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Le fil d'Ariane du règlement collectif de dettes: Les dessous de la dette
Le fil d'Ariane du règlement collectif de dettes: Les dessous de la dette
Le fil d'Ariane du règlement collectif de dettes: Les dessous de la dette
Livre électronique1 760 pages19 heures

Le fil d'Ariane du règlement collectif de dettes: Les dessous de la dette

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À propos de ce livre électronique

Les Éditions Anthemis vous proposent un outil complet afin de mieux appréhender une situation de surendettement

Le surendettement touche de plus en plus de ménages.

Le règlement collectif de dettes et, en amont, la médiation amiable offrent à la personne surendettée la perspective de faire face à ses dettes et de bénéficier d’un nouveau départ.

Ces dispositifs articulés sur le dénouement de la relation conflictuelle entre un débiteur et ses créanciers ont subi des modifications – sinon des révolutions – au cours des dernières années, notamment avec le transfert du règlement collectif de dettes vers les juridictions du travail et les bouleversements légaux qui se sont succédé. De surcroît, ils sont appliqués de façon très diversifiée selon les arrondissements concernés.

De manière à dépeindre au mieux ces mécanismes et à identifier les multiples enjeux pour les justiciables, les services de médiation de dettes, les huissiers de justice, les notaires, les avocats, les magistrats et les greffiers, une équipe plurielle s’est constituée et, sans tabou, a confronté ses points de vue.

Cet ouvrage a pour objet de mettre en lumière, à destination de tous les acteurs du surendettement, les arcanes du règlement collectif de dettes et de la médiation amiable, au moyen d’une approche qui a l’ambition d’être complète et marquée tant par la réflexion que par la réalité de terrain.

Un ouvrage écrit par des professionnels et destiné à tous

A PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS

Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie4 mai 2016
ISBN9782807200289
Le fil d'Ariane du règlement collectif de dettes: Les dessous de la dette

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    Aperçu du livre

    Le fil d'Ariane du règlement collectif de dettes - Collectif

    couverturepagetitre

    © 2015, Anthemis s.a.

    Place Albert I, 9 B-1300 Limal

    Tél. 32 (0)10 42 02 90 – info@anthemis.be – www.anthemis.be

    Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre,

    par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.

    ISBN : 978-2-80720-028-9

    Couverture : Vincent Steinert

    Sommaire

    Avant-propos

    JOËL HUBIN

    Introduction

    CHRISTOPHE BEDORET

    Chapitre 1. Les services de médiation de dettes et la médiation amiable

    LUCIE DEVILLÉ

    Chapitre 2. La protection des consommateurs

    DEBORAH FRIES

    Chapitre 3. Les droits externes de la personne surendettée

    CHRISTOPHE BEDORET

    Chapitre 4. L’admissibilité

    GAUTHIER MARY

    Chapitre 5. La phase amiable

    JEAN-FRANÇOIS LEDOUX

    Chapitre 6. Les plans de règlement judiciaire

    CHRISTIAN ANDRÉ

    Chapitre 7. Questions spéciales

    CHRISTOPHE BEDORET

    Chapitre 8. Les fins de procédure

    JEAN-CLAUDE BURNIAUX

    Chapitre 9. Le droit judiciaire

    RUDY GHYSELINCK

    Chapitre 10. Le droit patrimonial des couples

    ANNE-FRANCE SAUDOYEZ

    Avant-propos

    Quel fil choisirait Ariane pour se délivrer du minotaure ?

    Le droit ? Vraiment ? À vrai dire…

    À vrai dire, les dettes, c’est un état d’esprit ¹…

    À force de vouloir frapper les esprits pour souligner l’équivoque des problèmes, le risque est pris de forcer le trait.

    Prenons-en le risque.

    La dette est ambivalente : comme pour tout lien humain, seul le versant négatif est perçu : c’est la dette impayable, dévastatrice.

    Cependant, la dette peut aussi lier les individus dans la symbolique du recevoir et du donner, dans une articulation entre plusieurs sphères de l’existence : philosophique, sociologique, économique, sociale, juridique.

    Puisque le rapport à l’argent prend toujours corps dans une relation entre personnes titulaires de droits et d’obligations, la justice est là – selon une conception très classique et sommaire – à rendre à chacun, ce à quoi il a droit. Certes, mais il y a un ordre à respecter, un ordonnancement à réaliser, « un équilibre à établir entre des intérêts en conflit, en vue d’assurer l’ordre essentiel au maintien et au progrès de la société humaine ² ».

    L’ampleur, la densité et la variété du contentieux du surendettement, son évidente articulation avec toutes les branches du droit et ses implications en dehors de la sphère juridique semblent requérir pour les praticiens un travail sur soi, une mise en perspective qui est d’abord une mise en question de soi.

    C’est qu’en cette matière, comme en d’autres sans doute, le mot justice correspond à une de ses idées que tout le monde croit comprendre, qu’on ne définit cependant pas nécessairement avec une lucidité critique, et qui parfois se perd dans des habitudes empiriques.

    Grâce à l’inlassable travail coordonné par Christophe Bedoret, les contributions des auteurs déjà distingués par leurs pratiques donnent au droit appliqué au contentieux du surendettement une intelligibilité ordonnée qui bannit les habitudes dans les prétoires.

    Je prendrai ici une liberté paradoxale : celle de vouloir introduire comme je voudrai assurément conclure.

    Il ne s’agit que d’une esquisse : tracer sommairement des axes reliant le droit et ses praticiens entre eux certes, mais dans un objectif d’éveil à d’autres enseignements pour mieux comprendre ce qu’il faut juger lorsqu’il s’agit des pesanteurs économiques d’un quotidien désespérant.

    À vrai dire, le poids des mots, le poids des maux : schuld…

    Dans sa « Généalogie de la morale », Nietzsche évoque une économie primitive de type « créanciers-débiteurs », à l’origine de la conscience morale. Dans cette genèse, il montre comment le sentiment de la dette a permis la naissance de l’homme responsable, qui sait compter et sur lequel on peut compter, mais la dette devient une perversion lorsqu’elle devient illimitée et entraîne une perte de liberté. Il y a alors une double peine : la dette et le fardeau de la culpabilité.

    En allemand, schuld signifie à la fois dette et faute !

    Sous cet angle, le débiteur doit être placé devant ses responsabilités. C’est une manière de restaurer sa crédibilité économique, morale, et peut être aussi de se « refaire » lui-même. La sagesse populaire ne manque pas de pertinence dans les expressions qu’elle engendre et conserve.

    La remise de dette peut être la condition d’un renouvellement ³, non seulement au niveau économique, mais aussi social et personnel, voire un rétablissement de sa santé.

    À vrai dire, tous comptes faits…

    Quant à l’ordre des choses en matière de surendettement, le juge ne peut se concentrer sur les données comptables et économiques, en négligeant les objectifs relevant assurément d’une politique sociale, confiée aux juges des juridictions du travail. Les voici donc dans une mutation fonctionnelle, puisque la régulation par le droit des risques sociaux se complète de la fonction de juger des risques de l’existence, à distinguer des modes de résolution des obligations entre débiteurs et créanciers.

    Il serait intéressant de faire ces comptes-là : quels sont donc les apports caractérisant la jurisprudence des juridictions du travail ?

    Le rapport au droit ne se réduit pas à régler des relations économiques.

    Il convient donc de donner sa juste place à la conscience sociale ainsi traduite par le législateur dans l’article 1675/3, alinéa 3, du Code judiciaire : « le plan de règlement a pour objet de rétablir la situation financière du débiteur, en lui permettant notamment dans la mesure du possible de payer ses dettes et en lui garantissant simultanément ainsi qu’à sa famille, qu’ils pourront mener une vie conforme à la dignité humaine ⁴ ».

    Le rapport déterminé par cette règle du droit de l’exécution est une priorité de la vie sur le droit de propriété, socle légal pour reconstruire un lien social en considérant la vulnérabilité des personnes.

    La dignité revêt deux sens : d’abord la dignitas romaine qui désigne le rang dans la cité manifesté par des attributs symboliques, ensuite la dignité chrétienne, idée apparue à la Renaissance qui renvoie à la place éminente de l’homme dans l’ordre de la Création, qui lui confère une valeur à laquelle personne ne peut attenter.

    Cela touche donc au sacré dans les deux cas, civique pour l’un et métaphysique pour l’autre.

    Cette dignité, principe du droit de l’exécution, a besoin de signes extérieurs : la judiciarisation en est une !

