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EVERSEA: Une Histoire D'Amour: Eversea Français, #1
EVERSEA: Une Histoire D'Amour: Eversea Français, #1
EVERSEA: Une Histoire D'Amour: Eversea Français, #1
Livre électronique357 pages5 heures

EVERSEA: Une Histoire D'Amour: Eversea Français, #1

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À propos de ce livre électronique

Une petite provinciale, prise en otage par la responsabilité et le doute de soi.

 

Une méga-star d'Hollywood en fuite, suite à son dernier scandale et qui a tout à perdre.

 

Une rencontre fortuite qui mène à un arrangement improbable et à une histoire d'amour épique qui les changera tous les deux pour toujours.

 

Lorsque sa partenaire de film et petite amie dans la vie fait la une de la presse people en compagnie d'un autre homme, Jack Eversea, un beau gosse du gratin d'Hollywood, choisit de fuir et atterrit à Butler Cove, petite cité endormie de Caroline du Sud. Jack espère que la chaleur étouffante du sud dans cette petite ville côtière de la Lowcountry le mettra à l'abri non seulement des tabloïds et de sa copine infidèle, mais aussi de sa vie de plus en plus insipide et des gens qui la dirigent. Il n'avait pas prévu de rencontrer Keri Ann Butler.

Depuis la mort de ses parents et face aux responsabilités de l'entretien de la demeure historique de sa famille, Keri Ann a tant compter sur elle-même que les garçons et certainement le choix réduit qu'en offre Butler Cove, n'ont jamais figuré dans son projet de vie. Mais le destin a d'autres projets. Face à Jack, celui qui a joué le rôle de son personnage de fiction préféré, Keri Ann se met à désirer tout ce qu'elle a évité jusqu'à présent...  Et Jack devra décider si cette fille drôle et insolente vaut la peine qu'il change de vie, avant que ses propres erreurs ne le rattrapent.

LangueFrançais
ÉditeurNatasha Boyd
Date de sortie4 août 2020
ISBN9781393902843
EVERSEA: Une Histoire D'Amour: Eversea Français, #1
Auteur

Natasha Boyd

Natasha Boyd is a USA Today and Wall Street Journal bestselling and award-winning author of contemporary romance, romantic comedy, and historical fiction. After hearing one of Eliza Lucas’s descendants speaking about Eliza’s accomplishments, the need to tell her story became so overwhelming that it couldn’t be ignored, and so The Indigo Girl was born. It was long-listed for the Southern Book Prize, was a SIBA Okra Pick, and a Texas Lariat Award winner. Natasha lives in Atlanta, Georgia.

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    Aperçu du livre

    EVERSEA - Natasha Boyd

    Eversea

    Eversea

    Une Histoire D’Amour

    Natasha Boyd

    Traduction par

    Isabelle Wurth

    Table des matières

    Sans titre

    Un

    Deux

    Trois

    Quatre

    Cinq

    Six

    Sept

    Huit

    Neuf

    Dix

    Onze

    Douze

    Treize

    Quatorze

    Quinze

    Seize

    Dix-sept

    Dix-huit

    Dix-neuf

    Vingt

    Vingt-et-un

    Vingt-deux

    Vingt-trois

    Vingt-quatre

    Vingt-cinq

    Vingt-six

    Vingt-sept

    Vingt-huit

    Vingt-neuf

    Trente

    Trente et un

    Trente deux

    Trente-trois

    Trente-quatre

    Trente-cinq

    Trente-six

    Jack

    Trente-sept

    available on Spotify

    Remerciements

    A propos de l’auteur

    Notes

    Traduction française

    ISABELLE WÜRTH

    Tous droits réservés. Sauf dans la mesure permise par le Copyright Act of 1976 des États-Unis, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, ou stockés dans une base de données ou un système de recherche, sans l'autorisation écrite préalable de l'auteur.


