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Démon de sang - Tome 3: Le monde des oubliés
Démon de sang - Tome 3: Le monde des oubliés
Démon de sang - Tome 3: Le monde des oubliés
Livre électronique345 pages4 heures

Démon de sang - Tome 3: Le monde des oubliés

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À propos de ce livre électronique

Bazil s'apprête à découvrir que sa route est truffée de mauvaises surprises... Parviendra-t-il à accomplir sa mission, cette fois-ci ? Et surtout, en sortira-t-il indemne ?

De mission en mission, d'ancienne allégeance en nouvelle faction, Bazil a su couronner de succès chaque mission donnée par le Joker. Mais, alors que les victoires s'enchaînent et que le Cercle d'Espoir dévoile son véritable visage bien cruel, ce dernier s'avère être un ennemi bien plus capable que Bazil ou Elyana ne l'auraient imaginé. Quelques mots anodins d'un passant, une question un peu sotte... Il ne fallut guère plus pour envoyer Bazil loin de la Baie des Fermiers dans un monde étrange.
Le Monde des Oubliés, au beau milieu de l’indéchiffrable Outre-Monde, constitué d'îles paradisiaques flottant dans le ciel, n'est autre qu'une gigantesque prison où les règles ne sont pas écrites et dont la porte de sortie n'existe peut-être pas.

Voici enfin le troisième tome de la saga fantasy Démon de sang. Plongez-y si vous l'osez !

EXTRAIT

Les abeilles, occupées à leur tâche quotidienne, allaient de fleur en fleur. Leur travail méticuleux remplissait l’air de ce bourdonnement agréable, celui du calme, de la vie. Rien ne pouvait déranger leur routine. Rien ne pouvait empêcher l’espèce d’accomplir son devoir. La pollinisation continuait, et continuerait ainsi, sur ces îles où l’été ne s’achevait que pour devenir printemps et revenir baigner la végétation luxuriante de ses beaux rayons.
C’est sur une de ces îles, immense rocher flottant dans les airs, qu’un homme restait sans bouger. Allait-il prendre racine ? Le voulait-il ? Il ne savait même plus. Était-il choqué, déçu ou triste ? Il était perdu. Autant entre ses émotions que dans le temps ou dans l’espace. Qu’avait-il bien fait pour en arriver là ? Où était donc ce « là » et qu’y aurait-il donc à y faire pour en revenir ? Lui qui avait pendant longtemps aspiré à la paix ne semblait l’avoir obtenue que lorsqu’il n’en voulait plus. Quand cette paix et ce calme ne constituaient plus qu’une chose : son absence. Nifel, Elyana, Anthor, Scratch ou même le burlesque Joker. Tant de noms qui essaieront peut-être de le retrouver, mais où ?! Comment pouvait-il répondre à leur éventuel appel s’il ne savait même pas lui-même où il était... Tant de noms dont il pourrait bien ne plus jamais entendre parler. Lui. Bazil.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Je suis Anton Gauthier. Né en 1994, j'ai touché à de nombreux domaines de la musique (piano classique mais pas que) aux sciences avant de me plonger dans la restauration. Je suis aujourd'hui manager d'un café restaurant à Londres. L'écriture m'est venue comme une simple idée, une "blague" qui a part la suite muté en rêve et qui se réalise depuis 2016. J'écris soit la nuit, soit dans un environnement bourdonnant de type "café" ou "pub".
Si j'ai déjà deux tomes de publié je ne m'arrête pas là car un troisième arrive ainsi que la traduction en anglais du premier tome.
LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie19 févr. 2020
ISBN9791023614176
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    Aperçu du livre

    Démon de sang - Tome 3 - Anton Gauthier

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    Anton Gauthier

    Le démon de sang

    Livre 3 : Le Monde des Oubliés

    Ce n’est que lorsqu’on n’est personne,oublié au milieu de nulle part,que l’on se rend compte de ce que c’est d’être quelqu’un.

    Chapitre 1 : Au beau milieu de nulle part

    Les abeilles, occupées à leur tâche quotidienne, allaient de fleur en fleur. Leur travail méticuleux remplissait l’air de ce bourdonnement agréable, celui du calme, de la vie. Rien ne pouvait déranger leur routine. Rien ne pouvait empêcher l’espèce d’accomplir son devoir. La pollinisation continuait, et continuerait ainsi, sur ces îles où l’été ne s’achevait que pour devenir printemps et revenir baigner la végétation luxuriante de ses beaux rayons.

