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Les émotions au coeur du leadership: Des compétences émotionnelles pour diriger
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Les émotions au coeur du leadership: Des compétences émotionnelles pour diriger
Livre électronique320 pages3 heures

Les émotions au coeur du leadership: Des compétences émotionnelles pour diriger

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À propos de ce livre électronique

L’avènement de la crise sanitaire a exacerbé la complexité du quotidien des directions d’établissement d’enseignement dont le travail était déjà exigeant sur le plan émotionnel. Ces leaders doivent plus que jamais gérer sainement leurs propres émotions, tout en se préoccupant de celles vécues par les élèves, les parents et leur personnel, et ce, en maintenant la mission de l’école. L’objectif de cet ouvrage est de soutenir les directions dans leur développement professionnel en proposant une réflexion et des pistes d’action sur les émotions vécues en contexte de travail.

En plus de s’ancrer dans la littérature actuelle, ce livre se fonde sur une recherche dans laquelle sont étudiées les émotions impliquées dans l’actualisation du leadership des directions d’établissement d’enseignement du Québec. En cohérence avec le vécu de ces gestionnaires, une attention particulière est portée à l’anxiété, la colère et la joie. Les deux phases de cette recherche constituent les principales assises empiriques des propositions pratiques présentes dans ce livre. La première reprend les données collectées par questionnaires auprès d’un vaste échantillon de directions et de membres de leurs personnels. La seconde phase permet d’identifier et d’observer dans le cadre de leur travail réel des directions « exemplaires » ayant de bonnes compétences émotionnelles.

Ce livre s’adresse à tous les acteurs du milieu de l’éducation qui cherchent à mieux comprendre l’influence des émotions vécues en position de leadership. Des pistes de réflexion et d’action pour l’actualisation du leadership par les émotions y sont proposées.
LangueFrançais
Date de sortie8 mars 2023
ISBN9782760558250
Les émotions au coeur du leadership: Des compétences émotionnelles pour diriger
Auteur

Emmanuel Poirel

Emmanuel Poirel, Ph. D., est professeur au département d’administration et fondements de l’éducation à l’Université de Montréal, chercheur principal du GRIDE et responsable de l’axe «Qualité de vie et santé au travail». Ses champs de spécialisation sont le leadership, la santé, le stress et les émotions en contexte de travail.

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    Aperçu du livre

    Les émotions au coeur du leadership - Emmanuel Poirel

    Introduction

    Lorsque nous avons commencé à nous intéresser au stress professionnel et à la santé des directions d’établissement d’enseignement au milieu des années 2000, nous constations déjà l’importance de la pression exercée sur elles afin qu’elles mettent tout en œuvre pour assurer la réussite de l’ensemble des élèves. C’est dans cette visée que les politiques éducatives du Québec, tout comme celles d’autres pays sollicités dans le cadre des études menées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2008), ont emboîté le pas vers la gestion axée sur des résultats quantifiables, ce qui a eu un effet considérable sur le travail des directions d’établissement d’enseignement (Brassard, 2007 ; Poirel et al., 2016). La nouvelle gestion publique, inspirée de pratiques mises en place dans les entreprises privées, a fait en sorte que l’administration de l’éducation a graduellement accordé davantage d’importance à la réussite scolaire, relayant subtilement la réussite éducative¹ au second plan ; le paradigme de la performance prenant le dessus sur le paradigme de l’apprentissage. Fondé sur un contrat de prestation et une imputabilité quant à l’utilisation des ressources et des résultats, ce virage inspiré des trois « E » [efficacité, efficience et économie] (Tondreau et Robert, 2011) a augmenté la pression relative à l’idée de faire mieux et plus avec moins, en donnant plus de responsabilités aux directions d’établissement d’enseignement par une décentralisation ou un semblant d’autonomie d’action sous-jacent aux mécanismes d’imputabilité. Dans ce contexte de changement, les directions d’établissement d’enseignement sont devenues au fil du temps, en l’espace de quelques années, les derniers maillons d’une chaîne administrative alimentée par des cibles fixées par le haut. Les cibles imposées en chiffres qui témoignent d’une gestion de plus en plus comptable de l’éducation (St-Germain, 2001) se sont matérialisées de diverses façons dans la pratique sur le terrain ; planifications stratégiques qu’ont dû produire les commissions scolaires du Québec (2002), conventions de gestion entre l’école et les commissions scolaires (2008), plan d’engagement vers la réussite et projet éducatif des établissements (2018), nouvelle gouvernance et transformation des commissions scolaires en centres de services scolaires (2020). Ces transformations ont eu pour effet de favoriser un contrôle plus accru sur les attentes à l’égard des directions d’établissement d’enseignement (Maroy et Dutercq, 2017 ; Maroy et Pons, 2019), qui sont souvent tiraillées entre leur rôle de leader pédagogique et leur rôle de gestionnaire imputable de l’établissement (St-Germain, 2013). Or, si de nombreuses études montrent l’impact du leadership pédagogique des directions d’établissement d’enseignement sur la réussite des élèves (Dumay, 2009 ; Fullan, 2015 ; Grissom et al., 2021 ; Scheerens, 2013), d’autres recherches montrent toutefois que ces travailleurs consacrent davantage de temps à la gestion administrative qu’à la gestion pédagogique (Brassard et al., 2004 ; Cattonar et al., 2007 ; Lapointe et Archambault, 2014 ; OCDE, 2014).

