Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Souvenirs
Souvenirs
Souvenirs
Livre électronique314 pages4 heures

Souvenirs

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Picrate, un roman court. Deux jeunes délinquants, à leur sortie de prison sont recrutés par un vieux truand sur le retour qui dirige une discothèque. Il désire leur faire effectuer le cambriolage d'un prestigieux château du sauternais. Les stripteaseuses sont jolies. Nos deux compères nous font vivre quelques moments coquins.

Bien mal acquis, est une nouvelle qui retrace le parcours de deux cousins lors de la Grande Guerre 14-18. L'un est riche, l'autre pas, l'un est tué au combat…

Fourmis. Est une nouvelle qui retrace les vicissitudes d'un militaire blessé en Afghanistan et mis d'office à la retraite. Il s'installe dans la ferme héritée des parents, au moment où son frère s'embarque pour l'Australie. Il lui lègue un grand aquarium où il élevait des fourmis carnivores. Pour l'aider il s'assure le concours d'un jeune couple du Centre. d'Aide par le. Travail local. Tout va très bien jusqu'à ce qu'un taulard évadé fasse irruption dans le groupe.

Vautour.est une nouvelle. Une très jolie jeune femme s'entête à rejoindre seule, dans les Pyrénées, la bergerie d'altitude de son père. Elle désire faire un reportage sur les vautours. Deux jours auparavant, à la faveur d'un accident de la circulation, alors qu'il était transféré dans un établissement psychiatrique, un prédateur sexuel dangereux réussit à s'évader…

LangueFrançais
Date de sortie12 mars 2018
ISBN9782956094883
Souvenirs
Auteur

Maurice, Américo LEAO

Je suis né en mille neuf cent quarante-sept, à Ambarés 33, commune sur l’estuaire de la Gironde. D’un père Portugais et d'une mère Béarnaise. Après Une carrière en gendarmeries où j’ai occupé divers postes, depuis enquêteur en section de recherches, jusqu’à commandant de brigade, en France et outre-mer, je me suis trouvé confronté au milieu avec ses magouilles et ses crimes crapuleux. Quelques-uns d’entre eux m’ont motivé pour en faire le récit. Ce sont aujourd’hui plusieurs titres qui figurent à ma bibliographie. Si les lieux où se déroulent les faits sont réels, les personnages sont de pures fictions. Les événements sortis de leur contexte d’origine pour être romancés se déroulent principalement en Gironde, Lot et Garonne mais aussi à la Martinique et en Espagne. Laissez-vous conduire sur les traces de ces mauvais garçons qui prennent vie au cours de ces affaires où gendarmes et policiers ne gagnent pas toujours et se terminent par des règlements de comptes entre gens du milieu. Beaucoup d’enquêtes ne sont jamais résolues, en douteriez-vous ?

En savoir plus sur Maurice, Américo Leao

Auteurs associés

Lié à Souvenirs

Livres électroniques liés

Thriller policier pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Souvenirs

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Souvenirs - Maurice, Américo LEAO

    Picrate.

    Bien mal acquis

    Fourmis

    Vautours

    Recueil de nouvelles

    Par

    Maurice, Américo LEAO.

    P I C R A T E

    — Mais enfin Thierry, à force de faire des conneries tu finiras par te retrouver en taule.

    — Mais non Florence. Figure-toi que je prends mes précautions avant de piquer une bagnole.

    — N’empêche que ton ami Leroideck ; celui-là même, à qui tu les fourgues ces bagnoles ; il ne t’a toujours pas payé les dernières.

    — Oui, c’est vrai, mais cette fois, c’est lui qui veut une BMW pour un client. Je ne la lui livrerai que s’il me la paye avec les arrières.

    — Tu rêves mon pauvre, ce vieux cochon trouvera encore le moyen de te faire patienter, en disant, qu’il n’a pas de liquide en ce moment, comme il fait d’habitude.

