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Audrey Tome 3: La fuite d'une tueuse à gage
Audrey Tome 3: La fuite d'une tueuse à gage
Audrey Tome 3: La fuite d'une tueuse à gage
Livre électronique378 pages5 heures

Audrey Tome 3: La fuite d'une tueuse à gage

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À propos de ce livre électronique

Audrey est maintenant seule et livrée à elle-même. Pour oublier sa solitude, elle enchaîne les contrats de tueuse à gages. Entre deux visites de sa petite sœur Claudia, elle erre en cherchant toujours un sens à sa vie. Elle finit par trouver une motivation en s’associant avec l’ambitieuse Madame Lynn, une femme d’affaire que rien ni personne ne peut arrêter.

Jusqu’où cette collaboration mènera l’ex-lieutenante ?

Est-ce que cela va pousser Audrey au-delà de ses limites et combler sa solitude ou s’enfoncera-t-elle encore plus loin dans les ténèbres, entraînant son entourage dans son sillage les mettant par le fait même en danger… ?
LangueFrançais
Date de sortie12 juin 2024
ISBN9782981962782
Audrey Tome 3: La fuite d'une tueuse à gage
Auteur

Kevin Bonneville

L’écriture a toujours été présente dans la vie de Kevin. Cependant, il ne lui était jamais venu à l’esprit d’en faire un jour son métier. Après avoir tenté sa chance dans le monde télévisuel et cinématographique, il a réalisé que la meilleure façon de partager ses univers et ses personnages avec les autres était avec des romans. Depuis qu’il a tenu son premier livre entre ses mains, Kevin a décidé de ne jamais cesser d’écrire. Il explore constamment de nouveaux thèmes, genres et idées. C’est un travail intense, mais pour lui rien ne vaut ce moment où devant son bureau, il inscrit la première phrase d’une nouvelle histoire.

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    Aperçu du livre

    Audrey Tome 3 - Kevin Bonneville

    À Léa.

    Parce qu’il y a des rencontres

    qui marquent plus que d’autres.

    Faire face à soi-même

    Une semaine. Cela faisait déjà une semaine que l’ex-colonel des forces armées canadiennes était décédé. Atteint d’une maladie incurable et ne souhaitant pas se laisser décrépir ni mettre lui-même fin à ses jours, l’homme orgueilleux avait demandé à sa protégée de le faire à sa place. L’amour et l’affection qu’elle éprouvait pour lui l’avaient incitée à accepter.

    Assise dans son sofa, dans un loft qui lui paraissait maintenant beaucoup trop grand, Audrey flattait César, son python royal, de sa main blessée. Cette blessure était due à un autre excès de rage non contrôlé. Assise, donc, elle fixait la boîte posée sur sa table de la cuisine. Un cadeau post-mortem de son mentor qui lui avait été livré la veille. Elle y vit une autre preuve de l’organisation du colonel. La jeune femme jugeait son deuil toujours trop récent pour qu’elle l’ouvre. Elle ne voulait pas s’effondrer en larmes.

    Après avoir imaginé ce que le colonel dirait en pareille situation, Audrey prit la décision de prendre l’air. L’appel de l’extérieur la démangeait depuis trop longtemps.

    Peine, pas peine, elle devait courir. Elle s’épuiserait assez pour tout oublier.

    En se levant pour aller porter César dans son vivarium, son attention fut attirée par une notification d’un de ses téléphones portables. Ce dernier était réservé uniquement pour le travail. Avant le décès de Francis, elle s’était engagée sur deux contrats. Y répondre serait une merveilleuse façon de rendre hommage à la personne qui lui avait tendu la main et l’avait guidée dans l’obscurité. Elle prit alors l’appareil et retourna s’asseoir avec César, toujours sur elle.

    Bien qu’utile, un téléphone n’égalait aucunement le confort d’un poste informatique convenable. Y aurait-il un problème si elle utilisait celui du colonel ? Ne lui avait-il pas dit qu’elle était désormais chez elle et non plus chez lui ? Bref, l’application lui rappela qu’elle s’était engagée et qu’elle devait se décider. Choisir entre honorer son engagement ou l’annuler. Elle choisit la première option. Un homme devait mourir. Ses dernières décisions avaient grandement nui à la compagnie dont il était cofondateur. Puisqu’il était dans l’incapacité de racheter ses fautes, l’option la plus rapide et la moins coûteuse pour son client était d’hériter de ses parts. C’est pour cela que monsieur Stéphane Leclair allait devoir très prochainement manger les pissenlits par la racine. Ne sachant pas trop comment procéder, Audrey envoya les informations qu’elle possédait sur sa cible à son contact H3rc4le. Après coup, elle se leva et alla finalement déposer son python dans son vivarium. Elle se dirigea ensuite vers la cuisine pour préparer un potage d’avant course.

