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Maude: L'Acadien
Maude: L'Acadien
Maude: L'Acadien
Livre électronique184 pages2 heures

Maude: L'Acadien

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À propos de ce livre électronique

La suite tant attendue de L'Acadien. Adrien revient dans son village pour y rencontrer, encore, l'amour et le drame.

LangueFrançais
Date de sortie26 mars 2021
ISBN9781393825227
Maude: L'Acadien
Auteur

Claude Thibault

Claude Thibault habite sur une ferme au Québec dans un petit village du nom de Yamaska. 

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    Aperçu du livre

    Maude - Claude Thibault

    www.claude-thibault.com

    Maude est une œuvre de fiction. Les personnages sont des calques de personnes que je connais mais leur rôle dans l’histoire est purement fictif. J’ai aussi pris la liberté de situer l’histoire dans des endroits que je connais.

    REMERCIEMENTS

    MIREILLE BEAUCHAMP pour m’endurer et pour lecture beta.

    JEAN MORVAN pour lecture beta, corrections, encouragements et suggestions.

    CHAPITRE UN

    Dimanche 22 aout 1954

    ––––––––

    Volontairement, Adrien passa tout droit devant la maison de la veuve Corbin. Il continua de rouler jusqu’à Saint-Louis. Il stoppa sa camionnette devant le garage à l’enseigne Texaco.

    Anselme Gallant, le garagiste, sortit de son établissement en s’essuyant les mains avec un vieux chiffon huileux qu’il avait extirpé de sa poche arrière. Il s’approchait de la camionnette alors qu’Adrien en descendait.

    — Tu voulais tu du fioul pour ton truck, Adrien?

    —  Non, Anselme, mon pick-up est full,. Je voudrais juste emprunter votre chaise. J’aurais du jonglage à faire.

    Anselme haussa les épaules et retourna lentement dans son atelier.

    Anselme avait hérité du garage de son père, Josaphat, en 1930. Ce dernier, forgeron de métier, avait construit une écurie en 1881 au centre du village qu’était Saint-Louis. Une bâtisse tout en bois munie d’une seule porte assez large pour y laisser passer une voiture et son cheval. Un atelier obscur où trônait une vieille truie sur laquelle une théière chauffait continuellement. Et, l’âme du bâtiment, un feu de forge au charbon plein de braises rougies par un soufflet. Josaphat, six jours par semaine, de ses mains de géant, ferrait les chevaux, offrait la pension et réparait les charrettes et les calèches qu’on lui confiait. C’était un patenteux qu’on disait. Un problème? Josaphat trouvait la solution. Visionnaire, il suivait attentivement les nouvelles concernant les travaux de messieurs Ford, Benz et autres. Voyant l’importance que voulait prendre l’automobile, il avait écrit à Henry Ford lui-même pour lui demander comment réparer ses engins. Et, à sa grande surprise, il reçut un formulaire l’invitant à suivre des cours de mécanique automobile par correspondance. Il s’y inscrivit et, grâce à sa perspicacité, devint le premier mécanicien pour automobiles de tout le comté de Kent. On venait de partout pour ses conseils et pour faire réparer sa voiture. 

    Et c’est en 1935, alors que les automobiles étaient enfin dotées de chauffage pour l’habitacle, qu’il devint dépositaire Ford. Il avait importé trois voitures qu’il voulait vendre 640$ chacune. Dans la région, le salaire annuel étant d’environ 300$, l’aventure se solda par un échec. La voiture était trop chère pour l’ouvrier moyen et l’homme plus fortuné préférait la Cadillac ou encore la BMW.

    Cet échec lui fit perdre beaucoup d’argent, mais surtout le goût du travail. Il avait décidé de fermer boutique, mais, son fils, Anselme, reprit les rênes du commerce et, moins hardi que son père, fut satisfait de revenir à la vocation première du commerce, la réparation et l’entretien des voitures auto et hippomobiles.

    Ce n’est qu’en 1930 qu’Anselme hérite finalement du garage et, pour montrer qu’il était le nouveau patron, il fit recouvrir les planches de la bâtisse avec des blocs de ciment qu’il peint couleur crème et plaça un écriteau au-dessus de la porte Garage Anselme Gallant. C’était, à l’époque, le plus bel immeuble de Saint-Louis.

