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Ami entends-tu
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Livre électronique496 pages7 heures

Ami entends-tu

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À propos de ce livre électronique

 

Philibert et Noémie, nés en 1927, sont ensemble depuis les petites classes. Lorsque la guerre éclate en 1939, ils ont 12 ans et viennent d'obtenir le certificat d'études. La ligne de démarcation à la sortie du village fait que la jeune fille qui demeure à Saint Macaire, se trouve en zone occupée et le garçon à Saint Pierre d'Aurillac, en zone libre. Ils poursuivent leur scolarité aux cours complémentaires de Langon. Philibert est contraint de franchir la ligne quatre fois par jour.

Son instituteur Gilbert Prévos, a permuté avec un collègue. Il prend ses fonctions en mars 1942. Il est l'un des maillons d'un réseau de renseignements sur l'armée d'occupation.

Ne pouvant franchir lui-même la ligne, il utilise Philibert pour transmettre les renseignements au maillon suivant, Isabelle Cantalou, mercière à Saint Pierre d'Aurillac. Son mari Edmond Cantalou gère un atelier de confection à Langon. Il entretient une relation adultère avec Étiennette Bastin, l'une de ses employées. Gilbert Prévos en informe Isabelle. Rien ne va plus dans le ménage. Pour se débarrasser de son épouse Edmond Cantalou dénonce Gilbert Prévos aux policiers allemands. Il espère ainsi que l'enquête les conduira jusqu'à elle.

Torturé, il se suicide pour ne pas parler. Edmond Cantalou est exécuté le même jour par la résistance locale. La Gestapo oriente ses recherches vers Philibert qui passait les renseignements en zone libre, il gagne le maquis.

Noémie est l'objet de dénonciations anonymes à la gendarmerie puis à la Gestapo, de la part de Claudine Bastin, l'amant de sa mère. Elle échappe à l'arrestation. À son tour elle se réfugie au maquis. Les années passent en vacations radio clandestines avec Londres, sabotages, évacuation aérienne d'agent démasqué par la police allemande. Souvent, Philibert se surprend à murmurer le Chant des partisans : « ami entends-tu dans la nuit la liberté nous appelle ».

Juin 1944, les deux jeunes gens ont maintenant dix-sept ans leur proximité au maquis a fait tomber des barrières. Lorsque quelques mois avant la libération de Langon, Philibert est arrêté par la Milice et expédié en Allemagne dans le cadre du service du travail obligatoire, Noémie est enceinte.

Le train qui le conduit en Allemagne est attaqué par l'aviation dans la région de Baden-Baden. Après la victoire des alliés, de nombreux prisonniers et requis du service du travail obligatoire regagnent la France. Philibert ne revient pas ; que se passe-t-il ? Claudine Bastin a-t-elle réussi à se venger.

Noémie a mis au monde une petite fille. L'espoir du retour de Philibert chevillé à l'âme elle repousse toutes les propositions qui lui sont faites.

 

LangueFrançais
Date de sortie9 oct. 2022
ISBN9798215598993
Ami entends-tu
Auteur

Maurice, Américo LEAO

Je suis né en mille neuf cent quarante-sept, à Ambarés 33, commune sur l’estuaire de la Gironde. D’un père Portugais et d'une mère Béarnaise. Après Une carrière en gendarmeries où j’ai occupé divers postes, depuis enquêteur en section de recherches, jusqu’à commandant de brigade, en France et outre-mer, je me suis trouvé confronté au milieu avec ses magouilles et ses crimes crapuleux. Quelques-uns d’entre eux m’ont motivé pour en faire le récit. Ce sont aujourd’hui plusieurs titres qui figurent à ma bibliographie. Si les lieux où se déroulent les faits sont réels, les personnages sont de pures fictions. Les événements sortis de leur contexte d’origine pour être romancés se déroulent principalement en Gironde, Lot et Garonne mais aussi à la Martinique et en Espagne. Laissez-vous conduire sur les traces de ces mauvais garçons qui prennent vie au cours de ces affaires où gendarmes et policiers ne gagnent pas toujours et se terminent par des règlements de comptes entre gens du milieu. Beaucoup d’enquêtes ne sont jamais résolues, en douteriez-vous ?

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    Aperçu du livre

    Ami entends-tu - Maurice, Américo LEAO

    AMI ENTENDS-TU

    AMI ENTENDS-TU

    Roman

    Écrit par

    Maurice Américo LEAO

    Ceci est une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ou des événements réels ne serait que le fait du hasard.

    Ami entends-tu

    Copyright © Maurice, Américo LEAO.

    ––––––––

    ISBN Broché 9798525030862

    Dépôt légal troisième semestre 2021

    ––––––––

    Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par l’article L.335-5 et suivant du Code de la propriété intellectuelle.

    Du même auteur chez Amazon

    Meurtre à la palombière

    La sorcière de la porte Rendesse

    Prends garde à la garce

    Si tu prends mon cœur

    La fille du ferrailleur

    Ha la gueuse

    Maman viendra payer

    Agence Tout sur Tous, Le Ballot.

    Les oubliés de l’histoire

    Dernier dépassement.

    Je suis arrivé à Saint Pierre d’Aurillac en 1987. Je savais que ce village au sud de Langon, avait été pendant la période de l’occupation allemande, village frontière avec le hameau du Bas Pian dépendant de la commune de Pian sur Garonne.

