Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Le PAIN DE GUILLAUME: Destin, courage et grand amour à l'époque de la Nouvelle-France
Le PAIN DE GUILLAUME: Destin, courage et grand amour à l'époque de la Nouvelle-France
Le PAIN DE GUILLAUME: Destin, courage et grand amour à l'époque de la Nouvelle-France
Livre électronique419 pages6 heures

Le PAIN DE GUILLAUME: Destin, courage et grand amour à l'époque de la Nouvelle-France

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Guillaume Tremblay est un jeune apprenti boulanger, chassé de sa seigneurie de l’Île-de-France. Vagabondant jusqu’à Paris, il y rencontre un homme dont le fils est parti dans la colonie française d’Amérique. Il s’embarque vers le Nouveau-Monde malgré sa peur. À sa descente du bateau, les autorités l’assignent au bourg de Trois-Rivières en lui conférant le titre de maître boulanger. Les années passent, Guillaume cuisine chaque jour un pain délicieux. Mais il souffre de la grande pénurie de la Nouvelle-France : le manque de femmes.
Et voilà qu’un jour le bon roi de France envoie au Canada des jeunes femmes sélectionnées avec soin, dans le but de les voir prendre époux rapidement. Guillaume se marie et confie à Jeanne, son épouse, la recette de son pain en lui faisant jurer que, quoiqu’il arrive, leur premier fils devra devenir boulanger. François naît quelques mois après le décès de Guillaume.
François devient boulanger à l’île d’Orléans. Il est ensuite appelé à remplacer le boulanger de Trois-Rivières et Jeanne, mourante, s’enivre d’une odeur
qu’elle n’avait jamais oubliée : celle du pain de Guillaume.
Ce troisième roman de près de 400 pages est présenté en deux parties : l’une
masculine (Guillaume) et l’autre féminine (Jeanne). La forme est classique, avec une narration à la troisième personne et des dialogues. Du point de vue historique, ce roman respecte beaucoup les conflits entre les Français et les peuples iroquois, présentant avec rigueur les moeurs de ces gens. La seconde partie du texte est nettement un roman d’amour, de la part d’une femme ne pouvant vivre aux côtés de celui qu’elle aime. Des personnages très bien définis et attachants. Un roman plein de rebondissements, fidèle à la vie sociale française (les trois ordres).
LangueFrançais
Date de sortie23 nov. 2015
ISBN9782897262297
Le PAIN DE GUILLAUME: Destin, courage et grand amour à l'époque de la Nouvelle-France
Auteur

Mario Bergeron

Mario Bergeron, natif de Trois-Rivières est un historien passionné de création, Un été 1946 inoubliable à Montréal est son douzième roman publié, depuis 1998. Une vingtaine d’autres fictions ont été rédigées et seront sans doute publiées au cours des prochaines années. Gros-Nez le quêteux (2015),et Le pain de Guillaume (2016) ont été publiés chez Marcel Broquet. Mario Bergeron a un blogue consacré à ses écrits. Voici le lien : http://marioromans.vefblog.net/

Auteurs associés

Lié à Le PAIN DE GUILLAUME

Livres électroniques liés

Fiction historique pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Le PAIN DE GUILLAUME

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Le PAIN DE GUILLAUME - Mario Bergeron

    Première partie

    L’espoir de Guillaume

    AVRIL À JUILLET 1635

    Guillaume Tremblay, dit le Poltron

    Guillaume Tremblay sent son estomac se contracter et les membres de son corps fondre. Il s’écroule et vomit, avant de s’évanouir en un râle mortuaire, sans avoir eu le temps de remercier Dieu pour ses seize années de vie. Un mousse, de mauvaise humeur, nettoie le dégât tout en insultant le corps inerte de Guillaume. Il le ranime en passant sur son visage le chiffon imbibé de ses vomissures.

    Guillaume se demande où il se trouve, avant de se rendre compte que son cauchemar, entrepris il y a déjà six semaines, se poursuit sans cesse au rythme étourdissant des vagues frappant le vaisseau. Il tangue, ses voiles claquent, le soleil impitoyable frappe le pont. Des marins entourent le mousse et s’amusent autant que lui de la faiblesse de ce peureux. D’ailleurs, depuis le départ, l’équipage n’a pas hésité longtemps avant de l’affubler du sobriquet « dit le Poltron », comme une particule de noblesse au bout de son nom – Tremblay – qui déjà, à lui seul, évoque le tremblement d’un homme sans courage.

    Un lieutenant de bord disperse les matelots en les qualifiant de fainéants. Du bout de sa chaussure, il pique les côtes de Guillaume, qui réclame à voix éteinte la présence d’un prêtre et d’un chirurgien. L’homme empoigne Guillaume par le cou et lui maugrée son mépris dans un patois qu’il n’arrive pas à comprendre. Il le lève du sol et le pousse vers un mat, où le jeune homme s’accroche en implorant la miséricorde du Tout-Puissant. Le lieutenant le fait fuir en approchant d’un pas très décidé.

