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La gestion de l'éducation dans les écoles des communautés autochtones du Québec: La confiance au premier plan
La gestion de l'éducation dans les écoles des communautés autochtones du Québec: La confiance au premier plan
La gestion de l'éducation dans les écoles des communautés autochtones du Québec: La confiance au premier plan
Livre électronique386 pages4 heures

La gestion de l'éducation dans les écoles des communautés autochtones du Québec: La confiance au premier plan

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À propos de ce livre électronique

Le présent ouvrage propose une réflexion sur des modèles contemporains de gestion des écoles en milieux multiculturels et autochtones. Dans ces établissements, l’interculturalité influence presque toutes les actions des directions. Allant au-delà des aspects habituels de la recherche en gestion de l’éducation, l’auteure aborde des dimensions nouvelles qui mettent en lumière la nature, le sens et la portée des interventions et des pratiques des directions dans ces environnements singuliers, marqués par l’histoire de la colonisation et de la scolarisation, de même que par des enjeux liés à l’appartenance et à l’identité des élèves comme des membres du personnel.

L’auteure se penche sur les défis particuliers de ces milieux, méconnus et peu documentés, rapportés par des directions d’écoles autochtones, dont: la confiance interpersonnelle et les conditions de sa création; la fonction et les rôles de la direction d’établissement; les effets et les facteurs de réussite et d’échec des initiatives ainsi que des pratiques locales. Ces défis les limitent dans leurs activités au quotidien. Pourtant, leur rôle est déterminant dans ce système scolaire du point de vue de l’efficacité de l’enseignement, de la réussite éducative des élèves et de la persévérance scolaire. Notamment grâce à la collaboration de plus d’une vingtaine de directions d’école exerçant en contexte autochtone, l’auteure propose une incursion au cœur de cet environnement, où les enjeux culturels, éducatifs ou communicationnels sont nombreux.

Ce livre, qui propose des pistes théoriques et des pratiques inédites, intéressera les directions et les professionnels travaillant dans des milieux autochtones, multiculturels ou multiethniques, mais aussi les chercheurs universitaires de ce domaine de l’éducation pour lequel l’interculturalité joue un rôle fondamental.

Émilie Deschênes, MBA, Ph. D., est professeure à l’École d’études autochtones de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Elle possède plus d’une quinzaine d’années d’expérience dans le domaine de l’éducation, plus précisément en enseignement et en gestion de l’éducation, de même qu’en confiance interpersonnelle dans les milieux autochtones et multiculturels. Elle a enseigné et a été membre de plusieurs équipes de direction dans diverses communautés et nations au Canada et ailleurs.
LangueFrançais
Date de sortie18 avr. 2020
ISBN9782760553040
La gestion de l'éducation dans les écoles des communautés autochtones du Québec: La confiance au premier plan
Auteur

Émilie Deschênes

Dre Émilie Deschênes possède plus d’une quinzaine d’années d’expérience dans le domaine de l’éducation, plus spécifiquement dans le domaine de l’enseignement et de la pédagogie et surtout dans celui de la gestion de l’éducation en contexte autochtone. Son expérience professionnelle au sein de communautés autochtones et auprès de personnes autochtones est vaste et diversifiée. C’est à la suite de recherches postdoctorale en management interculturel (HEC) et portant sur la formation et l’insertion en emploi des travailleurs autochtones qu’est venue l’idée de la rédaction de cet ouvrage. Professeure à l’UQAT, elle se spécialise aussi sur les questions aujourd’hui fondamentales de la décolonisation des institutions et de l’intégration des perspectives autochtones en éducation et en formation.