    J’avais recueilli de mes parents des anecdotes de cette époque. Elles avaient excité ma curiosité. Aussi, je me suis employé dès mon arrivée, à récolter auprès du voisinage et des anciens du village de nouveaux souvenirs. Au cours de ma carrière en gendarmerie où j’ai eu l’occasion servir à Langon et à La Réole, j’ai poursuivi cette quête. À ce jour, la moisson, est abondante.

    CASABIANCA

    Photographie de couverture, collection personnelle de l’auteur.

    Construit par les Chantiers de la Loire à Saint Nazaire, le Casabianca faisait partie de la classe des sous-marins de 1 500 tonnes. Mis sur cale en 1927, il fut lancé le 2 février 1935 admis en service actif le 31 décembre 1936.

    Sous le commandement du capitaine de corvette Jean L’Herminier, il s'échappe de Toulon le 27 novembre 1942, alors que la flotte se saborde. Il déjoue la traque de l’aviation ennemie et réussit à gagner le large, traverse la Méditerranée et effectue une entrée triomphale dans le port d'Alger le 30 novembre. Ses missions de liaisons et de ravitaillement de la résistance en Corse ont fait sa légende.

    Aujourd’hui, sa tourelle est exposée face au port de commerce de Bastia.

    Table des matières

    1

    2

    3

    4

    5

    6

    7

    8

    9

    10

    11

    12

    13

    14

    FIN

    Table des matières

    Ami entends-tu

    1

    ––––––––

    Les cloches sonnent à la volée à l’église de Saint-Pierre D’Aurillac. Noémie se précipite chez son voisin, Philibert.

    — Dépêche-toi, on va rater la sortie des mariés, dit-elle.

    Le garçon est moins intéressé par les nouveaux mariés, que par la partie de pêche dans la Garonne, envisagée avec les gamins de son âge. En étouffant un soupir, il range sa collection d’hameçons pour suivre la petite fille. Déjà, Noémie est rendue au sommet des quelques marches qui conduisent au parvis de l’église. Elle lui fait signe de la rejoindre. En traînant les pieds, il se glisse entre les grandes personnes, qui forment une haie le long des marches. Isabelle et Edmond apparaissent sur le seuil.

    — Ouah ! Elle est très belle, s’exclame Noémie.

    D’un geste habituel, comme lorsque tout petits ils se tenaient par la main pour aller à l’école, elle s’empare de celle de Philibert. Lui pense aux poissons qui fichent le camp vers l’océan.

    — C’est vrai qu’elle est belle, insiste Noémie. Après un silence d’une seconde, elle rajoute. Lorsque nous nous marierons tous les deux, je veux la même robe.

    Philibert pense à son copain Julien Landry, qui sans aucun doute surveille déjà son bouchon.

    ***

    Trois ans plus tôt.

    Edmond Cantalou a appris la taille et la couture des vêtements, homme et femme avec sa mère, dans l’entreprise qu’elle dirige à Oran (Algérie). À vingt ans, il maîtrise tous les aspects du métier. Ses diplômes en poche, son destin est tout tracé. L’affaire familiale est saine. Une dette de jeu, qu’il ne peut honorer, vient contrecarrer ses plans. Pour se faire oublier quelque temps, il tente l’aventure de la métropole. L’un de ses oncles, Aaron, possède un grand magasin rue Sainte-Catherine à Bordeaux, et gère une affaire florissante. La clientèle est nombreuse. Les articles de prêt-à-porter sont fabriqués dans un atelier installé rue Saint-James, il en est de même pour les commandes sur mesure, et là, c’est le domaine d’Edmond. Très compétent, il excelle en la matière. Certaines clientes ne jurent plus que par lui. Son physique avenant et son accent oranais ne sont pas étrangers à cet engouement. Il gagne bien sa vie et profite largement des distractions que lui offre le grand bordeaux. Dans ses poches, l’argent ne fait que passer, sans s’arrêter.

    — Tu fais comme tu veux Edmond, mais si un jour tu veux être patron comme moi, il serait temps que tu penses à économiser. Avec ta tante, c’est ce que nous avons fait toute notre vie, un centime après l’autre pour enfin ouvrir ce magasin. Au début, je travaillais dans la réserve pour coudre les vêtements, petit à petit, je me suis fait une clientèle. Maintenant, j’ai trente couturières qui travaillent pour moi rue Saint-James.

    — J’y pense, mais je ne suis pas pressé.

    — Tu as tort, les années passent vite, si tu n’y prends pas garde, tu n’auras rien pour tes vieux jours.

    La conversation des deux hommes est interrompue par la sonnerie de la porte d’entrée. L’espace d’une seconde, Edmond reste muet. La personne qui vient d’entrer dans le magasin est une jeune femme d’une vingtaine d’années, blonde aux yeux verts, aux mensurations agréables. Sa tenue vestimentaire laisse supposer qu’elle dispose d’un budget conséquent. Avant que l’une des vendeuses ne s’intéresse à elle, il se ressaisit.

    — Que puis-je pour vous, Madame ?

    — Rien pour l’instant, me permettez-vous de regarder votre collection ?

    — Mais certainement, n’hésitez pas à me questionner. Nous possédons une excellente équipe de couturières, les meilleures sans doute de la région. De plus, nous faisons beaucoup de sur-mesure.