    Guillaume rejoint sa couche, dans la sainte-barbe, où il se cogne contre tout. L’odeur d’urine et de vomissure lui donne un haut-le-cœur, alors qu’il pose sa tête sur son traversin humecté d’eau salée et des sueurs de son propre désespoir. À la vue des poux jouant à saute-mouton, il se redresse aussitôt et se frappe le crâne contre le bois de la couchette supérieure. Deux hommes entrent en riant fort des histoires drôles qu’ils se racontent. Ils louchent méchamment vers Guillaume, comme s’il était un intrus morose dans leur joie. Ils sont fatigués des plaintes de ce jeune homme, de ses hurlements nocturnes, de ses prières incessantes et de la peur de ce gaillard pourtant costaud, alors que la plupart d’entre eux paraissent plus petits et moins musclés. Sentant leur mépris, Guillaume fait semblant que tout va bien. Tout cela devient tellement embarrassant ! Même les rares femmes de la traversée rient en douce de sa faiblesse, lui dont le physique pourrait attirer leur chaste admiration.

    En retournant sur le pont, Guillaume est accueilli par les sifflements moqueurs de deux mousses : « Guillaume Tremblay, dit le Poltron ! Guillaume Tremblay, dit le Poltron ! » Le jeune homme ignore leurs railleries. Après avoir avalé sa salive, il approche du rebord du navire pour regarder courageusement droit devant lui. L’horizon est éternellement le même depuis toutes ces semaines. Parfois, la mer s’immobilise et le Saint-Jacques y semble cloué. Il n’y a pas longtemps, le navire était demeuré sur place pendant trois jours, alors que les voiles refusaient de bouger et que le soleil accablait tout le monde. Les matelots communiquaient facilement à voix normale avec leurs confrères des trois autres vaisseaux de la traversée, comme s’ils ne formaient qu’un seul bâtiment. Guillaume se souvient surtout que la mer s’était déchaînée après cette accalmie insupportable. Les vents diaboliques avaient éloigné les quatre navires l’un de l’autre et les vagues pénétraient facilement jusqu’à sa couchette. Personne n’a pu oublier ces tourments, accentués par les cris insupportables du poltron.

    Guillaume a perdu la notion du temps et de l’espace. Il ne sait plus trop si c’est le matin qui berce le navire ou si ce point dans l’infini, droit derrière lui, est sa chère France qu’il a bêtement quittée. En imaginant qu’il s’agit bel et bien de la France, il rêve à sa pauvre défunte mère Madeleine, à son bon maître Barthélemy Bertiaut et à la douceur du visage de Marie Ponsart, qu’il ne reverra plus jamais à cause de la méchanceté de son seigneur.

    On lui a dit que les circonstances de la mort de son père n’ont jamais été élucidées. La disparition mystérieuse de l’homme est survenue alors que Guillaume était dans le ventre de sa mère. Il n’en fallait pas plus pour alimenter les ragots des serfs affirmant que Guillaume était un des nombreux bâtards du seigneur. N’avait-il pas la réputation d’être très près de ses paysannes, même de celles unies par le sacrement du mariage ? Ne pouvant travailler aux champs, la jeune femme est devenue blanchisseuse au château. On dit qu’à son décès tragique, elle portait un des autres enfants illégitimes du seigneur. Cette femme dévote et en bonne santé n’est certes pas tombée par accident dans ce puits…

    Orphelin à neuf ans, Guillaume a été recueilli comme apprenti par Barthélemy Bertiaut, à qui Dieu n’avait pas donné la chance d’avoir un fils pour assurer sa descendance à la boulangerie du village. En plus de lui enseigner son art, le brave homme l’a éduqué et nourri avec la tendresse d’un père. Attentif, dévoué et soumis, Guillaume a appris très rapidement les mystères du miracle quotidien du pain. Le vieux Barthélemy n’avait pas à s’inquiéter : jamais les habitants de la seigneurie ne manqueraient de bon pain.

    Quand Barthélemy est mort, attaqué par des brigands ayant réussi à s’infiltrer au village, le seigneur n’a pas voulu faire confiance à Guillaume, jugé trop jeune, à quinze ans, pour devenir maître boulanger. Bien que le vieux boulanger le considérait comme compagnon, Guillaume n’avait pas encore produit le chef-d’œuvre qui lui permettrait d’obtenir le titre de maître. Le seigneur s’était donc mis à la recherche d’un boulanger ou d’un compagnon un peu plus âgé. En attendant, Guillaume préparait le pain chaque jour, sans que nul n’ait à se plaindre de sa qualité.

    Guillaume n’avait pas tout de suite compris pourquoi les chevaliers du seigneur étaient venus l’arrêter pour l’enfermer dans le cachot du château. Indisposés par le pain de la veille, le seigneur et sa dame priaient chaque saint du paradis pour que le Tout-Puissant n’emporte pas leur fils unique, gravement malade après avoir englouti le pain de ce même repas. Chaque jour, le seigneur venait narguer Guillaume, lui jurant de le tuer de ses propres mains si son fils trépassait. En cas de guérison, Guillaume serait à jamais banni de la seigneurie.