    — Tu n’as pas tout à fait tort, reconnaît Thierry, je pense qu’il attend que je cède à ses avances ; parce que, au cas où tu ne le saurais pas, le vieux cochon, comme tu dis, est homosexuel. Mais alors ça, pas la peine de compter dessus. Ce n’est pas demain la veille que je vire ma cuti.

    — Rigolo va, reprend Florence, avec tes airs de matcho, tu n’as jamais su y faire avec les filles. Je suis sûre que tu es encore puceau.

    Thierry est piqué au vif par les insinuations de sa cousine Florence. Elle est pourtant bien proche de la vérité. Il est beau garçon, et ne connaît pas de problèmes particuliers. Il n’a jamais peur de faire le coup de poing, voire de régler ses comptes d’une manière quelquefois plus sanglante. D’une témérité proche de l’inconscience dans ses activités de voleur de voiture, il n’en est pas moins d’une indécrottable timidité avec les filles.

    — Je suis peut-être encore puceau, mais je ne me laisserai pas avoir par Leroideck, se défend Thierry, sitôt qu’il m’aura payé ce qu’il me doit, j’irais voir les filles sur le quai de Paludate.

    — C’est ça, tu as raison, le reprend Florence, et tu reviendras avec des maladies. Non, ce qu’il te faut, c’est une relation suivie avec une copine.

    — Et où veux-tu que j’en trouve une copine ?

    — Si tu étais moins fainéant, tu viendrais avec moi travailler à la Diligence, il y a un spectacle avec des danseuses de strip-tease, comme moi, je suis sûre que tu plairais à l’une ou l’autre.

    Là aussi, Florence a tapé dans le mille. Thierry est d’une flemme désespérante. La seule idée de devoir travailler pour vivre lui donne des nausées.

    — Ouais, je verrai plus tard, répond Thierry, en attendant, il faut que je dégotte une BMW pour Leroideck. Après un silence, il rajoute : lorsqu’il m’aura payé, je te promets d’aller le perde sur les bords de la Garonne.

    Florence n’a pas compris ce que Thierry veut aller perdre sur les bords de la Garonne. Elle questionne :

    — Perdre quoi ?

    — Mon pucelage répond Thierry.

    Une fraction de seconde, les deux cousins se regardent, dans les yeux, puis éclatent d’un grand éclat de rire. Florence la première redevient sérieuse.

    — À vingt ans il serait temps que tu penses à le perdre, mais n’oublie pas ce que je viens de te dire au sujet de tes conneries. Tu finiras en taule.

    — Mais, non, répond Thierry d’une voix insouciante. Je te laisse, j’ai du travail pour cet après-midi.

    Le doigt sur le bouton d’appel de l’ascenseur, Thierry réfléchit aux paroles de sa cousine. Il y a de jolies filles à la Diligence, la boîte de nuit de Charles Loubens. Mais bosser pour de bon, il n’y est pas prêt. Et puis, en plus, le Charles Loubens en question, il est en taule, en ce moment, pour fraude fiscale, c’est vrai. Mais en taule quand même. Heureusement qu’il a le Portugais pour garder la maison, un nouveau comptable pour l’administratif et surtout Florence pour organiser le spectacle, en attendant qu’il sorte.

    *

    **

    Au petit dépôt du commissariat central, à Bordeaux, c’est l’heure de la relève. L’équipe descendante repasse les consignes à l’équipe montante. Le chef de poste, après avoir résumé les événements de la nuit à son remplaçant, enfile sa tenue civile, referme son placard quitte la permanence pour regagner son domicile. Petit à petit, le calme revient après l’agitation de la relève.

    Debout, derrière les grilles du local de sûreté, Thierry, Bouridex suit cette agitation d’un œil indifférent. Il ne se fait pas d’illusion sur ce que va être son emploi du temps pour les quelques mois à venir. Il aurait mieux fait d’écouter les conseils de Florence.

