Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La fille du ferrailleur
La fille du ferrailleur
La fille du ferrailleur
Livre électronique321 pages4 heures

La fille du ferrailleur

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Qui pourrait croire que Jessica, cette toute jeune femme, presque une adolescente au visage d'ange est une criminelle dangereuse. A vingt ans elle est déjà impliquée dans le meurtre de cinq personnes et ce n'est que le début. En tous les cas Franck, son compagnon n'aurait pas dû faire la sourde oreille à ses conseils avisés. Peut-être serait-il encore vivant, et riche.

L'action se déroule à Bordeaux et sa région, avec en toile de fond un trafic de drogue avec l'Espagne.

LangueFrançais
Date de sortie15 déc. 2017
ISBN9782956094869
La fille du ferrailleur
Auteur

Maurice, Américo LEAO

Je suis né en mille neuf cent quarante-sept, à Ambarés 33, commune sur l’estuaire de la Gironde. D’un père Portugais et d'une mère Béarnaise. Après Une carrière en gendarmeries où j’ai occupé divers postes, depuis enquêteur en section de recherches, jusqu’à commandant de brigade, en France et outre-mer, je me suis trouvé confronté au milieu avec ses magouilles et ses crimes crapuleux. Quelques-uns d’entre eux m’ont motivé pour en faire le récit. Ce sont aujourd’hui plusieurs titres qui figurent à ma bibliographie. Si les lieux où se déroulent les faits sont réels, les personnages sont de pures fictions. Les événements sortis de leur contexte d’origine pour être romancés se déroulent principalement en Gironde, Lot et Garonne mais aussi à la Martinique et en Espagne. Laissez-vous conduire sur les traces de ces mauvais garçons qui prennent vie au cours de ces affaires où gendarmes et policiers ne gagnent pas toujours et se terminent par des règlements de comptes entre gens du milieu. Beaucoup d’enquêtes ne sont jamais résolues, en douteriez-vous ?

En savoir plus sur Maurice, Américo Leao

Auteurs associés

Lié à La fille du ferrailleur

Livres électroniques liés

Fiction d'action et d'aventure pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La fille du ferrailleur

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La fille du ferrailleur - Maurice, Américo LEAO

    Du même auteur.

    Meurtre à la palombière.

    La sorcière de la porte Rendesse et la vengeance du mage noir ;

    Prends garde à la garce.

    La fille du ferrailleur.

    Maman viendra payer

    Ah la gueuse.

    Palmyre.

    Souvenirs.

    Les oubliés de l’histoire tome I Les noces de Mariette.

    Les oubliés de l’histoire tome II L’exode, l’occupation.

    Les oubliés de l’histoire tome III Œil pour œil.

    Ceci est une œuvre de fiction.

    Toute ressemblance avec des personnes existantes

    ou ayant existé

    des lieux ou des événements réels

    ne serait que le fait du hasard

    La fille du ferrailleur

    Première édition. 28 février 2017

    Copyright © 2 017 Maurice, Américo LEAO.

    ISBN : Broché 9781542902946

    e.pub 978-2-9 560 948-6-9

    Dépôt légal 28 février 2017.

    Par Maurice, Américo LEAO

    Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par l’article L.335-5 et suivant du Code de la propriété intellectuelle.

    La fille du ferrailleur

    1

    ––––––––

    Deux énormes chiens berger allemand aboient furieusement derrière la grille du parc à ferraille. Il est difficile d’appeler autrement ce vaste terrain vague planté d’arbres, où pourrissent de nombreuses carcasses de voitures plus ou moins accidentées. Installé en bordure du quai de Paludate à Bordeaux, il voisine avec une grande friche industrielle envahie d’herbes folles, refuge des clochards et autres squatteurs.

    Pourtant, un local en meilleur état se trouve dissimulé par un rideau d’arbres. Il fait office de garage. À l’intérieur, Richard Clovis stocke les pièces détachées qu’il démonte sur les épaves qu’il récupère, ou que l’on vient lui vendre. Certaines voitures accidentées sont récentes, et la moisson de pièces détachées abondante. De temps à autre, il n’hésite pas à récupérer une voiture volée. La pièce détachée récupérée est de qualité et très rentable.