    Seul au fond de sa misérable prison, Guillaume priait sans cesse la Vierge, lui demandant de le délivrer de ce destin. Quand il cessait ses litanies, le jeune homme essayait de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Soudain, il s’était souvenu de la harangue vindicative d’un paysan, accusant le seigneur d’avoir engrossé sa fille de quatorze ans. Or, c’était précisément ce laboureur qui, la veille, avait livré un sac de farine. Pour se venger, cet homme avait-il voulu empoisonner le seigneur et sa famille ? Et Guillaume payait pour son odieuse hardiesse ? Le seigneur ne voulait pas entendre cette explication. Seul le boulanger, cuisant le pain, pouvait juger de la qualité de la farine du moulin. S’il n’avait pu déceler le poison, Guillaume se trouvait ainsi complice. Insistant trop, un chevalier avait mis le garçon aux fers pour lui administrer cinq coups de fouet. Humilié, affamé, affaibli, Guillaume avait été libéré dix jours plus tard, maudit par son seigneur et banni du seul lieu connu depuis toujours. Éconduit aux limites de la seigneurie, le pauvre ne voyait devant lui que l’infinie profondeur de la forêt habitée par des brigands et des démons.

    Le tambour du navire tire Guillaume de ces pénibles souvenirs. Les passagers, à jeun depuis leur réveil, ne tardent pas à se réunir sur le pont. Le cuisinier leur distribue un peu de riz et des biscuits. Guillaume grignote sans appétit, alors que le vaisseau se remet à tanguer avec plus de vigueur. Il regarde du coin de l’œil les officiers supérieurs se délecter de leur pain sec et se sent prêt à tous les crimes pour en posséder une miche. Comme tous les autres, Guillaume n’en peut plus des biscuits, du riz, du mauvais fromage ou des légumes fanés.

    Les passagers sont presque tous des soldats dans la force de l’âge, désignés pour accomplir leur devoir pendant trois années dans cette colonie baptisée Nouvelle-France. Comme s’il pouvait y avoir une autre France au-delà de cette mer parfois impitoyable ! Puis, quelques pères jésuites, désireux d’apporter la foi chrétienne aux indigènes de cette contrée mystérieuse. À leurs côtés, quelques engagés par une compagnie du roi pour rapporter des fourrures au pays. Enfin, cette curieuse famille Baudoin, avec le père, la mère et trois petits enfants. Guillaume ne peut s’imaginer pourquoi ces braves gens s’embarquent volontairement et en toute conscience vers ce nouveau monde. La fillette de la famille doit avoir treize ans, rappelant involontairement à Guillaume la beauté de sa douce Marie Ponsart, d’autant plus qu’elle porte le même prénom.

    Jadis, aussitôt parti de la seigneurie, Guillaume avait tenté de rejoindre Marie par un boisé. Les chevaliers, ayant songé à cette éventualité, l’avaient aussitôt mis en joue. À la seconde près, Guillaume s’était enfui, s’égarant dans la forêt, perdant quelques heures à retrouver le chemin qui le mènerait il ne savait trop où. La nuit approchait et l’affligé pensait sans cesse aux brigands, aux loups et aux diables. Effrayé, enfin libre de pleurer, il marchait malgré le sommeil, pensant à Marie.

    Son bon maître Barthélemy lui avait permis, une fois par mois, de quitter la boulangerie pour faire la cour à cette simple fille de paysan. Quelles heures extraordinaires à rire, parler et marcher, à se prendre encore pour des bambins. Suite à la sixième rencontre, Guillaume lui avait parlé de mariage. Après avoir acquis son titre de maître, il y aurait des célébrations aussitôt la permission du seigneur et des parents obtenue. Marie, folle de joie, lui avait sauté dans les bras en pleurant de bonheur. Ils s’étaient alors embrassés. Ce geste porteur de promesse faisait battre le cœur de Guillaume. Il aurait une descendance, un fils qui, à son tour, deviendrait son apprenti, puis son compagnon et maître boulanger, perpétuant ainsi la science culinaire de monsieur Barthélemy.

    Exténué, Guillaume s’était écroulé près d’un arbre pour s’endormir à la douceur du souvenir de ce baiser partagé avec Marie. La dureté du réveil ! Il n’était plus rien : un serf sans seigneur, un compagnon sans maître, un garçon sans parents et un amoureux qui ne reverrait plus jamais sa promise. Après avoir marché pendant deux jours, Guillaume avait atteint la seigneurie voisine. Entrée refusée ! Déjà trop de paysans et leur boulanger toujours dans la vingtaine… Revoilà Guillaume sur la route, sans ne jamais rencontrer personne, comme si le Perche n’était qu’une immense forêt noire. Au domaine suivant, l’accueil avait été plus favorable. Guillaume s’était rassasié avec empressement. Il avait pensé à Paris. Plusieurs prétendaient que cette forteresse contenait mille fois la population d’une seigneurie. Tant de voyageurs confirmaient cette rumeur farfelue qu’il ne pouvait en être autrement. Dans un tel cas, le jeune homme aurait de fortes chances de rencontrer un bon maître boulanger afin de terminer son apprentissage, lui permettant, par la suite, d’offrir ses services à des seigneurs qu’il aurait le temps de choisir comme il faut.

