise d'aujourd'hui, je verrai vos élèves et invoquerai quelque chose comme une chute de tension, en me gardant bien de parler de craquage psychologique. Il faut rester fort Romain, aux yeux de l'administration. Je ne veux pas vous inquiéter avec ça, mais vous n'êtes pas encore titulaire. Alors, vous allez filer chez votre toubib et vous faire arrêter pour une huitaine, pas plus car ça m'obligerait à vous trouver un remplaçant. »

    Romain se confondit en remerciements en prenant congé. La porte à peine franchie, il tomba sur Fabienne, la mine défaite :

    « C'est vrai que tu as passé les vacances cloîtré dans ta chambre ? »

    Les nouvelles allaient vite dans l'établissement. Romain pensa aussitôt à Karim qui habitait le logement en-dessous du sien. Sans doute s'était-il étonné avec ses parents, de ne pas le voir sortir de son studio pendant ces quinze jours de vacances. Ils avaient préféré garder pour eux leur inquiétude, n'osant pas aller prendre de ses nouvelles. Il croisait quotidiennement le père de Karim le matin, au moment de partir au collège. Lui, rentrait visiblement fatigué d'un travail de nuit. Ils se saluaient chaleureusement. Romain l'avait un jour comblé de bonheur en lui parlant de son fils décrit par l'ensemble des professeurs comme un excellent élève dans toutes les matières. « Il est important que Karim poursuive ses études » avait-il cru bon de lui dire. Recommandation complètement superflue quand il découvrit plus tard que les frères et sœurs de Karim avaient brillamment réussi leur vie professionnelle.

    Fabienne l'inonda de questions. Il la rassura en lui annonçant qu'il se rendait chez le médecin. Heureusement c'était la fin de l'intercours, elle devait rejoindre sa classe.

    Elle lui chuchota à l'oreille : « À ce soir ! » tandis qu'elle s'éloignait précipitamment comme si elle ne voulait pas attendre sa réponse.

    Romain avait rencontré Fabienne au cours d'une réunion de bienvenue organisée pour faciliter la rencontre entre enseignants. La plupart d'entre eux étaient de nouvelles recrues qui avaient accepté par défaut, une première affectation dans une petite ville marquée par la crise de la sidérurgie du bassin lorrain.

    Il redoutait l'instant où il allait devoir se présenter.

    « Et toi Romain, tu restes vraiment silencieux ! »

    « Mon histoire n'a rien de très passionnant : je viens de Paris, je n'ai pas de famille... »

    Ses mots étaient sortis sans qu'il en mesurât la portée. Ils furent suivis d'un silence pesant qui lui fit réaliser le trouble qu'il avait produit sur la petite assemblée. Quelqu'un relança la conversation pour dissiper le malaise.

    Fabienne ne pouvait masquer son trouble et s'était approchée de lui :

    « Je comprends ce que tu ressens, ce n'est pas facile de s'adapter à un nouvel environnement. Paris doit te manquer ? Moi, j'en arrive à regretter ma petite ville de province pourtant dépourvue de tout charme. »

    Il accepta de la revoir et ils passèrent une soirée dans l'un des rares bars fermant à une heure suffisamment tardive, au lieu d'aller voir un film comme ils l'avaient envisagé.

    Elle était douce et cultivée, intarissable sur la littérature et la musique classique. Il l'écoutait tout en remarquant qu'elle avait pris soin de souligner son regard d'un trait de maquillage et de nouer ses cheveux à l'arrière. Il l'interrompait si peu, qu'elle finit par lui demander s'il ne s'ennuyait pas avec elle.

    « Pas le moins du monde, j'aime t'écouter. »

    Lui prenant la main, elle laissa échapper : « Mais qu'est-ce que tu as l'air malheureux Romain ! »

    Il soufflait un vent glacial lorsqu'il la raccompagna au pied de son immeuble.

    « Tu veux monter ? »

    Dissimulant mal sa surprise, il hésita un court instant.

    « Tu as quelqu'un ? »

    « Non, je suis désespérément seul ! Je suppose d'ailleurs, que lors de ma présentation de l'autre soir, j'ai dû atterrer bon nombre de nos collègues. »

    Fabienne éclata de rire, lui tapotant l'épaule d'un geste de réconfort. Il consentit un peu malgré lui, à l'accompagner jusqu'à son appartement. Elle lui proposa un verre d'alcool qu'il refusa.

    « Désolé, mais avec tous les médicaments que j'ai avalés, je risque bien de m'endormir ! »

    Il lut sur son visage, une réelle inquiétude mêlée de compassion. Après une brève hésitation, elle l'entoura de ses bras en posant doucement son visage contre le sien.

    Vers deux heures du matin, il regagna son modeste studio traversant un brouillard glacé. Il avait accepté de rejoindre Fabienne sachant qu'il n'éprouvait rien pour elle. Il s'en voulait, conscient qu'il n'allait rien garder de cette rencontre.

    Il vivait dans un véritable enfermement, ne ressentant ni plaisir, ni intérêt à l'égard de ceux qui l'entouraient. Il était devenu en quelque sorte, son propre spectateur au fil de ses nuits d'insomnie.

    *

    En sortant du bureau du principal, la tension qui l'oppressait se relâcha. Dehors, la neige qui tombait maintenant éclairait la cour du collège d'une lumière apaisante, dissipant peu à peu son angoisse.

    Il se mit en quête d' un médecin pour obtenir un arrêt maladie. Il gardait encore en mémoire l'impression désagréable que lui avait laissée le premier généraliste qu'il avait consulté lors de son arrivée. Le médecin acariâtre s'était écrié en voyant la dernière ordonnance qu'il lui présentait :

    « C'est insensé que l'on ait pu vous prescrire de tels psychotropes. Il faut penser aux risques de surdosage que vous encourez à long terme ! ».

    Devant l'insistance de Romain, il avait fini par se résigner et consentir à renouveler le traitement, persuadé que de toute façon, l'un de ses confrères le ferait sans état d'âme.

    Non loin de l'arrêt du bus qui le ramenait en centre ville, Romain repéra la plaque d'un médecin. Le cabinet était installé au rez-de-chaussée d'une ancienne villa. La salle d'attente aux papiers peints défraîchis était vide. Il subodora aussitôt qu'il devait s'agir d'un praticien proche de la retraite et craignit de voir se renouveler sa première expérience fâcheuse. Son intuition ne fut pourtant pas la bonne ; c'était en fait un jeune homme souriant qui l'invita à entrer. Il fit un récit détaillé de son craquage en classe sans mentionner ses antécédents psychologiques. Le médecin fit preuve d'une grande empathie comprenant les difficultés du métier d'enseignant. Il lui prescrit un arrêt de travail de huit jours assorti d'une ordonnance. Romain se dirigea aussitôt vers la pharmacie pour récupérer la nouvelle prescription

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