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    Aperçu du livre

    La gestion de l'éducation dans les écoles des communautés autochtones du Québec - Émilie Deschênes

    Prologue

    Je suis assise avec mon chien cri sur une grande roche de la forêt qui entoure Waswanipi, loin du village, en bordure de la rivière, à l’endroit où elle s’ouvre grand. Je contemple la nature devant moi. Mon œil attentif ne me permet pas de tout voir, et mes sens, de tout sentir et de toucher à tout, de goûter ou d’entendre l’infiniment beau des sons provoqués par le vent dans les arbres, par le chant des oiseaux, par le bruit des pas de millions d’insectes sur le sol, tout à côté de moi. J’aime y être et je m’y sens bien. Je n’ai aucune attente particulière, sinon celle – facile et légitime – que rien ne s’arrête.

    Pourtant…

    Mes nombreuses aventures en territoire autochtone m’ont appris beaucoup, notamment sur les liens qui nous unissent à la nature et à la terre ainsi que ceux qui unissent les Hommes. Or, à travers mes recherches, j’apprends principalement que j’ai encore tout à apprendre sur la nature et sur ce qu’elle a notamment créé: nous… et la complexité de nous retrouver ensemble et de nous comprendre.

    Introduction

    Voilà que nous terminons un voyage de quelques années: je le percevais comme une errance, alors que c’était en fait un chemin.

    Éric-Emmanuel Schmitt

    Cet ouvrage est une adaptation de ma thèse de doctorat. Il ne constitue pas en tant que tel un outil de gestion, mais certainement une grande source d’informations afin de guider des actions de gestion de l’éducation et de management en contexte interculturel.

    L’écriture d’une thèse est un exercice difficile en soi qui laisse très peu de place à la créativité et à la liberté du style. Elle est d’abord rédigée pour un public de scientifiques spécialisés, sensibilisés à une même problématique ou à des problématiques complémentaires. Ainsi, même si j’ai modifié une bonne partie du texte, l’ouvrage contient un grand nombre de références d’auteurs. J’ai choisi de les laisser dans le texte: plusieurs sont incontournables et permettent d’aller plus loin dans la réflexion sur certains thèmes abordés.

    Les connaissances issues de cette recherche doctorale proviennent des directions qui ont participé à mes recherches et qui travaillent dans des écoles au sein de communautés autochtones isolées. J’ai aussi eu l’occasion – et la chance – de rencontrer d’autres directions dans le cadre de mon travail d’enseignement dans le programme de deuxième cycle en gestion de l’éducation en contexte autochtone, de même que lors de la réalisation d’un postdoctorat en management interculturel. Toutes ces rencontres m’ont certainement permis d’enrichir cet ouvrage lors de sa récente actualisation et de son édition pour publication. Elles vivent régulièrement des moments intenses, des situations nouvelles, des mouvements sociaux et virtuels, et ce, dans un milieu qui évolue quotidiennement à une vitesse effarante. Les défis sont nombreux, les enjeux aussi. Le taux de roulement des directions d’école en milieu autochtone est très élevé et l’accompagnement de ces directions est peu commun, encore, et il existe très peu d’outils pour les soutenir.

    C’est en partie la raison pour laquelle j’ai décidé de publier cet ouvrage; il y a très peu d’outils de gestion en milieu éducatif autochtone et très peu, à ma connaissance, de recherches francophones portant sur la gestion de l’éducation en contexte autochtone et sur les relations de confiance dans ce contexte culturel particulier. Cet ouvrage se veut un premier pas dans cette direction.

    Très actuelle, la pertinence de cette recherche et de ses objectifs est d’ordre social, humain, culturel, pratique et scientifique. Aussi, la reconnaissance de la transférabilité des résultats vers d’autres nations autochtones nationales ou internationales est importante. En plus de pouvoir conduire à certaines applications pratiques, elle permet la remise en question et le développement de pratiques professionnelles en gestion de l’éducation dans un contexte autochtone et multiculturel. Sa pertinence socioéconomique implique l’amélioration de perspectives en éducation pour les personnes d’origine autochtone, puis une meilleure insertion socioprofessionnelle. En cernant mieux les besoins des directions d’école dans ce contexte, le développement d’outils et de ressources devient plus facile. Les connaissances générées par ce travail de recherche permettent aussi l’amélioration de la formation destinée aux directions. Quant à la pertinence scientifique, elle consiste surtout à développer un modèle d’analyse et une méthodologie qui pourront ensuite être utilisés dans le cadre d’autres recherches en milieu autochtone et multiculturel au Canada ou ailleurs dans le monde. Bref, plusieurs éléments pertinents sont abordés dans cette étude, dont l’utilité sur les plans social et culturel est indéniable.