    Un vieil autobus se trouve à la droite du local à usage de garage. Les roues ont disparu depuis longtemps, et il repose sur des cales en béton. Richard Clovis en a fait son bureau. Le mot est grand, car à l’intérieur règne un désordre indescriptible. Des outils traînent sur le sol, un vieux classeur métallique dégouline de revues techniques automobiles. Le bureau n’est qu’une vieille table de cuisine sur laquelle trônent une bouteille de whisky et un verre crasseux.

    Le livre de police sur lequel il est censé mentionner les achats de véhicules ne porte aucune mention depuis plus d’un mois.

    Richard Clovis loge avec sa femme Marguerite, surnommée Margot et leur petite fille Jessica âgée de dix ans, dans un coquet bungalow en bois construit au milieu d’un bouquet d’arbres, en retrait de quelques mètres du garage et de l’autobus.

    La nuit est tombée depuis longtemps, Margot prépare le repas du soir. La petite fille sur un coin de table étudie ses leçons pour le lendemain. Le garage est fermé, mais Richard n’est pas à la maison.

    — Maman, c’est quand qu’il va venir Papa ? Cela fait deux jours qu’il est parti.

    — Je n’en sais rien, Jessica. Tu sais que ton père ne me dit jamais où il va ni ce qu’il fait.

    — Je demandais parce que je commence à avoir faim, et puis je voudrais lui faire la bise avant d’aller au lit.

    — Tu ferais mieux de ne pas l’attendre ton père, de manger et d’aller te coucher. J’ai comme l’impression qu’il va rentrer tard, et encore heureux s’il n’est pas ivre, comme à son habitude.

    — C’est vrai qu’il boit beaucoup, dit Jessica. À l’école, Sophie Lados a dit que c’était un poivrot. Je lui ai tiré les cheveux et je l’ai fait tomber dans les cabinets.

    — Oui, reprend Margot, et bien tu n’as pas fini de te bagarrer pour ton père. Tu ferais mieux de ranger ton livre. Mange, et va au lit.

    ***

    — Bon sang, mais qu’est-ce qu’il peut bien foutre ? J’en ai marre de poireauter dans ce camion.

    — Tu as raison, Frédo, moi aussi j’en ai marre et j’ai faim.

    Au moment où le lieutenant de police Frédéric Laprade s’apprête à donner libre cours à sa mauvaise humeur, sur la radio, un appel en phonie lui coupe la parole :

    — Papa huit, de papa un, comment reçu ? Parlez !

    — Voilà que les affaires reprennent, commente le lieutenant de police Gilbert Piémont, en s’emparant du combiné de la radio.

    — Ici papa huit, je vous reçois fort et clair, à vous papa un.

    La voix du commandant Duroc énonce rapidement :

    — Les analyses ADN sont positives, et confirment les empreintes digitales relevées sur les lieux. C’est bien notre homme.

    — Et bien, tant, mieux, répond le lieutenant Gilbert Piémont. Ç’aurait été râlant de planquer pour rien dans ce quartier pourri pour surveiller un parc à ferrailles.

    — Ouais ! En attendant, ne perdez pas des yeux l’entrée de la casse. Comment se présentent les lieux ?

    — Comme une casse ordinaire, répond le lieutenant de police Gilbert Piémont, sauf que sur le derrière se trouve une grande friche industrielle. Il y a intérêt à prévoir du monde si nous devons intervenir sur ce site.

    — Tout ça, je le sais et j’ai prévu un plan d’intervention. Je voudrais savoir s’il y a eu des mouvements de personnes dans la journée.

    — À part deux clients, il n’y a pas eu de visite. Il y a une petite fille qui est partie à huit heures trente avec un cartable dans le dos. Elle n’est revenue qu’à dix-sept heures trente.

