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Demain c'est dimanche: Polar entre la Touraine et le Poitou
Demain c'est dimanche: Polar entre la Touraine et le Poitou
Demain c'est dimanche: Polar entre la Touraine et le Poitou
Livre électronique156 pages2 heures

Demain c'est dimanche: Polar entre la Touraine et le Poitou

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À propos de ce livre électronique

Il arrive qu'un cadavre puisse en cacher un autre...

Entre Touraine et Poitou, comme partout, il arrive qu’un train puisse en cacher un autre. Par contre, dans ce coin de France qui a vu naître le sage Descartes, personnage ici sollicité, il arrive aussi, et c’est nettement moins banal, que l’imprévu s’invite. Et qu’un modeste cadavre puisse en cacher un autre. Un bien tordu ! Les turpitudes n’ont pas de patrie…

Plongez dans ce polar surprenant et découvez le coin de France qui a vu naître Descartes !

EXTRAIT

— Oublié ! On va dire que Nestor et l’autre vont se régaler avec le produit de ma patience et qu’on se contentera de ta volaille. Au fait, où en es-tu avec ta momie sauvée des eaux ?
Sans attendre ma réponse, Skripznicer s’était lancé dans le récit du roman qu’il venait d’entreprendre, un gros chantier qui lui donnait bien des satisfactions. Il m’en cita, de tête, les premières lignes. L’affaire semblait prometteuse. Mais je connais mon Skripznicer. Il s’essouffle aussi vite qu’il s’enthousiasme et qu’il a de l’imagination. J’ai beau lui recommander persévérance et travail régulier, il se lasse et se jure sans talent.
— Aucun talent ! Aucun style ! De la merde ! J’écris de la merde ! C’est pas pour moi la littérature ! Il faut se rendre à l’évidence… Il y a ceux qui écrivent et ceux qui lisent. C’est pas les mêmes !
Tous mes raisonnements, mes exemples judicieux, viennent buter contre son désespoir de créateur frustré.
Rocco et Nestor bondirent de joie.
— Tu t’occupes du feu dans la cheminée ? Tu n’as pratiquement plus qu’à craquer l’allumette. Je me débrouille avec le reste.
— Et quels légumes ?
— Pommes de terre sous la cendre avec une noix de beurre. Ou de crème. Chèvre et pommes de mon verger, café et digestif à volonté. Satisfait ?
— Pour un petit repas improvisé, « ça peut le faire », comme disent nos jeunes en révolte. Tu n’as pas répondu à mon interrogation sur la substitution de cadavres : vous recherchez une désespérée et vous tombez sur un marin breton ! Ça ferait une nouvelle épatante !
— Je croyais ta question strictement formelle, la simple manifestation de politesse d’un véto originaire du xie, implanté dans la Vienne avec ses cauchemars pour tout bagage.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pierre D’Ovidio entre dans l’enseignement en 1972, tout en continuant des études sanctionnées par une Maîtrise d’Histoire en 1974, un Capes Histoire-Géographie en 1976, un D.E.A Histoire de l’Art en 1977.
Il a publié des romans aux éditions Phébus, dont une trilogie de polars sur le Poitou où il s’est installé depuis la fin des années 1990. Pierre D’Ovidio commence, en 2011, pour la collection «Grands détectives» des éditions 10-18, une série d’enquêtes dans le Paris de l’après Seconde Guerre mondiale. Il habite à Saint-Rémy-sur-Creuse (86).
LangueFrançais
Date de sortie2 janv. 2019
ISBN9791035302856
Demain c'est dimanche: Polar entre la Touraine et le Poitou

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    Aperçu du livre

    Demain c'est dimanche - Pierre D'Ovidio

    Pierre D’Ovidio

    Demain

    c’est dimanche

    Ce roman est une œuvre de fiction.

    Les personnages, les lieux, les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des personnes réelles serait pure coïncidence.

    Collection dirigée par Thierry Lucas

    © – 2018 – 79260 La Crèche

    Tous droits réservés pour tous pays

    à Brigitte, ma compagne et aux amis de la Vienne et de l’Indre-et-Loire avec qui il m’est arrivé de lever le coude et qui m’ont aidé à passer les jours de pluie.