    La veille, après avoir quitté sa cousine, il a pris le bus pour se rendre à Bordeaux Lac. Pendant quelques minutes, il a tenté d’ouvrir les portières des voitures stationnées sur le parking du Novotel. Vainement, il allait se résoudre à forcer la serrure de portière, lorsqu’une puissante BMW s’est engagée sur le parking, à quelques mètres de lui. La conductrice, une ravissante blonde, a ouvert la portière. Elle n’a pas eu le temps d’arrêter le moteur que deux bambins d’une dizaine d’années sont sortis en courant en direction de l’hôtel.

    — Restez ici, tous les deux, attendez-moi.

    Sourds à ses appels, les deux garçons continuent en courant. De crainte qu’ils ne fassent quelques bêtises, elle part derrière eux, laissant la portière ouverte, le moteur en route.

    Il n’en fallut pas plus à Thierry, pour que, la femme disparue dans le hall d’entrée du Novotel, il se glisse derrière le volant, et démarre sans se presser.

    Au moment même où il quitte le parking, elle revient, poussant devant elle les deux gamins qui se chamaillent.

    — Allez, bon sang, avancez et cessez de vous disputer.

    — Ce n’est pas moi qui ai commencé, c’est, Gilbert déclare, le premier.

    — Ce n’est pas vrai, c’est Francis, se défend le second.

    Du regard, la femme cherche sa voiture. Elle a disparu. Folle de colère, elle distribue une torgnole à chaque gosse.

    — Vous pouvez être contents, on nous a volé la voiture. Que va-t-on faire maintenant ?

    Se confondant en excuses pour le malheur qui la frappe, le réceptionniste s’empresse de prévenir le commissariat central de Bordeaux.

    Les patrouilles extérieures, immédiatement activées, se sont postées en barrage aux points clés du quartier. Le pont d’Aquitaine vers Lormont, le boulevard de ceinture à la sortie du toboggan et les quais, entre le quartier Bacalan et le bassin à flot.

    Le brigadier-chef José, Tornela, fait arrêter sa patrouille à l’entrée de la rue Achard, entre deux murs d’entrepôt. Pour limiter les dégâts en cas de pépin. Si jamais des passants se trouvent là au mauvais moment. Avec ces jeunes fadas, qui vous foncent dessus sans sourciller, il vaut mieux prévoir.

    Plus bas, à l’entrée du bassin à flot, un petit remorqueur attend la manœuvre du pont tournant pour regagner la Garonne, après quelques réparations, sans doute. Tornela suit la manœuvre d’un œil curieux. Il a toujours aimé contempler l’activité du port de la lune. Le port de Bordeaux est appelé ainsi en raison de sa forme en croissant.

    Après quelques secousses, la chaussée du pont est prise d’un lent mouvement de rotation. Les feux rouges d’interdiction, ainsi que les flèches de déviations sont allumés normalement. Dans sa cabine, le machiniste, blasé par la routine, laisse la mécanique faire seule le travail. Un creux de deux mètres existe maintenant entre la chaussée de la rue Achard et le pont, qui inexorablement continue sa rotation. Le capitaine du remorqueur donne déjà l’ordre d’activer le diesel qui halète bruyamment dans la panse ventrue du navire. Le pont poursuit sa rotation doucement sur son axe.

    — Putain, la voilà, s’exclame l’un des policiers.

    À ces mots, le chef de patrouille se retourne vivement, il a juste le temps de se réfugier sur le trottoir. Thierry passe en trombe, il n’a pas l’intention de s’arrêter. Les policiers ont dégainé leurs armes, et s’apprêtent à faire feu sur la voiture qui vient de passer à leur hauteur.

    — Non, non, on ne tire pas, crie le brigadier-chef.

    Dans sa cabine, le machiniste est tiré de sa torpeur par de violents coups de sifflet rageurs. Il rit bêtement en voyant, à quelques mètres de leur fourgon, les policiers s’égailler comme une volée de moineaux. Une grosse voiture blanche fonce sur eux. Il se laisse aller à commenter

    — Bien fait pour leurs gueules, ce n’est pas la même chose que de coller des procès-verbaux de stationnement.