    Première édition électronique : Juin 2013

    Première édition de poche : Juin 2013

    Edition française septembre 2019


    Les personnages et les événements décrits dans ce livre sont fictifs. Toute ressemblance avec une personne réelle, vivante ou morte, est fortuite et n'est pas voulue par l'auteur.


    ISBN : 978-0-989494925-0-8


    Pour obtenir des renseignements sur les droits étrangers, cinématographiques ou télévisuels, veuillez contacter Nicole Resciniti à l'Agence Seymour.

    Réalisé avec Vellum Réalisé avec Vellum

    Pour Dorothy

    Merci d’être mon socle.

    Un

    VOUS SAVIEZ QUE VOUS étiez arrivé dans la Lowcountry ¹ quand le volant de votre vieille camionnette rouge devenait glissant à cause de l'humidité, que les nouvelles à la radio parlaient de la trajectoire possible du dernier ouragan dans l'Atlantique et que l'accident de la route que vous aviez manqué de peu, aurait été dû à un alligator d’un mètre cinquante qui traversait la route.

    J’ai frissonné en passant devant les restes vaseux du reptile et j’ai retenu mon souffle. En soulevant ma queue de cheval de mon cou, j'espérais que la brise chaude de Caroline du Sud qui entrait par la fenêtre procurerait au moins une sensation de fraîcheur contre ma peau humide.

    Le bon côté de l'automne, c'était que les touristes étaient rentrés chez eux. Le mauvais, c'était que le comté avait cessé de traiter les moustiques et autres diptères, alors les petits enfoirés se gavaient dans une sorte de frénésie  de « bouffe locale ». Il y en avait un à l'intérieur de la cabine du camion, et j'essayais très fort de l'ignorer alors que je traversais le pont qui reliait l'île. Mais s'il osait faire le tour de mes chevilles nues, j'allais devoir m'arrêter et le traquer.

    J'ai regardé dans le rétroviseur et j'ai commencé à changer de voie, mais un grand coup de klaxon et un grondement de moteur m'ont fait dévier. Mes entrailles ont sursauté alors qu’une moto émergeait de mon angle mort. On avait failli avoir un choc latéral. Le conducteur s’est posté à côté de moi et m'a regardée en levant la main en signe d'excuses.

    Son casque avait une visière sombre, je ne pouvais donc pas voir son visage. Après quelques secondes, il a levé une main gantée en guise de salut et s'en est allé dans un rugissement, sa chemise blanche volant derrière lui telle une voile. Des plaques californiennes. Un touriste. Je m'en doutais.

    J'étais en retard pour mon service au grill. Suivant l'exemple du motard, j'ai appuyé sur le champignon en espérant qu’aucun policier ne s'arrête devant moi, ou si c’était le cas, qu’il ne me donne qu'un avertissement amical. Quand on vit dans une petite ville, on est allé à l’école ou à l'église avec à peu près tout le monde. Non pas que je sois allée à l’une ou l’autre ces derniers temps.

    Chez moi en quelques minutes, j'ai garé mon camion et je suis partie à pied au travail en me dépêchant.

    La petite ville de Butler Cove Island, au bord de la mer, avait neuf mille habitants permanents hors saison et certains jours, on avait l'impression qu’ils avaient tous un avis sur tout. J'ai essayé d’afficher un sourire et de hocher la tête en écoutant poliment une autre pépite des conseils judicieux du pasteur Mc Daniel. Le bon pasteur faisait semblant de boire du thé glacé nature, et non arrangé par le contenu de la petite flasque dans la poche de sa veste. Sans blague ?

    Sa carrure imposante était coincée dans un box et les boutons de sa chemise semblaient être très sollicités.

    Je me demandais si je pourrais avoir un répit avant qu’il ne recommence à me parler de ma maison. Le pasteur siégeait au conseil municipal et semblait penser que cela lui donnait le droit d'en rajouter.