    Des épluchures de carottes, des débris de brocolis et de petites flaques de crèmes étaient éparpillés sur l’îlot d’Audrey. La jeune femme regarda le chaudron au contenu douteux en grimaçant. Elle se savait pleine de talent, mais bonne cuisinière, ou même cuisinière tout court, ne faisait absolument pas partie de cette liste. Le colonel, véritable cordon bleu, lui manqua d’autant plus. Elle essayait toujours de réprimer ses larmes lorsque son téléphone sonna.

    Elle venait de recevoir la réponse de H3rc4le. Toujours aussi efficace, il rendait son travail beaucoup plus simple. Toutefois, si elle désirait amasser une belle cagnotte pour sa retraite, ce dont elle rêvait depuis un bout maintenant, elle devait devenir plus autonome. Même si elle croyait en elle, elle préférait commencer sa carrière solo en douceur. Le contenu de la missive la convainquit. Se passer de cette aide serait un véritable gaspillage. Outre le nom de la cible, ce qu’elle savait déjà, H3rc4le lui servait sur un plateau doré diverses informations. D’abord, le nom de sa femme, Julie Lapointe. Cette dernière lui avait donné deux filles. Les fillettes, encore très jeunes, huit et six ans, pleureraient sous peu la perte de leur père. Audrey trouvait ce deuil à venir dommage pour elles, mais sans plus. Le sien la faisait suffisamment souffrir. Elles s’en remettront, se dit-elle. De plus, elle connaissait désormais le modèle de sa voiture. Il s’agissait d’une Mercedes Benz Édition Deluxe avec seulement deux années d’usure. Facile à repérer. Cette information l’aiderait si elle devait faire une filature. La suite lui semblait futile, mais une information la fit tilter. Monsieur Leclair souffrait d’une allergie sévère aux arachides. Voilà qui faciliterait son travail.

    D’après l’enquête de ce cher H3rc4le, la cible possédait un fort penchant pour les femmes enfants. C’est-à-dire des jeunes femmes majeures, arborant l’allure d’une adolescente. C’est mieux qu’être pédophile, songea alors la tueuse. Une information complémentaire indiquait qu’il assouvissait ses pulsions grâce à une application appelée LOVEfet. Sans savoir pourquoi, le souvenir de Mirna et elle sur la plage pour naturiste lui revint en mémoire à ce moment-là.

    Cet après-midi-là, lorsque Audrey était sortie de l’eau, Mirna ne l’avait pas lâchée du regard. Dès que la Vietnamienne l’avait rejointe, à l’ombre d’un arbre, la barmaid n’avait pas été pléthore de compliments à propos du corps d’Audrey. Elle avait été gâtée par la nature de ce côté, mais elle avait le mérite de bien entretenir le tout. Mirna s’était exclamée mi-sérieuse, mi-joueuse : Tu n’as jamais pensé gagner ta vie avec ton physique de sportive ? Sur le coup, la suggestion l’avait choquée. Aujourd’hui, elle repensait sérieusement à passer à l’action en ce sens. Cela pourrait lui faciliter la tâche. Rien ne valait un essai sur le terrain, comme disait le colonel. Il n’en fallut pas plus à Audrey pour savoir comment faire. Elle répondit au courriel avec une demande : Il faut que notre contact se fasse via l’application LOVEfet. Je compte sur vous. Merci. Sur ce, elle partit se préparer pour un bon jogging revivifiant.

    Audrey courut à travers le parc Maisonneuve. Les usagers du parc pouvaient pleinement en profiter. Dans le ciel bleu foncé se déplaçaient lentement quelques nuages. Afin d’éviter de s’essouffler inutilement, Audrey ne pensait qu’à rythmer sa respiration tout en écoutant l’artiste Moby. La jeune femme, coupée du reste du monde, faillit ne pas voir le ballon de soccer se diriger vers elle. À la dernière seconde, elle s’arrêta et attrapa l’objet roulant. Une gamine de cinq ans s’approcha timidement, bientôt rejointe par sa mère. Enlevant un de ses écouteurs, elle rejoignit la petite.