    — Ce n’est pas un problème, il y a une femme dans l’équipe de cette nuit, elle s’en chargera.

    — Et les clébards, souffle le lieutenant de police Frédéric Laprade à son collègue.

    Bien que prononcées à voix basse, ses paroles ont été entendues par le commandant Duroc.

    — Tu crains pour ton fond de pantalon Frédo ? Ne t’inquiète pas, cela aussi, c’est prévu. Après une seconde de pause, il rajoute ; je serai à la permanence toute la nuit. Prévenez-moi de suite si notre homme regagne le bercail, surtout, n’intervenez pas seuls.

    Après avoir reposé le combiné de la radio sur son support, le lieutenant Laprade se laisse aller :

    — Il en a de bonnes le Comanche, tu as vu les ratiches qu’ils se payent les clébards. Je voudrais l’y voir moi.

    — Il a prévu ce qu’il faut pour traiter ce sujet, répond le lieutenant Piémont, tu peux lui faire confiance, ce n’est plus un gamin dans le métier.

    — Ouais ! J’espère bien. Tu prends le premier quart ?

    — OK, je te réveillerai à minuit.

    Sans plus discuter, le lieutenant Piémont s’installe derrière la glace sans tain du sous-marin. Son collègue s’allonge sur un matelas gonflable posé à même le sol de la fourgonnette.

    Le sous-marin est une fourgonnette Renault Trafic peinte en vert. Sur les côtés, on peut lire l’inscription « Roland Petit, tous travaux de peintures, vitrerie et revêtements de sol », suivie d’une adresse ainsi que d’un numéro de téléphone de fantaisie. Sur la galerie, une échelle et un petit escabeau accréditent la raison sociale.

    Sagement rangé à l’entrée d’une petite rue transversale, il tourne le dos au parc à ferrailles. La vitre arrière offre une vue parfaite sur le portail.

    Comme prévu à minuit, le lieutenant Piémont réveille son collègue pour le deuxième quart.

    — Alors, tu n’as rien vu ?

    — Non, je n’ai rien vu, c’est à désespérer. Je me demande s’il va rentrer cette nuit.

    Au moment où le lieutenant Laprade prend position derrière la vitre sans tain, une Mercedes ralentit, puis s’arrête. Le faisceau des phares éclaire le portail du parc à ferrailles. Un homme de grande taille en descend sans se presser. Méfiant, il jette un regard circulaire autour de lui, puis, rassuré, il ouvre le cadenas, qui à l’aide d’une chaîne bloque le portail ; rentre sa voiture puis referme le portail derrière lui.

    — Tu l’as reconnu ?

    — Oui, c’est lui, sans aucun doute. J’ai déjà eu l’occasion de l’avoir en garde à vue pour une autre affaire. C’est le vieux qui va être content. Je l’appelle tout de suite.

    Saisissant le combiné radio, le lieutenant Piémont compose l’appel sélectif de son supérieur.

    — Notre oiseau vient de rentrer au nid.

    — Au poil les gars c’est du bon travail. Vous restez sur place, rendez-moi compte de tout mouvement suspect. J’actionne le dispositif. À tout à l’heure.

    — Enfin, se laisse aller le lieutenant Laprade, on va pouvoir sortir de ce putain de camion.

    — Patiente encore quelques heures que les copains arrivent, le tempère le lieutenant Piémont.

    ***

    À cinq heures trente du matin, seuls quelques ouvriers se hâtent vers leurs usines. Le jour n’est pas encore levé, mais l’éclairage public est suffisant. En silence, un car de police se gare derrière la friche industrielle. Un groupe se glisse jusqu’au parc à ferrailles. Lorsque c’est fait, un chapelet de saucisses est jeté par-dessus la clôture. Il tombe à moins d’un mètre des deux bergers allemands. Le faible bruit que font ces victuailles tombées du ciel suffit à alerter les deux molosses qui dressent l’oreille, puis attirés par l’odeur des saucisses, ils se précipitent dessus. La dernière bouchée avalée, ils titubent, puis s’endorment sonnés par le puissant somnifère que contenait l’appât.