    L’ouvrage est divisé en cinq grands chapitres. La première étape consiste à brosser un portrait de l’histoire précoloniale, coloniale et postcoloniale de l’éducation et, dans une moindre mesure, de la scolarisation des personnes autochtones vivant au Canada. Ce portrait est une synthèse; il me fallait rendre compte des éléments les plus importants seulement (chapitre 1). Ensuite, un court chapitre introduit les différents enjeux de la gestion scolaire dans ces contextes différents où l’interculturalité joue un rôle important (chapitre 2). Puis, une explication du concept de «confiance» en général et dans ce contexte d’éducation en milieu autochtone s’ensuit (chapitre 3). Les résultats sont par la suite présentés, c’est-à-dire que la parole est donnée aux directions rencontrées afin qu’elles partagent leurs vécus et leurs expériences quant à des aspects de la confiance en milieu scolaire autochtone qui sont rapportés (chapitre 4). Finalement, le dernier chapitre porte sur les analyses et les interprétations des résultats. Les contributions particulières de la recherche se retrouvent dans celui-ci (chapitre 5). Des synthèses sont aussi proposées à la fin des sections ou des chapitres.

    Je suis animée de deux souhaits en ce qui concerne cet ouvrage: le premier est de partager des données probantes sur l’éducation et la gestion de l’éducation en milieu autochtone (et francophone). Je crois sincèrement que c’est grâce à la mise en commun des savoirs de tous que les nations autochtones renforceront leurs systèmes d’éducation. Mon deuxième souhait est que cet ouvrage donne un bon aperçu des besoins non comblés en matière de gestion de l’éducation dans certains milieux autochtones du Québec et d’ailleurs et, ainsi, qu’il guide minimalement les directions dans leur pratique. De plus en plus d’actions sont posées en éducation, mais sa gestion demeure une difficulté majeure au sein des communautés. Au moment d’écrire ces lignes, je travaille sur un autre ouvrage très pragmatique qui propose des pistes d’intervention en milieu autochtone et des modèles d’intervention et de pratiques originales qui ont fait quelques preuves. Il s’agit pour moi de la suite logique à cette réflexion que j’ai entamée il y a plusieurs années maintenant.

    Un clin d’œil et un grand merci particulier à messieurs Michel Boyer et Guy Pelletier, les professeurs qui ont cru en moi et avec qui cette aventure a commencé. Elle est encore loin d’être terminée.

    Bonne lecture!

    CHAPITRE 1 /

    L’histoire et l’organisation de l’éducation des Autochtones au Québec et au Canada

    Ce n’est pas d’où vous venez qui compte, mais où vous allez.

    Ella Fitzgerald

    Commence ici l’histoire de l’éducation et de la scolarisation des personnes autochtones que je raconte avec beaucoup de modestie. Ces quelques lignes ne peuvent pas avoir la prétention de l’exhaustivité: comment rendre une histoire aussi complexe en aussi peu de mots? Cette histoire est assurément plus vaste que ce que je raconte dans ce premier chapitre, mais j’ai eu à choisir ce qui était le plus important dans le contexte de cette recherche. J’y présente les éléments essentiels permettant de mieux comprendre les chapitres suivants. Ils sont un excellent point de départ qui permet d’aller un peu plus loin et de déterminer les contextes dans lesquels s’est jouée cette histoire.