    C’est sur une de ces îles, immense rocher flottant dans les airs, qu’un homme restait sans bouger. Allait-il prendre racine ? Le voulait-il ? Il ne savait même plus. Était-il choqué, déçu ou triste ? Il était perdu. Autant entre ses émotions que dans le temps ou dans l’espace. Qu’avait-il bien fait pour en arriver là ? Où était donc ce « là » et qu’y aurait-il donc à y faire pour en revenir ? Lui qui avait pendant longtemps aspiré à la paix ne semblait l’avoir obtenue que lorsqu’il n’en voulait plus. Quand cette paix et ce calme ne constituaient plus qu’une chose : son absence. Nifel, Elyana, Anthor, Scratch ou même le burlesque Joker. Tant de noms qui essaieront peut-être de le retrouver, mais où ?! Comment pouvait-il répondre à leur éventuel appel s’il ne savait même pas lui-même où il était... Tant de noms dont il pourrait bien ne plus jamais entendre parler. Lui. Bazil.

    ELLE lui restait, toujours fidèle, seconde conscience dans sa tête. Restait-ELLE muette devant sa bêtise d’avoir été ainsi berné ? Bazil affuta ses sens magiques. Tout un chacun pouvait faire des erreurs… non ? La pensée et la magie ne sont habituellement cloisonnées que par l’énergie et l’imagination du manieur. Se heurter à un « mur » n’est ni commun, ni explicable. Pourtant il n’y avait rien d’autre qu’une vague présence dont l’ombre était visible derrière une paroi opaque. ELLE ne voulait pas lui répondre, pour l’instant ELLE lui tournait son dos austère.

    Il avança un pied hésitant sur l’herbe. Combien de temps lui faudra-t-il pour rentrer cette fois ? Les siens se rappelleront-ils alors de lui ? Jusqu’où pousseront-ils la quête de le trouver avant de se rendre compte de leur incapacité à la mener à bien ? Un passeur répond de cette appellation, car il voyage entre les mondes et les plans, et non parce qu’il se téléporte dans la rue voisine… Seront-ils tristes de son absence comme il l’était déjà de la leur, ou ne sera-t-il qu’un de ces camarades parmi d’autres, mort sur l’Incendiaire ? Le parallèle le frappa soudain à lui couper le souffle, comme un coup d’estoc en plein torse. Tous ces gens, toutes ces personnalités, toutes ces vies effacées par une simple flèche, par un simple mouvement d’épée. Pouvait-il se rappeler leurs histoires à tous ? Pourquoi les survivants devraient-ils le faire pour lui ? Après tout, qu’était-il de plus qu’un pion sur le grand échiquier de la guerre… ? À ce détail près que lui n’était pas mort.

    Il fit alors un deuxième pas. Quelle était la source de sa force ? D’où venait cette énergie qui le faisait avancer, courir toujours plus loin ? Ne l’avait-on pas envoyé ici pour l’arrêter ? Quel que soit cet « ici », à quoi bon user son énergie à se mouvoir quand on peut juste s’allonger et prétendre qu’on est une fleur. Le soleil le chaufferait, il pourrait enfin relâcher ses muscles si tendus d’habitude. Mais les abeilles s’y méprendront-elles ? Peu probable. Il prit une inspiration tandis qu’une réponse lui venait. S’il mettait chaque jour un pied devant l’autre plutôt que tenter de devenir un végétal – en plus de son aveugle confiance en ELLE et en ses desseins pour lui – c’était parce que le futur l’intéressait et qu’il voulait donner définitivement tort à ceux qui s’acharnaient contre lui. Parce qu’il était dans l’expectative, aussi : s’il avançait, l’herbe se transformerait en pavage, les abeilles en individus. Un peu comme leurs innombrables et tant appréciées entrées dans le port de Saline, pensa-t-il et ce nom le fit souffrir. Saline. Chez lui… l’était-ce encore ? Le serait-ce de nouveau un jour ?