    « Il est bon de savoir quelque chose des mœurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule, et contre raison, ainsi qu’ont coutume de faire ceux qui n’ont rien vu. »

    descartes,

    Discours de la méthode, 1637.

    I

    Fernande avait disparu une nuit d’hiver, des bottines aux pieds.

    L’avis de recherche, placardé par les gendarmes sur une vitre de l’entrée de la mairie des Hommes, précisait « noir » en caractères tracés au normographe. Des « bottines noir ». La secrétaire avait rectifié : elle portait des pantoufles rouges. Le gendarme OPJ chargé de l’enquête qui lui avait confié la feuille pour affichage lui avait révélé le détail. Elle avait ajouté « d’intérieur » : des pantoufles rouges d’intérieur. Cette précision superfétatoire tenait au temps, au sale temps que nous subissions. Sans doute aurait-elle préféré se blottir dans son fauteuil favori pour regarder la télé, des friandises à portée de main, au lieu d’être là, à tenir une permanence qui semblait sans objet.

    Des charentaises à carreaux… Comment fait-on pour disparaître au milieu de la nuit ? Avec des charentaises rouges à carreaux ? À la fin janvier ?

    La secrétaire ne savait pas. Pas plus que moi. Et nous avions regardé la pluie qui tombait en bourrasques serrées. Elle, derrière le bureau à l’accueil, moi debout. Sans soupirer mais les yeux tristes. Tous les deux.

    Nous avons l’habitude par ici. La secrétaire des Hommes parce qu’elle y est née, moi parce qu’il y a bientôt quinze ans que j’habite le secteur et qu’on s’habitue à tout ou à peu près tout. Même à naître, à vivre aux Hommes. Ou dans ses environs, ce qui est mon cas.

    Un été d’il y a longtemps, Giulia avait décrété le coin superbe. Les arbres en feuilles se reflétaient avec grâce dans la Vienne. Celle-ci se déployait, paressait avec une lenteur magnifique qui nous paraissait de bon aloi. Une rivière sage, humaine.

    Elle sait prendre son temps ! C’est signe, bon signe pour nous ! s’était exaltée Giulia qui affectait de chanter le français avec des restes délicieux d’accent italien. D’ailleurs ritals, nous l’étions tous les deux. D’origine. Cela lui suffisait : elle se sentait autorisée.

    Notre enfance, notre adolescence et notre rencontre, plus tard mais à peine, s’étaient situées place d’Italie. Dans le xiiie en fait, et ça aussi « faisait signe » pour Giulia qui avait de grandes facultés à manifester de l’enthousiasme. En toute occasion et pour tout lieu.

    J’étais moins émerveillé par la Vienne mais l’entrain de ma compagne m’aveuglait. Pas tout à fait jusqu’à la cécité, la totale nuit de confiance, puisque j’avais constaté qu’en parallèle au fleuve tellement merveilleux rubanait la nationale 10 et s’étiraient avec une langueur miteuse les maisons des Hommes. Plus tristes, plus grises, plus poussiéreuses, plus jaunasses aussi que l’eau de la Vienne. Mais, encore une fois, tout ça se déroulait en été et il est bien rare qu’en cette saison les fleuves et les villages se montrent sous un jour déplaisant.

    Ce 10 février, la Vienne ne faisait plus de cachotteries. Elle avalait la pluie et roulait la boue entre ses rives détrempées, dont l’herbe et la terre glaiseuse étaient malaxées par les bottes des pêcheurs, tous gens très obstinés, par ici. Notre coin compte autant de pêcheurs que d’habitants. À l’exception des très grands vieillards qu’on cache.

    À d’autres périodes, la plupart de ces amateurs de calme font pétarader leurs fusils le week-end et hurler des meutes qu’ils transportent dans des voitures tronquées, des arrières de 4L en majorité. Ainsi, Renault emmerde – très involontairement mais tenacement – les Parisiens qui viennent se détendre et qui risqueraient gros s’ils s’aventuraient à une promenade dans les bois automnaux. Cet engouement local pour les sports de plein air explique aussi les macarons sur les pare-brise des véhicules et les scores électoraux élevés de « Chasse, Pêche, Nature et Tradition ». Sans chercher, je peux dénombrer une trentaine de fidèles du genre dans mon voisinage.