    Fondamentalement, l’histoire enseigne que la classe en rangée et les écoles avec des cloches qui commandent d’apprendre à un moment précis de la journée ne correspondent peut-être pas exactement à ce que des personnes autochtones considèrent comme étant leur modèle. Elle enseigne aussi que des personnes autochtones ne sont pas en sécurité sur le plan culturel dans ce milieu scolaire et chargées émotionnellement, malgré la bonne volonté et la bienveillance des directions de l’éducation, des directions d’école et des intervenants et professionnels scolaires. L’histoire et le contexte permettent aussi de réaffirmer l’importance de l’éducation dans les cultures autochtones et la négligence passée de n’avoir pu comprendre et considérer leur système d’éducation comme étant à leur image, d’une part, par sa trop grande différence, d’autre part, à cause de l’ethnocentrisme de colonisateurs.

    Les très nombreuses répercussions de la colonisation, qui sont aussi abordées dans le dernier chapitre, causent encore des tourments. Par exemple, les années de scolarisation forcée en pensionnats sont peut-être derrière les Autochtones, mais leurs séquelles sont encore présentes aujourd’hui. Il est primordial de prendre en considération cette réalité dans la problématisation de l’amélioration des systèmes éducatifs qui soutiennent actuellement les communautés autochtones. Dans ce chapitre, une synthèse de l’histoire de l’éducation au sein de milieux autochtones au Canada et au Québec est d’abord présentée (section 1.1), puis la manière dont elle est organisée et administrée est expliquée en prenant particulièrement exemple sur le Québec (sections 1.2 et 1.3).

    1/Une histoire complexe et peu connue

    1.1/L’éducation, avant la colonisation

    L’histoire de l’éducation des personnes autochtones au Canada a commencé bien avant l’arrivée des Européens sur le continent (encadré 1.1; de plus, un lexique est présenté dans l’annexe I). Leur système d’enseignement et d’apprentissage était bien différent de celui que les Européens leur ont imposé par la suite.

    ENCADRÉ 1.1 / La définition de «peuples autochtones»

    L’expression «peuples autochtones» désigne à la fois dans ce texte tous les peuples dits «premiers», qui habitaient en Amérique avant l’arrivée des Européens. Ainsi, elle désigne à la fois les Premiers Peuples, les Premières Nations ou les Amérindiens (ces trois dernières appellations étant considérées comme synonymes), les Métis et les Inuit (selon la Constitution canadienne de 1982, art. 35). Ces derniers ne sont pas considérés comme des Amérindiens ou comme faisant partie des Premiers Peuples, puisqu’ils seraient arrivés dans une dernière vague de peuplement, plusieurs milliers d’années après les derniers Amérindiens.

    Source: Inspiré de Gouvernement du Canada (2017, 2020) et Kasbarian-Bricout (2004).

    L’éducation traditionnelle était basée sur les récits de voyage, les histoires transmises oralement d’une génération à l’autre, les cérémonies d’enseignement, les apprentissages de la vie courante et des responsabilités de la vie de famille (Agbo, 2005). Cette forme d’éducation permettait aux enfants de se préparer à la vie adulte (Friesen et Krauth, 2012). Les communautés s’organisaient de façon autarcique et étaient autosuffisantes et autogouvernées avec une économie, des traditions et des mœurs qui leur étaient propres (Carr-Stewart, 2006). Les leaders et les anciens possédaient une tradition de travail, un gouvernement efficace et compétent, un style de vie bien organisé et intelligent, ainsi qu’un système d’éducation, une religion et des mécanismes avancés de socialisation (Carr-Stewart, 2006). Leur philosophie en était une d’harmonie avec la Terre, à travers le maintien d’une économie basée sur les relations sociales («socialist-based» [Rochelle-Bressette, 2008, p. 2]). Leur vie, leur religion et leur société en général étaient organisées grâce à une éducation et à un leadership efficaces. Aussi, comme les Européens et d’autres peuples, ils avaient déjà connu la guerre et les autres vices des Hommes.