    Bazil se mit donc en marche, un vain espoir figé au fond de son crâne. Celui de trouver un chemin et, de choix en doutes, d’épreuves en solutions, de souffrances en libérations, rentrer un jour chez soi. Peu importe que cela prenne des jours ou des mois, une seule chose importait : persévérer ! Il y avait toujours cru et cela lui avait toujours réussi, ce n’était qu’une fois de plus. ELLE reviendrait l’aider bientôt, une fois sa bouderie achevée.

    Bazil observa ce qui l’entourait. Pas une trace de civilisation quelconque, ni présente ni passée. Pas même celui d’un simple passage. Qu’à cela ne tienne ! Il lui faudrait donc des provisions et de l’eau. Sa première étape allait se trouver justement derrière cette colline.

    Une eau transparente coulait tranquillement sur de gros rochers plats, son débit accélérant furtivement lorsqu’elle se déversait là où des poissons multicolores mâchonnaient de petites mousses. Les mots du passeur lui revinrent tandis qu’il vidait sa gourde pour la rincer. « Tu veux aller au paradis ? », il avait sottement répondu oui… Le bougre n’avait pas menti et Bazil comprenait maintenant toute l’étendue de cette question à première vue anodine. Sans le prévenir, le passeur n’avait eu besoin que de son acquiescement pour le téléporter. S’il avait répondu non, il serait actuellement à l’Auberge du Temple en compagnie d’Elyana et son amie Saline. Et puis, qu’est-ce que ces deux-là mijotaient pour l’appeler dans un endroit aussi neutre et passant que cette auberge ? Il n’aurait pas sa réponse aujourd’hui… Bazil cracha sur le sol. Le passeur devait avoir recouru à ce simple subterfuge de nombreuses fois. Imparable. Comment soupçonner un simple quidam d’apparence de vouloir l’exiler au milieu de nulle part ? Ou pire encore, que la Reine Zigra en personne missionnerait un passeur afin de renforcer les troupes de Garh de la Tour. Au juste, quelle idée saugrenue ! Le Cercle d’Espoir était bourré d’espions et d’informateurs : ne pouvaient-ils pas voir que Bazil n’avait tué aucun pion majeur ? Qu’exiler le Joker ou Elyana aurait eu bien plus de sens ? Maintenant qu’il y pensait : serait-il le seul à subir ce traitement ? Ou se pourrait-il que dans les heures, les jours qui suivraient d’autres arriveraient au même endroit en se maudissant de ne pas avoir fait assez attention ? Bazil se remit en marche. Non, Elyana et le Joker étaient bien trop conscients des pouvoirs de leurs ennemis et des dangers qu’ils encouraient pour se faire attraper aussi sottement. De plus, rien ne laissait supputer qu’ils arriveraient au même endroit que lui. Autant attendre la pluie au milieu du Grand Désert.

    Au moins, trouver de la nourriture ne devrait pas poser de problème. De grosses baies pendaient de ces arbustes communs dans le monde entier. Leur présence rassura un peu Bazil. Si les baies à pain n’étaient pas particulièrement bonnes, elles restaient le pain quotidien de voyage des plus chanceux. C’était d’ailleurs de là que venait leur nom, car leur goût n’avait rien avoir avec celui des céréales. Ces fruits étonnants arrivaient à combler les besoins nutritifs journaliers de nombreuses races conscientes comme animales. Si un orc avait besoin d’un apport en protéine supplémentaire, un humain comme Bazil pouvait s’en nourrir pendant des semaines, voire des mois sans carence. Ses récentes trouvailles lui donnaient du baume au cœur. Il aurait pu atterrir dans un Outre-Monde bien plus cruel. Être en dehors des limites du monde connu lui était apparu comme une évidence. « Le Monde des Oubliés » ne pouvait pas être un endroit connu et répertorié.

    Le calme de la plaine qui l’entourait se tinta de noir. L’Outre-Monde était et serait toujours un endroit dangereux : avancer sans être armé était une ineptie. Bazil invoqua donc son arme… Sans succès. Pris au dépourvu, il scruta sa main sans voir ce qui pouvait avoir empêché l’invocation. Sa peau était un peu tannée et des restes de cloques rappelaient son récent service sur l’Incendiaire. Rien d’anormal. Il réessaya en se concentrant sur ses veines et sa magie. Lui jouait-ELLE un mauvais tour ? Ce n’était pas drôle. Bazil toucha cette nouvelle paroi dans son esprit, il voulut s’y accoler et hurler pour qu’ELLE lui réponde. Rien. Il n’en restait rien, pas même cette présence floutée. Une larme coula sur sa joue et ses lèvres se mirent à trembler. Si ses veines et son sang étaient toujours présents, sa magie, elle, avait disparu. Bazil se frotta les tempes et s’épongea les yeux. Comment était-ce possible ? Impensable… et pourtant si réel.