    Pour lui-même, il se dit : ce mec est complètement fada. À la vitesse où il roule, il ne pourra jamais prendre la déviation pour éviter le bassin à flot. Au demeurant, il ne serait pas le premier à avoir bu la tasse. De toutes les façons, il s’en fout royalement. Ce n’est pas son affaire.

    À son volant, Thierry, Bouridex se surprend à gueuler un merde ! Retentissant. Tout en freinant, énergiquement, d’un coup de volant, à droite, il place le puissant véhicule en dérapage contrôlé. Il accélère brutalement pour se mettre parallèle au bassin. Trop, sans doute, car la B.M.W violemment fouettée au lieu d’obéir part en « tête à queue ». Thierry tourne frénétiquement le volant pour raccrocher, jouant tour à tour du frein et de l’accélérateur. Rien n’y fait, il ne parvient pas à reprendre le contrôle de la voiture. La B.M.W part en « crabe » vers le vide béant laissé par le pont tournant. Avec un plouf sonore, elle tombe à l’eau. Déjà, le brigadier-chef Tornela accourt, suivi de son équipe.

    — Non de Dieu, lâche le Brigadier-chef Tornela, à cette vitesse, il ne risquait pas de prendre le virage.

    — C’est sûr, rajoute son adjoint. Il va falloir sortir ce gus de là.

    — Cela ne va pas être facile, admet le Brigadier-chef. Va jusqu’au fourgon, et demande par radio que le PC envoie les plongeurs, les pompiers et une grue de dépannage.

    À la barre, le capitaine du remorqueur manœuvre pour passer à l’opposé de la voiture engloutie. Il appelle son matelot

    — Regarde bien si le type remonte, peut être qui va s’en sortir.

    Prisonnier du véhicule, Thierry essaye de ne pas paniquer. C’est dur, les secondes lui semblent des siècles. La voiture touche enfin le fond vaseux du bassin. Par chance, elle n’est pas tombée sur le toit, mais sur le côté gauche, en équilibre instable, les roues de droite reposent contre le mur du bassin contre lequel elles glissent doucement. Surtout, ne pas s’affoler. Thierry sent un liquide gluant glisser le long de sa joue. Il ne souffre pas, mais porte la main à son front. Il la retire pleine du sang qui pisse de son arcade sourcilière fendue. Il se doute que c’est du sang, car les eaux boueuses du bassin interdisent toute visibilité. Au lieu de l’affoler, ce contact le rassure.

    Il est vivant, et cela seul compte. Cependant, il faut faire vite, car la voiture continue de glisser doucement le long du mur, et s’enfonce dans la vase. Lorsqu’il était gamin, à la piscine de Villenave-d’Ornon, où il est né, il a cent fois plongé du six mètres pour ramasser, au fond, un caillou de couleur. Il n’a pas peur de l’eau. Par contre, il ne parvient pas à ouvrir la portière. Il comprend rapidement qu’elle est bloquée par la pression de l’eau sur la carrosserie. Il manœuvre doucement la manivelle, de lève-glaces de la portière, pour laisser entrer un filet d’eau, puis élargi l’ouverture jusqu’à dix centimètres environ. L’air s’échappe de la voiture engloutie en formant de grosses bulles qui crèvent la surface au milieu d’une nappe d’huile qui va grandissante. Thierry sent maintenant l’eau rendue à la hauteur de son menton. Il reste encore un peu d’air bloqué dans le coin où il s’est réfugié. Il en prend une grande bouffée, puis, descend rapidement la glace, et prend appuie du pied sur le siège de la voiture, il s’élance vers la surface qu’il crève comme un bouchon. Tornela et ses hommes le cueillent alors, sans résistance.

    Inquiet de savoir si quelqu’un est resté au fond, le brigadier-chef questionne :

    — Tu étais seul ?

    — Oui répond Thierry.

    Et bing, mon vieux, tu t’en tires bien, dit un gardien, tout en lui passant les bracelets d’acier autour des poignets. Trop éprouvé pour protester, Thierry se laisse faire.