    Avant le contact avec les Européens, des peuples autochtones éduquaient leurs enfants par différents moyens traditionnels tels que la démonstration, la socialisation en groupe, la participation à des rites spirituels et culturels, le développement des compétences et l’enseignement oral (Mccue, 2011). Aussi, l’éducation était organisée autour d’une socialisation au jour le jour (Rochelle-Bressette, 2008). Toute la communauté participait à l’éducation des enfants qui apprenaient notamment par l’observation, l’imitation et la pratique, la socialisation familiale et de groupe, les enseignements oraux et la participation à des cérémonies et des traditions communautaires. L’apprentissage était continu, mais intermittent, et l’implication de toute la communauté représentait une part importante de la réussite de l’éducation des jeunes, de même que des pratiques de leadership exceptionnelles des différents membres des communautés, dont les aînés (Rochelle-Bressette, 2008).

    Ces méthodes permettaient aux enfants d’acquérir les valeurs, les croyances, les compétences et les connaissances considérées alors comme nécessaires à la vie d’adulte. D’ailleurs, ces dernières subsistent aujourd’hui au sein des communautés, bien que dans une moindre mesure. Or, leur importance a considérablement diminué, et ce, particulièrement à cause des 350 ans d’enseignement formel en salle de classe selon la méthode européenne (Mccue, 2011).

    1.2/L’introduction de l’enseignement formel à l’européenne et l’éducation dans les pensionnats

    1.2.1/À la suite de la colonisation

    À la suite de l’arrivée des premiers étrangers, l’éducation était entièrement administrée par les Européens dans des écoles loin des communautés dans lesquelles les élèves résidaient (Hare, 2007). Ces écoles de mission, aussi appelées «pensionnats autochtones», avaient alors pour principal objectif de «civiliser» et de christianiser les peuples autochtones, dont le mode de vie traditionnel était jugé inférieur ou païen (dans le sens de «non chrétien», car au tournant du XIXe siècle, les églises protestantes interviennent elles aussi dans l’éducation des enfants autochtones dans ce qui est maintenant le Canada). Les premières écoles connues datent de 1620; il s’agissait des écoles de la Nouvelle-France. Ce sont pourtant celles qui ont accueilli les élèves à partir de la fin du XIXe siècle (vers 1880) qui ont été les plus radicales et qui ont perpétré des sévices importants. Aussi, les dernières écoles à fermer leurs portes au Canada sont le pensionnat Gordon à Punnichy en Saskatchewan (1996) et au Québec le pensionnat anglican de Fort George à la Baie-James (1979).

    Au moment de la création de ces écoles résidentielles, il y a eu quelques alliances entre les missionnaires et les nations autochtones, qui ont invité les missionnaires sur leurs territoires. Les écoles étaient près des communautés et les élèves pouvaient acquérir de nouvelles connaissances en fonction de leur compréhension du monde (Hare, 2007). Or, les pratiques adoptées dans ces écoles ont renforcé la politique générale du gouvernement de l’époque qui visait à assimiler les peuples autochtones à la société coloniale (Mccue, 2011). Voici quelques exemples de pratiques ou de politiques qui ont été mises en place alors:

    •Le régime appliqué par le gouvernement était partout inflexible et cruel;

    •Les élèves désobéissants, quelle que soit la faute commise, recevaient systématiquement une punition corporelle;

    •Les écoles interdisaient l’emploi des langues autochtones;

    •Les écoles conduisaient de jeunes autochtones à ressentir de la honte par rapport à leur identité culturelle;

    •De nombreux enfants ont subi des sévices sexuels dans les pensionnats;

    •Certaines preuves démontrent que plusieurs enfants sont morts au pensionnat ou à la maison des suites de maladies contractées pendant leur séjour au pensionnat.