    Sur le navire, la jeune fille de la famille Baudoin approche de Guillaume et, de sa voix affaiblie, lui demande de faire preuve de bon cœur et de lui donner la moitié de son biscuit, car son petit frère semble très malade. Guillaume demeure de marbre devant ces grands yeux aussi jolis que ceux de Marie. Au moment où elle rebrousse chemin, il la rattrape et lui offre son biscuit. Guillaume ne voudrait pas qu’un enfant innocent trépasse de la faim ou de maladie. Déjà que depuis le départ, les tambours des quatre vaisseaux ont tonné en même temps que les prières, jetant au gouffre de l’océan une dizaine de corps qui n’ont pu résister à la dureté impitoyable de la traversée.

    Chaque soir, Guillaume demande grâce à Dieu, car lui seul sait si cette nuit sera sa dernière. Il tente de s’endormir sous les plaintes des passagers et leurs toussotements alarmants. D’autres ont su s’accommoder de cette vie. Guillaume se sent étourdi, alors que le Saint-Jacques louvoie plus que d’habitude. Des vagues se fracassent contre la coque et l’eau glacée s’infiltre sur le plancher de la sainte-barbe. Le jeune homme ferme les yeux, tente de ne pas entendre ce que racontent les matelots de nuit sur le pont. Deux heures plus tard, tout le monde est réveillé. Ceux qui ne crient pas prient à haute voix. Des éclairs diaboliques zèbrent le ciel, alors que le vaisseau est ballotté comme un vulgaire coquillage. Guillaume sent son heure venue et ne peut se résoudre à croire qu’il a volontairement signé pour ce voyage.

    Il se souvient que n’ayant pas de lettre de son seigneur, ni d’autorisation de quiconque pour franchir les murs de Paris, Guillaume s’était réfugié dans le faubourg. Mort de faim et affaibli par tant de journées de marche, il s’était affaissé près du mur d’une maison, sans que personne ne le remarque. Pourquoi s’émouvoir d’un vagabond et d’un mendiant de plus ? Les autorités parisiennes viendront sûrement le chercher pour le mettre au cachot. Guillaume ne pouvait croire que quelques semaines plus tôt, il tenait la main de Marie et avait le respect de maître Barthélemy. Dans quelques années, il serait le boulanger de la seigneurie, l’homme le plus important après le seigneur et le curé. Il aurait épousé Marie et il enseignerait son métier à son premier garçon, avec la même attention que son bon maître. Le voilà parmi les immondices d’un faubourg de Paris, sur un pied d’égalité avec les rats et les porcs.

    Le matin suivant, un vieillard lui avait secoué l’épaule. Constatant le piètre état de ce garçon pourtant robuste, l’homme s’était pris d’une grande pitié pour lui. « Venez partager mon pain. » Voilà aussi quelques vêtements propres et une bonne couchette. Maître cordonnier, Jean Nepveu racontait sa vie à Guillaume, véritable reflet de l’existence qu’il espérait pour lui-même. Après la création de son chef-d’œuvre, il était devenu un cordonnier très apprécié à Paris. Il avait épousé une fille de bonne condition, qui lui avait donné quatre garçons et trois filles. Une de celles-ci était devenue religieuse et maître Nepveu avait pu rendre hommage à Dieu en donnant son plus jeune fils à des moines. Les deux autres filles avaient épousé des hommes de qualité. Et les trois garçons ? Cordonniers ! L’un de ceux-là, tellement apprécié des Parisiens, avait décidé d’ouvrir une nouvelle boutique dans le faubourg. Depuis, il y habitait avec son père, qui passait une belle vieillesse à parler à tout un chacun, à parfois donner un conseil à son fils. Ils habitaient le faubourg sans crainte des pillards. Guillaume avait constaté que ce faubourg était beaucoup plus grand que les seigneuries du Perche. Suivant cette logique, le jeune homme imaginait l’immensité de Paris.

    Le vieux Jean avait tout de même avoué à Guillaume que les corporations étaient de plus en plus sévères pour juger le chef-d’œuvre de chaque compagnon, hésitant à décerner le titre de « maître ». C’est ainsi que son avant dernier fils avait décidé d’émigrer en Nouvelle-France, dans une ville du nom de Québec, où il avait pu devenir maître sans l’approbation de ces messieurs de Paris. Guillaume n’avait jamais entendu parler de la Nouvelle-France. Ce nom lui-même le faisait sourire. « Au-delà d’une grande mer, Sa Majesté a fondé une colonie sur un continent encore sauvage, mais d’une richesse telle qu’elle deviendrait rapidement un royaume aussi puissant que la France ! » Au-delà d’une grande mer ? pensait sans cesse Guillaume. Il avait toujours cru que des dragons et des créatures diaboliques habitaient le bord de la Terre et que nul navigateur ne pouvait songer à se jeter dans l’abîme aux confins de l’océan. Telle était l’histoire effrayante souvent racontée par son bon maître Barthélemy.