    Sans plus attendre, le groupe s’introduit sur le parc à ferrailles. Les chiens sont tout de suite muselés, puis à l’aide d’une solide chaîne, attachés à un arbre.

    L’opération n’a duré que quelques minutes. Le groupe se retire alors hors de portée de voix du bungalow. Il est cinq heures cinquante. La radio grésille dans le sous-marin où un autre groupe aux ordres du commandant Duroc a rejoint la fourgonnette.

    — C’est fait, annonce la radio, ils dorment et sont maîtrisés.

    — OK, beau travail, restez en surveillance, nous intervenons dans dix minutes.

    Six heures sonnent au clocher de l’église Saint-Pierre.

    — Allons-y, ordonne le commandant Duroc.

    En silence, le groupe traverse la rue sous les regards inquiets des rares passants. À l’aide d’une grosse pince, coupe boulon, ils cisaillent la chaîne. Pas entièrement rassuré, le lieutenant Frédéric Laprade s’inquiète.

    — C’est sûr qu’ils dorment les clébards?

    —Tu verras bien s’ils te sautent dessus, le plaisante Gilbert Piémont.

    — Silence ! Les drôles, intime le commandant.

    Les deux groupes se sont rejoints. Le bungalow est encerclé par les policiers.

    — On sonne ? Demande le lieutenant Laprade.

    — Et puis quoi encore ; le type est armé et dangereux. C’est hors de question. On défonce la porte et l’on bondit dans les chambres.

    Deux hommes du groupe s’approchent de la porte d’entrée. Ils sont porteurs d’un lourd tube de fer muni de poignées. L’un d’eux murmure :

    — On y va patron ?

    — Sans hésiter, répond le commandant Duroc.

    Le premier coup de bélier résonne comme un coup de tonnerre dans le bungalow. La porte est fendue sur toute sa hauteur, mais résiste encore.

    À l’intérieur, Richard Clovis est réveillé par le bruit.

    — Non de Dieu, qu’est-ce qui se passe ?

    — Sans doute un accident dans la rue, répond Margot.

    — Non, non, c’est devant la maison.

    Le deuxième coup de bélier arrache la porte de ses gonds. D’un seul élan, les hommes du groupe d’intervention font irruption dans le bungalow. L’un d’entre eux a eu l’idée de donner de la lumière en actionnant l’interrupteur. La première pièce est vide, il est évident qu’elle sert à la fois de cuisine et de salle à manger. Les hommes savent ce qu’ils ont à faire. Par groupe de deux, ils se précipitent sur les portes des chambres, qu’ils ouvrent à la volée.

    Richard Clovis est là, debout à côté de son lit où Margot se cache sous les draps. Il a la main posée sur le canon d’un fusil à pompe, qu’il s’apprête à empoigner. D’un seul mouvement, les deux policiers se jettent sur lui. Déséquilibré, il lâche son arme et tombe dans la ruelle du lit.

    — Police ! Ne résiste pas.

    Richard Clovis a compris qu’il est refait. Sans résister, il se laisse passer les menottes. Il est de suite conduit dans la pièce principale avec Margot qui a juste eu le temps d’enfiler une robe de chambre.

    Dès le premier coup de bélier, Jessica a sursauté dans son petit lit. Au deuxième, en pleurs, elle s’est recroquevillée sous ses couvertures. Lorsque les policiers ont fait irruption dans sa chambre, elle a cru sa dernière heure arrivée. L’un d’eux a crié :

    — Sortez de là !

    Elle s’est enfoncée encore plus loin au fond du lit, se faisant la plus petite possible. Le deuxième policier a repris :

    — Vu la grosseur de la bosse sous les draps, c’est certainement la mouflette. Va chercher sa mère, elle s’en occupera, et Sophie les surveillera.