    Le cœur au bord des lèvres, Bazil se mit à courir. Était-il dans un cauchemar et non dans la réalité ? Comment ELLE avait-elle pu disparaître ? Il hurlait son nom en essayant de se recentrer sur sa situation, seul, désarmé dans un Outre-Monde bien trop calme pour être sans danger. Se pouvait-il que ces îles flottent loin au-dessus du monde connu ? Bazil zigzaguait, des larmes obstruant sa vision. Ou bien, au contraire, que ce ne soit pas si haut ? Les Îles Oranges ou la Cité Blanche ressemblaient à ces rochers sur lesquels il marchait. Certaines îles étaient si basses qu’on pouvait en sauter à condition d’atterrir dans des eaux assez profondes et… d’avoir de la chance. C’était possible, ses souvenirs volés en attestaient !

    Mais en approchant plus du bord, Bazil abandonna cette idée. Une migraine lui vint et il s’agenouilla devant le précipice. Impuissant. Seul comme il ne l’avait jamais été. Si un sol se trouvait quelque part en dessous, il ne le voyait même pas. Un lit de nuages blancs comme du coton s’étendait à perte de vue des lieues plus bas. Magnifique tableau, unique dans le monde connu, que ce précipice longeant la forêt de Baônes d’un dénivelé d’une dizaine de lieues. La chute serait la mort avant même l’amerrissage potentiel. Baônes… Lannée… Le souvenir de la petite elfe revint sans crier gare, déchirant le peu d’espoir qu’il lui restait. Quel futur l’attendait sans lui ? Elyana veillerait-elle sur la fillette ? Sowen arriverait-il à la protéger contre le Cercle d’Espoir tout en continuant son apprentissage ? L’Incendiaire la garderait-il comme une de ses habitantes ? Le sombre dessein de Garh n’allait certainement pas s’arrêter à lui, ridicule Bazil. Ce n’était qu’échauffement avant de s’en prendre aux pièces majeures des Aigles. Il se laissa tomber sur le flan, la respiration hachée. Elyana le vengera. Que Garh se montre devant la fougueuse et elle le déchira comme une poupée en chiffon. La Fougue assistait sa meneuse. Non, elle ne pouvait pas tomber. Mais lui ?

    Ce n’est qu’au bout d’interminables heures d’un abattement sans fond, de gémissements et de pleurs entrecoupés, que Bazil secoua la tête de dépit. Tant de questions auxquelles il ne pouvait apporter de réponse. Il n’avait d’autre choix que de les ignorer. Tant de noms dont il devrait se rappeler sans trop se les répéter pour ne pas être dévoré de chagrin. ELLE… Il soupira. Voilà qui ne serait pas facile. Bazil fit le vide dans sa tête et quitta son air d’enfant injustement puni en reprenant sa route. Une ombre assassine le suivait, celle des sentiments et des craintes qui l’accompagnaient.

    ***

    Cette île n’avait-elle donc ni début ni fin ? Marchait-il en rond depuis des jours ? Où étaient donc ces maudits oiseaux qui chantaient pour qu’il ne puisse en percevoir les empreintes sanguines ? Ou bien ce sens lui avait-il été aussi arraché ? Si le précipice qu’il longeait avait un temps ressemblé à celui de Baônes, il n’en était désormais rien. Bazil suivait une légère courbe et le soleil s’était déplacé dans le ciel sans laisser de doute : il parcourait un cercle. Il ne pouvait s’habituer à la disparition de sa magie : ELLE partageait chacun de ses moments, donnait de l’éclat à chacune de ses réflexions. Tout devenait si terne sans sa présence, si vide de sens. Était-ce cette impuissance dégoûtante que Valinor avait expérimentée avant de se noyer dans l’Éther ? Cet instinct qui le poussait à user d’un don disparu ? Il était comme ces soldats qui, ayant perdu un bras ou une jambe, essaient encore de l’utiliser, ou y sentent encore de la douleur…