    — C’est à toi ? lui demanda-t-elle toute souriante.

    — Oui… Je suis désolée. Je ne voulais pas vous tirer le ballon dessus.

    — Je m’en doute bien. Le tir est puissant pour une fille de ton âge. Tu veux être joueuse professionnelle ?

    La gamine, gênée, rit et rougit en se réfugiant dans les bras de sa mère. Cette dernière encouragea sa fille à lui répondre et la petite se reprit.

    — Je sais pas. Peut-être. J’aimerais bien.

    Pendant qu’Audrey prodiguait des conseils à la jeune fille, elle se revit avec sa petite sœur Claudia. Il lui arrivait souvent d’avoir ce genre de discussion avec elle.

    D’ailleurs, la semaine dernière, sa cadette lui avait envoyé une invitation. Elle voulait lui présenter Théo, son petit copain, lors d’un souper à Sherbrooke. La soirée avait été fort agréable. Le garçon, à l’aise, lui avait laissé une bonne impression. Son langage corporel ne trahissait aucune forme de malaise. Il n’en faisait ni trop ni pas assez. Il y avait tout de même eu une gêne qui avait fini par disparaître une fois l’entrée ingurgitée. Claudia semblait heureuse et amoureuse. Lors du chemin de retour, un coup de vieux avait frappé de plein fouet l’aînée de la famille. Bientôt, la petite chipie lui demanderait, sans doute, des conseils pour sa première fois. Audrey se doutait bien que ce jour arriverait et que ce serait difficile à avaler, toutefois elle laisserait toujours Claudia libre de faire ses propres choix. Elle ne s’attendait pas à se faire autant violence pour laisser les évènements se dérouler par eux-mêmes. Une belle épreuve de la vie.

    Pendant qu’elle discutait toujours avec la future championne de soccer, son téléphone professionnel vibra dans sa poche. Sachant que son contact travaillait rapidement, elle avait gardé l’appareil sur elle. Elle prit quand même le temps de finir son échange avec la fillette et sa mère. Son souffle retrouvé, Audrey reprit son jogging après les avoir saluées. En courant, elle lut la confirmation d’un rendez-vous avec sa cible via l’application. Le travail de H3rc4le étant terminé, le reste de la marche à suivre lui appartenait.

    Pour un travail bien fait, il ne fallait rien laisser au hasard. Elle ne ferait plus l’erreur commise lors du sauvetage de Lydia Landstrom ou celles commises du temps de Catbring.

    Le meilleur moyen d’aller vite, c’est de prendre son temps. Une autre phrase de son mentor lui revint en tête. Décidément, Francis lui manquerait à tout jamais. Voilà la seule certitude qu’elle pouvait avoir.

    Avant de revenir à son loft, Audrey arrêta au marché pour acheter une bouteille d’huile d’arachide. Dès la porte de son loft fermée derrière elle, la tueuse découpa une pomme en petits morceaux.

    Elle les mit dans un petit sac plastique rempli d’huile achetée un peu plus tôt.

    Sous la douche, un doute s’implanta dans son esprit. Bien qu’elle trouvât son plan presque parfait — elle ne tenait rien pour acquis — elle se demanda si elle irait jusqu’au bout. Elle ne changerait pas d’idée, ce soir sa cible passerait de vie à trépas, en revanche, elle avait des doutes sur sa méthode d’exécution. Servir d’appât, elle l’avait déjà fait en Italie. Ce jour-là, elle n’avait eu aucune inquiétude. Trois hommes la couvraient et il n’y avait eu aucun contact physique avec le VIP. Ce ne serait pas le cas cette fois.

    Elle se rassura en se rappelant que ce contrat équivalait à un test important lui permettant de s’affranchir complètement de la méthode de travail du passé. Tout change, tout évolue. On ne survit pas si l’on ne s’adapte pas, se répéta la tueuse. Finalement, elle trouva une motivation en étant certaine que le colonel la surveillait de l’au-delà. Elle voulait le rendre fier.