    — Mademoiselle Keri Ann, ta grand-mère doit sûrement se r’tourner dans sa tombe en voyant l’état délabré de c’qui reste de l'immobilier de vot’ famille. Nan, pas de répit. Il était reparti là-dessus. Tu dois garder c’t’endroit debout. Il s’est penché en avant de façon conspiratrice. Pourquoi j'enverrais pas mon Jasper là-haut dimanche après l'église pour te donner un p’tit coup de main ?

    — C'est très gentil de votre part, pasteur.

    J’aurais détesté refuser, vraiment. Ma maison familiale était la dernière chose qui restait aux Butler de Butler Cove, et elle s'effondrait. J'avais besoin d'aide, mais pas au prix que le pasteur me rende service. Et d'après la façon dont ses yeux de fouine s’agitaient, j'étais sûre que l'idée de Jasper et moi ensemble lui avait traversé l'esprit. Y avait-il meilleur moyen de mettre la main sur la maison ? Heureusement, j'étais certaine que Jasper et moi étions sur la même longueur d'onde pour que notre relation reste platonique. « Je serais ravie de le payer, si ça ne le dérange pas de venir poncer et peindre. »

    Le pasteur a un peu gonflé la poitrine.

    — Eh bien, pas question de ça. Mon Jasper est un gentleman qui aide une dame, c'est tout. Il t’a dit qu'il avait été accepté à la fac de Charleston, en droit ?

    J'ai hoché la tête.

    « C'est un garçon intelligent c’uila, il ira loin. Il est bon avec son cerveau et ses mains. Je te l'enverrai dimanche.  Il a ajusté son regard et a semblé me regarder d’en haut, même si je me tenais à trois bonnes têtes au-dessus de sa masse immobile. On se reverra à la messe, j'espère. »

    Comment faisait-il ça ? Il devait y avoir une école pour enseigner aux pasteurs comment faire culpabiliser les gens. J'ai souri légèrement et j'ai posé la carafe d'eau que je tenais juste devant lui.

    — Un peu d'eau, pasteur ? ai-je demandé, en regardant attentivement son thé glacé alcoolisé.

    Je n'étais pas retournée à l'église depuis six ans. Je pourrais être frappée par la foudre si j'y allais ce dimanche.

    C'était une soirée tranquille, enfin calme après la folie de la saison touristique. Les seules autres personnes qui restaient dans le restaurant mal éclairé étaient au bar. L'une d’entre elles était ma meilleure amie Jazz, surnommée ainsi pour son amour du genre, et l'autre, un type voûté avec une casquette et un sweat à capuche qui venait d'arriver cinq minutes avant et s'était littéralement avachi sur un tabouret de bar dans le coin. Il était en train de chercher un téléphone dans sa poche de jean.

    C'était presque l'heure de la fermeture et j'espérais sérieusement qu'il ne resterait pas longtemps. J'avais vraiment besoin d'aller me coucher tôt, et fermer l'endroit à l'heure semblait relever du miracle.

    — Qu'est-ce que je vous sers ? ai-je dit de loin au mec à la capuche quand je suis retournée au bar. Il a marmonné quelque chose, sans lever les yeux du téléphone sur lequel il était en train de taper un SMS. J'ai soupiré et je me suis glissée plus près le long du bar pour l'entendre. Les gens étaient tellement grossiers. J'en avais eu assez d'eux cet été, et je ne pensais pas être la seule. Apparemment, il y avait eu quelques cas de gens du coin qui avaient pété un câble. Ce n'était pas une surprise. Le comté avait même dû afficher des panneaux pour rappeler aux résidents que la majeure partie de leurs revenus provenait du tourisme.

    — Un hamburger, à point, avec des frites, à emporter, a répété le mec à la capuche en ne levant pas les yeux, la visière de sa casquette bordeaux cachant complètement son visage. Et un Bushmills on the rocks pendant que j'attends.

