Fallait-il céder au désespoir ? Malgré l’amour qu’il portait à son épouse, qui le lui rendait bien, le roi ne parvenait pas à avoir d’enfants. Face à ce cruel destin, ils prièrent les dieux. Et le miracle se produisit : ces derniers leur accordèrent un fils. La joie fut de courte durée. Autour du berceau se réunirent sept fées dont la prédiction fit frissonner les parents : « Ce garçon périra par le crocodile, le serpent ou le chien. » Désemparés, le roi et la reine n’entrevirent qu’une solution, pour le moins radicale : faire bâtir une maison en pierre dans une région désertique, y enfermer leur fils, et le placer sous haute protection, en lui assurant un maximum de confort, à l’abri des périls qui le menaçaient. Jamais il ne devrait sortir de ce refuge, sous peine de subir un horrible destin.
* Le petit prince avait grandi. Il était devenu un beau jeune homme, éduqué par d’excellents professeurs, qui remplaçaient des parents qui ne venaient le voir que rarement. Sa solitude ne lui déplaisait pas. Il lisait les vieux auteurs qui évoquaient l’âge d’or des pyramides et les temps heureux où l’on érigeait des temples. Les maximes des sages lui élargissaient le cœur. Quand il apprit la mort de sa mère, qui l’avait abandonné, et le rapide remariage de son père, le prince ne s’effondra pas. Au contraire, il eut le sentiment qu’il commençait à vivre sa propre vie. Méprisé, presque oublié, il se façonnait.
Sur la terrasse de sa vaste demeure, il ne se contentait pas de contempler le vol des faucons et des ibis, et courait sur les dalles afin de renforcer son endurance naturelle. Au crépuscule d’une journée venteuse, en reprenant son souffle, le prince entendit des jappements déchirants. Au loin, dans les rayons du couchant, il aperçut un homme qui bastonnait un chien. Indigné, le jeune homme dévala l’escalier menant au rez-de-chaussée et se précipita vers la porte de sa demeure.
Un garde lui barra le passage.
– Il vous est interdit de sortir.
– Je dois empêcher un massacre.
– Désolé, j’ai des ordres.
– Ces ordres, je les