    1.2.2/Le XIXe siècle et le début du XXe

    À partir du XIXe siècle, plusieurs décisions liées à la scolarisation des peuples autochtones ont été prises. D’abord, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (1867) a créé deux systèmes parallèles d’éducation (provincial pour tous les Canadiens et fédéral pour les peuples autochtones) dans lesquels les attentes, les standards, les modes de scolarisation et le niveau d’instruction, les services aux élèves, le développement et l’adaptation des curriculums, notamment, sont devenus différents pour les élèves de chacun des systèmes. Aussi, par cet acte, le Canada devenait responsable des «Indians, and lands reserved for Indians¹». Cependant, l’acte en tant que tel ne définit pas le domaine de l’éducation; il laissa les provinces établir leurs politiques et leurs façons de faire en ce domaine.

    L’éducation des peuples autochtones ne sera pas non plus définie par le gouvernement fédéral qui n’a pas promulgué de législation éducative particulière, mais qui a plutôt pris pour modèle la Loi sur les Indiens et les directives éducatives du Département des Affaires indiennes et du Nord Canada (actuellement les Affaires autochtones et du Nord Canada) afin d’établir ce qu’il considère comme «its constitutional obligations for educational services for First Nations people²» (à noter que les Inuit ne sont pas soumis à la Loi sur les Indiens) (Gouvernement du Québec, 2013).

    Au départ, la Loi sur les Indiens limitait l’autorité du chef et des conseils de bande quant à des décisions qui concernaient la communauté, puis des amendements leur ont donné plus de pouvoir (restant toutefois sujet à l’approbation du Canada), notamment en ce qui a trait aux règles concernant la confession religieuse des enseignants qui travaillent au sein d’une communauté autochtone, la construction et la réparation des écoles (school houses) ou encore la présence obligatoire à l’école des élèves âgés de 6 à 15 ans (Carr-Stewart, 2009).

    Plus tard, un autre amendement renforce la politique de non-participation des parents, de la communauté ou des anciens dans l’éducation des enfants. Ainsi, les enfants étaient forcés d’aller étudier dans les écoles résidentielles (1894), sous peine d’amendes et d’emprisonnement des parents (Carr-Stewart, 2006).

    L’influence des missionnaires étant limitée, les plans d’assimilation du gouvernement devaient être intensifiés: «Assimilation could best be achieved if children were removed from the influences of their family and community³». Les écoles résidentielles avaient comme but affirmé d’isoler les enfants de leur structure sociale connue. C’est une époque (jusque dans les années 1960) où les politiques et pratiques éducatives avaient comme but l’éradication des cultures et des langues autochtones. Des familles ont souffert et le lien intime entre enfant et famille a été brisé (Carr-Stewart, 2006). Toutefois, l’assimilation des personnes autochtones par l’éducation n’a pas réussi (Carr-Stewart, 2006). «Il est aussi formalisé que l’instruction dans les écoles résidentielles a constitué ce qui a été défini comme un «génocide culturel» (Commission de vérité et réconciliation, 2015).

    En effet, les conséquences de l’éducation à travers ce système sont nombreuses et dévastatrices. Entre autres, les conséquences suivantes sont observées chez ces personnes et leurs descendants (Wesley-Esquimaux et Smolewski, 2004):

    •L’impossibilité ressentie d’exercer une quelconque maîtrise sur leur existence;

    •La privation de leurs langues et de leurs pratiques rituelles;

    •La rééducation par les missions chrétiennes dans les écoles dirigées par l’État, considérées comme éloignées de leurs croyances fondamentales;

    •La détérioration du statut des femmes;

    •La dévalorisation des chefs spirituels traditionnels;

    •La perte pratiquement complète du pouvoir d’autodétermination.