    Voilà plus de quarante-huit heures que Bazil s’était remis de son arrivée sur l’île. Quarante-huit heures qu’il marchait sur une herbe trop verte, que des oiseaux invisibles à ses autres sens piaillaient trop fort. Une énergie nerveuse l’avait envahi. Tout lui semblait être démesuré et inconfortable. Si la panique d’un éventuel danger avait pu le prendre, ce n’était plus le cas. Ces îles étaient trop grandes, trop lointaines les unes des autres, trop calmes, trop vides et le peu qui s’y trouvait était déjà de trop. Ses pensées tournaient dans sa tête comme des lions en cage sans jamais s’arrêter, commençant au milieu du raisonnement tant et si bien qu’elles lui étaient aussi incompréhensibles que ces pierres et cette végétation qui l’entouraient. Pourtant, abstraction faite que ces îles flottaient dans les airs, qu’il n’y sentait aucune magie et que la sienne avait disparu, il n’y avait rien d’anormal ici. La végétation semblait naturelle et non magique, bien que différente de celle de la Baie des Fermiers. Les arbres poussaient du bas vers le haut et une petite brise chassait la chaleur pour laisser place à une agréable tiédeur.

    Bazil remit rageusement ses cheveux en place. Ils n’allaient pas s’y mettre eux aussi ! Ils commençaient à pousser au-delà du supportable. Quel idiot il avait été de ne pas les avoir coupés avant d’aller à l’Auberge du Temple, ce n’était pas ici qu’il trouverait un barbier… Tout son corps le démangeait. Non pas qu’il fut sale, mais du fait que la tristesse et la peur avaient laissé place à une fureur dont il n’arrivait pas à se défaire. À Saline, il serait sorti lire à la bibliothèque ou arpenter les rues… Qu’avait-il à faire ici ? Il s’étira. Rien. Il n’y avait rien à faire, qu’à y rester engourdi une journée de plus.

    Bazil s’arrêta d’un bloc. Il en avait marre. Le passeur l’avait-il amené sur cette île en sachant qu’elle serait sa prison jusqu’à ce qu’il meure d’ennui entre deux coquelicots ? Il n’allait tout de même pas sauter… Bazil mit sa besace à terre pour en vérifier son contenu. Des aiguilles d’os, des baies à pain, le livre du nécromancien gnoll Orhinsal – il l’avait pris dans l’idée d’en déchiffrer le langage au soleil d’une terrasse –, d’autres baies à pain, des poisons – voilà qui lui serait utile quand il n’aurait plus d’autres choses à faire qu’empoisonner des abeilles ou ces maudits piafs –, encore des baies à pain, une corde, un peu de fil, un couteau et, une fois de plus, des baies à pain. L’ennui qui le tenaillait l’enlaça d’une morne étreinte. Bazil se gratta le coude. Le vieux gnoll aurait peut-être un sort lui permettant de rentrer chez lui, ou bien quelconque malédiction lui permettant de faire sentir sa présence à un de ses amis. Il avait justement dans cette poche une plume, un encrier et quelques crayons appartenant à Nifel. Pourrait-il canaliser quelque chose via ces pacotilles ? Ridicule. Autant implorer le dieu des baies à pain – qui n’existe pas – cela ferait plus de sens.

    Bazil laissa trainer son sac dans l’herbe en s’écartant d’une vingtaine de pieds. Il avait aussi cette épée dont il refusait de se servir. Cette arme gelée qu’il avait récupérée dans la Forteresse de Glace. Bazil en détacha le fourreau pour le laisser avec ses autres affaires. L’Éther était trop imprévisible et dangereux. De plus, il ne savait même pas le manier.