    Son accent n'était pas du tout d’ici. Il a recommencé à envoyer des textos. J'ai soupiré et j'ai tapé la commande sur l'écran tactile. Heureusement que j'avais la patience d'une sainte. Dix secondes plus tard, Hector s'est penché hors de la cuisine en secouant la tête.

    — Désolée, Hector. C’est le dernier, après tu peux éteindre. Je fermerai devant.

    J'ai souri à sa tête de grincheux. Nous nous plaignions tous les deux parfois, mais c'était une bonne nature. On adorait notre travail au Snapper Grill. Le salaire et les pourboires étaient énormes tout au long de l'été, et pendant la morte saison, lorsque la plupart des autres employés saisonniers étaient partis, on faisait assez bien tourner la boutique. Ça n’était vraiment très fréquenté que le week-end, lorsque c’était plus un bar pour les insulaires qu'un restaurant. Heureusement que notre propriétaire, Paulie, avait un abonnement pour les matchs locaux. La plupart des résidents auraient été fâchés de devoir acheter un forfait premium sur leurs contrats de câble juste pour regarder les Tigers ou les Gamecocks. Hector a baissé la tête dans la cuisine en marmonnant quelque chose en espagnol.

    — Alors ? Quoi de neuf dans le monde du spectacle ? J'ai donné un coup de menton en direction du magazine que Jazz était en train de dévorer pendant que je remplissais un verre de bon whisky irlandais avec de la glace.

    Jazz a levé les yeux et gémi de bonheur.

    — C'est trop bien. Ça fait des mois que je n'ai pas pu m’asseoir pour lire une feuille de chou. Tu sais, ma mère ne me laisse même pas les avoir à la maison, elle dit que je me liquéfie l'esprit pendant qu'elle paie mes frais de scolarité. J'ai hâte de partir, même si elle va me manquer.

    Jazz allait à l'université à USC Beaufort, mais vivait à la maison pour économiser de l'argent et travailler dans une boutique locale. J'ai souri à mon amie avec compassion et j'ai posé la boisson forte sur le bar.

    Le gars en sweat à capuche était encore en train de faire défiler les pages de son téléphone avec ses longs doigts, sans se soucier de la boisson que j'avais déposée devant lui avec une serviette en papier sur le bois poli. J'ai soupiré et je suis retournée vers Jazz.

    — Tu sais que tu peux emménager chez moi, Jazz. Il n’y a que moi là-bas pendant que Joey finit la fac de médecine.

    Elle a fait semblant de ne pas entendre. Je lui avais fait cette proposition un million de fois, mais Jazz et mon frère, Joey, étaient sortis ensemble brièvement un été quand Joey était revenu de la fac. Dire qu'il avait brisé le cœur de Jazz quand il était reparti était un euphémisme. Je n'étais pas sûre que quelqu'un se soit rendu compte à quel point Jazz tenait à lui, et encore moins Jazz elle-même. Pour me faire plaisir, ils avaient recollé les morceaux en une amitié de fortune quand Joey revenait pour les vacances. Mais maintenant, entre l'école et les stages et bientôt l’internat, il était de moins en moins à la maison.

    — Alors Mc Daniel essaie toujours de t'arranger le coup avec Jasper ? a-t-elle demandé en feuilletant les pages du magazine. Il te faut un rencard de temps en temps, tu sais... pour que tu ne perdes pas la main quand la vraie histoire arrivera. Elle m’a fait un clin d'œil.

    — Bon Dieu, Jazz ! J'ai rapidement jeté un coup d'œil au pasteur Mc Daniel pour m'assurer qu'il ne m'avait pas entendue utiliser le nom du Seigneur à mauvais escient. Tu sais que j'ai trop de choses à faire en ce moment pour avoir le temps pour ça. Et qui serait la vraie histoire ici, pour l'amour de Dieu ? Oups, j'étais lancée ce soir. Heureusement, le bon pasteur s'apprêtait à sortir. Je lui ai rendu son signe de la main quand il est parti. C'était une bonne chose qu'il rentre chez lui à pied, sinon j'aurais dû le ramener.