    Quelques minutes plus tard, blottie dans les bras de sa mère, sous la surveillance du brigadier féminin Sophie Bouddha, Jessica sèche ses pleurs.

    — Pourquoi ils ont cassé la porte les policiers ? Et pourquoi papa, il est attaché ?

    — Ton père, il a encore fait des conneries, et cette fois, je pense que c’est du sérieux.

    — Il va aller en prison mon papa ?

    — Il y a de grandes chances, confirme Margot. Et pendant qu’il y sera, il me foutra la paix. Il ne rentrera pas plein comme une huître tous les soirs et ne me dérouillera pas.

    Dans la pièce à côté, le commandant Duroc et ses hommes ont commencé la perquisition. Rien dans le bungalow.

    — Allons, Clovis, nous savons que vous avez planqué les bijoux chez vous. Nous pourrions gagner du temps si vous nous dites où ils sont.

    — Allez vous faire foutre, répond Clovis en crachant par terre.

    — Toujours aussi aimable, remarque le lieutenant Piémont. Allons, Clovis, nous avons retrouvé vos empreintes digitales sur les devantures de la bijouterie. De plus, vous vous êtes blessé. L’ADN est le vôtre.

    — C’est normal que vous ayez trouvé mes empreintes, je suis allé à la bijouterie, car je voulais faire un cadeau surprise à ma femme. Le sang ? Je m’étais coupé en démontant une bagnole, et la plaie s’est remise à saigner à la boutique ; alors vos preuves, je m’en balance.

    — Puisqu’il n’y a rien dans la maison, nous allons passer au garage.

    — C’est ça ! Et moi je vous suis en caleçon peut-être. Vous pourriez au moins me laisser m’habiller.

    — OK, vous allez vous habiller.

    Sous une surveillance resserrée, Richard Clovis enfile un pantalon et une chemise, puis se chausse de mocassins. Dans le garage, c’est un fouillis indescriptible de pièces détachées de mécanique et de carrosserie.

    — On n’est pas sorti de l’auberge, fait remarquer le lieutenant Laprade

    — On s’y met à tous, et l’on y croit, réplique le commandant Duroc.

    Ce n’est qu’aux environs de midi, que le lieutenant Piémont remarque, bien en vue à l’entrée du local, un fût métallique de deux cents litres, rempli à ras bord d’huile de vidange. Ce n’est pas tellement le fût lui-même qui attire son regard, mais plutôt le morceau de fil de fer retourné, accroché sur le bord. Clovis a surpris le regard du policier sur le fût. Piémont se saisit d’un chiffon qui traînait sur un établi. Il s’approche du fût.

    — C’est de l’huile de vidange, le prévient Clovis, vous allez vous foutre vraiment dégueulasse.

    Cette simple remarque conforte le lieutenant Piémont dans son idée qu’il tient le bon bout.

    — On va bien voir, et puis je vous enverrai la facture du pressing.

    Protégeant sa main à l’aide du chiffon, il saisit le morceau de fil de fer, et commence à tirer.

    — Il y a quelque chose au bout, ça résiste, déclare le lieutenant Piémont.

    — Sans doute, quelques vieux filtres, il arrive souvent qu’ils partent avec l’huile, se justifie Clovis.

    Avec précaution, de peur que ce qui se trouve au bout du fil de fer ne se détache, Piémont le remonte doucement. Un sac-poubelle en plastique apparaît.

    — Ah ! Merde, c’est quoi ? S’exclame Clovis.

    — Nous allons le savoir de suite, réplique Piémont.

    À l’aide d’un cutter, le policier découpe le sac-poubelle. À l’intérieur se trouve une petite mallette. Les fermoirs ne sont pas verrouillés. Elle contient un assortiment de colliers et de bagues, qui comme par hasard, correspondent à ceux dérobés à la bijouterie « Art d’Or » au début de la semaine.

    — Alors, que dites-vous de ça, Monsieur Clovis questionne le commandant Duroc ?