    Quelques sauts de côté, une roulade, prendre appui sur ce rocher pour repartir en arrière et essayer d’achever sa pirouette, là, sur ses pieds. Un peu d’exercice le sortirait peut-être de sa langueur. Bazil se gratta la barbe. C’est parti ! Et surprise : un enchainement parfait. Il n’était même pas essoufflé. Était-il devenu plus léger ? Il ne se rappelait pas être aussi agile sur l’Incendiaire ou lors de ses échauffements avec Sowen. Il répéta plusieurs fois la séquence pour s’en convaincre. Ses muscles répondaient rapidement et sans effort… Sowen l’aurait félicité, mais lui ne pouvait s’empêcher d’y chercher à s’interroger. Il n’avait jamais été gauche, ça non, mais d’ordinaire ces exercices répétés lui tendaient les membres douloureusement. Il devait alors faire appel à sa magie pour réguler son rythme cardiaque et s’assurer que ses muscles ne se tétanisent pas à cause des toxines présentes dans son sang. Aujourd’hui, plus besoin de magie, pas besoin de pause… Étonnant.

    Bazil reprit son sac et réajusta le fourreau à sa ceinture d’un air songeur. D’après ses calculs, s’il continuait à marcher avec la même vitesse de rotation autour de cette espèce de montagne trônant à l’intérieur des terres, il reviendrait à son point de départ d’ici une grosse journée. Autant achever ce premier tour de reconnaissance avant d’aller explorer le milieu de l’île. S’il ne trouvait rien, il gravirait les rochers centraux pour obtenir une vue d’ensemble.

    ***

    Soudain, sa main saisit malgré elle un objet familier. Tout d’abord, Bazil ne put se résoudre à lâcher le rugueux cordage. Il ne s’attendait plus vraiment à découvrir quelconque signe de civilisation quand bien même il l’avait espéré. Une espèce d’hilarité l’avait aussitôt saisi, vite retombée pour laisser place à une surprise sans sourire. Pourquoi y avait-il un pont de cordes qui partait de cette île sans qu’il puisse voir celle où le pont débouchait ? Comment, quelqu’un, un jour, s’était-il mis dans la tête une idée aussi insensée que de relier deux îles aussi distantes avec de simples cordes ? Et comment ces mêmes cordes pouvaient-elles tenir malgré le vent et la pluie ? Bazil continuait de tapoter ces fibres à première vue végétales et pourtant plus solides que les amarres de l’Incendiaire. Il devait rêver. Il se pinça pour s’assurer que non.

    –Aucun sens… bredouilla-t-il. Ma vie et cet endroit n’ont aucun sens, répéta-t-il en appuyant sur ce dernier mot.

    Il n’y avait ni route, ni habitation, ni trace de passage, ni écriteau, juste un pont de cordage ancré au bord du précipice. Cette construction primaire, semblant en parfait état, se tendait vers quelque chose qui devait se trouver à des lieues d’ici. « Et le tout sans magie ! » se répéta-t-il. Quelle plante pouvait fournir des lianes aussi résistantes ? Il n’y avait que quelques buissons et arbustes sur cette île… Quel artisan pouvait confectionner un câble aussi long ? Bazil se massa les tempes sans que le pourquoi du comment lui paraisse si important que ça. Il mit un pied hésitant sur les premiers filins. Sans problème, ils le soutinrent dans un léger couinement. Il appuya de tout son poids. Le bruit de frottement se fit plus fort et le pont entier tangua. Bazil suivit du regard la petite onde secouer les nœuds en s’éloignant de lui pour se perdre dans la brume. Il remonta sur l’île. Allait-il vraiment suivre cette voie ? N’y avait-il vraiment rien d’autre sur ce gros rocher dont il avait presque fait le tour ? Pourquoi aurait-on créé un pont s’il n’y avait rien ? Il cracha au sol. Un pont en bon état, ici et de cette longueur, lui parut suffisant pour ne pas se poser de questions supplémentaires. Découvrir quelque chose de différent lui permettrait de rebondir, d’oublier sa situation et l’angoisse accumulée… Pouvait-il demander plus ?

    Bazil se retourna vers le pont et laissa son regard descendre vers le tapis de nuages en contrebas. Si le pont cédait, la chute serait indolore bien que mortelle. S’il explorait l’île sans rien trouver il ne ferait que perdre des jours qui pourraient s’avérer précieux pour peu qu’il puisse un jour rentrer chez lui. De deux choses l’une, il ne lui resterait qu’à revenir ici et tenter sa chance sur ces filins en priant Glamiral – le dieu de la chance – qu’ils tiennent. Il secoua la tête de dépit.

    –Bah, allons-y, dit-il sans conviction aucune.