    Cette remarque attire un sourire sur le visage d’Isabelle.

    — Je ne doute pas de votre compétence, d’ailleurs, ce n’est pas par hasard que je viens dans votre magasin.

    Edmond a surpris le clin d’œil que lui adresse son oncle.

    — Je vous laisse faire votre choix.

    — Merci.

    Isabelle va d’un présentoir à l’autre, examine avec attention la finition des coutures, la doublure des vestons, puis des robes et jupes.

    Pendant ce temps, Edmond s’occupe d’un autre client, ce qui ne l’empêche pas de suivre du coin de l’œil, l’inspection en règle à laquelle se livre son étrange visiteuse. Sans vergogne, elle retrousse les manches des vêtements, inspecte les revers des pantalons, l’encolure des robes. Son comportement importune les deux vendeuses, mais elles font bonne figure, tout en conseillant d’autres clientes.

    Edmond a terminé, l’homme venait juste récupérer une commande. D’un geste naturel, il rectifie le pli de son pantalon, ajuste son nœud de cravate, d’un mouvement d’épaule il recentre son veston. Le visage illuminé de son plus beau sourire, il s’avance vers Isabelle. Elle tient dans sa main une robe noire, très chic.

    — Je vois que vous portez une grande attention aux finitions de notre collection. Elles sont parfaites, nous avons un suivi très strict de ce qui sort de notre atelier.

    — C’est vrai, reconnaît Isabelle. Cependant, j’ai cru remarquer un léger déport dans la couture de l’encolure de cette robe.

    Edmond marque le coup.

    — Vous m’étonnez, voyons cela.

    À son tour il inspecte le vêtement. Le défaut dont fait état Isabelle, n’est pas perceptible pour une cliente ordinaire. Du coup, il est sur ses gardes. Il ne peut réfuter ses dires.

    — C’est vrai, mais c’est très minime. Je vais la faire reprendre par l’atelier, ou mieux encore, je vais le faire moi-même. Cet article vous intéresse ?

    — Non, pas du tout. Je suis venu chercher l’inspiration, car je monte mes garde-robes toute seule.

    Edmond accorde une plus grande attention à Isabelle. Elle porte avec élégance un habillement sans défaut qui suit les courbes de son corps, resserre ou donne de l’ampleur où c’est nécessaire. Mais en plus de cela, la jeune femme exerce sur lui une attirance certaine. Il sait déjà, qu’il ne doit pas la laisser repartir sans avoir obtenu l’assurance de la revoir.

    — Je me rends compte que vous êtes très habile de vos doigts.

    Isabelle n’a pas le temps de répondre. L’oncle se joint à la conversation qu’il écoutait depuis un moment.

    — Mon neveu a raison, vous semblez très douée pour la couture. Plutôt que de vous contenter de vos besoins personnels, pourquoi ne vous joindriez-vous pas à mon équipe. Je cherche une personne pour suivre la qualité de notre fabrication, et vous me semblez être celle qui convient.

    — Non, non, je vous remercie.

    — Allons, laissez-vous tenter, dit Edmond.

    — Vous seriez recrutée comme cadre, le salaire est conséquent, rajoute son oncle.

    — Je ne suis pas intéressée, j’ai déjà un emploi.

    — Et si je vous propose une prime d’embauche, seriez-vous disposée à quitter votre employeur.

    — Non, sûrement pas, je suis mon propre employeur, ou plutôt je travaille avec mon père. Nous avons un petit atelier, rien à voir avec l’importance du vôtre, qui nous permet de vivre sans problème.

    — Alors, vous êtes venue nous espionner, s’offusque faussement l’oncle Aaron.

    — Pas du tout. Nous sommes installés à Langon, c’est une petite ville et si une partie de notre clientèle nous commande du sur-mesure, une grande partie se contente du prêt-à-porter dont nous avons aussi une petite collection. Mes modèles sont différents des vôtres, car ils reflètent les goûts et les désirs de nos habitués.

    Langon est suffisamment éloigné de Bordeaux pour qu’Isabelle et son père ne représentent pas une concurrence dangereuse. Edmond commence à craindre de voir s’évanouir ses chances de revoir la jeune femme. C’est l’oncle Aaron qui sans le vouloir lui vient en aide.

    — Eh bien, puisque vous êtes venue nous rendre une aimable visite, voyez-vous un inconvénient à ce que mon neveu vous rende la politesse.

    — Ce sera avec plaisir, nous sommes au numéro 180 du cours des Fossés. Ce n’est pas très loin de la gare.

    Tout à coup, une idée surgit derrière la tête d’Aaron. Poser la main sur ce petit atelier de campagne, s’il s’avère qu’il est rentable, lui permettrait de s’agrandir. Mais aussi, pourquoi Edmond ne séduirait-il pas cette jolie jeune femme. S’il s’amourache de cette personne et part s’installer à Langon, ce n’est pas une perte. Sa vie dissolue commence à être connue sur Bordeaux et fait de l’ombre à la réputation de l’enseigne. Que l’histoire évolue dans un sens ou dans l’autre, il est gagnant sur les deux solutions. Il décide de se monter arrangeant.

    — Le train ! Non, Edmond viendra en voiture.

    Le rendez-vous est pris pour le vendredi matin 8 mai 1936 à 10 heures.

    — Les couturières seront encore au travail, et vous pourrez voir notre organisation, dit-elle.