    — Tu vas pas y croire, s'est exclamée Jazz, laissant totalement tomber notre sujet, les yeux fixés sur le magazine dans ses mains. Audrey Lane a une liaison avec son metteur en scène ! Il est marié ! Quelle bourrique. Je n'arrive pas à y croire. Elle est censée sortir avec Jack Eversea. Jazz avait l'air horrifié. Elle idolâtrait Jack Eversea, comme peut-être toutes les filles aux Etats-Unis.

    Je me suis moquée d'elle.

    — Jazz, tu réalises que la plupart de ces trucs sont inventés, n'est-ce pas ? Je me suis penchée pour regarder les photos douteuses et floues sur lesquelles elle tapotait un ongle vert citron, puis j’ai sursauté quand un tabouret est tombé.

    On a toutes les deux relevé la tête pour voir le mec en sweat à capuche se lever et nous tourner le dos. Il a sorti une liasse de billets de sa poche de jean, en a pris un et l'a posé sur le bar à côté de sa boisson inachevée.

    J'ai remarqué que les yeux de Jazz erraient vers son très beau fessier serré dans un jean à la mode.

    Je lui ai donné un coup sur la main, fort.

    — Aïe ! Elle a gémi et j'ai souri.

    Le type à la capuche a baissé le menton et il est sorti par la porte d'entrée.

    J'ai croisé le regard de Jazz alors qu'elle me regardait d'un air outragé.

    — Quoi ?! Il avait un joli cul ! Elle a baissé la tête et elle est retournée à la lecture de son tabloïd.

    Elle n'avait pas tort, j'étais simplement plus préoccupée par son comportement bizarre.

    — Ta commande, a aboyé Hector dans la cuisine, en faisant passer une boîte en polystyrène. Super. Le bon côté des choses, c'est que s'il ne revenait pas dans cinq minutes, je ramenais un burger à la maison. J'espère qu'il en a laissé assez pour payer sa note, me suis-je dit. Je me suis avancée et j'ai pris l'argent du bar. Un billet de cent. Han ! J’ai fait sonner la cloche et j'ai sorti la monnaie de la caisse.

    — Hector, j'ai crié par le passe plat. C'était une bonne soirée de pourboire. J'ai passé quatre-vingt dollars en liquide sur le comptoir de la cuisine. Autant moi j'avais besoin d'argent, Hector, lui, en avait encore plus besoin.

    Madre, l’ai-je entendu dire en riant.

    — Bon, j’y vais. Jazz est descendue de son tabouret et s'est rapidement approchée pour m'embrasser. J'ouvre le magasin demain, je déteste me lever tôt. A plus.

    Et avec ça, ma pétillante amie s'est envolée par la porte.

    Jazz et moi étions inséparables depuis l'école primaire de Butler Cove lorsque ma famille avait déménagé ici pour vivre dans la maison familiale et s’occuper de ma grand-mère. Me faire des amis au milieu d'une année scolaire dans un nouvel endroit n'était pas en haut de ma liste de compétences. Je ne me souvenais plus comment j’avais eu la chance de tomber sur Jazz, mais cette boule blonde d'énergie avec un visage rond comme un soleil m'avait éclairée un jour dans le couloir du CM2, et je n'avais pas arrêté de me prélasser dans sa chaude lueur depuis lors. Même dans les moments les plus difficiles de ma vie.

    J'ai baissé la musique et j'ai suivi son sillage pour fermer à clef.