    Il fit une dizaine de pas avant de regarder derrière lui. Qu’y aurait-il de l’autre côté ? Un autre rocher comme celui-là ? Il espéra de tout cœur que non, affermit sa prise et se résolut enfin. Le pont grinça méchamment, mettant son courage à rude épreuve. Il semblait logique que les cordages soient plus abîmés à mi-parcours, que le pont ait plus de jeu, qu’il puisse y avoir plus de vent… Bazil préféra ne pas y penser. C’est en étudiant chacun de ses pas et s’assurant que chaque nœud tienne qu’il progressa lentement dans la brume.

    Chapitre 2 : À bout

    Un homme hume la brume.

    Aucune odeur, aucune chaleur.

    Il avance aveugle, avance sans compter les heures.

    Un homme hume la brume.

    L’humidité l’engourdit tout entier, jusqu’aux extrémités, ses doigts de pied.

    Il avance dans le gris, avance toujours sans ciller.

    Un homme hume la brume.

    L’odeur est faite d’herbes et de fleurs, anciens parfums de son malheur.

    Il avance encore, conscient d’entrer dans la couleur.

    Un homme hume la brume.

    Le parfum est fort. Rosiers, lavande, douceur et réconfort.

    Il avance, presse le pas dans un ultime effort.

    Un homme hume la brume.

    L’air est sucré, merveilleux. Âtre, pierre, foyer soyeux.

    Il s’arrête, ouvre les yeux. De son logis il voit la porte, heureux.

    Bazil avançait, méthodiquement, les yeux fermés, murmurant la comptine de l’homme perdu. Elle racontait l’histoire d’un individu qui s’était égaré dans la forêt d’une contrée lointaine, peinant à rentrer chez lui. Si, dans un premier temps, l’individu ne voit et ne sent rien, ses sens s’ouvrent alors qu’il se rapproche et enfin arrive chez lui. Bazil avait toujours aimé cette berceuse que l’on chante aux petits enfants quand ils sont anxieux et que le sommeil les fuit. Aujourd’hui, il souhaitait plus que jamais être cet homme.

    Cela faisait bien plusieurs jours – il avait déjà perdu le compte exact – qu’il avait entamé sa traversée du pont, avançant pas après pas sur les lianes qui le maintenaient au-dessus du vide brumeux. Il était exténué. Les cloques avaient laissé place à des plaies béantes sur ses mains à force de les serrer sur les filins rugueux. Ses réserves avaient diminué, ne lui laissant que deux baies à pain en plus de sa gourde presque sèche. Il n’avait pas pensé à se rationner. Que ferait-il s’il devait passer un jour de plus au-dessus du vide ? Le souvenir des nuits précédentes le hantait. Il avait été chanceux dans son malheur. Les cordes débouchaient sur de minuscules îlots presque chaque soir, espèce de gros rochers flottants où il pouvait enfin dormir. La douleur cédait alors à l’épuisement lorsqu’il devait se ficeler dans l’obscurité pour ne pas tomber : se retourner dans son sommeil et il ne se serait jamais réveillé de sa chute. Il avait repris sa traversée chaque matin, le soleil déjà haut dans le ciel, et lui les larmes aux yeux, se maudissant d’avoir quitté la grande île où il était arrivé et maudissant à s’en égosiller le passeur de l’y avoir jeté en premier lieu.

    On met en garde les coursiers contre la monotonie des longs trajets à cheval. Les collines s’enchainent avec les forêts heure après heure, jour après jour. Certains s’endorment et tombent de leur scelle en se brisant les os. Bazil, lui, aurait bien aimé n’avoir que ce problème-ci. L’ennui de ces voyages n’était rien comparé au sien, éternellement coincé dans ce nuage. Il se devait de vérifier chacun de ses pas, chaque nœud sur lequel il posait ses mains ensanglantées. Plusieurs d’entre eux s’étaient avérés usés par le temps, menaçant de rompre s’il avait avancé négligemment. Les enjamber lui coûtait une énergie qu’il n’avait plus. Bazil était tellement las qu’il avait fermé les yeux pour ne plus voir la brume ; il comptait désormais les nœuds, repartant à zéro une fois la centaine atteinte. Il avait relancé le compteur tant de fois… c’en était vertigineux. Vingt-quatre, un

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