Chroniques de Concordia: Tome I : la Bouche d'Ombre
Par Olivier Clavaud
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Aperçu du livre
Chroniques de Concordia - Olivier Clavaud
Chroniques de Concordia
Pour mes filles, Sarah, Jeanne et Soline qui ne demandent qu’à rêver, et pour ma femme, Corinne, qui me permet de rêver aussi.
Olivier Clavaud
Olivier Clavaud
Chroniques de Concordia
Tome I : La Bouche d’Ombre
LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
« La vie, le malheur, l’isolement, l’abandon, la pauvreté, sont des champs de bataille qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres. »
Les Misérables, Victor Hugo
© Les Éditions du Net, 2015
ISBN : 978-2-312-03055-5
Avertissement au lecteur
Tout est fini.
Je dois témoigner pour que personne ne laisse plus les événements s’enchaîner ainsi.
Vous trouverez sans doute cela bien grandiloquent, exagéré, voire prétentieux. Il n’en est pas moins important que je témoigne.
De quelque dimension, monde, galaxie dont vous soyez originaires, sachez que l’Horreur guette en tous lieux. Elle est d’autant plus dangereuse qu’elle s’est tapie en chacun de nous. Le Bien et le Mal, je l’ai appris tout au long de ma vie, sont étroitement liés, comme deux frères ennemis qui aiment pourtant à se côtoyer.
Je dois, avant tout, vous assurer de la véracité de tous les éléments qui seront transcrits dans ces pages. Je n’écris que ce que j’ai vécu, vu, ou ce que l’on m’a raconté. Mais mes sources sont toujours sûres.
Si vous décidez de passer cette page et donc de vous lancer dans ce récit, vous devez savoir que nombre de vos certitudes vont voler en éclats. Vous serez transportés dans des mondes dont vous ne soupçonnez même pas l’existence. Pourtant vous comprendrez à quel point, nous tous, êtres du genre humain, nous sommes semblables, nous souffrons les mêmes traumatismes, nous rêvons les mêmes projets, fous parfois, nous ruminons les mêmes haines et soupirons les mêmes amours.
Si je veux vous entraîner dans ce récit, c’est pour vous montrer à quel point ce qui est écrit peut avoir une incidence. Non mon modeste ouvrage, mais tout ce qui, dans l’univers, guide les êtres.
Je veux ajouter ces pages au grand Livre des livres.
Partie I : Désolation
« Dans sa grande sagesse et dans sa grande méfiance, la Nature à toute chose a engendré son double pour que toute chose corrompue trouve en son semblable le remède à son mal. Chaque terre, chaque mer, chaque être vivant se pense un mais est deux »
Extrait du Livre des livres.
Chapitre 1
4 décembre 1851. Terre.
Arsène est un enfant, et il serait difficile pour quiconque de mesurer son bonheur en ce moment. Il court, caracole, gambade, secoué par son rire. Il est heureux.
– Monsieur Victor, Monsieur Victor, et ça, ça va ?
– Oui, oui, tout ce qui peut faire barrage aux troupes de l’imposteur est utile !
Arsène ajoute une vieille chaise sur l’amas de vieux meubles déposé à même le sol par les habitants de la rue.
Il fait froid mais Arsène ne possède qu’une fine chemise fanée. Il a à peine douze ans. Ses cheveux longs et inégaux sont sales et crépus mais respirent la liberté de celui qui arpente chaque jour les rues en quête de sa pitance, d’un nouveau jeu, de l’amitié, de la vie. Ses yeux, d’un marron profond, disent l’histoire d’un peuple qui a faim et qui se battra pour manger. Ils disent l’histoire d’un pays, l’histoire d’un monde. Son pantalon trop court recouvre des jambes qui ont grandi trop vite ; il est maigre de ne pas avoir assez mangé et d’avoir déjà trop vécu.
C’est tout un monde qui s’anime alors autour de lui, comme s’il ne vivait que pour lui, du moins comme s’il avait conscience que cette journée était la sienne.