    Ai-je mentionné ma lenteur ? Dans ma famille, on a toujours prétendu que j’étais posé. Les familles ne se trompent jamais. Giulia m’a posé il y a donc une petite quinzaine d’années aux confins de la Touraine et du Poitou. J’y suis toujours. Comme la secrétaire, qui a elle l’excuse d’y être née. Giulia n’y est plus. Elle. Sa vivacité, ses débordements, sa nature changeante…

    À l’enthousiasme avait succédé le découragement, elle avait donc été entraînée au loin, vers le sud, le plein soleil et les arbres qui ont des fleurs et reverdissent plus tôt, en plein février, à ce qu’elle m’avait écrit au verso d’une carte postale. Une vue générale d’amandiers en fleur avec un champ de lavande en arrière-plan. Que des bleus. Elle songeait à me faire venir plus tard. Quand elle serait installée. Elle a dû oublier. Ou l’installation est plus longue quand on prétend s’enraciner dans les régions du Sud. On dit toujours que ceux du Midi ne sont pas faciles à apprivoiser. Ils doivent avoir trop de soleil pour faire attention aux immigrés.

    — Voulez-vous que je vous fasse une photocopie de l’avis de recherche ? Ça pourrait vous servir pour votre article…

    — Bonne idée.

    La photocopieuse était contre un mur, une feuille scotchée au-dessus avec le prix : 1,50 FF. Comme je sortais mon porte-monnaie, elle m’arrêta.

    — Laissez ! Cadeau.

    Une belle femme, la secrétaire des Hommes. La quarantaine, brune aux yeux noirs, le corps aux formes pleines, de type très méridional justement.

    — Si seulement ça cessait de pleuvoir !… J’ai l’impression que depuis trois mois il pleut tout le temps ! C’est décourageant à la longue ! Vous ne pensez pas ?

    — Si.

    Il y eut un coup de vent et l’eau vint s’écraser contre la vitre en ruisselant. Comme dans les films. À part que dans les films on voit bien que c’est artificiel.

    — Un temps pourri ! Pareil l’année dernière !

    — L’année d’avant aussi. Et aussi celle d’avant.

    Sans parler des années précédentes ! J’ai l’impression que c’est comme ça depuis que je suis dans le coin.

    Elle rit avant de lancer :

    — Il ne faut pas exagérer votre responsabilité !

    — Les beaux jours approchent pourtant. Même si on a du mal à le croire. Tenez, le gendarme qui m’a remis l’avis disait que ça ne l’étonnerait pas si on la retrouvait, voguant au fil de la Vienne ou de la Creuse, avec les premières chaleurs. Quand il fait plus chaud, il paraît que le corps remonte à la surface. Les chairs gonflent.

    — Alors, d’après eux, ça serait un suicide ?

    — C’est ce que le gendarme de la brigade des Hommes m’a laissé entendre. D’après lui, elle serait du genre.

    Je regardais la photo, made in photomaton, striée de raies grises verticales qui occupait le tiers supérieur de l’avis. Le cliché ne l’arrangeait pas. Les cheveux courts, des lunettes énormes qui lui mangeaient le visage et que j’imaginais fabriquées en pure résine colorée, les joues bien pleines et les yeux désolés sous la frange. Une vraie tête de victime…

    — Évidemment, on a du mal à imaginer une fugue amoureuse. En pantoufles et par nuit noire qui plus est ! Elle aurait été belle, ça laissait l’imagination vagabonder ! J’aurais pu évoquer le rapt, le crime crapuleux, ce genre de fait divers.

    — Là, il faut avouer que la photo ne l’arrange pas.

    La secrétaire avait un sourire faussement désolé qui s’assombrit en retournant vers la vitre.

    — C’est pas les raisons qui manquent pour se suicider en cette saison !