    Guillaume n’avait guère prêté attention à ce récit fantaisiste. Respecté à Paris, maître Jean avait aidé le jeune à pénétrer à l’intérieur de la ville, après une enquête d’un lieutenant de police. Un compagnon boulanger de son âge, avec son physique, n’irait certes pas joindre les rangs de cette peste de mendiants rendant les rues de Paris dangereuses. C’est ainsi que, le cœur rempli d’espoir, Guillaume croyait commencer une nouvelle vie.

    La réalité du présent est moins enchanteresse, alors que les aliments ont été avariés par l’eau salée qui s’est infiltrée dans la cale. Les passagers, habituellement à l’écart du travail des matelots, sont appelés à prêter main-forte pour rejeter cette eau à la mer. Aussitôt qu’un rat file entre les jambes de Guillaume, celui-ci s’évanouit. Les matelots ont le goût de le maintenir sous l’eau afin de se débarrasser de ce poltron inutile. Les jours suivants, si chauds, voient beaucoup de passagers atteints de fièvres inquiétantes, inspirant les pères jésuites à de multiples prières. Cinq jours plus tard, le tambour bat pour ce petit garçon à qui Guillaume avait donné un biscuit. Sa famille pleure sans cesse, rendant très émouvante la cérémonie. Le corps se perd dans les entrailles de l’Atlantique, accompagné d’un religieux, de deux engagés, d’un soldat et d’un mousse.

    Jamais ils n’arriveront dans ce pays lointain ! Cette contrée de misères et de dangers perpétuels ! Le cordonnier Jean avait confié à Guillaume que cette Nouvelle-France était peuplée de quelques indigènes, mais ni lui ni le commandant du Saint-Jacques n’avaient osé lui dire l’effroyable vérité. Il y a deux semaines, profitant d’un temps d’accalmie où les voiles du navire étaient tragiquement immobiles, les matelots avaient beaucoup moins de tâches à accomplir. Belle occasion pour parler un peu avec les passagers. Un vieux matelot édenté avait alors raconté la vérité à Guillaume Tremblay, dit le Poltron. Cet homme en était à son dixième voyage en Nouvelle-France. Tous ses navires avaient mouillé dans le port de Québec et il avait séjourné à quelques occasions dans ce bourg. « Les Sauvages de la Nouvelle-France ? Si les serviteurs de notre roi en parlaient comme il se doit, personne ne mettrait pied sur un vaisseau en direction de cette terre maudite, dont le diable ne voudrait même pas pour élargir son royaume ! » Selon ce matelot, parlant à cœur ouvert à Guillaume, ces primitifs de la Nouvelle-France n’ont de forme humaine que leurs deux jambes, le reste de leur physionomie n’étant que repoussantes boursouflures au-delà de toute imagination. Ils ont trois bras, tous très longs, une peau verte écaillée, une immense bouche d’où sort une langue reptilienne, et un seul œil, injecté de sang noir. Ils peuvent détecter des lieues à la ronde les Européens dont ils dévorent la chair après avoir bu leur sang. Le matelot, tout simplement horrifié d’en parler, avait demandé à Guillaume combien de sujets revenaient en France. Il ne pouvait répondre à cette question. Cet homme savait mieux que quiconque : « Personne ne monte sur les vaisseaux quand nous repartons pour la France ! » Ils ont, pour la plupart, été anéantis par ces indigènes. Le roi n’envoie dans cette colonie que les mauvais sujets, les sots, les traîtres et les brigands. Comment un matelot de son expérience pourrait-il mentir, d’autant plus que ce récit lui avait donné des sueurs, le menant au bord des larmes ? Depuis, Guillaume a juré de se cacher à fond de cale dès le mouillage du Saint-Jacques à Québec. Ainsi, il pourra retourner en France sans être mangé par ces monstres. Croyant que son devoir était d’avertir discrètement les passagers les plus probes, on lui a ri en plein visage, l’assurant qu’il a été victime d’un mauvais plaisantin à l’imagination trop débordante. Guillaume, se sentant incompris et rejeté, met toute sa foi en Dieu pour le protéger de ces écueils. Malgré lui, il y a quelques jours, il a surpris une conversation entre le capitaine Laroche-Jacquelin et un enseigne, disant à voix basse que les Sauvages de Nouvelle-France étaient si terrifiants qu’ils dépassaient tout entendement.