    Ce soir-là, il lui fallut toute sa concentration en sortant de la salle de bains, si bien qu’elle ne vit même pas ses vêtements éparpillés partout dans le loft. Ils jonchaient le sol, de la porte d’entrée jusqu’à la douche. En temps normal, ils seraient déjà dans la machine à laver. Pourtant, cette fois-ci, le stress de cette première mission seule avait entravé l’habitude pourtant bien ancrée chez la jeune femme.

    Sous le coup d’une montée d’adrénaline, elle monta deux par deux les marches menant à sa chambre à coucher. Elle ouvrit sa penderie et passa un à un chaque pièce de tissus s’y trouvant. Rien n’allait avec ce qu’elle avait en tête, mais comme elle savait s’adapter, elle ne s’en découragea pas. Elle repassa l’intérieur de la penderie. Elle en sortit finalement une jupe lignée verte et une blouse crème. Elle les posa sur son lit et attendit que ses vêtements lui inspirent quelque chose. Peu importe ce que l’on pouvait penser de cette maxime, la première impression était toujours importante. Et, pour son contrat, c’était plus vrai que jamais.

    Elle finit finalement par trouver comment tout assembler, mais cela allait demander beaucoup de travail. Jamais de sa vie, elle n’avait fait de couture. Ça ne devrait pas être bien compliqué, estima-t-elle. En fouillant dans un panier à outils domestique, elle trouva une paire de ciseaux, du ruban à coller et un marqueur noir.

    Elle commença par la jupe. Elle fit des lignes perpendiculaires à celles déjà existantes. Elle plia de moitié ce vêtement et tenta de faire tenir le tout avec le ruban. Pour l’instant, ça tenait, c’était l’important. De toute manière, seulement quelques minutes lui suffiraient. Seulement quelques minutes suffiraient. Avec les ciseaux, elle rapetissa les manches de la blouse. Elle en profita pour couper également le bas.

    Audrey était satisfaite du reflet que le miroir lui renvoyait. Elle avait réussi à ressembler à l’image qu’elle voulait renvoyer. Elle savait se mettre en valeur avec du maquillage, mais depuis sa première fois avec Jonathan, elle n’avait jamais essayé d’être sexy. Elle se surprit à se demander ce que Mirna en penserait. Elle sourit tristement. Les bras de Mirna lui manquaient. Énormément. Était-ce bien raisonnable d’avoir mis fin à leur relation ? Non, non, non. Le temps ne se prêtait pas à la nostalgie. Ni maintenant, ni jamais d’ailleurs. Audrey n’avait pas freiné cette relation pour rien. Pour s’aider à se changer les idées, elle s’installa à sa coiffeuse blanche et arrangea ses cheveux pour sa mise en scène.

    Une heure avant le dernier rendez-vous de la vie de monsieur Leclair, Audrey était prête. Elle se rendrait à la station de taxis se trouvant à deux coins de rue. De là, elle se ferait conduire à un grand centre commercial. Ensuite, elle en prendrait un autre pour le centre-ville. Rendue sur place, elle marcherait le demi-kilomètre jusqu’à l’hôtel qui deviendrait la tombe de sa cible.

    Bien que tout eût été pensé, la tueuse grimaça en réalisant qu’elle ne possédait pas d’imperméable ou de manteau léger assez long pour cacher son uniforme de travail du soir. Elle avait un bonnet pour camoufler ses lulus, elle ne pouvait donc pas porter une simple robe longue, cela jurerait avec son apparence, et surtout, cela nuirait à sa mise en scène. Elle soupira en vérifiant les prévisions météorologiques. Le manque de nuage jouait en sa faveur, la soirée s’annonçait fraîche. La marque de maquillage qu’elle utilisait certifiait leurs produits waterproof. Si elle devait transpirer, sa mise en beauté ne serait alors pas gâchée. Elle sortit après avoir finalement revêtu un long et fin manteau.

    La sueur commença à perler sur le front d’Audrey. Elle ne voulait pas ouvrir son manteau dans le taxi et exposer sa tenue de travail au chauffeur. N’en pouvant plus, elle ôta la tuque. Elle se sentit jugée par le regard du conducteur reflété par le rétroviseur. Pas un mauvais jugement, il en avait sans doute vu d’autres. Elle qualifiait plutôt le coup d’œil de l’homme comme une approbation. Son anxiété concernant sa future performance diminua. Le chauffeur marmonna une courte phrase, mais elle ne la comprit pas. Elle fit semblant de rien, elle n’avait aucune envie de bavarder. Alors, elle fixait l’extérieur qui défilait.