    En dépit des difficultés actuelles, et malgré une méfiance ambiante vis-à-vis des institutions publiques et judiciaires en particulier, une juridiction demeure une institution qui doit être ravivée par le contrat initial qui lui confère son énergie : l’affectio civitatis.

    C’est le refuge indispensable de la fonction symbolique, lieu civique pour la valorisation des droits individuels. C’est la nécessité du droit, de ses règles de procédure et de ses règles substantielles, examinées dans cet ouvrage, pour tenir ensemble les deux sens de la dignité qui sont indissolublement liés ⁵.

    Il convient pour le juge d’examiner les faits avec toute la précision requise, l’enjeu de la dignité devant être apprécié dans chaque cas, dans un cadre commun ⁶. L’affirmation fondamentale d’un droit à la dignité humaine se distingue en cela que c’est la protection de l’aspect individuel qui domine, cet intérêt s’inscrivant dans un cadre collectif.

    Deux exemples judiciaires de la mise en œuvre du principe de la dignité peuvent être ici proposés.

    Le premier concerne l’homologation d’un projet de plan de règlement amiable, au terme d’un processus qui requiert divers contrôles par le juge. Il doit exercer un triple contrôle : un contrôle de régularité en relation avec le principe de l’autonomie de la volonté, un contrôle de légalité en relation avec l’encadrement de l’article 1675/10 du Code judiciaire, et un contrôle d’opportunité ⁷. De ces contrôles résultera une situation juridique précise qui s’impose avant de régler le débat sur les données comptables et sur la faculté réelle de remboursement du débiteur en médiation ⁸. Le contrôle d’opportunité doit être exercé en tenant compte des objectifs et de la finalité du règlement collectif de dettes, énoncés par l’article 1675/3 du Code judiciaire ⁹. Il convient de peser les droits des uns et des autres et les intérêts en présence.

    Le second exemple concerne la modalisation de la durée d’un plan de règlement judiciaire sur la base de l’article 1675/13 du Code judiciaire. Quant à la durée du plan, le législateur permet de limiter la durée entre trois à cinq années, sur pied de l’article 1675/13, § 2, du Code judiciaire. Les motifs à retenir pour fixer la durée d’un plan peuvent être pertinemment déterminés par l’âge de la personne en médiation, par sa situation de santé, par sa capacité de remboursement, par les efforts déjà consentis au bénéfice du ou des créanciers ¹⁰… En principe, il y a lieu de mettre en concordance la date de prise de cours d’un plan de règlement judiciaire avec celle qui est prévue par la loi du 22 mars 2012 pour les plans de règlement amiable, soit la date de l’admissibilité, sauf une dérogation motivée ¹¹  ¹².

    Toutefois, des circonstances particulières peuvent motiver une autre option.

    Pour préciser le cadre légal, la jurisprudence a mis en évidence deux principes, deux balises, deux référentiels et deux critères qui permettent de moduler le plan de règlement ¹³ ¹⁴.

    Les deux principes sont la maîtrise de la durée de la procédure et une relation équilibrée entre les intérêts légitimes des créanciers et des débiteurs en médiation vu l’article 1675/3 du Code judiciaire.

    Les deux balises sont trois et cinq ans, vu l’article 1675/13, § 2, du Code judiciaire.

    Les deux référentiels sont la date d’admissibilité, ou moyennant une motivation adaptée la date de la décision judiciaire qui fixe les modalités, puisque ce n’est qu’à ce moment que sont connues les circonstances justificatives des modalités à préciser (article 1675/13, § 1er, alinéa 2, du Code judiciaire).

    Les deux critères sont les situations respectives des parties en litige, débiteur en médiation ou créancier, qui expliquent l’impossibilité d’un plan de règlement amiable ou d’un plan de règlement judiciaire sur la base de l’article 1675/12 du Code judiciaire.

    À défaut de raisonner et de motiver la durée d’un plan sur ces bases, on accorderait à une jurisprudence figée sur un seul référentiel un effet général, qu’aucune décision de justice ne peut avoir.

    En outre, on risquerait de dénaturer les principes de base rappelés ci-dessus, qui trouvent leur fondement dans l’article 1675/3 du Code judiciaire. La durée de la procédure ne peut se confondre avec un moratoire libératoire.

    À vrai dire, rendons à César… enfin à Crésus

    Il faut faire la part des choses.

    S’il y en a pour le juge, il y en a pour Crésus ¹⁵

    Les dispositions législatives et réglementaires encadrant le traitement du surendettement sont indispensables, mais elles se concentrent principalement sur le fond du problème ignorant parfois de mettre en place les outils nécessaires pour aborder le thème du surendettement dans sa globalité.

    La nécessité des milieux associatifs est avérée, tel en Wallonie l’Observatoire du crédit et de l’endettement, créé en mars 1994, en charge de l’étude des services financiers offerts aux personnes physiques, et notamment du crédit, ainsi que de l’étude et de la prévention du surendettement ¹⁶. Un observatoire public du surendettement permet de mieux connaître les causes du surendettement, ainsi que la nature des dettes, et doit ainsi favoriser toutes les actions de prévention menées en amont.

    Au sein des milieux associatifs, financiers, juridiques et sociologiques, les praticiens de la déconfiture sont autant d’ordonnateurs qui créent leurs espaces de problématisation. La catégorie de surendetté ne renseigne donc pas tant sur les situations des débiteurs que sur les logiques et méthodologies diverses des praticiens de la procédure de surendettement, ses ordonnateurs et leurs modes de classement ¹⁷.

    Ces espaces de problématisation délimitent des catégorisations distinctes et ainsi divers modes de résolution possibles du surendettement. Deux axes paraissent pouvoir être distingués : celui de la responsabilité et celui du risque de l’existence favorisant des modes de résolution dans le cadre d’un corpus de règles imperméables à la notion de faute, en sorte qu’il en résulte un règlement dans le cadre d’un régime légal sans faute.

    Les vecteurs sociaux menant au surendettement doivent se raisonner aujourd’hui dans leur globalité. Comme nous l’avons présenté plus haut, le surendettement a été initialement analysé au travers du prisme de la surconsommation. La jurisprudence relative à l’admission à la procédure de règlement collectif de dettes établit désormais un élargissement des causes du surendettement. Le phénomène du surendettement est aussi actuellement lié à la dégradation à la fois de la situation financière et de la situation sociale, ensuite d’évènements non intentionnels de l’existence. Ils sont liés à des évènements tels que la maladie, l’échec de projets professionnels, le décès du conjoint, le chômage ou un divorce, etc.

    On retient d’abord de cette évocation sommaire qu’il serait inconsistant d’imputer le surendettement à des notions aussi peu significatives que « la société de consommation » ou « la crise économique ».

    On retient ensuite que dans le cadre de « ce risque de l’existence », le phénomène du surendettement est complexe, et qu’il est à raisonner aux confins des analyses sociologiques, économiques et juridiques.

    La dimension juridique du règlement collectif des dettes se fonde sur le maintien d’une cohésion sociale que l’emprise de l’argent et la spéculation financière ne peuvent dégrader, par les formes actuelles de l’usure notamment.

    À vrai dire… ne prête-t-on qu’aux riches ?

    À vrai dire, je concède d’emblée le paradoxe de la formule.

    Et pourtant ! Les produits financiers offerts sont moins des services financiers que le résultat de stratégie qui rendent le consommateur vulnérable : opacité des taux, crédits renouvelables, regroupement de crédits dans le cadre d’un prêt à tempérament garanti par un cautionnement hypothécaire ¹⁸, garanties hypothécaires, techniques de cautionnement, produits commerciaux liés…

    La prévention du surendettement ne donne pas des résultats perceptibles.

    Simultanément le crédit à la consommation est économiquement nécessaire et socialement utile, car il favoriserait la croissance et l’emploi. Il peut être un facteur d’intégration dans la société.

    Il se peut aussi que le crédit soit parfois une solution au surendettement, impliquant positivement les institutions financières dans une responsabilité sociale positive.

    À plusieurs reprises déjà, la Cour du travail de Liège fut saisie de demandes d’autorisation de prêts par application de l’article 1675/7, § 3, du Code judiciaire.

    À titre d’exemple dans un litige récent, cette juridiction visa dans ses motifs ¹⁹ :

    les modalités avantageuses en relation avec un accord familial, en sorte que la situation financière de la débitrice en médiation serait rétablie au terme de l’emprunt ;

    l’examen de la faisabilité financière du plan de remboursement en maintenant à la débitrice des conditions de vie conforme à la dignité humaine, pour autant que celle-ci s’interdise définitivement toutes dépenses irresponsables et non justifiées ;

    l’accord donné le 1er octobre 2014 par le conseil de l’institution financière créancière, laquelle recevra – ainsi qu’il est stipulé dans l’acte notarié – l’intégralité du principal lui restant dû.

