Le Vaisseau de la liberté
Par Vivian Stuart
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À propos de ce livre électronique
En route pour les Caraïbes où elle se rend à la recherche de son père, Lady Barrett tombe entre les mains de redoutables pirates qui la vendent aux enchères comme esclave. A sa grande surprise, et malgré tout le mépris qu'il lui témoigne, elle s'éprend peu à peu du capitaine des flibustiers. Quel sera le vainqueur de la terrible bataille qui se livre dans le cœur de Corinna ? L'orgueil des Barrett ou son amour insensé?
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Aperçu du livre
Le Vaisseau de la liberté - Vivian Stuart
Le Vaisseau de la liberté
Le Vaisseau de la liberté
Buccaneer’s Lady
© Vivian Stuart, 1981
© eBook: Jentas ehf. 2022
ISBN: 978-9979-64-614-3
This book is sold subject to the condition that it shall not, by way of trade or otherwise, be lent, resold, hired out, or otherwise circulated without the publisher’s prior consent in any form of binding or cover other than that in which it is published and without a similar condition, including this condition, being imposed on the subsequent purchase.
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1
Corinna contemplait fixement par le sabord la coque en flamme du navire qui l’avait emmenée aux Indes occidentales. Elle était apparemment impassible, mais au fond d’elle-même, elle ne pouvait refréner les battements désordonnés de son cœur.
La porte de la cabine s’ouvrit brutalement et elle se retourna avec précipitation. Immédiatement, elle reconnut le capitaine des pirates avec sa silhouette efflanquée et son visage blafard. Il était noir de poudre et ses vêtements étaient en lambeaux. Un incroyable attirail de sabres, de couteaux et de pistolets était accroché à son ceinturon.
Il sourit et la jeune fille ne put s’empêcher de songer qu’avec ses joues creuses et sa mâchoire saillante, il y avait quelque chose de macabre et de sinistre en lui.
— J’espère que vous n’avez pas eu trop à vous plaindre de notre hospitalité, Mylady ? questionna-t-il d’une voix sardonique.
— Une belle hospitalité vraiment ! s’exclama Corinna avec fureur. Mon bateau a été brûlé, mes effets ont été volés. En plus, vous m’avez lié les mains !
Le lieutenant du capitaine Quinn, un borgne à l’aspect repoussant et aux proportions gigantesques éclata de rire bruyamment.
— Silence Gabriel ! le fit taire aussitôt le capitaine d’une voix qui ne souffrait pas de réplique.
Puis il se retourna vers sa captive et murmura avec une intonation menaçante :
— On dirait que vous n’avez pas très bon caractère, jeune demoiselle. Il faudra en changer, ce n’est pas une qualité que l’on apprécie beaucoup par ici.
Corinna releva fièrement la tête. La peur lui nouait les entrailles, mais elle était déterminée à lui faire front quoi qu’il en coûte.
— Jamais je ne me laisserai impressionner par des bandits et des scélérats de votre acabit !
— Faut-il que je lui enseigne les bonnes manières, capitaine ? demanda Gabriel en s’avançant de quelques pas.
— Non, cela ne vaut pas la peine. De toute façon elle ne sera bientôt plus un problème pour nous. Amène-la sur le pont, les enchères vont commencer.
Sans ménagement, la brute poussa Corinna devant lui dans la coursive. Lorsqu’elle arriva sur le pont, l’air de la mer lui fouetta le visage et mis un peu de couleur à la pâleur de ses joues. Nu-pieds, barbus et dépenaillés, les hommes du capitaine Quinn la regardaient avec des sourires lubriques ; des murmures appréciateurs fusaient de-ci de-là. Tous portaient les mêmes larges pantalons de cuir grossier et les mêmes chemises sales et ouvertes jusqu’à la ceinture. Tous étaient couverts de sabres et de pistolets. Certains avaient en guise de turban, un mouchoir vaguement noué autour de la tête ; d’autres arboraient fièrement un lourd anneau d’or accroché au lobe de l’oreille. L’ensemble était à la fois pittoresque et menaçant.
Un petit groupe d’hommes se tenaient auprès de Quinn et Corinna sentit que son destin se trouvait entre leurs mains. Enchères, le pirate avait parlé d’enchères. Allaitelle donc être mise en vente comme une vulgaire esclave ?
— Amène la fille par ici, Gabriel, ordonna le capitaine, afin que chacun puisse la voir à son aise.
Gabriel la poussa devant lui et Quinn se tourna vers un homme que la jeune fille voyait pour la première fois.