    Le vent renaît deux jours plus tard. Le vaisseau a été asséché, mais ces écarts de température ont avarié la nourriture, si bien que le chirurgien travaille avec autant de vigueur que les pères jésuites. Cette traversée se terminera dans les abîmes et si tel n’est pas le destin du Saint-Jacques, tout le monde sera dévoré par les Sauvages. Guillaume en tremble d’effroi. Plus que jamais, le visage de Marie, de sa mère et de son bon maître Barthélemy le réconfortent devant cette fin cruelle qui approche à chaque lieue franchie.

    Parmi les joies de sa trop courte vie, Guillaume se souvient de son étonnement en découvrant Paris. Tant de gens en un seul endroit ! Militaires, artisans, commerçants, nobles, ecclésiastiques, tous se promenaient dans les rues tortueuses et nauséabondes. La joie régnait dans cette foule bigarrée, criarde et rieuse. On lui avait pourtant dit, depuis l’enfance, que les villes n’étaient que des lieux de malheur. Guillaume y avait vu des boulangeries énormes, mais chacune employait déjà plusieurs compagnons et apprentis. Il s’était rendu loger chez le fils du cordonnier Jean. Le jour venu, il parcourait les rues, à la recherche d’une tâche lui permettant de gagner quelques sols pour son pain quotidien. Malgré tous ces lieux de négoce et cette population dense, Guillaume avait joué de malchance. Personne ne voulait de lui et l’épouse du jeune cordonnier semblait contrariée de devoir abriter et nourrir cet étranger.

    À la porte d’un cabaret, Guillaume observait un décrotteur à l’œuvre, jugeant que ce métier facile lui permettrait de subsister et de se louer une chambre chez un aubergiste. Armé d’un couteau et d’un chiffon, Guillaume s’était mis tout de suite à la tâche, sitôt la permission des autorités obtenue. Après un mois, il commençait à se sentir humilié de nettoyer les chaussures des gens de qualité qui le traitaient avec un mépris hautain, lui qui pouvait cuire le pain aussi bien que son maître Barthélemy. Offusqué de la lenteur de Guillaume, un vulgaire bourgeois l’avait bousculé en le traitant de vilain. Guillaume lui avait répliqué en criant: « Petite tête ! » Une heure plus tard, le malheureux garçon était au cachot avec des va-nu-pieds qui s’amusaient à assommer des rats avec des cailloux.

    À sa libération, un mois plus tard, Guillaume ressemblait à un clochard. Des femmes riaient de le voir marcher, alors que des gentilshommes se moquaient de ses hardes misérables, avant de brandir le poing en se plaignant que Paris était infectée de la raclure des pires roturiers de France et que le roi devrait tous les envoyer dans les colonies. À cette remarque, Guillaume avait tourné le dos à Paris à toute vitesse, trouvant refuge chez maître Jean, pressé de lui parler de son fils installé à Québec. « La Nouvelle-France, vous me disiez ? Où je pourrais devenir un boulanger aussi respecté que votre fils cordonnier ? » Le vieil homme, pour le convaincre, lui avait fait la lecture de la dernière lettre de son garçon, arrivée depuis peu. « La Nouvelle-France…», avait pensé Guillaume en un soupir, suivi d’un très large sourire.

    Cependant, le présent le rattrape : Alerte pour l’équipage ! Les tambours battent nerveusement et les passagers sont priés de demeurer dans la sainte-barbe. Les canons tonnent et les matelots s’agitent, pendant que les soldats tirent sans cesse. Il ne manquait plus que des corsaires au malheur de Guillaume ! Après une heure de combat, les quatre vaisseaux de Sa Majesté ont pu mettre en déroute les coquilles de ces bandits, non sans que le Saint-Pierre ait perdu cinq braves serviteurs. Épuisés par la bataille, les hommes de l’équipage n’ont pas le temps de se prélasser qu’une autre tempête gronde, au début de la nuit. Guillaume entend chaque écrou du navire craquer, pendant que les passagers s’agrippent à tout ce qui les entoure en poussant des plaintes stridentes. De nouveau, les barils de nourriture seront avariés et les fièvres de la faim feront de nouvelles victimes.

    Le jour se lève quand la mer retrouve enfin son calme. Un des vaisseaux a été endommagé par la colère de l’océan. Quinze passagers arrivent sur le Saint-Jacques, alors que les navires jettent l’ancre, le temps d’effectuer les réparations. Le capitaine réunit tout le monde sur le pont et ordonne un rationnement des vivres. Personne n’ose maugréer, bien que la révolte et le découragement habitent plusieurs cœurs. Pour leur part, les marins hérissent chacun en qualifiant cette traversée de « banale ».