    Dès lors, la Cour donna son accord pour la passation de l’acte notarié contenant les clauses qu’elle examina sur la base de l’acte de prêt hypothécaire préparé par le notaire.

    Il y a donc lieu à nuancer et à réaliser, dans le cadre de la gestion politique de l’endettement, une mise en cohérence des techniques et de la politique des crédits : cela correspond à favoriser certaines pratiques d’endettement, quitte à traiter sur le mode de la réparation les situations de surendettement.

    À vrai dire… Ariane, semble avoir donné une pelote de fil qu’ils s’en vont dévidant depuis le commencement du monde à travers le labyrinthe des choses humaines ²⁰

    Le labyrinthe du surendettement n’est donc pas que juridique. Dès lors au registre de la déontologie du juge, il y a une connectivité à raisonner, qui correspond à un souci concret de tendre vers une compatibilité des données en vue de construire une politique judiciaire davantage cohérente.

    Il s’agit là d’une orientation complexe et novatrice : le contentieux du surendettement se déploie sur des terrains juridiques multiples, confiés à des juges contraints au sein de leurs organisations judiciaires respectives par la répartition des compétences d’attribution.

    Il faut travailler à une clarification de l’articulation entre les différentes procédures de traitement des situations de surendettement.

    Quant aux procédures du règlement collectif de dettes en elles-mêmes, il faut s’attacher à l’amélioration du déroulement des procédures, trop contraintes par les particularismes locaux, en renforçant et en harmonisant :

    l’information des débiteurs sur la procédure ;

    le contrôle des mandataires des créanciers dont l’expérience judiciaire rend trop souvent compte des excès, créant parfois les conditions du surendettement ou de son aggravation. Une protection doit être garantie contre les difficultés constatées ensuite de la pression exercée par certains mandataires de créanciers ²¹, ceux-ci contribuant parfois à développer le surendettement ²² ;

    l’harmonisation à poursuivre au stade l’admissibilité ;

    la relation entre le juge et le médiateur ;

    une maîtrise cohérente et non différenciée du coût économique de la procédure, à défaut une adaptation de la réglementation sur les frais et les honoraires dus au médiateur en vue d’en garantir l’adéquation et une application uniformisée ;

    une évaluation des modalités amiables et judiciaires des plans de règlement ;

    une explicitation des effacements, partiels ou non, des dettes en vue de juguler les disparités incomprises ;

    les modalités de lutte contre l’aggravation du surendettement et la rechute du débiteur, ce qui souligne l’importance du suivi social ;

    À vrai dire enfin… Ariane, ma sœur, de quel amour blessée

    Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée ²³

    À Christophe et à tous les auteurs de cet ouvrage, je puis prédire avec reconnaissance que vos lecteurs trouveront le fil d’Ariane, et tel Thésée sortir du labyrinthe béant à chaque nouveau dossier à régler.

    Puisse toutefois en ces temps perturbés et accablants pour la Thémis des juridictions du travail, ne pas laisser celle-ci au sort funeste d’Ariane sur l’île de Dia.

    Joël HUBIN

    Ancien premier président de la Cour du travail de Liège

    Professeur à l’ULg

    1. Alfred CAPUS.

    2. F. GENY, Science et technique en droit privé positif, t. I, Paris, Société du Recueil Sirey, 1922, p. 50.

    3. N. SARTHOU-LAJUS, Éloge de la dette, Paris, PUF, 2012, et Éthique de la dette, Paris, PUF, 1997.

    4. « C’est-à-dire qu’ils pourront mener une vie garantissant à chacun des conditions d’existence suffisamment décentes sans lesquelles il n’est pas possible, ni d’assumer ses responsabilités élémentaires, ni de jouir des droits fondamentaux » : F. GEORGES, « Les saisies conservatoires, les voies d’exécution et le règlement collectif de dettes », in G. DE LEVAL (dir.), Droit judiciaire. Tome 2. Manuel de procédure civile, coll. scientifique de la Faculté de Droit de Liège, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 1354.

    5. A. GARAPON, « La dignité et ses nécessaires signes extérieurs », La Croix, Forum et Débats, en partenariat avec France Culture, 5 février 2015, p. 25.

    6. Voy. en ce sens : C. trav. Mons, 5 novembre 2008, inéd., R.G. no 21.287 ; C. trav. Bruxelles (12e ch.), 7 juillet 2015, inéd., R.G. no 2015/BB/14 ; L.-E. CAMAJ, La personne dans la protection sociale, Paris, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2008.

    7. V. GRELLA, « Synthèse des acquis à la lumière de la jurisprudence récente », in Actualités en droit judiciaire, CUP, vol. 83, Liège, Larcier, 12/2005, p. 255, citant G. DE LEVAL, « Fonction de juger et règlement collectif de dettes », in Mélanges Jacques van Compernolle, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 142 à 144.

    En ce sens : C. trav. Bruxelles (12e ch.), 9 décembre 2014, rôle nos 2014/AB/133 – 2014/AB/140, J.L.M.B., 15/539.

    8. C. trav. Liège, 11 septembre 2015, inéd., R.G. no 2015/AL/275.

    9. C. trav. Liège, 23 novembre 2010, Rev. not. belge, février 2011, p. 104 ; C. trav. Liège, 25 mai 2010, Rev. not. belge, février 2011, p. 170 (cité par F. BURNIAUX, Le règlement collectif de dettes : du civil au social, Chronique de jurisprudence 2007-2010, Les Dossiers du J.T., no 82, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 110, no 242).

    10. La cour rappelle encore qu’un débiteur en médiation n’a pas à subir les conséquences d’un éventuel retard judiciaire dans la fixation, après le procès-verbal de carence (C. trav. Liège [14e ch., sect. Namur], 22 juillet 2013, no RCDN 12/AN/226, J.L.M.B., 14/433 et Ch. BEDORET, J.-Cl. BURNIAUX, M. WESTRADE, « Le règlement collectif de dettes », inédits, J.L.M.B., 2014/19, p. 891).

    11. Voy. en ce sens : Trib. trav. Mons (10e ch.), 18 mars 2014, R.R. no 09/432/B, J.L.M.B., 14/434 ; Trib. trav. Mons (10ech.), 7 janvier 2014, R.R. no 10/672/B, J.L.M.B., 14/435.

    12. Voy. C. trav. Bruxelles (12e ch.), 10 juin 2014, inéd., R.R. no 2014/AB/16.

    13. Voy. en ce sens : C. trav. Bruxelles (12e ch.), 14 octobre 2014, inéd., R.G. no 2014/AB/571 ; C. trav. Liège (11e ch.), 11 septembre 2015, inéd., R.F. no 2015/AN/376.

    14. En ce sens : C. trav. Bruxelles (12e ch.), 12 mai 2015, R.G. no 2015/ab/55 ; C. trav. Liège (14e ch.), 22 juillet 2013, no RCDN 12/AN/226, J.L.M.B., 14/433.

    15. Du nom de l’association « Fédération française des associations CRÉSUS ». Fondée sur la mise en commun d’un label et le partage des expériences et des pratiques dans les domaines de l’accompagnement, de la prévention, du traitement du suivi du phénomène de l’exclusion financière, la Fédération CRÉSUS a été développée sur la base du volontariat. Cette fédération réunit actuellement 18 associations unies par une charte éthique et formant ainsi un réseau de proximité entièrement dédié à l’accueil des ménages surendettés et à la prévention de l’exclusion financière et économique (http://creditsocial.net/association-cresus-aide-surendettement/).

    16. À cet effet, il :

    – centralise les données économiques, sociales et juridiques se rapportant directement ou indirectement aux services financiers aux personnes physiques, en particulier le crédit, ainsi qu’au surendettement ;

    – analyse ces données, en vue d’en dégager les caractéristiques et de permettre notamment la compréhension des situations de surendettement ;

    – étudie le phénomène du surendettement et son évolution, dans une optique socio-économique et juridique ;

    – diffuse des études dans les domaines des services financiers aux personnes physiques, et notamment du crédit, ainsi que du surendettement ;

    – organise des campagnes d’information et de prévention et dispense des formations dans les domaines de la gestion du budget des ménages, du crédit et de l’endettement (www.observatoire-credit.be/content/view/191/123/lang,fr/).