    Tuer des gens, elle le faisait depuis plusieurs années déjà. Pourtant, elle se sentait nerveuse ce soir. Plus précisément, elle se sentait aussi vulnérable qu’un oisillon dans un nid vidé de sa mère. C’était l’absence du colonel qui se faisait sentir. Elle regarda le long gant qu’elle avait enfilé pour camoufler les marques de coupure sur ses jointures. Elle songea qu’il y avait peu de temps, elle aurait paniqué. Elle aurait fui cette vulnérabilité au premier feu rouge. Mais, elle voyait ce qui s’en venait comme le test ultime de son indépendance dans le milieu. Elle remercia mentalement le colonel de l’avoir si bien préparée. Il avait toujours été quelqu’un sachant bien faire les choses.

    Devant le miroir de la salle de bain, Stéphane Leclair vérifia sa coiffure. Dire qu’il avait ouvert l’application avec peu d’espoir de renouveler son plaisir. Il n’y avait rien de nouveau qui valait le coup d’œil sur cette application depuis presque un mois. Son rendez-vous de ce soir tombait à pic. La semaine qu’il venait de passer lui avait paru pire que son dernier voyage au Mexique avec sa famille. Un périple pendant lequel ses enfants n’avaient même pas fait semblant d’apprécier les vacances. Ce séjour fut pénible, il est vrai. Cependant, rien de comparable avec les lamentations quotidiennes de ses deux associés. Ceux-ci l’avaient accusé toute la semaine de vouloir saboter leurs ententes et faire couler la boîte pour laquelle ils avaient tant sacrifié. Chaque jour, ils avaient été plus agressifs qu’une alarme d’incendie au milieu de la nuit. Dans quelques minutes, pendant au minimum deux heures, il ne penserait à rien d’autre qu’à son plaisir personnel. Une fois son fantasme assouvi, il pourrait mieux réfléchir à trouver un moyen de mettre à la porte ses partenaires. Comme ils étaient minoritaires au sommet de l’arbre, ça ne devrait pas être trop difficile. Ces perturbations mentales s’interrompirent au son d’un coup frappé à la porte. Le miroir lui renvoya un sourire d’excitation.

    Dès que la porte s’ouvrit, Audrey montra son plus beau sourire. Ayant remis la tuque sur sa tête, on voyait uniquement son maquillage, qui la rajeunissait davantage. Après l’effet du choc passé, Stéphane s’écarta pour permettre, à ce qu’il croyait être une travailleuse du sexe, d’entrer. Le plan de la tueuse commença alors. Dans le but de l’hypnotiser et d’avoir le dessus sur sa cible, elle le fixa dans les yeux.

    ⸺ Bonjour mademoiselle. J’aime beaucoup votre visage. Il me tarde de voir le reste.

    Lentement, Audrey retira le bonnet. À la vue des lulus, les pupilles de l’homme semblèrent s’agrandir. D’une main, elle descendit doucement la Fermeture éclair et de l’autre, elle enroula l’une de ses mèches autour de son index. Elle n’avait encore jamais agi de la sorte. Il aurait fallu qu’elle dise quelque chose, c’est ce qu’elle avait prévu, mais la peur de mal faire la rendait encore muette. Habituellement, la nervosité aurait grossi et elle aurait perdu tous ses moyens. Cependant, sa cible resta tout aussi muette, dominée par la surprise. La tueuse reprit alors le dessus sur elle-même. Lorsqu’elle vit la main de l’homme caresser son pénis à travers son pantalon, elle rit de fierté. Finalement, son effet fonctionnait mieux que ce qu’elle espérait. Audrey fit glisser, le long de ses bras, son sac à bandoulière et son manteau, dévoilant à sa cible sa tenue explicite.

    Pendant quelques secondes, Audrey pensa que Stéphane Leclair succombait à une crise cardiaque. Il semblait paralysé, sa lèvre du bas tremblait et il bégayait. Pour ajouter à son effet, la jeune femme, involontairement, rit comme une gamine. Un rire mélangé de gêne et de fierté. La jupe descendue à mi-cuisse et la blouse couvrant à peine ses seins avec les manches et le bas découpés aux ciseaux lui donnaient un style rebelle. Bien qu’elle ait arrangé son look d’écolière coquine de façon à faire perdre la tête à la cible, elle ne se doutait pas que l’effet serait aussi saisissant. Nul doute que le colonel n’aurait sûrement pas pensé à mieux dans la préparation du plan.