    Guillaume se souvient qu’il y a si peu longtemps, après de longs mois de marche incessante, affrontant un hiver humide, il atteignait le port de mer de La Rochelle. Le long de sa route aventurière, il avait réussi à se nourrir grâce à la rare générosité de quelques serfs. Un seigneur l’avait même accueilli sur ses terres, ayant beaucoup entendu parler de cette colonie de la Nouvelle-France. Bien que primitive, elle offrait de grandes possibilités d’avenir pour un sujet de la force de Guillaume. « Il y a de l’or, des fourrures, des métaux et sans doute que ces terres nouvelles cachent le chemin menant aux richesses de l’Orient. » Il n’en fallait pas plus pour raviver le jeune homme du fol espoir d’une vie meilleure. Cependant, en arrivant à La Rochelle, Guillaume ressemblait à un gueux. Au port, il avait vite trouvé les autorités pouvant le renseigner. On lui avait même fait l’honneur d’un entretien avec le chevalier LaRoche-Jacquelin, capitaine du vaisseau Saint-Jacques, qui partirait pour la Nouvelle-France dans quelques semaines. « La traversée n’est pas de tout repos, longue de trois à quatre mois, selon la bonté des vents. La nourriture sur le Saint-Jacques est abondante et excellente, le confort digne de mention et il y a même des musiciens et des loisirs pour tous les passagers. Les volontaires sont les bienvenus dans cette contrée riche et avenante. » Guillaume s’était empressé de déposer sa marque sur le document lui permettant de monter à bord du Saint-Jacques. Il sera engagé pour trois ans en Nouvelle-France, les profits qu’il rapportera, par son travail, servant à payer le coût de son voyage. Jouant enfin d’un peu de chance, Guillaume avait travaillé dans une écurie de la ville, en attendant le jour du grand départ.

    Une semaine plus tard, Guillaume se maudissait d’avoir eu cette sotte idée de monter à bord de cette vieille coquille usée, voguant avec difficulté sur cette mer diabolique et infinie. Fiévreux et malade à tout moment, il ne se cachait pas pour se plaindre des conditions inhumaines. « Taisez-vous, le Poltron ! » lui criaient les matelots, exaspérés. Le garçon ne s’était pas plaint de ce vilain sobriquet. Pourquoi en aurait-il été autrement ? Sa vie était marquée par le malheur. Jamais il n’arrivera dans ce pays mystérieux ! Et si tel était le cas, les Sauvages s’empresseront de sucer son sang avant de dévorer sa chair. En attendant, Guillaume se promène le dos courbé sur les ponts inférieurs, cherchant un moyen discret d’atteindre la cale, quand le Saint-Jacques approchera de Québec. Il est surpris par ce vieux matelot amical. Il confie au jeune homme que la terre sera bientôt signalée par la vigie. Il en profite pour donner à Guillaume quelques bons conseils pour éloigner les Sauvages de Nouvelle-France. En leur présentant la croix de Jésus, ces êtres maléfiques dessèchent immédiatement et deviennent poussière après cinq minutes. Le marin offre aussitôt à Guillaume une croix sculptée dans du bois, l’invitant à toujours la porter à son cou.

    La vigie ne hurle pas « Terre ! Terre ! » comme l’a rêvé Guillaume. Au matin, les passagers crient de stupeur et de bonheur en voyant la côte. Immédiatement, ils s’agenouillent pour remercier Dieu et Sa Majesté. Chacun poursuit ses prières, bien après la fin de la cérémonie commandée par le capitaine. Les yeux arrondis se remplissent de larmes à la vue de cette forêt. Quelques heures plus tard, le Saint-Jacques et les trois autres vaisseaux jettent l’ancre et des barques vont tout de suite au ravitaillement. Les passagers ont le goût de danser le menuet en pensant qu’ils se délecteront de fruits frais ou d’un gigot de viande. Un père jésuite gazouille près de Guillaume, n’en finissant plus de s’exclamer « Dieu soit loué ! » Le jeune homme l’agrippe et pointe du doigt les barques, où il semble avoir aperçu des êtres vivants près des matelots.

    « Des Sauvages, mon père !

    — Vous croyez ? Merveille ! Ils seront bientôt des enfants de Notre Seigneur !

    — Ils vont sucer notre sang et nous dévorer ! Il faut avertir les matelots qui restent et fuir aussitôt vers la France !

    — Que me racontez-vous là, Guillaume Tremblay, dit le Poltron ? »

    Personne ne croit Guillaume alors qu’il s’agite et révèle le terrible secret concernant ces indigènes cannibales à la peau verte, avec leurs multiples bras et leurs langues de serpents. Même la jeune fille au biscuit rit de son récit. Guillaume se fâche, jure qu’il tient ce renseignement d’un matelot de longue carrière, ayant souvent fait escale à Québec.

    Il ne reste plus à Guillaume qu’à se cacher pour mieux prier. Recroquevillé dans la sainte-barbe, il tend tout de même l’oreille en entendant les passagers s’amuser et chanter. Guillaume remarque surtout le mot « viande ». Il monte prudemment sur le pont, approche, craintif, et voit un groupe entourer un homme étrange au teint basané et aux cheveux entièrement rasés sur le côté. Il porte un pagne et sa peau est peinte de nacre rouge. Il est paré de coquillages au cou.