    Quand, faute de clients, le ménage du garage fait, les outils remisés dans le gros coffre rouillé, Anselme, n’ayant plus rien à faire, aimait s’asseoir sur une vieille chaise de métal jaune qui trônait en permanence à la gauche de la porte de son garage. Il se vidait l’esprit en regardant passer les gens à pied ou en voiture. Ses yeux vieillissants ne lui permettant plus de reconnaître les gens de loin, de peur de vexer un ami ou un client, il envoyait la main à tout le monde qui passait. De la poche avant de sa salopette, il sortait sa pipe qu’il ne bourrait plus depuis des années. Cette même pipe qu’il portait à sa bouche, toujours éteinte, quand venait le temps de faire l’estimation des travaux à effectuer sur une voiture.

    Et c’est sur cette chaise jaune qu’Adrien vint s’asseoir. Il alluma une Sweet Caporal et, regardant au loin, essaya de mettre un peu d’ordre dans ses idées. Presque deux ans depuis la mort tragique de sa femme et de son fils. Comme chaque fois qu’il se remémorait ces tristes évènements, ses yeux embuèrent. Il avait mal dormi la nuit passée. Il voyait sa belle Louisa, son fils, Montréal, la famille Leblanc, le logement de la rue Waverly, mais, ce qui le troublait davantage, se faufilant parmi ses souvenirs, la belle Maude.

    Hier, à la kermesse, il lui avait prêté sa veste en promettant d’aller la reprendre chez elle aujourd’hui. Il avait eu comme un frisson en la voyant. Dieu qu’elle est belle, se dit-il. Et il avait vu, dans ses yeux, une étincelle qui confirmait qu’il ne lui était pas indifférent. C’était comme si un lien invisible les avait fait se rencontrer. Adrien savait bien qu’il serait l’unique responsable de la suite des évènements. Il pouvait passer prendre son froc en coup de vent et repartir ou il pouvait s’y attarder. C’était à lui de décider et c’était là, sur la chaise jaune d’Anselme, qu’il devait prendre la bonne décision. Était-il prêt? 

    Une dizaine de minutes plus tard, le vieux garagiste revint portant une caisse de bois, marquée du logo de Coca Cola, qu’il déposa de l’autre côté de la porte du garage et s’y assit.

    — Prenez votre chaise Anselme, dit Adrien en se levant prestement.

    — Non, non, mon garçon, reste bien assis. C’est une bonne chaise pour le jonglage. Moi j’ai pas de jonglage à faire aujourd’hui donc, la caisse de Coke va faire l’affaire, qu’il dit en sortant sa pipe et la frappant sur le talon de sa bottine comme pour la vider. Rien n’en sortit et il mit sa pipe entre ses lèvres.

    — Vous ne la bourrez jamais votre pipe? demanda Adrien.

    — Non! Ça fait au moins dix ans que je ne la bourre plus. Je toussais plus que j’emboucanais, alors j’ai mis ma blague à tabac sur la tablette de l’atelier et j’ai arrêté d’allumer ma pipe. Mais, j’aime encore la porter à ma bouche pour relaxer et aussi, quand j’ai un client, je la sors de ma poche lentement et je la frappe sur le talon de ma bottine avant de la porter à mes lèvres. Cela me donne le temps de figurer combien je vais demander pour la réparation de sa voiture.

    — Le tabac dans votre blague doit être rendu fort en titi remarqua le jeune.

    — Yes sir! C’est un petit plaisir d’en offrir aux fumeux de pipe. Quand ils allument, le tabac est tellement fort qu’ils viennent les yeux croches, il riait. J’ai pogné presque tous les pipeux du village.

    Ils rirent ensemble.

    Suite à un long silence, Adrien osa,

    — Vous avez déjà été marié, monsieur Anselme?

    — Oui mon gars. La plus belle fille de tout le comté de Kent. Ma belle Philomène. Il fit une pause. C’est la maudite grippe espagnole qui me l’a enlevé. Elle avait 35 ans. Une merveille ma Philo. Belle comme une actrice de cinéma, fine comme une soie, bonne ménagère, excellente cuisinière, je te le dis mon garçon, j’avais pogné le jackpot. On était heureux, très heureux, dit-il en regardant le vide devant lui.

    Un peu mal à l’aise, Adrien reprit,

    — Avez-vous eu des enfants?