    ***

    À 10 heures, Edmond stoppe la Citroën onze chevaux de son oncle devant le numéro 180 du cours des fossés. Il est toujours vêtu avec la même élégance.

    — Je vois que vous avez trouvé sans difficulté, dit Isabelle.

    — Vos explications étaient claires, et puis ce n’est pas Bordeaux.

    — C’est exact, cependant dans notre petite ville, nous avons une qualité de vie que vous n’avez pas. Mais vous n’êtes pas venu pour discuter de ça. Venez, mon père vous attend.

    La façade du magasin arbore l’enseigne, Au bon chic, le regard d’Edmond s’y attarde l’espace d’une seconde. À l’intérieur, comme il s’y attendait, quelques présentoirs offrent un choix assez restreint de marchandises, mais la qualité semble au rendez-vous. Un homme d’une cinquantaine d’années lui tend la main.

    — Alors, c’est vous le Bordelais dont ma fille m’a dit le plus grand bien ?

    Le plus grand bien. L’affaire se présente sous un bon jour, se dit-il.

    — N’exagérons rien, je ne suis que le neveu de Monsieur Bénaïm. Je le seconde dans la mesure de mes modestes moyens.

    — Certes, mais vous occupez le poste clé de maître tailleur, celui que j’occupe ici. Quant à Isabelle, si elle a en les capacités, j’ai veillé à sa formation, elle assiste sa mère dans la gestion d’une mercerie en gros que nous possédons dans un village voisin.

    — Oui, c’est un commerce hérité de ma grand-mère, mais cela ne nous empêche pas de travailler en étroite collaboration, dit Isabelle.

    La visite se poursuit par l’atelier où, sous la direction de l’une d’elles à peine plus âgée, officient une quinzaine de jeunes femmes.

    — Madame Bastin est notre contremaîtresse. Elle est très compétente, précise Ernest Dutoit.

    Il s’agit d’une très jolie femme. Edmond se contente de la saluer d’un signe de tête. L’atelier tout en longueur traverse l’immeuble. Il termine sur un local à usage de vestiaire et débouche sur la rue Maubec.

    — C’est l’entrée du personnel. Mais l’immeuble nous appartient en totalité. Je loue quelques appartements dans les étages, dit le père d’Isabelle.

    Edmond se forge une opinion favorable, les machines à coudre sont d’une marque connue et semblent récentes. Son œil de professionnel a jugé la qualité du travail fourni par l’équipe, bien dirigée par cette dame Bastin. Elle n’est pas désagréable à regarder, ce qui ne gâte rien. Durant la visite, Ernest Dutoit a dû, à plusieurs reprises, livrer des commandes à des clients qui semblaient aisés. L’affaire est saine. Il consulte sa montre.

    — Déjà 11 h 30, je vous ai fait perdre beaucoup de temps. Il est l’heure que je me retire, dit-il.

    — Que non, cela m’a fait grand plaisir de faire votre connaissance. Peut-être aurons-nous l’occasion de nous revoir, dit Ernest Dutoit.

    De nouveau Edmond consulte sa montre.

    — Je n’aurai pas le temps d’être rentré à Bordeaux pour le déjeuner. Mon oncle Aaron, depuis qu’il a perdu son seul fils dans un accident de voiture, me fait l’honneur de m’héberger. Ma tante est très stricte sur les horaires, aussi je vais rester à Langon. Sans doute s’y trouvent-ils de bons restaurants.

    — Ce n’est pas ce qui nous manque, celui à côté de la mairie est très réputé, vous pouvez y aller de ma part, nous y sommes connus.

    Edmond regarde Isabelle, il lui sourit.

    — Me feriez-vous l’amitié de m’y accompagner ?

    C’est Ernest qui répond à sa place.

    — Je n’y vois pas d’inconvénient, par contre, je souhaite qu’elle soit revenue avant quinze heures, nous avons beaucoup de paperasses à traiter.

    ***

    1er janvier 1938

    La famille Dutoit n’a pas fait un long réveillon, depuis quelques mois Ernest est souffrant. Isabelle s’est levée de bonne heure, pour aider sa mère Cécile, à préparer le déjeuner. Le menu est copieux, en effet il est convenu avec Edmond qu’il fasse la demande officielle de l’épouser.

    En raison de la maladie qui le mine, Ernest s’est renseigné sur la situation du prétendant au sein de l’entreprise de confection de son oncle Aaron Bénaïm. C’est clair, il ne possède rien d’autre que ses compétences, avérées certes dans le métier, mais c’est tout.

    Il s’est attardé au lit, c’est pourquoi à 10 h 30 il est encore dans la salle de bains. Il a fini de se raser et se regarde dans la glace. Pour une fois, il ne s’est pas coupé. Il faudra bien qu’il en passe par là, se dit-il. Il pense au contrat de mariage qu’il a fait établir par son notaire. Comme tous les pères, il se méfie un peu d’Edmond, il est trop beau parleur, ses origines oranaises sans doute. De plus, il fait preuve d’une bonne opinion de lui-même qui l’incite à rester sur ses gardes, et le conforte dans sa décision d’exiger un passage chez le notaire. Sa fille est amoureuse, il ne veut que son bonheur. Mais les exemples ne manquent pas de jeunes filles dupées et ruinées par une union qui ne tient pas ses promesses. Il est tiré de ses pensées par une voix qui vient de la cuisine.