    *

    **

    À huit heures trente, les gardiens enchaînent Thierry, Bouridex aux autres personnes appréhendées au cours de la nuit. Deux loubards qui ont attaqué une jeune femme dans le tram pour lui voler son portable, et un dealer qui proposait du cannabis à la sortie d’une boîte de nuit.

    Thierry n’a pas fière allure dans ses vêtements encore humides de la veille. Il a bien tenté de les faire sécher au cours de la nuit, mais il n’y est pas entièrement parvenu. Habituellement soigné de sa personne, il se sent réellement diminué, et cela ne lui plaît pas du tout. Il y a déjà deux ans, qu’il vole des voitures de luxe pour Simon Leroideck, un homme d’une cinquantaine d’années qui, sans succès, a maintes fois tenté de le convertir à sa vision des rapports entre hommes. Bien que, victime d’une timidité maladive, il n’ait encore osé franchir le pas, Thierry est intimement convaincu que les rapports homme femme, sont les meilleurs, et n’en démord pas.

    Comment faire, lorsque l’on n’a pas d’argent, et que l’on veut s’en sortir tout seul ? Il subissait cette situation, sans jamais y succomber. Il faut dire que la simple idée de salir ses mains par la pratique d’un travail manuel lui hérissait les cheveux sur la tête. Seulement, voilà, il se refuse à reconnaître cette faiblesse.

    Jeune inspecteur de police Pierre Martin est tout juste sorti de l’école. Issu du corps des gardiens de la paix en tenue, il est fier d’avoir réussi le passage à l’échelon supérieur. Il détient déjà un dossier volumineux sur les vols de véhicules de luxe dont le nombre augmente régulièrement depuis plusieurs mois. Dernier arrivé au service, il a hérité de cette enquête merdique aux multiples ramifications, et dont on ne voit jamais la fin.

    — Alors Monsieur Bouridex, vous avez fini par vous faire prendre. Cela fait bien longtemps que vous jouez avec la chance. Cette fois, c’est nous qui avons gagné.

    — Comment, répond Thierry, j’ai fini par me faire prendre ? Je ne vous comprends pas, c’est la première fois que j’emprunte une voiture.

    — Tu ne me comprends pas, répond l’inspecteur, passant au tutoiement. Et bien, nous allons voir.

    — C’est tout vu, fanfaronne Thierry.

    Sa réponse a le don d’énerver l’enquêteur.

    — Pour commencer, nous allons relever tes empreintes digitales pour comparer avec celles découvertes dans les voitures que nous avons retrouvées.

    Thierry est rassuré sur ce point, car les voitures qu’il vole sont tout de suite évacuées par une filière qui fonctionne bien depuis longtemps. Passivement, il laisse opérer le fonctionnaire chargé des formalités anthropométriques. Puis l’inspecteur Martin revient à la charge :

    — Dans quelques minutes, nous allons savoir si tu as déjà trempé dans les derniers vols.

    — Puisque je vous dis que non s’énerve Thierry. Cette BMW, c’est la faute de sa propriétaire si je l’ai prise.

    — C’est ça, reprend l’inspecteur Martin. Tu n’as pas l’impression de changer les rôles ?

    — Pas du tout, rajoute Thierry, elle s’est barrée dans l’hôtel en laissant tourner le moteur.

    — Ce n’est pas une raison, s’exclame l’inspecteur Martin.

    — Et bien si, insiste Thierry, j’avais rendez-vous avec une minette place Gambetta, j’étais en retard, et puis je voulais l’épater.

    — Et cette minette comme tu dis, on peut savoir de qui il s’agit ? Elle confirmera tes dires ?

    — Elle confirmera mes dires, mais je ne peux pas vous donner son nom.

    — Et pourquoi ne peux-tu pas donner son nom ?

    — Elle est mariée, se défend Thierry.

    — Et alors, s’emporte l’inspecteur. Elle est mariée, la belle affaire. Nous savons être discrets.

    — Oui, mais là, cela me pose vraiment un problème, dit Thierry.

    — On s’en fiche de ton problème, râle l’inspecteur, tu me racontes des conneries. Tu n’avais pas plus rendez-vous que moi avec cette minette. La vérité, c’est que tu es un voleur de bagnoles et nous allons parler de cela maintenant.