    « C’est un Sauvage. Il est roi et seigneur de son peuple qui pratique la pêche sur ces côtes. Il nous a donné des vivres et a manifesté le désir de monter sur le navire.

    — Il n’a pas la peau verte, comme vous me l’avez dit.

    — Il y a plusieurs races de Sauvages, monsieur le Poltron. Mais n’ayez crainte. Regardez, mon couteau est bien aiguisé. Je vous protégerai s’il sort sa langue de serpent. »

    L’indigène, au visage stoïque, semble soudainement amusé en voyant la fillette et son frère. Impressionné, il examine aussi le mât et les voiles. Guillaume recule d’un pas à chaque fois que le Sauvage en fait un. Déjà, les passagers se régalent de fruits et de poisson sec, pendant que le cuisinier pleure de joie en voyant une seconde barque arriver avec plusieurs animaux morts à son bord. Cet homme de l’âge de pierre reçoit des ustensiles en guise de cadeau. Reconnaissant, il s’entretient par gestes avec le capitaine. Il désigne l’horizon du doigt, comme s’il lui donnait des conseils de navigation. Quand le primitif quitte le Saint-Jacques, Guillaume trouve le courage d’approcher pour le regarder s’éloigner. Les passagers, en douce, se moquent de sa crainte.

    Enfin rassasié de nourriture fraîche, Guillaume se croit au paradis. Tout le monde a le cœur à la fête et danse au son d’une viole, maniée maladroitement par un matelot. Ses confrères murmurent à voix éteinte les dangers d’écueils de ces côtes, rappelant les mésaventures de quelques vaisseaux du passé. Certains prévoient qu’il leur faudra douze ou quinze jours avant d’atteindre Québec. Le lendemain, la flotte mouille de nouveau pour le ravitaillement. Par dérision, les marins invitent Guillaume à se joindre à eux pour une chasse ou une cueillette. Le refus du jeune homme entraîne de nombreux volontaires, anxieux de pouvoir enfin mettre pied sur la terre ferme. Cinq jours plus tard, Guillaume est aussi étonné qu’effrayé par l’immensité de cette côte forestière. La température, splendide, ravive les espoirs les plus fous. La nourriture étant fraîche chaque jour, les Français pris de fièvres se remettent après quelques sains repas.

    Croyant que ce vieux matelot s’était moqué de lui, Guillaume ose approcher un autre indigène monté à bord pour recevoir des présents. Celui-là a le visage peint de noir et est entièrement nu. À son cou, Guillaume aperçoit un étrange collier dont l’extrémité semble constituée de poils d’animaux. Guillaume hurle d’effroi en se rendant compte qu’il s’agit d’une calotte de cheveux humains. Cette fois, d’autres passagers réagissent de la même façon. Un officier explique du mieux qu’il le peut que les Sauvages, après avoir vaincu un ennemi, ont l’habitude d’arracher le cuir chevelu de leur victime et de le porter triomphalement comme preuve de leur victoire et de leur courage. Mais il ajoute qu’il n’y a rien à craindre pour les Français. Ce sont des guerres entre peuplades et la majorité des indigènes de la vallée du fleuve du Canada ont des alliances d’amitié et d’entraide avec les sujets de Sa Majesté.

    « Qu’est-ce que je vous avais raconté, Guillaume Tremblay, dit le Poltron ? Vous aviez mis ma bonne foi en doute, moi qui vous avais révélé en toute confiance les agissements de ces monstres. Plus nos voiles nous mèneront vers Québec, plus vous verrez des manifestations de cette barbarie.

    — Sauvez-moi, monsieur le matelot ! Vous n’aurez pas affaire à un ingrat ! Je m’excuse d’avoir douté de vos propos ! J’ai eu tort et je vous supplie de me pardonner ! Sauvez-moi ! Je veux retourner en France !

    — Quel est votre avoir ?

    — J’ai à peine quelques livres et un peu de sols.

    — Cela suffira. »

    Alors que tout le monde se porte de mieux en mieux, Guillaume se terre dans la sainte-barbe, ne sortant que pour manger. Le Saint-Jacques passe près de s’échouer alors que le vent et une pluie torrentielle sont venus rudoyer la mer intérieure. Le vaisseau mouille près d’une île et les matelots vont y reconduire tous les passagers, le temps que la réparation de la voile s’effectue et que la cale soit dégagée de son eau.

    « Qu’est-ce que vous faites là ?

    — Monsieur, je vous saurais gré de ne pas me punir pour ma désobéissance, mais je me refuse à descendre vers ces terres infernales habitées par des êtres dont la vue seule pourrait effrayer le diable lui-même.

    — Écoutez-moi bien, roturier ! Je suis fatigué d’entendre vos plaintes incessantes depuis tous ces mois ! Allez rejoindre les autres sur-le-champ ou je vous mets à fond de cale jusqu’à notre arrivée à Québec. Et je vous recommanderai au gouverneur pour le fouet ! »

    Un marin pousse Guillaume hors de la barque, tout en

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1