    Les directions d’établissement d’enseignement sont formées pour être des leaders pédagogiques et des professionnels responsables de leur établissement. Certaines y parviennent, certes (Archambault, Garon et Poirel, 2017), mais pour d’autres, en raison des contraintes, des conditions et de l’organisation du travail, le volet administratif tend à prendre le dessus sur le volet pédagogique, et elles en souffrent (Poirel et al., 2016).

    De nombreuses études montrent que ce phénomène de transformation dans les modes de gouvernance et de gestion des établissements d’enseignement est mondial (Matringe, 2012 ; OCDE, 2015). En parallèle, on ne peut faire autrement que de constater les risques sur la santé mentale qui peuvent découler de ces transformations témoignant d’une culture de standardisation, de données probantes et de contrôle par les chiffres : augmentation des exigences et des contraintes, accélération du rythme, manque de ressources et de soutien, effritement des solidarités, isolement, déni de la réalité du travail réel au détriment du travail prescrit, perte de sens, etc. (de Gaulejac, 2011). L’ensemble du personnel de l’éducation souffre de cette réalité, comme en témoignent de nombreuses recherches sur le stress, la détresse, la dégradation de la santé mentale ou l’épuisement professionnel en milieu d’éducation chez les enseignants (Houlfort et Sauvé, 2010 ; Labbé, 2020 ; Mukamurera et Balleux, 2013), le personnel professionnel et de soutien (Maranda et al., 2011 ; Soares, 2005) et les directions d’établissement d’enseignement (Gravelle, 2009 ; Poirel, 2010 ; Poirel et al., 2016 ; Poirel et al., 2022). Phénomène qui demeure inquiétant si l’on tient compte de l’importance de la mission éducative, mais aussi si l’on considère que l’école est un milieu relationnel complexe, où les émotions sont omniprésentes et où les risques pour la santé sont parmi les plus importants en comparaison avec les différents corps d’emploi (Vézina et al., 2011). Les conséquences sont désastreuses. Cette réalité, particulièrement connue chez les enseignants, peut être perçue par une réduction du temps de travail (Dion-Viens, 2018 ; Labbé, 2020 ; Maranda et al., 2014), une augmentation des congés de maladie² (Dion-Viens, 2018 ; Labbé, 2020) – dont 40 % pour des raisons psychologiques –, un décrochage professionnel (Karsenti et al., 2013), une désertion professionnelle – 50 % quittent leur emploi après cinq ans (Mukamurera et al., 2019). Tout cela dans un contexte de crise pandémique (Tardif et al. 2021) et de pénurie (Sirois et al., 2022), ce qui accentue les risques. De façon plus spécifique, lorsqu’il est question des directions d’établissement d’enseignement, on peut constater qu’elles sont à risque de surinvestissement dans leur travail (Corriveau, 2004 ; Horwood et al., 2021) et d’épuisement professionnel (Étienne et Gravelle, 2020 ; Robin, 2022). Par ailleurs, il est documenté que les sources de stress sont multiples, intenses et difficiles à gérer (Poirel, 2010 ; Poirel et Yvon 2011), que l’organisation de leur travail et les tâches à réaliser ne cessent de se complexifier (OCDE, 2008, 2015), que la charge augmente, que le temps fait défaut (Bernatchez, 2016 ; Lapointe et al., 2021), que leur qualité de vie au travail et leur santé tend à se détériorer lorsqu’elles demeurent longtemps dans la profession (Boyland, 2011), alors qu’elles sont de plus en plus jeunes à y accéder, que les contraintes administratives ont tendance à se renforcer avec la nouvelle gouvernance et que leur santé est en péril en période de crise pandémique (Bernatchez et al., 2021 ; Naimi et Poirel, 2021).