    — Je n’en dis rien du tout, répond Clovis, ce n’est pas à moi. Je n’ai pas que des amis, et quelqu’un aura voulu me faire plonger.

    — C’est ça, certainement, répond Duroc, nous allons en discuter au commissariat.

    ***

    Il est en taule, il est en taule, chantonne Sophie Lados, alors que Jessica franchit le portail de l’école. La comptine improvisée est reprise par deux ou trois autres gamines. Elles ne se rendent pas compte de la cruauté de leur comportement. Jessica rentre la tête dans les épaules, le cœur gros, elle poursuit son chemin jusqu’à sa classe. Pas une larme ne coule de ses yeux.

    Lorsque la cloche sonne, voyant que Jessica ne réagit pas, le petit groupe se calme. Dans deux jours, ce sont les vacances de printemps.

    ***

    — Vous plaisantez Margot ! Cinquante euros pour cette boîte de vitesses, c’est deux fois son prix. Je vous en donne trente euros, et encore, je suis large.

    — Non et non, si Richard était là, il en aurait demandé le double et vous n’auriez pas discuté. C’est d’ailleurs le prix qu’il avait marqué sur l’étiquette accrochée dessus. Je suis sûre que vous allez la facturer au moins cent cinquante à votre client.

    — Peut-être bien, reprend le garagiste intéressé par la boîte de vitesses, mais moi, je suis déclaré, j’ai des frais, je paie des impôts pour nourrir des gens comme votre mari qui nous coûtent cher en taule.

    Depuis son arrestation, Richard Clovis n’est pas reparu sur son terrain, et pour cause, il est incarcéré à la maison d’arrêt de Gradignan. Margot ne connaît pas grand-chose au commerce de la pièce d’occasion. Ce garagiste est le troisième qui discute les prix de cette manière. Elle a un besoin pressant d’argent. La petite somme qui se trouvait sur le compte courant a fondu très rapidement. Elle n’a pas le choix, il va lui falloir céder au prix fixé par le garagiste, bien en dessous de la valeur de la pièce.

    — C’est bon, vous me prenez à la gorge, donnez-moi quarante euros et n’en parlons plus.

    — Je vois que vous devenez raisonnable, déclare le garagiste en sortant son chéquier.

    — Ah ! Non, pas de chèque, refuse Margot, je veux du liquide.

    — Comme il vous plaira, accepte l’homme en sortant de sa poche un rouleau de billets.

    À la vue de tout cet argent, Margot ne peut retenir une remarque.

    — Avec tout ce pognon, vous vouliez me payer en chèque que je n’aurais encaissé que dans huit jours, et encore s’il n’est pas en bois.

    Le garagiste comprend que Margot est aux abois. Sa situation financière est des plus précaires. Agitant le rouleau de billets sous son nez, il déclare :

    — Allons, Margot, vous êtes encore jeune et bien agréable à regarder. Il vous suffirait d‘être gentille ; je veux dire, très gentille, pour améliorer votre situation.

    Sous l’injure, la première réaction de Margot est de remettre rudement le garagiste à sa place. Le geste qu’elle esquisse pour le gifler stoppe sa course à moitié route. Elle n’a jamais été un modèle de vertu. Richard, depuis sa prison, réclame de l’argent pour cantiner. Et l’argent, justement, elle en manque. Elle regarde le garagiste droit dans les yeux pendant quelques secondes. Ce dernier arbore un sourire vainqueur, il sait que sa proposition a fait son chemin dans la tête de Margot.

    — D’accord, déclare la jeune femme, ce sera cinquante euros, on ne discute pas, et c’est sans fantaisie.

    — OK, accepte l’homme. La position du missionnaire seulement. Après une seconde, il rajoute : pour les fantaisies, nous verrons plus tard.

    — Les fantaisies seront en supplément, précise Margot en empochant les billets.

    Lorsqu’elle pousse la porte du bungalow, Margot se rappelle tout à coup que ce sont les vacances scolaires. Jessica est à la maison, elle regarde un dessin animé à la télévision.