    D’ailleurs, les effets de la colonisation touchent cinq grands domaines (Wesley-Esquimaux et Smolewski, 2004, p. 7):

    1Physique: associé à la première étape de la colonisation (transition culturelle) et à l’introduction des maladies infectieuses qui ont décimé les populations autochtones. La colonisation et la scolarisation ont entraîné une forme intergénérationnelle du syndrome de stress post-traumatique qui s’est aussi propagée culturellement (endémie);

    2Économique: associé à la première étape de la colonisation (transition culturelle) et à la violation de l’intendance autochtone des terres et au retrait forcé des populations de leur habitat naturel et de leur style de vie;

    3Culturel: associé à la deuxième étape de la colonisation (dépossession culturelle) et à la vague de missions d’évangélisation visant à obtenir la conversion religieuse et la destruction culturelle par l’interdiction imposée à la culture autochtone et à son système de croyances;

    4Social: associé à la deuxième étape de la colonisation (dépossession culturelle) et aux étapes où l’on déplaçait les personnes au moyen des peuplements coloniaux, ce qui a entraîné des structures sociales étrangères, introduit des mécanismes d’adaptation non traditionnels, imposé le silence aux «personnes averties» au sein de la population autochtone, perturbé les familles, modifié les rôles sociaux et sexuels et des liens d’autorité en minant les valeurs culturelles et les mœurs;

    5Psychologique: associé à la troisième étape de la colonisation (oppression culturelle) et à la marginalisation des peuples autochtones, parce que leur identité sociale s’est retrouvée passablement affaiblie et appauvrie. En outre, toute perception qu’ils entretenaient au sujet de leur capacité à maîtriser leur existence s’est retrouvée diminuée et considérablement atrophiée, ce qui a eu pour effet, en fin de compte, de déplacer leurs perceptions concernant leur source de détermination sur les colonisateurs.

    Bref, les effets multiples d’un tel traumatisme, mieux connu et documenté sous le nom de «syndrome de stress post-traumatique complexe ou culturel» (Wesley-Esquimaux et Smolewski, 2004), en plus de générer un fort sentiment d’impuissance, influencent profondément la vision du monde et la conscience collective des populations autochtones.

    [Ces] facteurs historiques [ont] fortement influencé la source de détermination personnelle et sociale des peuples autochtones, engendré un sentiment de fatalisme et de réactivité aux forces historiques et sociales, et influé de façon négative sur leurs relations sociales (Wesley-Esquimaux et Smolewski, 2004, p. 8).

    Par ailleurs, le régime des pensionnats a été un échec en matière d’éducation:

    Ceux qui étaient chargés de son administration et bon nombre de ses enseignants prirent pour hypothèse que les enfants autochtones ne méritaient guère mieux qu’un enseignement de niveau primaire ou professionnel rudimentaire. […] À leur sortie des pensionnats, la plupart des élèves étaient mal préparés à connaître du succès au sein de l’économie de marché ou à se livrer à des activités plus traditionnelles comme la chasse et la pêche. La politique gouvernementale en matière d’assimilation a eu une incidence énorme sur l’éducation. Tant les enfants autochtones que non autochtones fréquentant les écoles publiques ont perçu le même message à propos de l’infériorité des Autochtones en tant qu’élèves des pensionnats. C’est ce qui explique pourquoi même les enfants autochtones qui n’ont pas fréquenté les pensionnats ont grandi avec le même sentiment d’humiliation et de piètre estime de soi et pourquoi tant de Canadiens ont une mauvaise opinion des Autochtones (Commission de vérité et réconciliation, 2015, p. 5).

    À cette époque, le gouvernement fédéral a fait le pari qu’en retirant les élèves des écoles de jour – au personnel inadéquat, au matériel insuffisant et sous l’autorité du clergé –, l’assimilation serait accélérée et les résultats scolaires s’amélioreraient. Puis, c’est en réponse à des pressions des parents autochtones pour que leurs enfants soient intégrés dans les écoles provinciales qu’il y a eu une recommandation à cet effet: les enfants autochtones et non autochtones se doivent de partager les mêmes classes (Carr-Stewart, 2009). L’inscription dans les écoles provinciales a donc rapidement augmenté. En 1960, il y avait déjà environ 10 000 élèves autochtones qui fréquentaient des écoles provinciales à l’extérieur des communautés autochtones (Mccue, 2011).

    Alors, c’est le curriculum provincial qui a été

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