    Sur une note plus positive, des études montrent cependant que, malgré les risques psychosociaux identifiés, un bon nombre de directions d’établissement d’enseignement parviennent à conserver leur équilibre et à demeurer en santé en dépit des exigences et des difficultés de leur fonction, même devant l’adversité imposée par une crise sanitaire sans précédent (Lemieux et al., 2021). Leur capacité de résilience (Garon et al., 2006), leur santé psychologique positive (Brunet et Savoie, 2016) et le fait que, dans certains milieux, les pratiques de prévention soient axées sur l’environnement de travail pathogène plutôt que sur une responsabilisation individuelle (Maranda et al., 2014 ; Poirel, 2014 ; Poirel et Houde, 2019) contribuent à conserver un équilibre faisant en sorte que le « burnout n’est pas une fatalité » (Robin, 2022).

    Dans ce contexte, nous assistons à un virage, accentué depuis le début des années 2000, qui est perceptible dans les préoccupations de la recherche, tout comme dans les contenus de la formation, où la question des émotions a pris une place considérable (Berkovich et Eyal, 2015 ; Théorêt et Leroux, 2014). Ce virage n’est pas sans fondement, puisqu’il s’appuie d’abord sur le fait que le stress professionnel est avant tout une expérience émotionnelle (Poirel, 2010) et que les travailleurs de l’éducation sont quotidiennement aux prises avec des situations complexes qui impliquent des dynamiques interpersonnelles souvent sources de tensions et empreintes d’une émotivité difficile à gérer (Kinman et al., 2011). Dans ce cadre, il faut considérer qu’à peu près tous les professionnels de l’éducation vivent quotidiennement et fréquemment de fortes émotions dans leur travail. Si les émotions vécues dans le contexte du travail en milieu scolaire sont souvent positives, c’est surtout lorsqu’elles sont négatives, et il y en a aussi beaucoup, qu’elles peuvent avoir un impact néfaste sur la personne, tout comme sur les collègues, les élèves et conséquemment le climat dans l’école ; phénomène que l’on peut expliquer notamment par le concept de contagion émotionnelle (Hatfield et al., 1993 ; Meredith et al., 2020).

    Or, les directions d’établissement d’enseignement, qui se trouvent à la tête des écoles, ont le mandat de piloter les changements imposés par le haut et de mobiliser les acteurs de l’école. Pour ce faire, elles sont amenées à régulièrement remettre en question leur façon de faire pour améliorer l’apprentissage dans la visée des cibles chiffrées de réussite scolaire. C’est pourquoi le leadership, entendu comme la capacité d’influence sur autrui, est parfois identifié comme la principale compétence nécessaire pour assumer la fonction de directions d’établissement d’enseignement (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2006).

    On peut ainsi comprendre que, si les sources de stress sont intenses et que la santé des professionnels de l’éducation est parfois mise en péril, une meilleure compréhension des émotions qui sont en jeu dans la dynamique des relations entre la direction d’établissement d’enseignement et son équipe serait favorable. En effet, cela permettrait d’apprendre à mieux faire face aux exigences d’une telle fonction et à participer à la transformation de l’organisation du travail qui fait souffrir (Poirel et Houde, 2019).

    C’est sur cette base que nous nous sommes fixé comme objectif de partager le fruit de nos recherches afin de favoriser la réflexion, mais aussi, plus spécifiquement, de donner des moyens et des outils qui permettent aux gestionnaires scolaires de mieux comprendre la part des émotions dans l’actualisation de leur leadership (Poirel et al., 2020).

    Précisons également, en préambule, que ce livre s’appuie en grande partie sur les principaux résultats d’une recherche mixte portant sur les liens qui existent entre les compétences émotionnelles et les pratiques de leadership de directions d’établissement d’enseignement au Québec. Plus spécifiquement, 1) la spécificité des émotions (colère, anxiété, joie) et 2) la nature processuelle de la transaction entre l’environnement, le leadership et les compétences émotionnelles constituaient les objets d’étude centraux de cette recherche. De plus, le modèle de leadership émotivo-transactionnel, sur lequel se fonde la recherche présentée dans cet ouvrage, a été testé et actualisé en clinique au fil des ans auprès de cadres et de gestionnaires lors de séances d’accompagnement sur la gestion du stress et en coaching exécutif.