    17. S. PLOT, « Du flambeur à la victime ? Vers une problématisation consensuelle du surendettement », Sociétés contemporaines, 4/2009, no 76, pp. 67 à 93 : URL : www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2009-4-page-67.htm ; DOI : 10.3917/soco.076.0067.

    18. C. trav. Liège (10e ch.), 14 juillet 2015, inéd., R.G. no 2014/AL/297.

    19. C. trav. Liège (14e ch.), 28 juillet 2015, inéd., R.G. no 2013/AL/328.

    20. Victor HUGO.

    21. Voy. en ce sens : C. trav. Bruxelles (12e ch.), 28 avril 2014, inéd., R.G. no 2015/BB/3.

    22. Voy. en ce sens : C. trav. Liège (14e ch.), 20 avril 2015, inéd., R.G. no 2015/BN/7 ; C. trav. Bruxelles (12e ch.), 7 juillet 2015, inéd., R.G. no 2015/BB/14.

    23. RACINE.

    Introduction

    Si le surendettement est un phénomène ancestral, force est de constater que la dette, en ce vingt et unième siècle, est omniprésente.

    Dettes entre nations, dettes des institutions, dettes des sociétés, dettes des commerçants, dettes des consommateurs, nul n’y échappe.

    Pourtant, ainsi que l’observe l’anthropologue et économiste David Graeber, « […] l’argent n’est pas sacré, payer ses dettes n’est pas l’essence de la morale, ces choses-là sont des arrangements humains et, si la démocratie a un sens, c’est de nous mettre d’accord pour réagencer les choses autrement […] » ¹.

    Le surendettement de nature privée, soit celui qui touche un particulier extérieur à la sphère du commerce, est, en Belgique, appréhendé de deux façons.

    Dans un premier temps, il y a un peu plus de vingt ans, la médiation amiable - c’est-à-dire la médiation non judiciaire - est instituée, et ce sous l’égide du législateur régional.

    Des services de médiation de dettes, portés par des intervenants sociaux, voient donc le jour, au sud puis au nord du pays, et parviennent à accomplir des prouesses, en dépit de moyens limités, pour répondre au mieux à la demande, exponentielle, de multiples franges de la population.

    Face au constat que le rétablissement de la situation financière d’une personne surendettée appelle souvent une remise, à tout le moins en partie, de l’endettement, il est apparu indispensable de façonner une procédure collective d’insolvabilité permettant d’aboutir à un tel résultat.

    La loi du 5 juillet 1998 relative au règlement collectif de dettes opère alors un bouleversement juridique fondamental, puisqu’elle consacre la possibilité d’offrir une nouvelle chance (fresh start) au débiteur ², à travers un plan amiable ou judiciaire, articulé sur le remboursement des dettes « dans la mesure du possible » et la garantie de conditions de vie conformes à la dignité humaine ³.

    D’abord dévolu au juge des saisies, le contentieux du règlement collectif de dettes est transféré au tribunal du travail en date du 1er septembre 2007 et, depuis lors, a quasiment doublé, dans la mesure où, comme les statistiques enregistrées dans la Centrale des crédits aux particuliers le révèlent, un citoyen sur cent est à présent admis en règlement collectif de dettes ⁴.

    Compte tenu à la fois de l’ampleur prise par le règlement collectif de dettes et de son appropriation par les juridictions du travail, l’idée est venue de le soumettre à un regard pluriel - celui d’un centre public d’action sociale, d’avocats et de juges - dans la perspective de présenter, respectivement, son dispositif légal, lequel a subi d’importantes modifications, les différents enjeux pour les acteurs concernés, les pratiques en vigueur et enfin l’évolution de la jurisprudence.

    De surcroît, dès lors que le règlement collectif de dettes n’est jamais que l’issue ultime, notamment quand la médiation amiable n’a pas abouti, voire même, n’a pas, pour diverses raisons, été entreprise, notre analyse eut à l’évidence été incomplète sans une mise en lumière de ladite médiation amiable.

    Enfin, le propre de la matière du surendettement est de se trouver en lien avec d’autres aspects juridiques, qui relèvent, entre autres, de la protection du consommateur, du droit patrimonial, de l’aide sociale, du régime des sûretés ou encore du droit judiciaire ; diverses contributions abordent également ces questions.

    Quand il s’interroge sur la médiation, Paul Martens livre la conclusion suivante : « Sans doute y aura-t-il des conflits que la bienveillance ne peut aider à résoudre et pour ceux-là, il faudra qu’existe un juge muni d’un glaive pour contraindre à s’incliner ceux qui restent sourds à la concorde. Mais c’est alors le procès qui deviendra le mode alternatif de règlement des litiges. Il retrouvera une vertu qu’il a perdue : la rareté. Et on aurait pu dire des médiateurs qu’au fond ils font le plus vieux métier du monde, mais, malheureusement, la place était déjà prise. »

    Cela laisse assurément augurer un avenir prometteur à la médiation de dettes et en particulier au règlement collectif de dettes !...

    Christophe BEDORET

    Vice-président du Tribunal du travail de Mons et de Charleroi

    Chargé d’enseignement à l’UMons

    1. D. GRAEBER, Dette : 5000 ans d’histoire, Paris, Les liens qui libèrent, 2013, p. 477.

    2. Doc. Parl., Chambre, sess. ord. 1996-1997, nos 1073/1-1074/1, p. 45 ; C.A., 22 juillet 2004, no 139/2004, rôle no 2849 ; C. const., 2 octobre 2008, no 134/2008, rôle no 4301.

    3. J. HUBIN, « Le droit des surendettés à des conditions de vie conformes à la dignité humaine. L’évolution de la protection sociale de la personne », in Liège, Strasbourg, Bruxelles : parcours des droits de l’homme. Liber amicorum Michel Melchior, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2010, pp. 593 et s.

    4. Cf. site internet de la Banque Nationale de Belgique : www.nbb.be.

    5. P. MARTENS, « Tentative de réflexion critique sur la médiation », in Th. MARCHANDISE (dir.), Une autre justice possible ? La médiation dans tous ses états, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 401.

    CHAPITRE 1

    Les services de médiation de dettes et la médiation amiable

    Lucie DEVILLÉ

    Attachée-juriste au C.P.A.S. de Namur

    À l’heure où le décret wallon du 7 juillet 1994 à l’origine des premiers services de médiation de dettes fête ses vingt ans, force est de constater que la médiation de dettes, amiable surtout, judiciaire un peu moins, reste méconnue du grand public. Qualifiée souvent de « regroupement de dettes » ou de « collectif de dettes », voire de « méditation de dettes », par les non-initiés, c’est moins son nom que son contenu qui souffre d’être mal connu, au détriment tantôt de ses bénéficiaires potentiels, tantôt de leurs créanciers, alors récalcitrants.

    Les dispositions légales régissant la matière de la médiation de dettes amiable (entendez donc « non judiciaire ») sont peu nombreuses, les articles de fond, rares et les décisions jurisprudentielles, pratiquement inexistantes. Si l’on peut se réjouir de cette relative discrétion dans les textes, qui laisse fleurir sur le terrain des pratiques et approches presque aussi diverses qu’il y a de services de médiation de dettes, sinon de médiateurs, il faut néanmoins convenir ici du caractère inévitablement subjectif de plusieurs pans de la présentation qui suit.

    Section 1. Des services de médiation de dettes agréés

    En Belgique, la médiation de dettes s’est offert une entrée dans la législation par le biais des crédits à la consommation et, plus précisément, de la loi du 12 juin 1991 ¹, dont l’article 1er, 13°, la définit comme « une prestation de service, à l’exclusion de la conclusion d’un contrat de crédit, en vue de réaliser un aménagement des modalités de paiement de la dette qui découle totalement ou partiellement d’un ou de plusieurs contrats de crédits ».

    L’objectif visé à l’époque par le législateur consistait surtout à protéger le consommateur face à la commercialisation possible de cette activité dans le chef de prétendus conseillers, potentiellement peu scrupuleux. Ceci explique l’introduction dans l’article 67 de la même loi de l’interdiction de principe d’exercer la médiation de dettes, sauf par :

    un avocat ou un officier ministériel (notaire, huissier de justice) ou un mandataire de justice (administrateur de biens) dans l’exercice de sa profession ou de sa fonction ;

    des institutions publiques ou privées qui ont été agréées par l’autorité compétente.

    À défaut de répondre à cette condition, l’exercice de la médiation de dettes au sens précité est donc illicite et sanctionné tant civilement que pénalement par les articles 88 et 101 de la même loi.