    Thierry reste très calme, il a compris que plus il se maîtrisait et plus l’inspecteur Martin s’énervait. À son arrivée dans le service pour y être interrogé, encadré par deux gardiens de la paix, le long d’un couloir sur lequel s’ouvrent plusieurs portes, il a, machinalement noté le nom sur la première.

    — Si vous me promettez d’être discret abdique Thierry, je veux bien vous donner son nom.

    — Mais oui, accorde l’inspecteur Martin, convaincu qu’il va finir par faire parler Thierry.

    — C’est sûr, parce que son mari... c’est aussi un policier, lâche Thierry.

    — Et alors, j’ai promis, confirme l’inspecteur Martin, qui, tout à coup, se demande où il met les pieds.

    À voix basse, en faisant semblant d’hésiter encore, Thierry déclare :

    — C’est, Madame Duroc, son mari est commissaire.

    À ces mots, l’inspecteur Martin pâlit. Il ne connaît pas Madame Duroc, cependant des bruits courent sur son compte. Le commissaire Duroc est son chef de service.

    — Ce n’est pas possible, tu te moques de moi ! S’emporte l’inspecteur Martin.

    — Je vous jure que non, persiste Thierry voyant que son mensonge a pris. Elle n’est plus toute jeune, et elle se fait appeler Lola. Je ne connais pas son vrai prénom. Mais nous nous entendons bien tous les deux.

    — Bon, et bien, je m’en fiche de Lola, nous n’en parlerons pas, déclare l’inspecteur Martin.

    Il pensait tenir une pièce du puzzle, mais il sent bien que Thierry se moque de lui.

    — Je vois que tu fais ta tête de mule, aussi tu peux me faire confiance, je vais m’arranger pour que le Procureur t’envoie à Graduche. Comme les Bordelais ont affectueusement baptisé la maison d’arrêt.

    *

    **

    À l’issue de sa garde à vue, Thierry est présenté en comparution immédiate à l’audience correctionnelle. Le Procureur a déjà eu affaire à Thierry Bouridex pour d’anciens vols à la roulotte, activité qu’il ne pratique plus depuis longtemps. Il a eu le temps de se procurer l’extrait de son casier judiciaire.

    — Cette fois Monsieur Bouridex, vous ne couperez pas à la préventive. Je vois que vous avez fait preuve de la plus extrême mauvaise foi lors de votre audition par les policiers. Votre affaire n’est pas claire. Qu’avez-vous à dire :

    D’une voix volontairement malhabile, Thierry avance une explication, la même que celle donnée à l’inspecteur, sauf en ce qui concerne madame Duroc.

    — Monsieur Bouridex, nous ne pouvons croire que, c’est la première fois que vous vous laissez tenter par le plaisir de conduire une voiture haut de gamme. Comme je vous l’ai dit, votre affaire n’est pas claire. Nous avons des investigations complémentaires à mener. C’est pourquoi je demande votre incarcération en attendant qu’un Juge d’Instruction traite votre dossier.

    Thierry sent déjà sur ses épaules l’ombre des hauts murs de béton de la prison. Il garde un petit espoir malgré tout, d’échapper encore une fois à la prison. Après avoir refusé l’avocat de permanence, un débutant inconnu, il demande à être défendu par Maître Garcia, qui déjà à plusieurs reprises l’a sorti de mauvais pas.

    — Monsieur Bouridex, je veux bien vous défendre, mais, si mes comptes sont justes, et je pense qu’ils le sont, vous me devez encore une petite somme sur ma dernière intervention en votre faveur.

    — C’est exact Maître, mais vous savez ; je ne touche que le chômage et je ne parviens pas toujours à finir mes fins de mois. Mais il n’y a aucun problème, je vous paierais sitôt que j’aurais une rentrée d’argent.

    — Une rentrée d’argent, se moque Maître Garcia, et de quelle sorte ?

    Se rendant compte de ce que sa question a de saugrenu, il se reprend aussitôt.