— Alors capitaine Hawke, combien pensez-vous qu’elle vaille ?
— Un instant Quinn, répondit l’homme d’une voix nonchalante, - laissez moi l’examiner de près.
Corinna leva la tête vers ce capitaine Hawke et en resta bouche bée. Ce n’était pas du tout le rustre auquel elle s’attendait, mais au contraire un homme grand et bien fait, habillé avec une sobriété presque militaire. Il portait une veste de cuir finement ouvragée, un chapeau à larges bords surmonté d’une plume et une écharpe d’étoffe pourpre nouée à la taille. Ses cheveux bruns tombaient en boucles soignées sur ses larges épaules et son visage hâlé par les embruns portait la marque d’un homme habitué à commander et à être obéi.
Il sourit de sa stupéfaction et sans se presser, ses yeux froids et métalliques la parcoururent de la tête aux pieds. Lorsque son inspection fut finie, il tira lentement une bague ornée d’un énorme rubis de sa poche, et la jeta avec dédain à Quinn qui s’en saisit avec avidité.
— Je pense que cela devrait suffire. Et maintenant, écoute moi bien Quinn, murmura le capitaine Hawke d’une voix où perçait une colère, — si jamais tu t’avises d’attaquer à nouveau un navire anglais, tu me trouveras sur ton chemin et je ferai en sorte que tu sois pendu — ou pire peut-être. S’il te vient l’envie de te venger ou de chercher à reprendre la fille, regarde d’abord le « Freedom » et compare-le à ton bateau.
Corinna suivit le regard de Quinn qui s’était posé sur le navire fin et puissant dont les canons s’alignaient comme à la parade le long du bordage du bateau des pirates.
Le capitaine fit une grimace et acquiesça d’un signe de tête. Hawke sourit et se recula en ordonnant à l’un de ses hommes :
— Ben, détache cette demoiselle.
Un homme petit, à la figure toute ronde et joviale, s’approcha d’elle. Ses épaules étaient d’une impressionnante largeur et il avait ces jambes torses des marins qui ont passé toute leur vie en mer.
D’un coup de sabre, il délivra prestement la captive.
— Voilà capitaine, c’est fait.
— Si je puis vous donner un conseil Hawke, méfiez-vous, cette fille que vous venez de m’acheter, a des griffes et elle n’hésite pas à s’en servir.
— Je me souviendrai de ta mise en garde, mais n’oublie pas la mienne non plus.
Quinn sourit et il répliqua avec une lueur de mauvais augure dans le regard :
— N’ayez aucune crainte : la prochaine fois je serai prêt.
— J’attends ce jour avec impatience, assura le capitaine Hawke d’une voix doucereuse.
Sous les regards hostiles des hommes de Quinn, Corinna précéda le capitaine et ses hommes sur l’échelle de coupée et descendit dans la chaloupe qui les attendait. Dès qu’ils eurent tous embarqué, les rameurs poussèrent au large et Corinna s’assit en massant ses poignets meurtris. Qui pouvait donc bien être ce capitaine Hawke ? Il était forcément lui aussi un pirate pour traiter ainsi avec un bandit de l’espèce de Quinn. Et pourtant il n’avait pas hésité à le menacer si jamais il s’avisait d’attaquer à nouveau un navire anglais !
Il semblait à son aise à présent et bavardait tranquillement avec ses hommes, mais Corinna sentait que cette nonchalance était aussi trompeuse que celle d’un félin prêt à bondir.
Elle l’observait déjà depuis quelques instants lorsque brusquement, il tourna vers elle son regard perçant.
— Voilà qui est amusant, je viens d’acquérir une somptueuse pièce de butin et je ne me suis même pas préoccupé de savoir son nom.
— Je m’appelle Corinna Barrett, répliqua la jeune fille en rougissant de colère, et je n’appartiendrai jamais à personne !
Il sourit avec impudence et répondit d’une voix moqueuse :
— Je ne puis guère que vous féliciter pour avoir d’aussi nobles sentiments, mais vous ne vous rendez peut-être pas compte que je viens de vous racheter pour le prix d’une rançon royale
C’était absolument insupportable ! Se faire traiter ainsi comme une esclave ! Le capitaine Hawke pouvait bien ne pas ressembler à Quinn, mais au fond il n’était pas meilleur que lui. Ses mains tremblaient de colère et elle avait toutes les peines du monde à ne pas exploser.