    Il serait pourtant bien minimaliste de déduire de ce qui précède que la médiation de dettes consiste à négocier des modalités de remboursement des seules dettes de crédit des particuliers. À cet égard, il suffit de lire les statistiques élaborées par l’Observatoire du crédit et de l’endettement sur la base d’enquêtes réalisées par celui-ci auprès des services de médiation de dettes wallons durant la dernière décennie pour constater la part croissante de l’endettement non lié à du crédit dans le chef des ménages suivis par les services agréés ².

    On retiendra donc que l’article 67 restreint l’accès à la pratique de la médiation de dettes quand au moins une dette de crédit à la consommation vient grever la situation d’endettement du débiteur. Et quand la masse des dettes du ménage ne contient pas de dette de crédit ? La pratique de la médiation de dettes est a priori autorisée sans restriction. Cette possibilité s’avère toutefois bien théorique puisqu’une majorité des situations d’endettement incluent une dette de crédit à la consommation.

    Notons encore que les institutions agréées pour l’exercice de la médiation de dettes amiable sont également autorisées, par les articles 1675/2 et suivants du Code judiciaire, à pratiquer la médiation de dettes judiciaire (autrement dit le règlement collectif de dettes).

    SOUS-SECTION 1. L’AGRÉMENT, UNE COMPÉTENCE DES ENTITÉS FÉDÉRÉES

    Le législateur de 1991 avait laissé le soin aux autorités compétentes d’organiser l’agrément des institutions publiques ou privées pour la pratique de la médiation de dettes. Or, l’aide aux personnes, qui englobe la médiation de dettes, matière dite personnalisable, relève des domaines de compétence attribués aux Communautés par l’article 5 de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 ³. La suite répond à la singularité et à la complexité de notre paysage institutionnel.

    Dès janvier 1994, l’exercice de la compétence est transféré par la Fédération Wallonie-Bruxelles, d’une part, à la Wallonie (autrefois appelée « Région wallonne »), pour les institutions appartenant à la région unilingue de langue française, et, d’autre part, à la Commission communautaire française (Cocof), pour les institutions mono-communautaires francophones de la Région de Bruxelles-Capitale ⁴.

    Après une expérience pilote menée par plusieurs services wallons, la Région wallonne se fait pionnière en la matière en adoptant, le 7 juillet 1994, un décret marquant la naissance des premiers services de médiation de dettes, réglant tant leur agrément que leur subventionnement ⁵.

    En septembre 1996, on dénombre déjà, en Région Wallonne, 78 centres publics d’aide sociale (aujourd’hui dénommés « centres publics d’action sociale », en abrégé « C.P.A.S. ») et 16 associations sans but lucratif agréés en tant que services de médiation de dettes.

    Depuis 2011 ⁶, la matière est régie par le Code wallon de l’action sociale et de la santé (le « CWASS », en abrégé), en son titre IV, dont l’exécution est organisée par le Code réglementaire wallon de l’action sociale et de la santé (ci-après, dénommé le « Code réglementaire ») ⁷.

    Pour les institutions de la région unilingue de langue allemande, la Communauté germanophone a attendu 1996 pour légiférer en la matière, par un décret du 29 avril concernant la médiation et l’apurement de dettes ⁸, qui a connu, depuis, plusieurs modifications, dont la plus récente date de 2013 ⁹.

    Le sort des institutions appartenant à la Région de Bruxelles-Capitale et relevant exclusivement de la Communauté française est, lui, régi par un décret de la Cocof du 18 juillet 1996 organisant l’agrément des institutions pratiquant la médiation de dettes ¹⁰. Celui-ci a toutefois été abrogé et remplacé par le décret relatif à l’offre de services ambulatoires dans les domaines de l’action sociale, de la famille et de la santé du 5 mars 2009 ¹¹.

    À quelques jours du premier décret de la Cocof, la Communauté flamande lui a emboîté le pas en adoptant un décret du Conseil flamand le 24 juillet 1996 ¹² réglant l’agrément et le subventionnement des institutions de médiation de dettes et le subventionnement d’un « Vlaams Centrum Schuldenlast » (Centre flamand de l’endettement). Le décret a été remodelé en 2008 et a donné lieu à plusieurs arrêtés d’exécution, dont le plus récent a été publié en janvier 2014 ¹³.

    Enfin, pour les institutions bicommunautaires appartenant à la Région de Bruxelles-Capitale, une ordonnance a été prise par la Commission communautaire commune le 7 novembre 1996 et suivie d’un arrêté du Collège réuni du 15 octobre 1998 ¹⁴.

    Pour des raisons objectives d’espace et subjectives d’expérience de l’auteure, la suite du présent chapitre ciblera nécessairement la réglementation et les pratiques wallonnes ¹⁵.

    SOUS-SECTION 2. LES CONDITIONS D’AGRÉMENT POUR LA PRATIQUE DE LA MÉDIATION DE DETTES EN WALLONIE

    L’agrément des institutions publiques ou privées wallonnes de médiation de dettes a fait l’objet d’une importante réforme en 2013. Le siège de la matière se situe aujourd’hui dans les articles 118 et suivants du Code wallon de l’action sociale et de la santé ¹⁶, entré en vigueur dans sa mouture actuelle le 1er janvier 2014 et précisé par le Code réglementaire du 4 juillet 2013.

    La compétence en a été attribuée au ministre de l’action sociale et est administrée par la Direction générale opérationnelle des pouvoirs locaux, de l’action sociale et de la santé, communément appelée la D.G.O.5. C’est elle qui gère le contrôle administratif et financier des institutions agréées ¹⁷.

    Depuis 1994, de nombreuses circulaires ministérielles sont venues interpréter et préciser les dispositions décrétales.

    Aujourd’hui, 219 services de médiation de dettes sont agréés en Wallonie, dont 202 services du secteur public (C.P.A.S. et « associations chapitre XII » ¹⁸), les autres appartenant au secteur privé associatif.

    A. Les conditions d’agrément des services de médiation de dettes

    Toutes sont communes aux institutions publiques comme aux institutions privées, hormis deux.

    L’une est précisée à l’article 122 du Code wallon de l’action sociale et de la santé, qui stipule que « [l]es institutions, autres qu’un centre public d’action sociale, ne peuvent être agréées que si elles ne poursuivent pas un but de lucre, disposent de la personnalité juridique et ont notamment pour objet social l’aide aux personnes en difficulté. »

    L’autre l’est à l’article 142 du Code réglementaire, qui exige que la demande d’agrément d’une institution privée atteste l’indépendance de cette dernière vis-à-vis des personnes ou des institutions exerçant une activité de prêteur ou d’intermédiaire de crédit soumise à la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation.

    Pour le reste, le Code énumère des conditions tantôt liées aux compétences du personnel affecté à la médiation de dettes, tantôt relatives aux services proposés au public, tantôt d’ordre administratif, tantôt d’ordre moral. L’agrément qui en résulte est acquis pour une durée indéterminée.

    1. La compétence du personnel affecté à la médiation de dettes

    a. Un travailleur social

    En vertu de l’article 121, alinéa 1er, 1°, du CWASS, les services de médiation de dettes wallons doivent affecter à la médiation de dettes un travailleur social disposant d’une formation spécialisée de 30 heures au moins portant sur six matières : droit des obligations, crédit hypothécaire, crédit à la consommation, contentieux de l’inexécution de la dette et voies d’exécution, aspects méthodologiques de la médiation de dettes, règlement collectif de dettes ¹⁹. Deux semaines au moins après les cours théoriques, une journée doit être consacrée à l’étude pratique de cas.

    Cette formation est sanctionnée par une attestation de suivi, devenue une condition sine qua non pour exercer la médiation de dettes (signature des courriers, contacts avec les créanciers, etc.). Elle est organisée, entre autres, par l’Observatoire du crédit et de l’endettement.

    À noter que la qualification de travailleur social au sens de l’article 121 précité couvre une liste étendue de diplômes : assistant social, bien sûr, mais aussi conseiller social, master en ingénierie et action sociale, gradué ou bachelier en droit, licencié en sociologie, licencié en travail social, master en sociologie, licencié en politique économique et sociale, et d’autres encore. Une formation complémentaire est, en outre, requise pour certains de ces grades académiques, en déontologie ou en guidance budgétaire, selon le cas ²⁰.

    Pour aider le travailleur social dans la réalisation de sa mission de médiateur de dettes, celui-ci peut compter, d’une part, sur la formation continuée, dont l’Observatoire du crédit et de l’endettement s’est également vu confier la charge ²¹, et, d’autre part, sur le soutien méthodologique, dont la réglementation a chargé des centres de référence en médiation de dettes ²².