    — Oui. Deux garçons. René, tu dois le connaître? Il élève des poulets à Saint-Ignace, de ce côté-ci du pont couvert.

    — En haut de la butte, avant d’arriver au pont?

    — Oui, en plein ça.

    — Je le connais, je ne savais pas que c’était votre garçon?

    — C’est mon gars, et puis j’en ai un autre, Armand. Lui il est parti aux États. Faut croire que ça va bien, j’en ai jamais de nouvelles, qu’il dit en haussant les épaules.

    — Et pis, vous ne vous êtes jamais remarié?

    — Non! Quand ma Philo est partie, j’avais une quarantaine d’années, j’aurais pu me r’matcher, mais le cœur n’y était pas. Faut croire que l’bon Dieu m’avait bâti pour aimer juste une fois. Quand ça piquait trop, la petite madame sur le calendrier du garage faisait l’affaire.

    — Vous pensez qu’il y a des hommes qui peuvent aimer juste une fois dans leur vie?

    — J’pense bien que oui. En tout cas moi, j’ai jamais pu regarder ailleurs sans penser à ma Philo. 

    L’homme était songeur, le silence reprit. Une voiture arrêta à la pompe à essence, Anselme, ressortit la guenille de sa poche, s’essuya les mains et se leva pour accueillir son client. Adrien en profita pour remonter dans sa camionnette.  En partant, il se retourna pour saluer le vieil homme, mais, ce dernier, trop occupé à son client, ne le vit point.

    #

    — Si c’est pas le bel Adrien qui tire une pointe jusqu’à ma maison.

    — Bonjour, madame Corbin, j’ai prêté ma veste de chasse à votre fille hier soir au village et je suis venu la chercher.

    — J’ai su ça ouais, que tu avais rencontré ma fille au pique-nique. Rentre dans le portique, je vais aller chercher ta veste.

    — Maude n’est pas là?

    La dame arrêta sec, fit une pause et se retournant, dit froidement,

    — Non! Maude est à l’étable, pourquoi tu veux la voir?

    — Bin, je sais pas, j’aurais aimé lui parler, c’est tout.

    — Écoute mon Adrien. Je sais que tu es un bon garçon, mais, à ce qu’on raconte à la coopérative, tu as une femme qui t’attend à Montréal. Je veux pas que tu viennes tournailler autour de Maude, tu es un homme marié.

    — Non-madame Corbin. Ma femme et mon fils sont morts dans un accident il y a deux ans. Je suis veuf.

    — Mais au village...

    — Je sais ce qu’on dit au village et, avant-hier, je m’en foutais. Je ne peux quand même pas asseoir le tout Saint-Ignace dans les marches du magasin général pour leur raconter mes histoires.

    C’est en avalant que la dame reprit, 

    — Je suis vraiment désolé mon garçon. Je ne savais pas. Je te prie de m’excuser. J’ai honte. J’aurais dû me douter qu’un bon gars comme toi n’aurait jamais laissé femme et enfant à la ville pour venir s’amuser avec les jeunes filles du village.

    — Vous n’avez pas à vous excuser, madame Corbin. Vous ne pouviez pas savoir. Depuis mon retour je ne sors de chez moi que pour le travail et, dans un petit village, les histoires s’inventent vite. Déjà que ma grosseur et ma timidité avaient fait de moi un monstre avant que je parte pour Montréal.

    Alors, Adrien fit à la dame un court résumé de sa mésaventure dans la grande ville. Madame Corbin écoutait en silence. Le récit terminé, sans revenir sur le sujet elle dit,

    — Maude est à l’étable, si tu veux la voir.

    — Merci madame.

    ––––––––

    C’est songeur qu’Adrien ouvre la vieille porte de l’étable. Ce sont les pentures grinçantes qui annoncèrent son arrivée. Vêtue d’une vieille salopette, bottes de caoutchouc aux pieds et coiffée d’un foulard, Maude sursaute en apercevant le jeune homme.

    — Doux Jésus! qu’elle s’exclame en replaçant son foulard, je dois avoir l’air du diable.

    — Mais non Maude, tu es belle comme un cœur. J’aurais été surpris de te trouver ici en robe du dimanche et souliers vernis, ricane Adrien.

    — Non, mais franchement!

    — Ta mère m’a donné la permission de

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