— Capitaine Hawke, rétorqua-t-elle d’une voix qu’elle aurait voulu calme et assurée, si vous écrivez à Barrett Manor dans le comté de Leicester, vous serez remboursé du prix que vous avez dû payer, une fois bien entendu, que je serai revenue saine et sauve.
— Et si je préfère vous garder ?
— Alors vous perdrez tout, répondit-elle d’une voix glaciale, car je... j’ai l’intention de m’échapper le plus rapidement possible.
— Et de traverser l’océan à la nage ?
— S’il le faut !
En entendant cela, le capitaine Hawke rejeta la tête en arrière et fut pris d’un accès irrépressible de fou-rire.
— J’ai bien envie de vous garder à bord simplement pour nous distraire, Miss Barrett !
— Alors je vous plains de tout cœur capitaine, jeta Corinna avec mépris, car vous devez mener une bien triste existence.
Ben étouffa un petit rire sous cape.
— La demoiselle a une langue qui vaut bien ses griffes, capitaine !
— Que veux-tu Ben, c’est la faute de son éducation, riposta le capitaine Hawke en faisant un clin d’œil de connivence à son matelot.
Corinna Barrett avait été élevée dans le culte de la légende des Barrett, de la glorieuse épopée de sa famille. Dans sa solitude, elle s’était raccrochée à toute cette longue histoire, symbole de courage et de fierté. Lorsque sa mère était morte, elle avait six ans à peine et Corinna en avait gardé un très vague souvenir. Sir James, Lord Barrett, ne s’était jamais remarié et s’était consacré, après la disparition de sa jeune femme, au service exclusif de son roi. Il résidait à Londres auprès de la cour et ne faisait que de brefs séjours à Barrett Manor.
La sœur de son père, Lady Agatha, s’était chargée entièrement de l’éducation de la petite fille. Elle ne s’était jamais mariée et Corinna étant ainsi la seule héritière de la fortune et du nom des Barrett. La vieille dame s’était efforcée de lui apprendre tout ce qui était nécessaire à la tenue d’un aussi vaste domaine que Barrett Manor et surtout, elle avait insisté sur la nécessité de maintenir vivantes toutes les traditions de la famille.
Les Barrett remontaient aux premiers Plantagenêts et il y avait une multitude de choses qu’une Barrett se devait de faire ou de ne pas faire. Parfois Corinna se disait que sa tante ne savait pas commencer une phrase autrement que par : « Une Barrett doit toujours » ou bien « Une Barrett ne doit jamais ».
Une Barrett ne doit jamais être familière avec les domestiques, ni avoir des relations d’égal à égal avec les villageois ou avec les fermiers, même s’il n’y a personne d’autre dans le voisinage. Une Barrett ne doit jamais critiquer son roi et ne doit pas tolérer que quelqu’un le fasse en sa présence. En revanche, elle se doit d’avoir de l’affection pour ses chevaux et ses chiens et a le devoir de bien traiter ses gens et de remplir scrupuleusement ses obligations religieuses.
Par ailleurs, une Barrett se doit d’exceller dans tout ce qui compte pour une personne de son rang, c’est-à-dire monter à cheval, danser, peindre, faire de la musique et connaître un peu de français et de latin.
Les longues soirées d’hiver se passaient à faire de la tapisserie et parfois le masque rigide de tante Agatha se détendait un peu. Ses yeux se perdaient alors dans le vague, sa voix devenait rêveuse et elle se mettait à raconter avec émerveillement les histoires et les légendes des premiers Barrett. Elle faisait revivre, pour la plus grande joie de la petite fille, la vie de Sir Cuthbert, écuyer de Henri Ier, celle de Lady Anne, dame d’honneur de la reine Élizabeth Ire et revenait sans cesse sur l’histoire du propre grand-père de Corinna, Sir Henry Barrett, qui avait sacrifié sa vie pour aider le roi à s’enfuir après la bataille de Worcester.
Généralement, tante Agatha finissait par s’assoupir, mais Corinna continuait à rêver pendant des heures à tous ces Barrett aujourd’hui disparus en se demandant quand et comment elle prendrait sa place dans cette longue et glorieuse lignée...
Mme Simmons, la gouvernante, ne manquait jamais de faire remarquer à Mme Post, la cuisinière, combien la solitude de Corinna était grande. Ah, si seulement il y avait quelqu’un pour bien vouloir s’occuper vraiment d’elle ! soupirait-elle, émue.
Et Mme Post, comme tous les autres domestiques, savait que c’était