    À vocation provinciale, ces structures ont pour mission d’offrir une assistance aux services agréés, sur le plan du droit et de la pratique de la médiation de dettes. Elles sont au nombre de quatre actuellement : le Groupement Action Surendettement (GAS), le Groupement d’initiatives pour la lutte contre le surendettement (G.I.L.S.), le Centre de référence de la province du Hainaut (CRéNo), et le Centre de référence de la province de Namur (MEDENAM).

    b. Un juriste, spécialisé et disponible

    Conformément à l’article 121, 1er alinéa, 2°, du CWASS, seules peuvent être agréées les institutions justifiant en outre de l’exécution de prestations juridiques par une personne titulaire du grade académique de licencié en droit ou master en droit, disposant de plus d’une formation spécialisée en médiation de dettes (à la seule exception des juristes ou avocats déjà liés à une institution agréée en date du 1er janvier 2014).

    Son rôle est, depuis 2013, précisé dans la réglementation, indirectement à tout le moins ²³ ; il s’agit d’assister les travailleurs sociaux chargés de la médiation de dettes dans la réalisation des objectifs poursuivis par la législation et au minimum :

    d’assurer l’étude et la proposition de solutions adaptées aux problèmes d’ordre juridique en matière de surendettement ;

    d’assurer l’information des travailleurs sociaux et l’aide dans l’appréhension de la législation et des dispositions réglementaires ; et

    de conseiller et guider les travailleurs sociaux dans les dossiers qu’ils instruisent et de leur apporter tous les éclairages d’ordre juridique et procédural nécessaires.

    La formation spécialisée dont il est question est, comme pour le travailleur social, sanctionnée par une attestation de suivi et relève des missions dévolues à l’Observatoire du crédit et de l’endettement. Elle est exigée de tout juriste exerçant pour un service agréé, qu’il soit lié à celui-ci en qualité de membre du personnel (sous contrat de travail ou sous statut) ou par le biais d’une convention.

    Les contours de celle-ci sont précisés par l’article 140, § 2, du Code réglementaire, qui exige vingt-quatre heures de cours théoriques au moins, portant sur cinq matières prédéfinies : la médiation de dettes dans ses aspects organisationnels, sociaux, économiques et relationnels, les plans de règlement amiables et judiciaires et les problèmes périphériques, le règlement collectif de dettes, le crédit à la consommation et le crédit hypothécaire.

    Cette formation n’était, jusqu’au 31 décembre 2013, pas obligatoire, pourvu que le juriste employé par l’institution agréée ou ayant une convention avec celle-ci puisse justifier d’une expérience professionnelle de trois ans. On peut lire, dans la circulaire du 11 juin 2013, que cette exigence de formation de base est apparue indispensable pour garantir une certaine connaissance technique des matières, s’agissant de questions juridiques complexes ²⁴. Reste qu’arriver à donner un contenu à une formation théorique de 24 h dont les acquis peuvent supplanter trois ans d’expérience professionnelle nous paraît constituer un vrai défi.

    En outre, l’arrêté du Gouvernement wallon du 2 mai 2013 est venu préciser les conditions minimales de travail attendues du juriste en proposant un modèle de convention de prestations juridiques ²⁵.

    Celui-ci prévoit notamment une présence effective du juriste de minimum trois heures par mois dans les locaux du service, ainsi que la présentation systématique de chaque nouveau dossier au juriste sous la forme, à tout le moins, d’un récapitulatif des dettes, pour visa et, le cas échéant, pour examen juridique.

    Les services de médiation de dettes agréés au 1er janvier 2014 doivent se plier à ces nouvelles conditions au plus tard le 1er janvier 2017.

    L’énonciation de ces modalités dans la réglementation est de toute évidence liée au constat d’un déséquilibre fréquent entre les besoins criants d’appui juridique de certains services agréés et le degré d’intervention de leur juriste conventionné ²⁶.

    La question se pose de savoir si les exigences minimales requises que doit remplir le juriste conventionné sont transposables au juriste engagé dans le cadre d’un contrat de travail ou sous statut avec l’institution agréée, l’exigence du visa, notamment, amenant la question de sa faisabilité au vu de nombre de dossiers gérés par certains services, autant que celle des conséquences de celui-ci en termes de responsabilité individuelle.

    Même si cette question n’a pas encore été tranchée dans le texte, l’objectif poursuivi par l’autorité régionale appelle a priori bien une réponse positive. Il serait peu cohérent, en outre, d’attendre de l’intervention d’un juriste conventionné plus que de celle d’un juriste engagé pour remplir la même mission.

    Précisons enfin que la réglementation prévoit en seconde ligne, ici aussi, une mission d’aide technique à charge des centres de référence pour les questions juridiques plus complexes ou relatives à des dossiers de médiation judiciaire de dettes ²⁷.

    c. Et un psychologue ?

    Si la réglementation analysée ci-avant permet aisément de déduire l’importance de la corrélation entre la dimension sociale et la dimension juridique du traitement du surendettement, aucune exigence n’a trait, à ce jour, à sa composante psychologique particulière. Sur le terrain pourtant, diverses initiatives (groupes de paroles, coaching individuel, etc.) témoignent de la nécessité d’aborder la matière aussi sous l’angle psychologique ²⁸.

    Sans nier l’offre de formation continuée proposée au médiateur de dettes wallon à cet égard, l’intervention d’un psychologue à ses côtés pour le superviser et/ou (re)mobiliser la personne aidée prend tout son sens. Reste qu’en faire une condition supplémentaire d’agrément serait, dans leurs conditions actuelles, financièrement insupportable pour les institutions agréées.

    2. Les services proposés au public

    a. La médiation amiable et la médiation judiciaire de dettes

    Pour être agréées, les institutions doivent s’engager à proposer la médiation de dettes amiable et, le cas échéant, la médiation judiciaire de dettes en cas de désignation par le tribunal du travail ²⁹.

    Jusqu’à l’adoption du décret du 31 janvier 2013, l’approche du règlement collectif de dettes variait d’un service agréé à l’autre. Selon leurs moyens, ils proposaient tantôt l’orientation uniquement vers un avocat ou un autre service agréé, tantôt leur aide à la rédaction d’une requête en règlement collectif de dettes, tantôt leur propre désignation comme médiateur judiciaire par le tribunal du travail. L’article 121 du CWASS impose désormais à tous de s’engager à suivre les dossiers de règlement collectif de dettes à la demande du requérant ou à l’initiative du tribunal du travail.

    La circulaire du 11 juin 2013, précitée, renseigne toutefois la possibilité pour les services agréés de devenir conventionnés pour répondre à cette exigence, qui n’est, par ailleurs, applicable qu’à dater de 2017.

    Une autre circulaire, parue le 21 février 2014 ³⁰, a également nuancé les choses, en admettant que des raisons objectives et légitimes peuvent justifier qu’un service agréé décline une proposition de désignation par le juge, comme l’incompétence territoriale pour un C.P.A.S., l’existence d’un litige ou d’une créance vis-à-vis du médié ou un cas complexe à renvoyer plutôt vers un centre de référence. Le manque de moyens pourrait-il être une de ces raisons ? Le contenu de la circulaire ne permet guère d’y compter, précisant que le passage en règlement collectif de dettes d’un dossier de médiation de dettes amiable ne modifie pas le nombre de dossiers pris en charge par l’institution…

    L’objectif visé par cette exigence est précisé dans les deux circulaires citées : assurer une continuité dans le suivi du bénéficiaire, en invitant les services qui ont pratiqué une médiation amiable à continuer celle-ci sous couvert du règlement collectif de dettes.

    b. La guidance budgétaire

    Le décret du 31 janvier 2013 prévoit que l’agrément en tant que service de médiation de dettes nécessite désormais aussi de pouvoir proposer une guidance budgétaire librement consentie, dans une optique d’autonomisation de la personne ³¹.

    La notion de guidance budgétaire n’a pas été autrement précisée par le décret, mais bien par la circulaire de juin 2013, qui se réfère à la définition aujourd’hui communément admise dans le secteur social ³², en précisant d’emblée que l’objet exact de la guidance et sa durée sont malléables et dépendent de la situation de la personne, pouvant aller d’une simple aide à une véritable cogestion.

    Malgré le fait qu’il dispose du personnel qualifié nécessaire pour assumer la guidance, le service agréé n’est pas tenu d’organiser celle-ci lui-même, puisqu’il est autorisé à passer une convention avec une autre institution (publique ou privée sans but de lucre). Son obligation se limite donc à pouvoir proposer la guidance au seul médié dont il assure le suivi. L’objectif visé est de fournir un complément à la médiation de dettes, qui s’avère parfois nécessaire au rétablissement de la personne.