    C'était une nuit magnifique. Même si l'humidité était encore là, la chaleur s'était enfin dissipée et les étoiles étaient complètement sorties. Debout dans l'embrasure de la porte, j'ai levé les yeux et respiré l'air frais. Les cigales étaient en forme. Le rythme réconfortant et sans fin de leur chant s’était installé. Je savais qu'une partie de cet endroit serait toujours dans mon âme. C'était ancré. Bien que cette ville m'agace parfois, il n'y avait vraiment rien de tel dans cette partie du monde. J’avais prévu de partir un jour ou l'autre, je le savais, j'attendais juste que Joey ait fini la fac et qu'il échange sa place avec moi. C'était le marché. C'était une des raisons pour lesquelles je ne sortais avec personne. Je ne voulais pas que ce soit plus dur de partir. Une autre raison, c'est que je connaissais presque tout le monde dans le groupe des rencards possibles, et que j'étais difficile.

    J'avais mal aux pieds. Ce soir, je dormirais probablement du sommeil du juste après une journée de travail et demain, comme je ne faisais que le soir, j'avais prévu de continuer à peindre le porche. Le budget étant serré, j'avais dû établir des priorités, et avec les commentaires peu subtils du pasteur Mc Daniel sur l'état de ma maison, je me disais qu'il valait mieux continuer à travailler à l'extérieur.

    En sortant dans la cour peu éclairée du restaurant pour empiler quelques chaises, un mouvement périphérique m’a presque provoqué une crise cardiaque.

    Merde !

    Debout derrière une des tables dans l'ombre, comme s'il m'attendait, il y avait le type à la capuche. J'ai posé violemment une main sur ma poitrine, expulsant une bouffée d'air.

    J'ai jugé la distance entre l’endroit où il se tenait et la porte. Est-ce que je pourrais rentrer avant qu'il ne m'atteigne ? Comment avais-je pu être aussi négligente ? Joey me disait toujours de demander à Hector de fermer et je ne savais même pas s’il était toujours dans le restaurant.

    Je suis restée immobile et j'ai essayé de voir le visage du type sous sa casquette. Il était grand et avait l'air musclé, son jean foncé moulant ses longues jambes. S'il devait m'attaquer, je devrais au moins essayer de me rappeler à quoi il ressemblait. Ou peut-être que c'était pire ? Si je le voyais, cela signifiait-il qu'il devrait me tuer ?

    J'étais consciente que je m’étais figée comme un lapin surpris, mais j'ai lentement compris qu'il n'avait pas bougé non plus, et je ne sentais rien de menaçant de sa part. Non pas que je sois médium. A moins qu’on ne compte les fois où j'avais été convaincue que Nana était revenue à la maison pour fouiner et venir me voir. En fait, sa position et la façon dont il avait levé la main d’une façon hésitante m’ont fait rester à ma place. La curiosité a remplacé la peur. Je ne pouvais toujours pas voir son visage. Pourquoi la cour était-elle si sombre, bon sang ?

    J'étais sur le point de parler quand ses longs doigts se sont approchés de sa tête, s'arrêtant un instant, comme s'il avait des doutes. Puis il a rapidement attrapé sa casquette, l'a retirée et sa capuche foncée est tombée en arrière.

    Je me suis retrouvée dans l'impossibilité de respirer pour la deuxième fois en deux minutes. Devant moi se tenait le plus bel homme que j'aie jamais vu en vingt-deux ans. Ses beaux cheveux bruns foncés, ébouriffés par la casquette se dressaient par endroit et encadraient un visage carré avec des yeux de la couleur de....

    Eh bien, je ne pouvais pas vraiment voir la couleur de ses yeux dans l’ombre, mais je savais exactement de quelle couleur ils étaient : un gris-vert profond. Je ne m'étais pas cachée dans une grotte depuis cinq ans. Et je n'avais certainement pas besoin de relire le magazine people de Jazz, qui ne lui rendait certainement pas justice, pour savoir que celui qui se tenait devant moi, Keri Ann Butler, devant le Snapper Grill à Butler Cove, avec ses neuf mille habitants et à des centaines de kilomètres de son lieu de résidence à Hollywood, n’était autre que Jack Eversea.

    Deux

    IL FAUT RECONNAÎTRE, que je n'ai gardé la bouche ouverte comme un poisson rouge que quelques instants avant que ma nature piquante – ma défense quand je suis nerveuse ou prise par surprise — prenne le dessus. Je ne peux vraiment pas me contrôler parfois.