    Ajoutons finalement que, nonobstant ce regard sur la fonction de direction d’établissement d’enseignement, dans une visée plus large, cet ouvrage est également destiné à tout autre acteur de l’école qui s’intéresse aux manifestations du leadership en contexte scolaire. Ce livre peut soutenir les initiatives qui visent à favoriser le développement de la qualité de vie au travail pour des écoles promotrices de santé et de réussite des élèves.

    Cinq chapitres composent le présent ouvrage. Le premier chapitre porte sur la notion de leadership ; après avoir introduit et défini le concept, nous présentons les principales avenues pour étudier celui-ci. Pour ce faire, nous prenons appui sur les principales approches employées dans les recherches sur le sujet, en organisant les informations dans une perspective historique. Nous aborderons notamment les grands modèles qui sont employés en sciences de l’éducation de nos jours. Ce premier chapitre nous permettra de jeter les bases de notre posture de recherche pour témoigner du leadership, entendu comme la capacité d’influence, dans la perspective du développement professionnel des directions d’établissement. Le deuxième chapitre est consacré aux émotions en tant qu’affects constitués d’activités mentales (pensée, cognition) et physiques (biologie, physiologie), qui ne peuvent être dissociées des buts et du sens donné par la personne dans un contexte social dont elles sont issues. Sur le modèle du premier chapitre, nous présentons la nature constitutive de l’émotion selon les recherches phares du domaine. Ensuite, nous étudions des pistes issues de recherches actuelles afin d’agir sur les émotions. Afin d’y arriver, nous abordons notamment les concepts de « travail émotionnel » et de compétences émotionnelles, et nous mobilisons aussi le phénomène de la contagion des émotions. Au troisième chapitre, il est question du processus d’actualisation du leadership par les émotions. Nous présentons, dans un premier temps, le modèle de leadership émotivo-transactionnel, que nous avons développé, avant de détailler la méthodologie mixte que nous avons mobilisée pour rendre compte de ce phénomène à l’étude. Les résultats issus de la première phase de la recherche sont présentés ; une enquête par questionnaire à 360°³ permet ainsi de conclure avec les principaux constats sur les émotions qui sont au service du leadership des directions d’établissement d’enseignement. Le quatrième chapitre permet de poursuivre l’exploration du phénomène d’actualisation du leadership par les émotions. Nous y exposerons les résultats de la deuxième phase de la recherche. Si nous présentons les résultats issus d’un vaste échantillon de répondants dans le troisième chapitre, nous étudions cette fois la réalité du travail situé. Pour ce faire, nous prenons appui sur un nombre limité de directions d’établissement d’enseignement identifiées comme des leaders exemplaires qui manifestent des compétences émotionnelles. La présentation de vignettes cliniques permet ainsi de témoigner du vécu de directions d’établissement d’enseignement en matière de leadership à l’appui des éléments du modèle émotivo-transactionnel. Finalement, le dernier chapitre de ce livre constitue un outil permettant d’alimenter une réflexion sur les actions quotidiennes des directions d’établissement d’enseignement afin de favoriser les liens entre la théorie et la pratique. À partir d’une situation problème identifiée par le lecteur, nous proposons quelques pistes pour analyser les bons coups et les éléments à améliorer à l’aune du modèle émotivo-transactionnel. Cette démarche réflexive vise à favoriser l’atteinte des objectifs quotidiens et à actualiser son leadership en contexte scolaire tout en prenant en considération les éléments contextuels qui peuvent faire varier les situations rencontrées, mais aussi en identifiant les ressources accessibles dans le milieu de travail.

    1. La réussite scolaire est synonyme d’achèvement avec succès d’un parcours scolaire (atteinte d’objectifs d’apprentissage et maîtrise des savoirs). Les résultats scolaires et l’obtention d’une reconnaissance des acquis (diplôme, certificat, attestation d’études, etc.) sont des indicateurs de réussite scolaire. Ce terme est donc porteur d’une idée de rendement et de performance. La réussite éducative « comprend le développement du plein potentiel du jeune qui n’exclue [sic] pas la réussite scolaire. Autrement dit, elle englobe l’intégration de savoirs académiques, l’acquisition d’attitudes et de valeurs utiles au fonctionnement en société, le développement des compétences nécessaires à l’insertion professionnelle et la réussite d’objectifs personnels (autonomie, bien-être, mobilité sociale, etc.) » (Demba et Laferrière, 2016, p. 2).