Le tableau que je vais vous brosser vous semblera bien exagéré, sans doute vous direz-vous que j’en fais trop en tentant de vous apitoyer pour mieux retenir votre attention. Pensez ce que vous voulez, je ne vous souhaite pas, en tout cas, de vivre la moitié de ce que ce petit a vécu.
Sa vieille grand-mère lève les bras au ciel, implorant son petit-fils de cesser ses simagrées et de rentrer à la maison. Elle lui pose cependant son châle sur les épaules, l’embrasse sur le front et rentre chez elle. Elle sourit, timidement. Elle sait qu’elle ne peut rien contre l’enthousiasme de son petit, mais elle sait aussi, on le lui a lu dans un livre, que « La raison du plus fort est toujours la meilleure ». Elle se met à genoux entre son armoire en noyer et sa table, elle prie. Elle sait bien que si un dieu existe, il l’a abandonnée depuis longtemps, sinon pourquoi souffrirait-elle autant ? Pourquoi aurait-elle perdu sa fille et son gendre pendant les insurrections de 1848 ? Pourquoi à son âge et sans le sou aurait-elle dû élever son petit Arsène toute seule ? Elle sait que ce ne sera d’aucune utilité, mais elle prie ; elle sent que ce soir son malheur ne sera que plus grand, mais elle prie ; elle prie pour oublier qu’il ne sert à rien de prier.
Devant le rez-de-chaussée miteux de la vieille femme, un peu à l’écart, la Brûlée tend une gamelle pour recueillir les quelques sous qui lui permettront peut-être de passer l’hiver. Personne ne sait d’où elle vient, personne ne lui parle. A peine lui jette-t-on parfois un bout de pain quand on voit qu’elle s’affaisse dangereusement. Son visage est plié dans un châle gris. On devine à peine son regard clair. On ne le soutient jamais. Les cicatrices qui entourent ses yeux sont bien trop hideuses. Elles témoignent d’un terrible malheur et les gens la fuient par peur du mauvais sort. Elle ne quitte pourtant jamais la petite place, comme si quelque chose ou quelqu’un l’attirait en ce lieu misérable.
Arsène est rejoint par ses amis. On les appelle les Oubliés, si on est poli, mais le plus souvent, on les appelle les Pouilleux. Ils sont avec Monsieur l’Haricot. On le nomme ainsi parce qu’il est long, courbé, la tête en avant, ses épaules tombent comme pour chercher un réconfort, et quand il marche, ses longs pieds semblent se mouvoir comme deux chaises à bascule parallèles. Il a l’œil gauche crevé mais le second est vif comme celui d’un épervier. Toute la journée, il chasse avec ses recrues, il vole, c’est vrai, mais pour les nourrir, non pour dévaliser les parisiens plus chanceux qu’eux.
Il est assis sur un tonneau et il espère que cette journée engendrera un renouveau.
Parmi ses protégés, on trouve Fripouille, le vaurien, l’air féroce, le front plissé, les yeux noirs, les poings serrés.
Binocle, le maigrichon, faible mais réfléchi, il est le seul qui sache lire.
Quignon, rond et jovial, les yeux clairs, les joues roses et la culotte trop serrée. D’aucuns diront qu’il a beau rôle de se plaindre et de mendier alors que sa couenne ferait pâlir un veau de lait, pourtant on peut penser que parfois la nature fait bien les choses et qu’avec Quignon, elle fait un pied-de-nez au sort, comme si elle disait en s’esclaffant : « Regarde, regarde bien, tu l’affames et il reste rond, il est plus fort que toi ! ». Quignon a justement toujours faim et il doit faire preuve d’une ruse et d’une imagination sans pareilles pour dégoter suffisamment de nourriture.