    — Tu devrais te dépêcher, il est presque 11 heures et Edmond ne va pas tarder. Il ne faudrait pas qu’il te trouve en pyjama, dit Cécile.

    — J’ai presque fini, je n’ai plus qu’à m’habiller.

    Comme toujours lorsqu’il reçoit, Ernest porte un élégant costume trois-pièces sorti de son atelier où il l’a lui-même cousu. Ainsi vêtu, il se sent à son aise, en position de force pour attaquer la conversation qui ne va pas manquer au moment de l’apéritif.

    Isabelle a terminé d’installer les couverts sur la table de la salle à manger. Cécile, quant à elle, est toujours occupée en cuisine. Elle y est secondée par Noémie, une petite voisine à qui elle a confié le nettoyage des casseroles ayant servi à la préparation des aliments. Il s’agit de la fille d’un métayer demeurant à proximité. La petite fille est toujours volontaire pour donner un coup de main ici ou là. En échange elle récolte une petite pièce. Elle économise sous après sous pour faire un cadeau à Philibert son voisin, complice de jeux, dont c’est bientôt l’anniversaire. Le gredin à six mois de plus qu’elle, ils se suivent depuis les petites classes.

    — Je monte m’habiller, maman, dit Isabelle.

    Cécile accorde un coup d’œil à la pendule accrochée au mur. Elle connaît sa fille, ça risque d’être long.

    — Oui, il est 11 heures, tu as juste le temps, si tu te dépêches, dit-elle en esquissant un sourire.

    Noémie a presque terminé de récurer les casseroles qui lui ont été confiées. Elle traîne un peu, car elle voudrait voir comment Isabelle est habillée pour recevoir son fiancé. Dans ce petit quartier, tout le monde se connaît, et si chacun sait rester à sa place, il règne malgré tout une certaine intimité. La petite fille a toujours admiré Isabelle, c’est un peu son modèle. Plus tard, lorsqu’elle sera grande, elle aimerait lui ressembler. Enfin, le bruit de ses pas se fait entendre dans l’escalier. Noémie se presse d’essuyer le dernier poêlon, elle glisse un œil hors de la cuisine. Isabelle est au bas des marches. Elle étrenne un tailleur de couleur fuchsia que, bien sûr, Edmond n’a jamais vu. Noémie est éblouie.

    — Ouah ! Que tu es belle.

    — Merci, Noémie, dit Isabelle.

    À ce moment, la sonnette de la porte d’entrée brise l’instant magique. Ernest accueille Edmond, toujours aussi sûr de lui. Cécile glisse une pièce dans la main de l’enfant et la pousse en douceur vers la sortie et lui chuchote à l’oreille.

    — Si tu veux, tu pourras revenir ce soir m’aider à la vaisselle, tu auras une autre pièce.

    En sortant, elle jette un regard furtif à Edmond. Son allure suffisante ne lui plaît pas. C’est un de la ville, se dit-elle. C’est comme ça que l’a baptisé Philibert, alors c’est vrai. Il n’y a pas de doute, Edmond n’est pas du village.

    Dehors, le ciel est gris, annonciateur de neige. À peine sur le trottoir, elle aperçoit Philbert qui descend les marches de l’église en les sautant deux par deux.

    — Tu as fini la vaisselle, dit-il.

    — Juste les casseroles, la vaisselle est trop fragile, alors Madame Dutoit elle la fait avec Isabelle.

    — Des fois que tu lui casserais, c’est plus prudent, la taquine le jeune garçon.

    — Surtout que c’est de la belle porcelaine.

    Philibert, lui, la belle porcelaine ce n’est pas son truc.

    — Tu viens jusqu’à la maison, maman a fait des merveilles, elles sont à refroidir sur le bord de la fenêtre.

    — Elle va te gronder si tu manges des gâteaux avant de passer à table.

    — Je ne vais pas lui dire. Tu n’as qu’à m’attendre à la forge, il y fait encore chaud, pendant que je vais en piquer deux.

    Le temps de le dire, Philbert revient avec une pâtisserie dans chaque main. Il en donne une à sa complice au moment où sa mère ouvre la porte. Ils n’ont que le temps de cacher la main derrière le dos. Les mouvements ne lui ont pas échappé. Elle a compris que son fils s’est fait voleur de gâteaux pour épater sa petite copine. Elle ne va pas lui gâcher ce moment d’héroïsme.

    — Quand vous aurez fini, Philibert, tu viendras te laver les mains pour passer à table. Et toi Noémie, puisque tu as l’air d’apprécier les merveilles, tu viendras au dessert en déguster quelques-unes, dit-elle.

    Sitôt la porte refermée, les deux gamins se regardent et ne peuvent retenir un fou rire.

    **

    Les mois ont passé, avec celui de mai, les beaux jours sont arrivés. Pendant ce temps, après la classe, Noémie ne pouvait se soustraire aux devoirs du soir et aux leçons qu’elle devait réciter en classe le lendemain. Par contre, les jeudis après-midi, elle frappait à la porte de la mercerie. Elle ne pouvait s’empêcher d’admirer la robe, qu’avec l’aide de sa mère, Isabelle confectionnait pour le grand jour. Tout ce temps, elle en a privé Philibert.