    Au bout d’un moment, Stéphane reprit, avec difficultés, le contrôle de ses émotions et proposa un verre

    à son invitée.

    — Merci, mais je ne peux pas. Je n’ai pas encore l’âge.

    À cet instant, Leclair crut que sa verge allait exploser tellement son excitation se trouvait à son paroxysme. Il s’approcha d’Audrey, mais elle l’arrêta avec sa main gantée. Elle se fia à son instinct et devina que les travailleuses du sexe devaient demander l’argent avant toute chose.

    Pour commencer au plus vite, Stéphane lui indiqua du doigt l’enveloppe remplie d’argent se trouvant à côté de la lampe. Pour rendre son rôle encore plus crédible, la tueuse alla compter le montant. Elle cacha sa surprise face au total. Il y avait beaucoup plus que la moyenne du montant demandé. Sans doute que monsieur Leclair prévoyait des extras ou des heures supplémentaires. Mieux valait qu’il le pense. L’escorte d’un soir mit l’enveloppe dans son sac et en profita pour en sortir le Ziploc contenant son arme meurtrière, c’est-à-dire, des morceaux de pommes imbibés d’huile d’arachide.

    Stéphane décida de prendre les devants, mais Audrey ne le laissa pas faire. Il était hors de question qu’il mène la danse. Elle l’arrêta dans son mouvement. Bien qu’elle se sentît ridicule dans ce jeu de rôle, elle devait jouer sa partie jusqu’au bout. Après l’accroche visuelle, c’était le tour de l’accroche physique. Elle le retourna et commença un massage.

    — Allez, monsieur le professeur. Donnez-moi vos épaules. Je vous cause tellement de soucis.

    L’homme jubilait. Cette nouvelle fille dévoilait de plus en plus de surprises et il était prêt à tuer celui qui dirait le contraire. Avant qu’il ne pense répliquer qu’un simple gémissement, Audrey continua en suppliant celui qui jouait sa figure d’autorité de ne pas prévenir ses parents pour ses écarts de conduite.

    — Je suis sûre qu’on peut s’arranger entre nous. Je vais essayer de me faire pardonner.

    Stéphane se trouvait totalement à la merci de la Vietnamienne. Elle pouvait le contrôler comme bon lui semblait. Tant mieux, parce qu’elle était aussi mal à l’aise dans ce rôle qu’elle était efficace.

    Elle poussa sa cible jusque sur le lit aussi aisément que s’il se trouvait sur une planche à roulettes. Après quelques phrases grivoises du même genre, Stéphane se retrouva couché sur le dos. Audrey, pour sa part, se plaça en califourchon sur lui et s’apprêta à lui faire avaler le poison maison. La tueuse avait confiance en son procédé. Cependant, dans l’éventualité que ce plan se révèle inefficace, Audrey avait un plan B. Son arme à feu de prédilection, bien cachée au fond de son sac, se trouvait en dessous d’un paquet de tampons démaquillants.

    La cible continua la partie avec des phrases sortant du plus cliché des pornos. Audrey devait, par moments, se mordre l’intérieur de la joue pour ne pas rire. Elle devait passer à l’exécution. Il fallait bien qu’elle gagne sa pitance.

    — Alors, monsieur le professeur, laissez-moi vous donner quelque chose pour vous donner la force de bien me discipliner.

    — Oh ! À quoi pensez-vous, mademoiselle ?

    Au lieu de dire un mot de plus, elle étira son bras pour prendre un morceau de pomme du sac et le déposa en plein milieu de son décolleté. Ça passait ou ça cassait. Elle prit sa tête entre ses mains et la précipita sur sa poitrine en lui disant : Gâtez-vous, monsieur. Ce dernier saisit le morceau en bouche, mâcha à peine et avala presque aussitôt. Soit il ne reconnaissait pas le goût des arachides, soit c’est la vision d’une jeune écolière asiatique qui lui fit tout oublier. Quoi qu’il en soit, elle recommença son manège avec cinq autres morceaux.

    — On commence la punition, petite ? demanda l’homme étendu.

    En attendant que le choc anaphylactique se déclenche, Audrey gagna du temps. Il ne fallait pas que sa cible change de position.

    — Avant, vérifions votre outil de punition.