    2. En formation générale des jeunes, le nombre de jours de congés de maladie (court terme) a augmenté de 10 % entre 2010 et 2015, alors que le nombre d’enseignants a augmenté de 4 % pour la même période ; les coûts relatifs à ces congés ont quant à eux augmenté de 23 %. L’an dernier, ces coûts s’élevaient à 108 millions de dollars, montants qui sont assumés par les commissions scolaires (Dion-Viens, 2018).

    3. Le questionnaire à 360° permet la mesure d’un phénomène en tenant compte de la perception de toutes les parties prenantes. Dans le cas de notre recherche, après avoir interrogé les directions à l’aide d’un questionnaire autorapporté sur leur perception concernant leur leadership et les émotions vécues, les membres du personnel de ces directions ont été invités à répondre à un questionnaire sur leur perception au regard du leadership et des émotions de leur direction. Cette évaluation permet ainsi de confronter les résultats de questionnaires autorapportés aux résultats de questionnaires remplis par des observateurs.

    Une vraie rencontre provoque une influence réciproque.

    Deux mondes intimes interagissent et chacun modifie l’autre.

    Boris Cyrulnik

    Chapitre I

    Le leadership ou l’art de l’influence

    Ce premier chapitre est consacré à la présentation du concept de leadership et à son évolution au fil du temps. Nous présentons également dans ce chapitre les principaux modèles de leadership que l’on retrouve en contexte d’éducation.

    Intéressés par les émotions au cœur du leadership, nous porterons notamment un regard sur la place des affects dans le cadre de la théorie des « grands hommes¹ », qui fait état de traits, de comportements, mais qui mobilise aussi les théories situationnelles et de la contingence, le leadership transformationnel et la conception distribuée du leadership pour comprendre le profil des « leaders ». En tenant compte de la particularité du milieu scolaire, nous présenterons également le modèle du leadership éducationnel développé par Hallinger (2011b), le modèle transformationnel adapté par Leithwood et Jantzi (2006) et leur équipe ainsi que le modèle centré sur l’apprentissage développé en contexte québécois par Archambault, Garon et Poirel (2017). Après avoir fait ce survol de certains grands modèles de la recherche sur le sujet en portant un regard sur la place des émotions, nous proposerons une définition et un cadre conceptuel pour tenter de rendre compte du leadership dans le contexte des activités de travail des directions d’établissement d’enseignement.

    1. Le leadership, entre simplexité² et définition scientifique

    Si certains textes nous permettent de remonter l’histoire du leadership jusqu’à Platon, le concept de leadership a fait plus officiellement ses débuts dans les écrits à partir des XIIIe et XIVe siècles (Stogdill, 1974). Cela dit, ce n’est qu’à partir du XXe siècle que le phénomène commence à être étudié de façon rigoureuse et scientifique (Bass, 1985). En 1974, Stogdill a recensé plus de 350 définitions du concept, alors qu’en 1985, à près de dix ans d’intervalle, Bennis et Nanus (1985) en dénombraient 850. La même année, Bass (1985) souligne que le sujet a fait l’objet de plus de 7 500 recherches. Aujourd’hui, au moment où nous écrivons ces lignes, l’entrée du mot leadership, dans le moteur de recherche spécialisé pour les articles scientifiques Google Scholar, donne accès à environ 5 090 000 résultats.

    Sur le plan étymologique, l’origine du mot leader (to lead dans sa forme d’action) provient de l’ancien anglais leden (guider) ainsi que du latin ducere (conduire). Dès ses débuts, l’utilisation du terme dans les écrits fait référence à des attributs individuels et désigne le chef d’un parti politique à la Chambre des communes en Angleterre, celui qui conduit (Dubois et al., 2001). Si son origine est beaucoup plus profonde, le mot serait toutefois apparu pour la première fois en Angleterre dès le XIIIe siècle. Dans la langue française, qui ne possède aucun terme véritablement équivalent, le mot aurait été introduit par Binet en 1900 dans son livre Suggestibilité, puis officiellement accepté par l’Académie française en 1935. En 1990, une nouvelle orthographe est proposée, mais la nouvelle forme du mot, soit leadeur, ne semble pas faire l’unanimité puisque la graphie leader demeure majoritairement utilisée dans les écrits.

    Le sens du mot renvoie

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