    — Tu es toujours à la mercerie, qu’est-ce que tu y fais ?

    — Je regarde Isabelle coudre sa robe de mariée. Elle est terminée, elle est magnifique. Quand on se mariera, j’en veux une comme la sienne, dit-elle.

    Philibert ne prête aucune attention à la forme plurielle de sa phrase.

    — Les cerises du père Mathurin sont presque mûres, on y va voir, dit-il.

    Noémie fait taire son petit pincement au cœur. Elle n’est pas boudeuse. La perspective de déguster en cachette les premières cerises de l’année, adoucit la blessure.

    ***

    Edmond et Isabelle se sont mariés le samedi 14 mai 1938. Il s’est soumis sans trop rechigner au contrat de mariage, avait-il le choix ? En juillet, la maladie contraint Ernest à abandonner la gestion de l’atelier, il décède quinze jours plus tard.

    Sous l’impulsion d’Isabelle, ils commencent la fabrication de dessous féminins de luxe. Ils en ont le débouché sur les grandes villes environnantes. Ce secteur d’activité, peu exploité par ailleurs, se montre très lucratif. Plusieurs couturières y sont employées à temps plein. Quelques mois plus tard, Cécile rejoint Ernest dans la tombe. Pour ne pas fermer la mercerie, qui approvisionne de petits magasins dans les villages environnants, Isabelle en assure la gestion. La situation la contraint à laisser la direction de l’atelier à son mari.

    Au fil des jours, Edmond ressent le manque de la vie bordelaise, les restaurants, le théâtre, tous les lieux où l’on s’amuse ne sont pas très développés à Langon. Sous couvert de rendre visite à son oncle Aaron, il multiplie de plus en plus les escapades. Sourd aux mises en garde d’Isabelle, l’argent lui file entre les doigts. En décembre 1939, l’affaire est au bord de la faillite. Elle ne doit sa survie qu’au soutien de la mercerie que dirige Isabelle ce qui compromet gravement sa situation financière.

    Après de multiples discussions houleuses, tout en gérant la mercerie que lui a laissée sa mère, Isabelle reprend la comptabilité de l’atelier imprudemment laissée à l’initiative d’Edmond.

    Celui-ci n’a aucun argument à présenter pour sa défense. Il n’a obtenu aucun soutien de son oncle Aaron. Il connaît son caractère dépensier. Il sait qu’une créance court le risque de n’être jamais honorée. L’avocat, consulté en secret, l’a dissuadé de tenter de faire valoir la prééminence de sa tutelle sur les biens du ménage. Le contrat de mariage exigé par son beau-père le prive de toute action sur les biens de son épouse. Lui n’a rien. Il repense alors aux conseils de son oncle, puis d’un mouvement d’épaule les renvois aux oubliettes.

    Petit à petit la situation se redresse. Edmond se sent humilié, mais ne peut que se taire. Les liens du couple se distendent aussi.

    Entre-temps la France est entrée en guerre contre l’Allemagne.

    ***

    Lundi 4 septembre 1939, 9 heures. C’est une matinée ensoleillée, seul un petit voile de brume sur la Garonne tarde à se dissiper.

    Les marteaux résonnent sur l’enclume dans l’atelier d’Adrien Laouet. Antoine Roquille son jeune ouvrier façonne un fer à cheval. Une main solide se pose sur son épaule. Il arrête de frapper, le marteau suspendu à mi-course.

    — Tu vois bien qu’il est froid ton fer ! Va le remettre au feu, dit le patron.

    Au loin, les cloches de Saint-Macaire se mettent à sonner.

    — Qu’est-ce qui se passe ? Il s’est trompé de jour le curé, c’est lundi, aujourd’hui, pas dimanche, s’exclame Michel Laguenylle son second apprenti.

    D’autres cloches se joignent à la première, celle de Le Pian sur Garonne tout d’abord, puis celle de Langon, enfin celle de Saint-Pierre d’Aurillac. La cadence est rapide, ce n’est pas celle pour appeler les fidèles à la messe. Non. C’est le tocsin. Adrien a compris, il a fait la dernière, celle que l’on a appelée : La Grande Guerre, celle qui a déjà fait tant de veuves et d’orphelins et emporté tant de jeunes vies dans le village.

    — C’est la guerre, c’est la guerre, s’écrit-il.

    Antoine et Michel reprennent à leur tour d’une voix écrasée par l’énormité de la chose. À ce moment, Agathe entre en trombe dans l’atelier, elle a les yeux pleins de larmes.

    La veille, dans la même journée, l’Angleterre, la France, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont déclaré la guerre à l’Allemagne.

    — C’est la guerre, ils viennent de l’annoncer à la TSF, dit-elle.

    Dans la rue, les gens s’attroupent. Certains ne veulent pas y croire, d’autres déjà, commentent une victoire rapide sur l’Allemagne avec toutes ces nations qui lui sont hostiles.

    — Tu ne repartiras pas dit Agathe, tu es trop âgé et Philibert est encore jeune, il n’a que douze ans.

    Attiré par le vacarme, son fils est descendu sur le trottoir, bientôt suivi par Noémie Chariette la fille d’un métayer voisin.

    — Et demi, reprend son fils.

    — Et moi aussi, dit Noémie en lui adressant un regard où plane un soupçon de tendresse.

    — Pfeu, tu es du mois de juin toi, ça ne fait pas la demie, rectifie Philibert.

