Historique Sur ordre du bailli
Lorsque Philippe Auguste avait été couronné roi en 1180, à l’âge de 15 ans, succédant à son père Louis VII, de nombreux paysans avaient espéré voir venir la fin du servage. Dix-huit ans plus tard, la situation n’a pourtant guère évolué, du moins dans la seigneurie d’Artois et le comté de Flandre.
Albéric et Chelidoine vivent au cœur de la campagne, au beau milieu des champs, dans une bâtisse de boue séchée pareille à la plupart des fermes de la région. Une seule pièce, sombre, très mal éclairée même en pleine journée, donne, par une petite ouverture, sur la bâtisse voisine – réservée aux outils des travaux agricoles : versoir, soc et sep, destinés à creuser et remuer la terre.
Installés à quelques lieues de Saint-Pol depuis leur mariage, ils vivent heureux et s’aiment tendrement. Mais ils sont, en même temps, désespérés : ils ne peuvent fonder une famille par manque d’argent. Si Hugues de Campdavaine, seigneur d’Artois, leur laisse la possibilité d’avoir des enfants et même de conserver légumes et fruits récoltés, comme l’exige désormais le Roy, le cruel bailli Ismidon ne l’entend pas de cette oreille. Il ne songe qu’à s’enrichir, quitte à tromper l’official, le dirigeant de la justice du pays.
Sous prétexte de collecter les nombreux impôts auxquels sont soumis les serfs, Ismidon dérobe et affame les plus pauvres. Il ne leur laisse pas même de quoi se vêtir.
Albéric est désespéré. Après s’être acquitté du formariage, cette taxe due par tous lors des épousailles, ses maigres économies sont anéanties.
Uni depuis un an maintenant, le couple continue de régler consciencieusement le cens et le champart, c’est-à-dire le droit de vivre sur les terres du seigneur. Mais ils ne parviennent plus à payer les banalités qui les autorisent à utiliser l’eau, le four, le pressoir et le moulin de la région.
Sans ces biens communs, Albéric ne peut travailler la terre argileuse du comté dans de bonnes conditions.
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