    — Bon, je n’insiste pas sur vos rentrées d’argent. Je veux bien vous défendre, mais débrouillez-vous à me faire parvenir une provision significative avant huit jours, sinon je vous laisse tomber.

    Encore une fois, Thierry compte sur sa cousine Florence pour verser la provision demandée par l’avocat. La pensée l’effleure que, peut-être, il devrait travailler sérieusement. Il se hâte d’évacuer cette mauvaise idée.

    Le juge d’instruction procède à l’interrogatoire de première comparution dès quinze heures. Il se montre agressif, en raison de la mauvaise volonté de Thierry à « coopérer » comme il dit. En effet, il se contente de confirmer son identité et reconnaître le vol de la BMW. Déjà en charge d’un dossier de trafic de voitures, il avait espéré un moment avancer dans son enquête. Que nenni, Thierry, Bouridex reste muet. Ce qui bien entendu augmente sa colère. Le débat contradictoire avec le juge des libertés est rapidement expédié et le mandat de dépôt aussitôt confirmé. Maître Garcia n’a rien pu obtenir pour l’instant, mais il demandera une mise en liberté sous contrôle judiciaire... dès qu’il aurait touché une avance sur ses honoraires.

    Ce soir-là, la navette pénitentiaire dépose Thierry à la maison d’arrêt de Gradignan.

    Ce soir-là, il n’ira pas Place Gambetta, draguer les minettes.

    Ce soir-là, il dormira en taule... sans Lola Duroc.

    *

    **

    Quand la porte de la cellule s’ouvre, Patrick, Lados est heureux de voir arriver un jeune, ça le changera des conversations trop sérieuses du vieux Charles. Le nouveau venu a une bonne gueule, malgré ses vêtements froissés et empestant l’eau sale. Patrick ne fait aucune remarque. Petit à petit, la conversation s’établit entre les deux hommes. Patrick, premier occupant des lieux, use de son titre d’ancien pour questionner le premier :

    — Tu es tombé pourquoi ?

    — J’ai piqué une bagnole ! Et toi ?

    Curieux de se retrouver en prison, pour une seule bagnole Patrick rectifie, de lui-même en pensant, et plusieurs sans doute. Mais il ne cherche pas la bagarre, et répond à son tour désinvolte :

    — Boff... des chèques.

    Curieux de se retrouver en taule pour quelques chèques. Thierry, Bouridex rectifia lui aussi en pensant, et un sacré paquet peut-être. Mais lui non plus ne cherche pas à contrarier son codétenu, et fait l’âne pour avoir du son :

    — Ah bon ! Tu n’avais plus de pognon sur ton compte ?

    — Oh, tu sais du pognon, il y en avait, mais ce n’était pas mon compte.

    — J’y suis, tu avais fauché un carnet !

    — Pardon, je ne vole pas moi, je l’ai acheté à la foire à la brocante au quartier Saint Michel !

    Pour le coup, Thierry se met à rire franchement. En effet, seulement les voitures intéressent son receleur souvent commanditaire, Simon, Leroideck, dont la principale activité est le maquillage des limousines de luxe, puis l’exportation clandestine vers les pays du Proche-Orient, et depuis peu vers les pays de l’Est. Le vieux roublard avait flairé le filon dès la chute du mur de Berlin en mille neuf cent quatre-vingt-neuf. Le marché est aussi immense que lucratif.

    Les bagages et autres objets contenus dans les véhicules sont d’office acquis à Thierry qui les retire du véhicule avant de le lui livrer. Ceci lui permettait d’arrondir ses fins de mois. Il possède un petit réseau de revendeurs recrutés parmi les marginaux qui pullulent entre le quartier Saint Michel, la place André Meunier et la gare Saint Jean. Ceux-ci assurent l’écoulement des appareils photographiques, caméscopes, ordinateurs portables et autres babioles dérobées aux touristes, ou bien aux hommes d’affaires en voyage.

    Les plus immédiatement rentables ; sont, sans contestation possible, les carnets de

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1