Adèle est la seule fille du groupe. Ses cheveux roux comme la flamme lui ont valu plus de malheurs que de joies. Combien de fois l’a-t-on traitée de sorcière ? Trop souvent pour qu’elle puisse être heureuse. Ses yeux verts sont trop grands pour ce petit visage et ses jambes sont trop maigres pour soutenir son petit corps décharné, pourtant, elle joue ici avec les autres. Mais jamais personne n’entend le son de sa voix. Celle-ci s’est sûrement éteinte sous le poids d’un événement affreux. Elle vit avec Arsène, chez sa grand-mère, mais la pauvre femme est si diminuée qu’elle trouve bien souvent refuge parmi les Oubliés. Il faut dire que chacun de ces enfants est orphelin et que s’ils ont des souvenirs de jours meilleurs, ils les gardent pour eux, au fond de leurs petits cœurs. Tous les pouilleux ont un cœur.
Ces enfants jouent, inconscients, heureux, comme on se sent à l’aube d’un nouveau jour.
– Attrapez l’Guignon, attrapez l’Guignon ! s’égosille Arsène, son rire se mêlant à ses cris.
– Je l’tiens, je l’tiens par la queue, souffle Fripouille, allongé sur les pavés boueux, la queue d’un rat entre les doigts.
– C’te fois, j’te parie que j’le bouffe, ce crevard ! s’époumone Quignon en accourant péniblement vers la scène de capture. Mais son pied bute dans un banc renversé en bout de barricade et il s’écrase lourdement, poussant le cri d’un animal peureux, sur le pauvre Fripouille. Libéré, le rat détale et d’un bond, Il s’agrippe à la jambe du vieux l’Haricot. Des années plus tard, les témoins affirmèrent que quand il avait atteint son épaule, ils avaient entendu, pour la première fois, le rire d’un rat.
Alors que les enfants poursuivent leurs jeux, dans un coin de la rue, les adultes sont bien plus sombres.
– Malgré le respect que je vous dois, Monsieur Hugo, mieux vaut tout arrêter…
– Vous n’y pensez pas, mon ami, hier, Baudin a été abattu sur la barricade du faubourg Saint-Antoine, cette après-midi, d’autres fusillades ont fait tomber nos amis, nos frères !
Le poète a les poings serrés. Le père Perret, combattant pour la liberté et la république, simple petit commerçant de quartier, ne manque pas de courage, mais il a vu mourir tant de proches qu’il sait quand une cause est désespérée.
– Reprenez-vous, vous n’écrivez pas un livre, vous écrivez l’histoire, et aujourd’hui, elle nous donne perdants…
– Pensez que la lutte est finie si vous le souhaitez, qu’ils ont vaincu, ces vautours de Du Persigny, Morny et Saint Arnaud… pensez si vous le souhaitez que ce singe ridicule de Bonaparte a remporté la partie… Quant à moi je pense que tant que la lutte est engagée, personne ne peut crier victoire…
– Rendez-vous à l’évidence, Monsieur, je vous respecte…
– Alors respectez ma lutte, tant que ce félon sera au pouvoir, je…
Victor Hugo ne peut finir sa phrase, les tirs reprennent. Chacun se recroqueville derrière la barricade, attendant l’arrivée de l’ennemi. L’Haricot rassemble les enfants sous le porche d’un immeuble. La nuit tombe, et en se laissant aspirer par les reliefs de la ville, le soleil laisse s’épanouir ses derniers rayons, dressés comme des dents pointues et assoiffées de sang, inondant Paris d’une brume sanglante.
– Qu’est-ce qui s’trame ? demande benoîtement Binocle. L’Haricot se racle la gorge, cherche ses mots et tente une réponse :
– Vous savez, les enfants, il y a deux jours, Bonaparte…
– Le président, le président…
– C’est bien, Quignon, oui, le président… ben, il a beau être président, y fait pas que des choses bien…
– C’est un vilain, j’en étais sûr, faut lui casser la…
– C’est bon, Fripouille, si on l’tenait, bien en face, j’te jure que j’serai l’premier à…
– Monsieur l’Haricot, tu nous as pas dit de jamais taper ?
– C’est vrai, Binocle, mais si vous me laissez pas parler, c’est sur vous que je vais…
– Vas-y, l’Haricot, on t’écoute, marmonne Arsène d’un ton sérieux et assuré.
– Bien, y-a deux jours, Bonaparte, ben il a envoyé l’armée contre le peuple, contre nous, quoi…
– Mais, pourquoi, reprend Quignon avec un étonnement naïf.