    — Mets ta veste, Jessica, dans le même temps, elle tend à l’enfant un billet de vingt euros, va à l’épicerie acheter deux côtes de porc.

    — Chouette, s’exclame l’enfant, on va manger de la viande.

    — Oui... on va manger de la viande. Ne cours pas, que tu risques de tomber et te faire mal.

    — D’accord Maman, je peux me prendre une sucette?

    —Oui, ma chérie, prends-toi une sucette.

    Sitôt l’enfant partie, le couple passe dans la chambre à coucher.

    — Dépêche-toi, précise Margot, même si elle traîne en route, elle n’en a pas pour plus de dix minutes.

    Il y a déjà des clients à l’épicerie, une discussion animée prend fin lorsqu’elle pénètre dans le magasin. Deux femmes d’un certain âge sont là. Jessica les connaît, elles demeurent dans le quartier, sur le chemin de l’école.

    — C’est-t’y pas malheureux pour cette gosse, commente la première.

    — C’est sûr, approuve la seconde, mais il faut bien avouer qu’il l’a bien cherché le Richard avec ses combines malhonnêtes.

    Jessica se fait toute petite dans son coin. C’est de son papa que discutent ces deux dames. Puis vient son tour d’être servie. D’une voix mal assurée, elle demande :

    — Deux côtes de porc, s’il vous plaît.

    — Tu as de l’argent ? S’inquiète l’épicière.

    — Oui, répond naïvement, Jessica en sortant de la poche son billet de vingt euros. Maman m’en a donné.

    L’épicière prend le billet, et le dépose sur le comptoir, sert Jessica et lui déclare :

    — Je garde le billet, tu diras à ta mère que c’est une avance sur ce qu’elle me doit.

    — Je peux avoir une sucette ? Maman me l’avait promise.

    — Une sucette, s’insurge la commerçante ; et puis quoi encore ta mère me doit plus de cent euros et toi tu veux une sucette.

    Rouge de honte, Jessica quitte l’épicerie en courant, serrant contre elle le paquet contenant les deux côtes de porc. Depuis quelques jours, elle a pris l’habitude de rentrer chez elle en longeant le quai, par le trottoir en bordure de la Garonne. Ce n’est pas plus court, mais cela l’amuse de regarder les pêcheurs.

    En contrebas, sur la berge, un homme vient de lancer sa ligne à l’eau, à côté de lui, une petite fille tente de faire de même. Jessica s’arrête machinalement pour regarder. Elle reconnaît son ennemie personnelle, Sophie Lados. Elle ne peut s’empêcher de maugréer entre ses dents « salope, va ! Tu as ton père toi ». Pressant alors le pas, elle regagne le bungalow. L’homme qui était avec sa mère est sur le point de partir.

    — Au revoir, Margot, je pense que je reviendrai bientôt.

    — Quand tu voudras, tu connais mes principes, précise Margot, et puis si tu as des copains, tu peux donner l’adresse.

    — Je n’y manquerai pas, rajoute l’homme en sortant du bungalow.

    Aussitôt qu’il est parti, Jessica s’empresse de se plaindre du commerçant.

    — Maman, l’épicière ne m’a pas rendu la monnaie, elle a dit que c’était une avance sur ce que tu lui dois. En plus, elle n’a pas voulu me donner la sucette que tu m’avais promise. C’est une méchante.

    — Ce n’est pas grave, répond Margot, de l’argent, je vais en avoir maintenant.

    — C’est vrai, Maman, tu as réussi à vendre quelque chose aujourd’hui ?

    Avec un profond soupir de lassitude, Margot répond :

    — Oui ma chérie, c’est un peu ça, j’ai vendu quelque chose aujourd’hui.

    La conversation entre la mère et l’enfant est interrompue par la sonnerie du téléphone. Margot décroche :

    — Allô !

    — Bonjour, Madame Clovis, je suis Maître Gracia, l’avocat de votre mari. Je vous informe

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1