    Elle défit la ceinture du faux professeur et détacha sa braguette. Sans surprise, l’homme se trouvait déjà en érection. Son souffle s’accéléra dès qu’elle toucha sa verge. Ainsi, elle y promena sa main gantée, lentement, de haut en bas.

    — Il faut que tu manges quelque chose, toi aussi, sous-entendit la cible après un moment.

    Audrey fit de son mieux pour rire, non pas pour jouer le jeu, mais pour cacher son inquiétude. Elle se demanda si les informations de H3rc4le n’étaient pas erronées. L’huile d’arachide n’était peut-être pas assez concentrée pour susciter une réaction allergique en fin de compte.

    — Qu’est-ce que tu attends ? demanda-t-il avant une première quinte de toux.

    Finalement, ça arrivait. À ce moment-là, Audrey se déplaça loin de lui.

    — Attendez que votre toux passe et on continuera.

    Le sourire de l’homme s’effaça. Son air enjoué laissa place à de l’inquiétude. De peine et de misère, il se redressa en toussant toujours. Avec une curiosité malsaine et sadique, Audrey attendit la mort de l’homme. Sa difficulté respiratoire rendait la toux plus difficile. Stéphane Leclair pointa sa mallette sur le sofa du salon. Il essaya de parler, sans succès. Par distinction, Audrey devina le mot Epipen. En voyant que la jeune femme ne réagissait pas, ce dernier tenta de ramper vers le salon. La tueuse ne pensait pas qu’il pourrait s’y rendre, mais alla tout de même s’emparer de la serviette de travail en même temps

    que son sac et les amena avec elle dans la salle de bain.

    En attendant que monsieur Leclair rende son dernier souffle, Audrey en profita pour arranger sa coiffure et se démaquiller. Elle soupira en se regardant dans le miroir. Dès son retour chez elle, elle partagerait son avis sur le fantasme de l’écolière avec César. Vraiment, il y avait beaucoup de choses qui lui échappaient.

    L’image de Mirna lui apparut soudain dans le miroir. Pourquoi lui manquait-elle tant ? Dès qu’elle s’interrogeait sur un élément important de sa vie, Mirna apparaissait.

    Que dirait le colonel à propos de tout ça ? Que le karma lui lançait un message ? Elle défit ses lulus et utilisa les tampons pour débarbouiller son visage. La vue de la scène de crime fit rire Audrey. Stéphane Leclair n’avait pas réussi à sortir de la chambre. Son visage enflé était tourné vers le tapis de sol et son bras droit pointait encore le sofa. Audrey laissa la moitié de la pomme sur la table du salon, à côté de l’enveloppe pleine d’argent. Elle y déposa également un couteau après y avoir mis les empreintes du mort.

    On devait croire que la victime avait joué de malchance en tombant sur une pomme aux arachides provenant d’un petit marché bas de gamme. Si ça ne sonnait pas crédible, ça aurait le mérite de faire poser des questions. Elle avait d’ores et déjà défait le ruban à coller de la jupe pour ainsi l’allonger.

    Elle arrangea davantage sa blouse. Une fois ce vêtement attaché, la jeune femme aurait, en toute bonne foi, l’allure d’une personne normale, malgré les modifications qu’elle avait faites plus tôt dans la journée. À condition de porter son long manteau. Au moins, pour le retour, elle n’aurait pas besoin de le tenir fermé.

    Après avoir vérifié trois fois qu’elle n’avait pas laissé d’indices et que les éléments incriminants se trouvaient à leur place, Audrey quitta l’hôtel le cœur léger et avec le sentiment du devoir accompli. En repensant aux évènements de la soirée, la tueuse ne savait plus comment qualifier sa façon de faire. Elle aurait pu être contente que ça se soit passé aussi aisément, mais cette facilité enfantine lui donnait un sentiment de tristesse. Comment l’esprit de la plupart des hommes fonctionnait-il exactement ? Oui, elle aimait le sexe, elle aussi, mais sans quelconque décorum ou un minimum d’étape à respecter, ça lui paraissait un peu absurde. Elle se gifla mentalement. Essayer de comprendre prendrait trop de temps. Elle avait surtout hâte d’enlever les vêtements qu’elle portait.

    Avant de se prélasser avec César, elle informa d’abord son client du travail accompli, puis H3rc4le pour qu’il efface le profil fictif du serveur de LOVEfet. Le

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