– Ben, il a été élu pour quatre ans, mais il voudrait faire plus…
– Il est fou ce gars-là, un travail si pénible, quatre ans, ça suffit ! s’ébahit Arsène.
– Faut croire qu’il y trouve des compensations que nous n’imaginons pas, reprend, rigolard, le vieux l’Haricot, sachant très bien que les enfants sont trop purs pour comprendre des notions aussi complexes que l’intérêt, le plaisir à exercer un pouvoir toujours plus grand, la rancœur que l’on peut ressentir quand on sait que l’on ne sera jamais l’égal d’un aïeul célèbre.
La nuit est maintenant lugubre, les derniers rayons sanguinaires se sont noyés dans la noirceur de la ville. Des ombres se meuvent doucement derrière les meubles entassés. On devine, à quelques mètres, les canons des fusils des hussards de Bonaparte pointés sur les défenseurs de la république.
L’Haricot reprend :
– Comme personne ne lui a donné la permission de poursuivre quelques années son boulot, ben… ben, la permission, il la prend tout seul !
– Ca, c’est vraiment pas bien, s’inquiète Quignon, il va être puni, j’en suis certain, moi, quand j’ai été pris par le père Ribaud à lui chaparder du pain, m’a pas manqué, j’les sens encore ses vingt coups d’bâton sur mon dos !
– Ben, tu vois, pour une fois, la punition, c’est nous qui allons tenter de la donner !
La vie semble reprendre sur la barricade, l’immobilité des soldats rend les insurgés véhéments et sûrs d’eux. C’est une erreur, les charognards de Bonaparte ont tout calculé, le moindre détail a été réfléchi, la date elle-même du coup d’état ne laisse aucune place au hasard : tout a débuté le deux décembre, date anniversaire du sacre de Napoléon premier en 1804, mais aussi date anniversaire de la victoire d’Austerlitz en 1805.
La défaite n’est pas permise. C’est ce qu’ont en tête les soldats quand ils épaulent leurs armes. Devant la troupe surgit alors, énorme, un cheval de trait anglais, noir comme la nuit. Ses quatre balzanes blanches contrastent avec l’obscurité ambiante donnant l’impression que ce mastodonte vole. Sur son échine large, un homme, semble-t-il, lui-même d’une taille extraordinaire, roulé dans une cape noire, le visage masqué, tend vers les étoiles son sabre étincelant. Les insurgés tressaillent en reconnaissant le Muet. Personne ne sait exactement qui il est, mais tous redoutent ce mercenaire sanguinaire qui s’est mis à la solde de Bonaparte.
Quand le géant baisse son arme, le Boulevard Montmartre s’éclaire soudain et l’odeur de poudre échauffe les esprits. L’eau de vie qui leur a été distribuée permet aux soldats d’oublier qu’ils tuent leurs frères. La troupe s’avance, les soldats s’alignent et se mettent en joue.
Les enfants, trop jeunes pour avoir peur, sont tout excités par la situation, ils courent, se chamaillent, L’Haricot ne parvient plus à les tenir. Arsène est le plus vif, il monte sur la barricade, il crie, il hurle invectivant les soldats, il rit beaucoup, puis un bruit retentit, des détonations, et il tombe, les soldats chargent et les insurgés perdent espoir.
Tout va alors très vite. Sous les yeux ébahis de ses jeunes camarades, le jeune Arsène est ramassé et traîné par Hugo et quelques amis dans la pauvre demeure de sa grand-mère.
– Il était doux comme un Jésus ! hurle la pauvre femme, accablée par le chagrin.