    Les services de médiation de dettes agréés au 1er janvier 2014 ont de nouveau trois ans pour se conformer à cette obligation d’offrir la possibilité d’une guidance budgétaire.

    c. Avec quels moyens ?

    Depuis 2007 déjà, les institutions privées et publiques de médiation de dettes agréées (autres qu’un C.P.A.S. ou une association de C.P.A.S.) ³³ ne peuvent réclamer aucune rétribution ni indemnité, sous quelque dénomination que ce soit ³⁴.

    À leur demande, elles peuvent bénéficier toutes, mais sur une base de calcul différente selon qu’elles sont privées ou publiques, d’une subvention wallonne au titre d’intervention dans les frais de personnel et de fonctionnement ³⁵. Concrètement, cette subvention ne permet toutefois pas de couvrir l’ensemble des frais liés à l’exercice de la médiation de dettes classique.

    La double contrainte nouvelle de devoir proposer la médiation de dettes judiciaire et la guidance budgétaire pose donc la question de sa faisabilité au regard des moyens. Si les objectifs visés sont certes louables, ils se heurtent bien aux difficultés financières préexistantes de bon nombre d’institutions agréées, confrontées souvent déjà à une écrasante charge de travail, qu’il serait réducteur d’apprécier au regard du seul critère du nombre de dossiers traités ³⁶.

    La rigueur technique autant qu’administrative et la complexité inhérente à la gestion d’un dossier de médiation judiciaire sont incontestablement plus lourdes que celles dans un cadre amiable. Et les émoluments autorisés par le Code judiciaire ne suffisent pas à couvrir cette charge supplémentaire.

    Quant à la mise en place d’une guidance budgétaire intensive, la réglementation de 2013 n’a pas prévu de la subsidier. Il s’agit donc, pour les services agréés, de faire plus avec les mêmes moyens.

    Aussi, sous l’angle des moyens humains, cette double contrainte pose une question d’opportunité puisqu’elle implique qu’un médiateur amiable, qui œuvre parfois seul dans un service, prenne, à l’égard d’un même médié, une autre casquette de médiateur judiciaire ou celle de cogestionnaire de compte. L’expérience a souvent montré pourtant que le professionnel comme le bénéficiaire risquent bel et bien dans ces dossiers d’y perdre la tête ³⁷.

    À terme, le risque paraît donc bien réel que ces exigences supplémentaires s’avèrent contre-productives par rapport à la finalité de continuité et de qualité des services.

    3. Une fiche de suivi standardisée par dossier

    Conformément à l’article 121, 1er alinéa, 4°, du CWASS, tel que modifié en janvier 2013, pour être agréée, l’institution doit s’engager à créer et tenir à jour une fiche de suivi standardisée par dossier, où elle consigne au moins ses interventions, les dates de celles-ci ainsi que la liste des créanciers.

    Cette condition avait fait l’objet d’instructions précises en 2001 déjà ³⁸. Comme le rappelle la circulaire du 11 juin 2013, elle vise essentiellement à permettre au service d’inspection de comptabiliser le nombre de dossiers traités pour le calcul de la subvention et de s’assurer de la qualité de la médiation de dettes pratiquée.

    4. L’honorabilité et le désintéressement

    Enfin, il reste à citer la condition fixée à l’article 123 du CWASS : « Le Ministre qui a l’Action sociale dans ses attributions peut, nonobstant le respect des conditions visées ci-avant, refuser l’agrément :

    1°aux institutions, lorsqu’il est établi un manque d’honorabilité ou de désintéressement dans leur chef, ou dans celui d’un de leurs organes, mandataires ou préposés ;

    2°aux institutions au sein desquelles les fonctions de président, d’administrateur, de directeur ou de mandataire sont confiées à une personne non réhabilitée ayant encouru une peine d’emprisonnement d’au moins un mois, même avec sursis, pour une infraction prévue à l’arrêté royal no 22 du 24 octobre 1934 portant interdiction à certains condamnés et aux faillis d’exercer certaines fonctions, professions ou activités et conférant aux tribunaux de commerce la faculté de prononcer de telles interdictions ;

    3°aux institutions ne jouissant pas d’une indépendance suffisante vis-à-vis des personnes ou institutions exerçant une activité de prêteur ou d’intermédiaire de crédit soumise à la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation. »

    B. Le cas particulier des centres de référence

    Comme nous l’avons évoqué plus haut, la réglementation a prévu la possibilité pour le Gouvernement wallon de reconnaître des centres de référence en médiation de dettes.

    Les centres de référence ne sont pas agréés comme services de médiation de dettes (à l’exception du centre de référence de la province de Luxembourg, le GAS), mais peuvent, le cas échéant, prendre en charge des dossiers (ouverts au sein d’un service de médiation de dettes agréé) en raison du niveau de difficulté qu’ils présentent. Une circulaire du 15 juillet 2010 ³⁹ est venue préciser les limites de cette prise en charge exceptionnelle sur la base d’une sollicitation d’un service de médiation de dettes agréé.

    Les cas visés sont constitués de dossiers dans lesquels le patrimoine du requérant est très important et peut imposer la réalisation éventuelle d’une partie de l’actif, de ceux concernant des anciens commerçants ou des faillis, ou de ceux de médiés exerçant une profession libérale. Pour ces dossiers, les centres de référence sont donc bien susceptibles de pratiquer directement une médiation de dettes.

    Ces structures répondent en réalité à des conditions d’agrément qui leur sont propres et qui sont précisées à l’article 128, § 2, du CWASS. Elles doivent :

    être créées par au moins huit centres publics d’action sociale, sur la base des dispositions du chapitre XII de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale ;

    disposer d’un travailleur social affecté à plein temps à la médiation de dettes, ayant suivi une formation spécialisée de 30 heures au moins en cette matière et justifiant de cinq années d’expérience professionnelle en matière de travail social ; et

    disposer à temps plein d’un titulaire d’un grade académique de licencié en droit ou de master en droit disposant d’une formation spécialisée en médiation de dettes telle que visée à l’article 121, 2°. Une dérogation personnelle est toutefois possible pour les juristes ou avocats liés à une institution agréée ou un centre de référence par contrat de travail, par statut ou par convention au 1er janvier 2014.

    Section 2. Médiation de dettes amiable vs guidance et gestion budgétaire

    SOUS-SECTION 1. TENTATIVE DE DÉFINITION

    La réglementation entourant les crédits à la consommation et l’agrément des services autorise à définir la médiation de dettes amiable comme la prestation de services, à l’exclusion de la conclusion d’un contrat de crédit, en vue de réaliser un aménagement des modalités de paiement des dettes d’un particulier, que celles-ci découlent ou non d’un contrat de crédit.

    La finalité de la médiation de dettes est double : assurer au demandeur des conditions de vie dignes et rembourser les dettes au maximum de ses capacités.

    Autrement dit, le médiateur de dettes est en charge d’une mission d’aide individuelle aux personnes surendettées qui implique de réaliser plusieurs tâches :

    analyser la situation budgétaire du ménage du demandeur et sa situation patrimoniale ;

    analyser sa situation d’endettement (récapitulatif des dettes, examen de leur légalité) et les causes de celle-ci ;

    informer, conseiller et orienter le demandeur ;

    établir, si possible, un plan d’apurement des dettes et, a priori, le négocier avec les créanciers ;

    suivre l’exécution de celui-ci et le réviser quand nécessaire ;

    proposer, si besoin, au médié une guidance ou une gestion budgétaire avec une visée d’autonomisation.

    Les notions de guidance et de gestion budgétaire ne connaissent pas de définition précise dans les textes légaux. Dans la pratique, elles ont différents vocables, aux contours incertains : comptes gérés, comptes cogérés, guidance éducative budgétaire, guidance simple, partielle ou stricte… pour ne citer que ceux-là. Il convient donc en cette matière de rester prudent dans l’usage des termes et, le cas échéant, de préciser le contenu qu’on souhaite leur donner.