    Et la Méridionale avait eu un petit rire que j’avais accompagné. Pour la forme. La politesse s’impose, par la pluie et les sales temps d’hiver.

    Fernande Souche habitait derrière la zone pavillonnaire des Hommes. Une maison assez récente, une bâtisse comme on savait les construire dans les années soixante-dix, et encore maintenant : sur un monticule de terre. Les maçons s’évitent ainsi de creuser pour loger le garage et la cave, toujours dans le prolongement, avec, en angle, un escalier d’accès au rez-de-chaussée. Des maisons de ce genre j’en avais vu à la pelle. Par chez moi, ce sont les mêmes. Mon voisin, qui m’offre des salades quand elles se bousculent dans son potager, a sa sœur jumelle.

    J’ai eu de nombreuses occasions de le suivre pour goûter sa production de vin nouveau. Selon lui, son vin s’améliore d’année en année. D’après mes calculs, il lui en manque encore une cinquantaine pour bien faire mais j’ai un faible pour le vin qui pétille un peu. Le vrai vignoble est plus haut, le long de la Loire. Je manque d’objectivité : lorsqu’il m’appelle « Monsieur Mascarpone ! Monsieur Mascarpone ! Venez goûter le vin nouveau ! Vous allez voir ! », j’ai du mal à résister. Je le suis dans sa cave où il rince un verre de cuisine qu’il me remplit à ras bord. Je fais durer et je repars avec ma bouteille plastique Contrex. J’ai l’occasion de déguster à chaque stade de maturation. Un de ceux qu’il affectionne est celui qu’on appelle dans le coin « la bernache ». En tout début de vinification, le nectar qu’il fait mariner dans la cuve est à mi-chemin entre jus de raisin et vin. Le liquide est sucré, légèrement alcoolisé, pour tout dire un peu écœurant. « Ah ! c’est drôlement bon, la bernache ! », il se félicite. C’est vrai : en général, son vin s’améliore. Mais les rechutes sont toujours possibles. Trop de pluies au mauvais moment.

    Ainsi, la disparue, Fernande Souche, habitait la même maison que mon voisin. Les volets semblaient clos. Ici, on dit « barrer ». On barre sa maison quand on s’absente, rapport aux gens du voyage qu’on n’aime pas beaucoup. Ils ont la réputation de voler à peu près tout, du linge étendu à sécher jusqu’aux camions, en passant par les sangliers et les cerfs, tout gibier qui traîne dans les forêts. Les chasse-pêche s’en indignent à l’apéritif au prétexte que les gendarmes les laissent faire, alors qu’eux !…

    Les volets clos, c’était peut-être aussi une façon de dissuader le reste de la famille de suivre le mauvais exemple de Fernande…

    J’arrêtai le moteur de ma R25 en laissant les essuie-glaces. Entre les nappes d’eau, je voyais le jardin de Fernande attristé de quelques choux d’hiver qui perdaient leurs cheveux par feuilles entières et de plantes d’agrément qui faisaient le gros dos sous les bourrasques. De nombreuses branches d’arbres étaient brisées, arrachées aux troncs ou tordues et reliées encore par des fibres ténues. Un souvenir de la dernière tempête qui avait secoué les toitures et la végétation par chez nous. Le Midi, bien sûr, avait été épargné. Je ne m’attardais pas sur cette injustice qui m’aurait conduit à Giulia. Giulia, son rire, son corps souple, sa fuite vers la lumière.

    Giulia. Perdue, il y a des lustres…

    J’avais alors senti que quelque chose s’était cassé. Elle ne chantait plus, ses yeux prenaient la couleur du ciel, son teint pâlissait avec la pluie qui se prolongeait. Elle perdait aussi son accent. Giulia n’écoutait plus personne. Elle travaillait son silence, ne voyait plus personne, cultivait son ailleurs prochain.

    J’avais compris. Nous avions passé une dernière nuit à parler des aménagements que nous allions faire dans la ferme, à faire l’amour avec une lenteur inhabituelle. Je désespérais. Ses yeux m’évitaient. Et puis, le

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