    — Je suppose que vous voulez votre hamburger, maintenant ? Je suis sûre que ce n'était pas ce qu’il attendait de moi. Franchement, je me suis surprise moi-même. Mais ça n'a pas semblé m'empêcher de continuer. Primo, ne vous cachez pas dans l'ombre, c'est flippant. Et deuxio, vous avez été tellement impoli… donnez-moi une bonne raison de vous laisser entrer après la fermeture. Sérieux ? J'ai dit tout ça ? A Jack Eversea ?

    — Impoli ? Il avait l'air complètement décontenancé. C'est quoi ces conneries ?

    J’ai arqué un sourcil récemment épilé et j'ai fait demi-tour sur mes baskets direction le restaurant. Je ne peux pas vraiment expliquer mes actes sauf que je ne me m’en sors pas bien avec les rencontres bizarres, et celle-ci était bien en dehors de ma zone de confort. J'avais vraiment eu une réaction de fuite.

    «  Merde, a-t-il marmonné. Ok, attendez ! » Il a avancé à grands pas, et j'ai atteint la porte en trois longues enjambées. Son pied s’est coincé dans la porte qui se refermait. Méchamment.

    Oups.

    « Aïe ! a-t-il hurlé. Putain de... Il a arrêté son juron tout de suite et attrapé le chambranle de la porte. Attendez ! Pendant une seconde, il avait l'air vraiment perplexe. Attendez, OK ? Je suis désolé pour mon langage mais j'ai payé mon hamburger. Il s'est arrêté, a pris une grande inspiration et il a baissé d’un ton juste pour m'apaiser, moi cette espèce de folle. Est-ce que je peux l'avoir, s'il vous plaît ? »  

    Je l'ai simplement regardé fixement. Appelez ça un choc à retardement. Finalement, j'ai réussi à m'en sortir et à m'écarter pour le laisser entrer.

    Il m'a regardée avec méfiance et il est passé à côté.

    J'ai fermé la porte derrière lui et je l'ai verrouillée. C'était un geste bizarre, je l'admets.

    «  Vous me prenez en otage ? » a-t-il demandé d’un ton léger.

    — On n'est jamais trop prudent avec les gens qui traînent dans le noir, ai-je murmuré.

    Honnêtement, je ne pense pas qu'il puisse dire si je le taquinais. Bon sang, je n'étais pas sûre moi-même. Enfin, je l'étais évidemment, mais je ne pouvais pas être trop sûre de la façon dont les mots sortaient de ma bouche. Il avait l'air de penser que plus vite il prendrait sa commande et sortirait d'ici, mieux ce serait. Super. Je rencontre Jack Eversea, le Jack Eversea, et j'agis comme une imbécile. Heureusement que Jazz n'était pas là, elle m'aurait déjà assommée. D'ailleurs, elle l'aurait assommé lui aussi et l'aurait traîné dans sa tanière.

    — Alors pourquoi avez-vous dit que j'étais impoli ? Il secouait légèrement la tête. Apparemment devant son imbécilité à prolonger cette conversation bizarre.

    J'ai tourné autour du bar en soupirant, tout en prenant des ustensiles et des serviettes de table. Eh bien, ça ne pouvait pas être pire, alors j'ai pensé que je pouvais aussi bien dire ce que je pensais. Ou au moins justifier mon comportement étrange.

    — Eh bien, si on faisait une liste ? Vous étiez si occupé à envoyer des textos que vous n’avez pas pris la peine de me regarder pendant que je prenais votre commande. Vous avez marmonné, vous n’avez pas dit s'il vous plaît, et quand j'ai posé votre verre, vous n’avez pas dit merci. Vous n'avez pas appris la politesse de base en grandissant ?