    — Et alors, les filles sont plus intelligentes que les garçons, ça compense.

    — Allez vous chamailler plus loin dit Adrien, et préparez plutôt vos affaires, pour la rentrée aux cours complémentaires. Avec cette guerre, qui nous tombe dessus, on ne sait pas de quoi demain sera fait.

    L’année précédente avait été agitée, mais la rencontre de Munich, où les Tchèques étaient lâchés, avait donné satisfaction aux Allemands. La guerre était évitée. Adrien fulminait, il se rendait compte que cette reculade n’avait servi à rien. Hitler avait attaqué la Pologne. Il n’était plus temps de tergiverser. Avant midi, le garde champêtre avait placardé une affiche annonçant la mobilisation ainsi qu’une deuxième, pour les réquisitions celle-là.

    Les commentaires allaient bon train sur une victoire rapide de nos armées. Les anciens, eux, n’avaient pas oublié la guerre précédente. Elle était restée ancrée dans les mémoires et bien souvent dans les corps. Ils étaient moins optimistes, mais se gardaient bien de le dire pour ne pas se faire traiter de défaitistes. Hitler voulait sa revanche, c’était clair.

    ***

    Le début de l’année 1940 s’écoula normalement. La radio faisait bien état des hostilités, mais dans la région, rien ne se passait, c’était la drôle de guerre. Par contre, les vagues de réfugiés qui venaient du nord, de l’est de la France, et de Belgique inquiétaient les plus endurcis. Les passages de plus en plus fréquents de soldats français, débraillés, désarmés, qui se hâtaient en désordre vers le sud n’étaient pas faits pour redonner le moral aux populations civiles. À la radio, comme beaucoup d’autres au village, Adrien Laouet suivait chaque jour le déroulement des hostilités.

    Pendant ce temps, les Allemands attaquaient la Norvège et le Danemark. Au mois de mai, c’était le tour de la Hollande. La contre-attaque franco-anglaise à travers la Belgique tombait dans le piège tendu par les nazis. Les blindés du général Guderian perçaient par les Ardennes et déferlaient sur la manche. Les alliés refluaient vers Dunkerque où ils étaient bouclés dans la nasse. Une grande partie des régiments anglais parvint à s’embarquer. Par contre beaucoup de Français, qui protégeaient leur retraite, succombaient ou étaient faits prisonniers. C’était le désastre.

    ***

    Il n’a pas été nécessaire d’attendre bien longtemps pour voir l’instauration d’une frontière. Le 22 juin, le Maréchal Pétain signe l’armistice. Son article vingt-deux institut une zone libre et une zone occupée. Les Allemands ne tardent pas à installer un poste de garde à la limite des communes de Pian sur Garonne et Saint Pierre d’Aurillac. La ligne de démarcation instaurée le 25, confirme le partage de la France en deux zones.

    ***

    Depuis quelques minutes, Philibert patiente assis sur les marches de l’église. Noémie se fait attendre. Elle ne fait son apparition que lorsque le clocher sonne huit coups.

    — Enfin, te voilà, que faisais-tu ?

    — J’ai aidé maman à éplucher les légumes pour la soupe de midi.

    — Ouais, dépêchons-nous. Il paraît que les Allemands construisent une cabane en bas de l’Ardillat.

    Mi courant, mi marchant les deux gamins arrivent en vue du chantier où déjà d’autres curieux sont rassemblés. Au sol, ce sont de grand tas de matériaux divers, planches, clous, pelles, pioches. Le tout déposé par des camions qui repartent tout de suite sauf un. Des soldats en armes en descendent et prennent position le long de la route. Quelqu’un murmure dans la foule que l’ensemble a été pillé sur le dépôt de la gare de Langon.

    Un groupe d’ouvriers est occupé à dégager un espace pour construire la fameuse cabane. Ils travaillent avec méthode et précision sous les ordres d’un gradé qui ne cesse de les harceler. Philibert et Noémie ne comprennent pas un mot de ce qui se dit, mais cela semble efficace. À 11 heures, lorsqu’ils décident de rentrer pour être exacts au repas de midi et éviter les reproches des parents, l’ossature est en place. Déjà quelques planches sont sciées à la bonne longueur. Des coups de marteau troublent le silence qui se fait au fur et à mesure que les curieux se retirent.

    Dans la soirée, lorsqu’ils reviennent la barrière basculante est terminée, peinte aussitôt aux couleurs du Troisième Reich. Au sommet du fût d’un jeune peuplier installé à côté de la cabane, flotte le drapeau à croix gammée.

    — Ils n’ont pas traîné les frisés pour construire leur cabane, dit Philibert.

    À ces mots, l’un des soldats de garde dresse l’oreille. Noémie prend peur.

    — Ne parle pas si fort, il nous a entendus et il comprend le Français, dit-elle.

    Comme pour lui donner raison, la sentinelle leur fait signe de s’éloigner. Il confirme son geste d’une voix gutturale.

    — Ici Deutschland, défense de passer, restez Frankreich, raus !

    La corvée avait disparu, mais les soldats en arme, eux, étaient là, et bien là. Des contrôles tatillons étaient instaurés. Ceux qui voulaient passer en zone dite libre pouvaient, pour l’instant, le faire sans trop de problèmes, par contre l’inverse posait des difficultés.