C’est ce qu’entendent les Pouilleux quand L’Haricot les relève. Il demande aux garçons de se tenir par la main, il prend Adèle dans ses bras et ils s’engouffrent dans une rue sombre. Ils courent, courent jusqu’à perdre haleine. Quand ils s’arrêtent pour reprendre leur souffle ils sont surpris par le silence. Un silence profond, inhabituel, impossible, surnaturel. De chaque côté de la rue, un orme se dresse vers le ciel mais, sous les yeux incrédules des orphelins et de leur protecteur, chacun d’eux se courbe pour retrouver l’autre. Au centre de ce demi-cercle qu’ils forment, une pointe de lumière verte apparait, pas plus grosse qu’une luciole, puis elle grossit et devient plus intense, jusqu’à aveugler chacun des spectateurs. Puis elle disparait en un souffle puissant qui plaque la petite troupe au sol. Le temps semble alors s’évanouir, ce qui est se fond dans ce qui fut et dans ce qui sera. Avant de perdre leurs sens, tous m’ont dit avoir entendu, dans leur semi-conscience, les pleurs d’un enfant.
Chapitre 2
Saison dorée, an deux après la guerre civile, Concordia.
La première explosion est terrible et provoque un chaos tel qu’il n’est plus possible de distinguer, dans le ciel en feu, les cinq lunes de Concordia. Cette obscurité se prolonge et s’étend comme une main sombre sur la surface de la planète. Cette noirceur s’accompagne d’un silence pesant et terrible, un de ces silences dont on se dit que s’ils durent, on ne survivra pas.
Le roi Zahar apparaît pourtant au sommet d’une colline brûlée par la violence des combats, derrière lui, les soldats concordiens, tremblants et effrayés tentent de trouver le courage nécessaire pour accompagner leur suzerain.
Zahar demeure immobile. Dans son regard éclate le tragique de la situation. Ses yeux verts semblent s’éteindre. Il n’est pas de ces héros qui impressionnent par leur solidité farouche. Il n’est pas plus fort que le commun des mortels. Il a eu la peau tannée par les combats qu’il a dû mener pour pacifier sa planète. Il en est devenu le roi incontesté et vénéré pour avoir fait succéder à la guerre, la paix, au malheur, la tranquillité, à la peur, l’espoir. Sa tunique sombre, semblable à celles des siens, témoigne de sa simplicité. C’est lui qui a eu l’idée de renommer cette terre ancestrale. Ce nom doit faire résonner dans l’univers la croyance dans un avenir meilleur : Concordia.
Pourtant, en ce jour, il semble bien difficile de concevoir que sous ces cendres malodorantes, il y a peu encore, les enfants jouaient sur le dos de leurs Hypus, ces petits équidés étranges qui étaient responsables de leur développement.
Je fais une courte parenthèse dans mon récit pour vous apporter quelques précisions. Peut-être trouvez-vous étrange, pour le moins, la tournure que prend mon histoire. Je vous entraîne dans un autre monde qui n’est pourtant pas bien différent du vôtre. Les êtres qui le peuplent pourront vous sembler bien improbables. Si vous saviez comme vous l’êtes pour eux ! J’ai fait le choix de leur donner des noms qui correspondent à la fois à la réalité, à leurs caractéristiques et à vos représentations terriennes. La langue concordienne n’est pas traduisible en votre langue. Mais tout romancier n’en fait-il pas autant quand il crée un monde ? Reprenons notre présentation. Je vous parlais des Hypus, ces chevaux étranges chargés de l’éducation des Concordiens.
Les Hypus sont originaires d’Hyponia, la première lune de Concordia. Pour vous, les Terriens, ils sont des poneys, leurs crinières sont longues et ondulées, leurs queues sont épaisses et virevoltent au moindre vent comme si leurs crins étaient plus légers que l’air. Leurs paturons sont recouverts de poils longs et épais qui recouvrent leurs sabots robustes. Mais c’est en regardant leurs yeux que l’on comprend que ce ne sont pas de vrais chevaux. Leurs pupilles sont rondes comme celles des humains et non ovales comme celles des simples équidés. Surtout, ils sont doués de la parole et sont considérés comme des sages. Tableau digne, me direz-vous, des pires contes enfantins. C’est sans compter sur le tragique de leur aura (je ne trouve pas d’autre expression), cette sorte de halo opaque, presque invisible, qui nous invite à la surprise, à la crainte, à la frayeur.
Chaque année, si l’on peut parler d’année sur Concordia, à la fin de la