    Une acception commune est aujourd’hui admise, à tout le moins concernant la notion de guidance budgétaire, issue d’une réflexion menée à l’initiative du Centre d’appui aux services de médiation de dettes de la Région de Bruxelles-Capitale :

    « Il s’agit d’une forme d’aide sociale qui a pour objectif d’aider une personne éprouvant des difficultés récurrentes de gestion à accroître la maîtrise de son budget. Elle vise à améliorer les conditions de vie et le bien-être du demandeur et à éviter une précarisation de sa situation, à redresser et stabiliser sa situation financière. La notion de guidance budgétaire englobe un ensemble de techniques de travail tantôt individuelles (constitution d’un budget, supervision des paiements mensuels, suivi d’un budget, assistance administrative, compte cogéré, etc.) tantôt collectives (groupes de paroles, développement de projets communautaires, etc.). » ⁴⁰

    La gestion budgétaire est, au regard de cette définition, une forme particulière de guidance budgétaire, essentiellement technique, qui consiste à réaliser tout ou partie des opérations financières de la personne aidée (enregistrement de ses recettes, exécution du paiement de ses charges et/ou dettes) en ses lieu et place ⁴¹.

    Elle doit garder une portée éducative et viser, à terme, à soutenir et responsabiliser la personne afin qu’elle retrouve son autonomie, ce qui implique un accompagnement adapté et évolutif.

    À défaut de visée éducative possible, il importe de s’interroger sur la capacité juridique de la personne, autant que sur l’opportunité de faire appel au régime de protection des personnes fragilisées, instauré par la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité ⁴².

    SOUS-SECTION 2. LEURS POINTS COMMUNS

    Quelles qu’en soient les déclinaisons, la médiation de dettes comme la guidance budgétaire ont une finalité partagée de redressement de la situation financière de la personne.

    Dans sa forme la plus élémentaire d’élaboration et de suivi du budget du bénéficiaire, la guidance budgétaire fait, à notre sens, partie intégrante de la médiation de dettes amiable. Elle constitue l’aspect pédagogique du travail du médiateur et lui donne une dimension préventive.

    La médiation de dettes et la guidance budgétaire répondent à la qualification d’aide sociale au sens de l’article 60, § 4, de la loi du 8 juillet 1976 organique des C.P.A.S., qui charge ceux-ci d’« assurer, en respectant le libre choix de l’intéressé, la guidance psychosociale, morale ou éducative nécessaire à la personne aidée pour lui permettre de vaincre elle-même progressivement ses difficultés » ⁴³. Il en résulte que le C.P.A.S. a pour obligation, si l’analyse de la situation du demandeur le requiert, de lui proposer une aide sous forme de guidance budgétaire et/ou de médiation de dettes, qu’il réalise lui-même ou qu’il confie à des partenaires publics ou privés avec lesquels il collabore ⁴⁴.

    Par ailleurs, il n’est pas rare de voir un C.P.A.S. imposer à un demandeur d’aide la guidance budgétaire, voire la gestion budgétaire, ou une médiation de dettes comme condition à l’octroi d’une aide financière. Cette pratique courante, aux multiples finalités possibles (récupération d’une créance, visée éducative, soupape de sécurité, redressement d’une situation financière, etc.) ⁴⁵, suscite néanmoins le débat.

    Si les décisions d’aide conditionnées par une guidance budgétaire ou par une médiation de dettes ont une portée relativement limitée, puisqu’elles dépendront in fine toujours de l’adhésion de la personne à des modalités de mise en œuvre qu’elle reste libre de refuser, celles conditionnées par une gestion budgétaire posent question.

    L’intrusion dans la vie privée du demandeur d’aide lors de la gestion budgétaire paraît effectivement peu admissible, même dans le cadre d’un « chantage constructif » ⁴⁶ : conditionner a priori l’octroi d’une aide sociale à l’obligation pour le demandeur de verser tous ses revenus sur un compte géré par un agent du C.P.A.S. est, aux yeux de certains, constitutif d’une ingérence abusive et illégale de l’autorité publique ⁴⁷.

    S’il n’y a pas unanimité quant au caractère impérativement volontaire de la mise en œuvre de la guidance budgétaire ou de la médiation de dettes comme on vient de le voir, il reste admis par tous que ces mesures n’ont de chance d’atteindre leur objectif que si la personne aidée y collabore effectivement.

    SOUS-SECTION 3. LEURS DIVERGENCES

    Si la médiation de dettes peut être complétée par une forme avancée de guidance budgétaire, cette dernière peut, quant à elle, aussi être accomplie dans des situations non grevées de dettes, comme, par exemple, dans le cas d’un demandeur à la tête d’une famille monoparentale composée d’adolescents auxquels il ne parvient plus à refuser les demandes inconsidérées d’argent de poche ou dans celui d’une personne victime d’achats compulsifs dont les revenus viennent brutalement de chuter.

    Aussi, alors que le travail de médiation de dettes implique par essence une relation tripartite (médiateur, médié, créanciers) dans laquelle le médiateur de dettes se définit comme intermédiaire, la pratique de la guidance budgétaire relève avant tout d’une histoire à deux (travailleur social et bénéficiaire).

    Les moyens mis en œuvre pour atteindre l’objectif de redressement de la situation financière de la personne sont donc différents. Dans le cas de la médiation de dettes, on l’a vu, le travail aboutira à la négociation d’un plan d’apurement ou d’une solution devant, en tout cas, rencontrer l’intérêt des créanciers, que le médiateur contacte avec l’accord et selon des modalités déterminées par le mandat reçu du médié.

    Dans le cadre de la guidance budgétaire, par contre, le travailleur social s’attachera à :

    analyser la situation sociale, administrative et financière du demandeur ;

    élaborer, le cas échéant, un programme éducatif adapté ;

    accompagner la personne vers l’autonomie dans ses démarches et la maîtrise de son budget.

    Son intervention est ici centrée sur l’intérêt du bénéficiaire et sur son évolution personnelle. Il n’a a priori pas de mandat lui permettant de contacter les tiers.

    Aussi, dans sa forme la plus poussée (gestion budgétaire), la pratique de la guidance budgétaire doit répondre, en Wallonie à tout le moins, à des mesures spécifiques de prévention des détournements, suggérées aux C.P.A.S. par deux circulaires ministérielles, de 2006 et 2007 ⁴⁸.

    À cet égard, dans la mesure où les associations privées agréées comme services de médiation de dettes doivent aussi proposer une guidance budgétaire et recourent, de ce fait, parfois elles-mêmes à la pratique de la gestion budgétaire, l’autorité wallonne attend d’elles également la mise en place de procédures de contrôle similaires à celles préconisées par les deux circulaires précitées ⁴⁹.

    SOUS-SECTION 4. LEUR (IN)COMPATIBILITÉ DANS LE CHEF D’UN SEUL ET MÊME PROFESSIONNEL ?

    Cette question peut être abordée au départ de la loi du 4 septembre 2002, qui renforce la mission de guidance prévue à l’article 60, § 4, précité, de la loi organique des C.P.A.S. dans le cadre de la fourniture d’énergie aux personnes les plus démunies ⁵⁰ et qui semble amener une certaine confusion entre la guidance budgétaire et la médiation de dettes.

    En effet, en présence de personnes rencontrant des difficultés pour payer leurs factures de gaz et/ou d’électricité, cette loi impose aux C.P.A.S. de leur accorder un accompagnement particulier, qui implique, précise l’article 2, 1°, d’intercéder auprès des créanciers pour négocier un plan d’apurement des factures impayées et de mettre en place une guidance budgétaire.

    La guidance budgétaire ainsi entendue inclurait donc la négociation de plans de paiement des dettes. Cette tâche ne relève-t-elle pas de la compétence exclusive d’un médiateur de dettes agréé ?

    La première réponse possible à cette question est d’ordre théorique. Comme nous l’avons vu plus haut, l’exercice de la médiation de dettes n’est réservé à des acteurs autorisés que pour les cas d’endettement incluant au moins une dette trouvant son origine dans un contrat de crédit à la consommation. Les situations d’endettement non liées à un crédit ne sont donc pas visées par l’interdiction de principe prévue à l’article 67 de la loi de 1991 précitée.

    La seconde réponse est, quant à elle, pragmatique. La loi du 4 septembre 2002 impose bel et bien aux C.P.A.S. de négocier des plans de paiement des dettes énergétiques dans les cas qu’elle vise, sans distinction selon que ces centres disposent ou non d’un agrément en qualité de médiateurs de dettes.

    Dans la mesure où la médiation de dettes fait appel à des compétences techniques et juridiques particulières, il est pourtant impératif que le travailleur social, confronté à une situation d’endettement (énergétique et/ou autre) qu’il juge problématique ⁵¹, puisse relayer ses interrogations auprès d’un médiateur de dettes pour apporter une réponse cohérente et complète à la situation.

    Est-ce à dire que la mission de guidance budgétaire dévolue au C.P.A.S. par la loi du 4 septembre 2002 doit, dans ce cas, être assumée par

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