    Désormais, il est nécessaire de présenter une carte d’identité et un ausweis frontalier, pour pouvoir franchir cette barrière, et travailler les vignes qui se trouvent en zone libre. L’instauration de l’heure allemande complique les travaux agricoles. La barrière ferme à 19 heures, mais au soleil il n’est que 17 heures, il faut rejoindre la zone occupée. Que de temps perdu, alors que le travail est là, que la récolte à venir en est tributaire.

    La garde à la barrière était assurée au début par un régiment de cavalerie, remplacé plus tard par une division entière de SS. Les hommes portaient une tête de mort brodée au revers du col de leur veste, sur leur calot ou leur casquette. C’était la division d'élite Totenkopf. Le nombre de morts qu’elle allait faire au long de la ligne allait confirmer leur triste réputation. À Saint-Pierre d’Aurillac, en zone libre, les gens n’avaient pas à les subir mais leur réputation passait par les vignes, par le biais des travailleurs frontaliers.

    Pendant ce temps, de l’autre côté de la barrière l’occupant mettait en place un régime de réquisitions, de restrictions et de vexations. Il devint très vite impopulaire et provoqua une multitude de trafics et de corruptions.

    ***

    Depuis quelques minutes, assis au sommet des marches de l’église, Philibert guette la sortie de Noémie. Enfin la jeune fille le rejoint. Elle prend place à ses côtés.

    — Tu as été longue.

    — Oui, je sais j’ai aidé maman à faire des confitures pour cet hiver.

    — J’y ai pensé, car chez nous c’est pareil. Mais tu sais quel jour nous sommes ?

    — Bien sûr que je le sais, je ne suis pas idiote.

    — Eh bien, dis-le.

    — Nous sommes samedi c’est le 6 juillet, tu veux l’année aussi ?

    — Non, ce n’est pas la peine. Et le samedi, tu sais ce qu’il fait le père Mathurin ?

    — Il fait comme papa, il est dans la vigne de Monsieur Worms parce que les vendanges approchent et qu’il y a du travail.

    — S’il est à la vigne, il n’est pas dans ses pêchers. Je suis allé les voir ce matin, elles sont énormes.

    Noémie a fini par comprendre où veut en venir Philibert, son gredin de complice. C’est plus pour braver l’interdit que par besoin que tous deux prennent plaisir à marauder quelques fruits. Le temps des cerises est terminé, voici venu celui des pêches.

    — Allons-y tout de suite, dit-elle en le prenant par la main.

    Le petit verger familial du père Mathurin se trouve au ras des berges de la Garonne, en limite de commune avec Le hameau du bas Pian. Aucun des deux ne pense au danger qu’il y a de s’aventurer trop près de la ligne de démarcation. Ils sont vite rendus.

    — Ouah, elles sont mûres à point, dit Noémie en s’emparant de l’un des fruits qui se trouve à sa portée.

    En faisant attention à ne pas casser les branches, Philibert se hisse sur la pointe des pieds pour en cueillir une plus grosse encore. Ils mordent à belles dents dans les pêches dont le jus s’écoule sur leur menton. Tout à coup, un bruit de voix gutturales vient couper leur bel appétit.

    — Ce sont les boches, cachons-nous, dit Philibert dans un murmure.

    Dissimulée par un bouquet d’arbustes, une petite citerne en béton se trouve en bordure du verger. Ils n’ont que le temps de s’allonger derrière. Au travers du taillis, les yeux au ras de la citerne, les deux jeunes gens suivent la scène. Trois soldats poussent devant eux un couple porteur d’une valise. Arrivé au bord du fleuve, le groupe se scinde en deux. L’homme et la femme, le dos à la Garonne, les trois soldats allemands reculent de quelques mètres puis, sans autre forme de procès, font feu. Les deux civiles s’écroulent. Les Allemands poussent les corps dans le courant. La valise est vite ouverte, ils se partagent les quelques valeurs qu’ils y trouvent et jettent le reste à l’eau. En riant, ils reprennent la route du poste de contrôle.

    Tout s’est passé très vite. Noémie s’est réfugiée dans les bras de Philibert. Trois bonnes minutes leur sont nécessaires pour reprendre courage. Avec précaution, ils regagnent le village.

    — Tu te rends compte, s’ils nous avaient vus, dit Noémie.

    — Oui, je pense qu’ils nous auraient fusillés aussi. Mais on ne pourra même pas en parler à nos parents.

    — Pourquoi ?

    — Tu vas leur expliquer que nous étions à la pique aux pêches ?

    — Non, tu as raison, mais à partir de maintenant, je vais tout faire pour ne jamais tomber entre leurs mains.

    — Sois rassurée, moi aussi, dit Philibert.

    ***

    Adrien Laouet est content de sa trouvaille. Depuis qu’il s’occupe des voitures, il a acquis de nombreuses connaissances en électricité. Après quelques essais infructueux il a trouvé la solution pour augmenter les capacités de l’antenne de sa TSF. C’est en remplaçant la bobine d’allumage d’une Citroën que l’idée lui est venue de récupérer le fil de cuivre, en faire un enroulement et le coupler à son antenne. En zone occupée, ce bricolage pouvait le conduire en prison, voire en déportation, ou pire encore, devant le peloton d’exécution. Il est strictement interdit d’écouter la BBC, la radio anglaise.

    Il fut

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