    J'ai posé une assiette sur le comptoir et j'ai ouvert la boîte en polystyrène, en faisant glisser le contenu avec soin, sans renverser une frite en route. Impressionnant. Même si je savais que c’était pour emporter. Qu'est-ce que j’étais en train de faire ?

    J'ai continué :

    « Ou alors vous êtes tellement habitué à obtenir ce que vous voulez, parce que vous ressemblez à un don de Dieu pour l'humanité ? Peut-être que la célébrité vous est un peu montée à la tête ? » Mon ton suggérait que ce n'était pas un peu que je voulais dire.

    — Donc je suppose que ça répond à ma question : Vous savez qui je suis ? Il s'est penché en avant contre le comptoir et m'a fait son air habituel de mauvais garçon avec les sourcils froncés. Le même regard qui avait été capturé dans Vanity Fair, rien de moins. Mauvaise idée.

    J'ai soufflé et roulé des yeux.

    Jack Eversea avait vraiment l'air perplexe. Comme s'il ne savait pas quoi dire et comment sortir son hamburger d'ici.

    Mes nerfs commençaient à se calmer. Pas tout à fait, vu que j'avais littéralement l'homme le plus sexy des sondages people debout de l’autre côté du comptoir. Mais assez pour penser que je pourrais enfin pouvoir converser normalement.

    — Asseyez-vous et mangez, vous pouvez me tenir compagnie pendant que je ferme cet endroit. Ça me donne la chair de poule quand Hector ferme la cuisine et rentre chez lui.

    Le fait que je ne sache pas encore si Hector était parti ne semblait pas me toucher, pourtant.

    J'ai tendu la main et Jack l'a serrée avec précaution. Sa main était chaude et forte, et si le toucher ne me faisait pas trembler les genoux et bourdonner les oreilles, j'étais l'oncle d'un singe.

    — Je suis Keri Ann Butler.

    — Ja…

    — Jack Eversea, je sais. Asseyez-vous, je vous en prie. Un autre verre ?

    Il a hoché la tête, sans lâcher ma main.

    — S'il vous plaît.

    Je lui ai souri à ce moment-là. Le sourire le plus naturel que j'ai pu trouver malgré le fait que lui tenir la main avait fait démarrer une migration de papillons dans mes entrailles. J'ai dégagé mes doigts des siens après quelques battements de cœur saccadés, et Jack Eversea s'est assis consciencieusement sur le tabouret du bar devant sa nourriture.

    Il a ouvert la bouteille de ketchup.

    — Je peux vous demander un service ?

    — Un autre ? Je lui ai fait un clin d'œil pour lui faire comprendre que je le taquinais.

    — Est-ce que vous pouvez s'il vous plaît ne dire à personne... je veux dire, personne y compris votre amie blonde de tout à l'heure... que vous m’avez vu ?

    Je suis restée silencieuse quelques instants en pesant le pour et le contre. Si quelqu'un découvrait qu'il était là, il n'aurait jamais le temps de régler cette merde. Et d'après le peu que j'avais glané de cet article de tabloïd, il en avait besoin. Mais c'était Jack Eversea et Jazz était une grande fan.

    « « S'il vous plaît ? a-t-il demandé encore une fois, doucement. Je vous en supplie. »

    — Bien sûr. J'ai incliné la tête. Votre secret est en sécurité. Je ne suis pas sûre que quelqu'un me croirait, de toute façon. J'ai ri légèrement.

    Il a semblé se détendre un tout petit peu.

    Je lui ai servi un Bushmills frais, puis j'ai commencé à essuyer le bar et à éteindre l'ordinateur, en essayant d'avoir l'air aussi détendue que possible et de ne pas me prendre les pieds dans le tapis.

    Finalement, j'ai calmement pris un plateau d'assiettes et j’ai passé la porte battante de la cuisine. Dès qu'elle s'est refermée derrière moi, j'ai posé le plateau et je me suis collée contre la porte de la chambre frigorifique.

    Un flot de réactions refoulées s’est déversé

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