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Manuel de réadaptation psychiatrique, 3e édition
Manuel de réadaptation psychiatrique, 3e édition
Manuel de réadaptation psychiatrique, 3e édition
Livre électronique1 201 pages15 heures

Manuel de réadaptation psychiatrique, 3e édition

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À propos de ce livre électronique

La troisième édition du Manuel de réadaptation psychiatrique s’inscrit dans un contexte plus large, international, avec des contributions d’experts provenant, entre autres, du Québec, des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de la Suisse. Même si les tendances principales dans le domaine de la réadaptation psychiatrique sont restées assez similaires depuis la dernière édition, plusieurs nouveaux programmes et interventions soutenus empiriquement ont été ajoutés et sont présentés dans cet ouvrage.

Le Manuel a été complètement restructuré pour mieux refléter ces programmes et ces interventions liés à des aspects précis du rétablissement et du bien-être. C’est avant tout un recueil d’interventions de pointe qui ont été validées empiriquement et élaborées pour favoriser le rétablissement des personnes vivant avec un trouble mental grave ou un trouble psychique sévère, soit les personnes présentant des symptômes psychotiques ou ayant des diagnostics de schizophrénie, de troubles schizo- affectifs, ou autres psychoses, ainsi que de troubles bipolaires ou de dépression majeure.

Ce livre s’adresse aux intervenants du milieu ainsi qu’à la communauté étudiante et au futur personnel professionnel, de même qu’aux décideurs du système de la santé mentale, aux familles et aux personnes ayant recours à la réadaptation psychiatrique.
LangueFrançais
Date de sortie22 févr. 2023
ISBN9782760557154
Manuel de réadaptation psychiatrique, 3e édition
Auteur

Tania Lecomte

Tania Lecomte est docteure en psychologie, professeure titulaire au département de psychologie de l’Université de Montréal et chercheuse au centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, où elle dirige le laboratoire l’ESPOIR. Elle est aussi responsable du Réseau canadien de recherche sur la schizophrénie et les psychoses. Tania est une sommité dans la recherche et le développement de traitements psychologiques et psychosociaux.

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    Aperçu du livre

    Manuel de réadaptation psychiatrique, 3e édition - Tania Lecomte

    Chapitre 1 /

    Le rétablissement

    Un changement de regard sur les troubles mentaux et le devenir des personnes qui en sont atteintes

    Bernard Pachoud

    Résumé

    La notion de rétablissement, en soulignant la possibilité d’un devenir personnel favorable pour tous ceux qui vivent avec un trouble psychique, même sévère et persistant, suscite un profond changement de regard sur ces personnes et sur leur devenir. L’ouverture d’un tel horizon positif d’avenir est fondamentale pour les personnes concernées : elle leur permet de reconsidérer leur situation et les façons d’y faire face, dès lors qu’elles retrouvent l’espoir d’un tel devenir désirable et se sentent soutenues et encouragées à s’engager dans cette démarche de rétablissement. Pour les professionnels de la santé mentale et de l’accompagnement de ce public, cette perspective évolutive positive transforme également leur conception des troubles et de leur évolution, et implique une réorientation de leurs pratiques, désormais davantage focalisées sur le devenir des personnes et leur réengagement dans une vie active et satisfaisante, plutôt que simplement sur la réduction des troubles. Ce n’est finalement rien de moins que le but même des pratiques de soin et de soutien qui se trouve redéfini par cette visée de rétablissement, et c’est en cela qu’elle définit un changement de paradigme en santé mentale.

    Dans ce chapitre, nous envisageons ce que signifie cette notion de rétablissement pour les personnes concernées, et précisons ensuite ce que cette perspective implique pour les professionnels, s’ils souhaitent promouvoir et soutenir ce processus.

    1 / Le rétablissement, une approche focalisée sur la personne et son devenir plutôt que sur son trouble

    Pour les personnes concernées, le rétablissement (recovery) signifie d’abord un mode de dégagement ou de sortie de la maladie mentale, en tout cas du statut de « malade mental », en se dégageant également du poids des représentations stigmatisantes attachées à ce statut (Davidson, 2003). En ce sens, le rétablissement doit être distingué de la notion de guérison, ou même de rémission, dès lors que ces notions caractérisent l’évolution de la maladie, alors que le rétablissement concerne le devenir de la personne. Or il est maintenant bien établi, par la recherche comme par l’expérience quotidienne, que le devenir de la personne n’est pas conditionné seulement par l’évolution de son trouble mental, contrairement à un préjugé classique, mais qu’il dépend d’un ensemble de facteurs personnels et environnementaux qu’il importe de prendre en compte. Cela signifie notamment que « sortir de la maladie mentale », ou « s’en sortir » comme on dit familièrement, ne requiert pas nécessairement que le trouble ait complètement disparu, mais que la personne ait pu se dégager d’une identité de malade psychiatrique, ou de psychiatrisé, et recouvrer une vie active et sociale, en dépit d’éventuelles difficultés résiduelles (Vignault, Quintal et Demers, 2013). Certes, la personne atteinte d’un trouble persistant va devoir « vivre avec », mais il est possible de vivre bien, et en cela consiste le rétablissement. Il est vrai qu’il suppose un processus de redéfinition de soi, de telle sorte que l’on n’est plus centré sur le trouble, ou déterminé par celui-ci. Ni déni ni désintérêt pour le trouble, c’est au contraire une prise de conscience du trouble mental et des limites et fragilités qu’il impose, et sur cette base une forme de prise de distance à son égard et à l’égard de ses conséquences, au profit d’une focalisation sur des objectifs personnels et le souci de son propre devenir.

    Cela signifie donc que, contrairement au préjugé traditionnel qui conditionne la reprise d’une vie active et la restauration d’un bien-être à la rémission des troubles, il est en réalité possible de « sortir de la maladie mentale » sans pour autant attendre que les troubles aient complètement disparu. C’est l’une des thèses innovantes du rétablissement. Elle s’appuie sur le constat, établi par la recherche autant que par l’expérience clinique quotidienne, d’une disjonction entre l’évolution du trouble et le devenir de la personne, ce dernier s’avérant peu corrélé au premier, car leurs déterminants respectifs sont différents.

    Si, en anglais, le terme recovery a une forme substantivée, l’expression est peut-être plus parlante en français dans sa forme verbale se rétablir : un verbe d’action réfléchi, suggérant une action sur soi, une action impliquant un rapport à soi, contrairement au verbe guérir, de connotation plus passive. Se rétablir d’un trouble comporte l’idée de reprendre ses occupations et le cours de sa vie par lesquels se précise, jour après jour, l’identité personnelle et sociale de la personne. Enfin, parmi les connotations sémantiques, se rétablir peut aussi évoquer la restauration d’un équilibre : l’accent étant alors porté sur les facteurs et la dynamique qui soutiennent cet équilibre, plutôt que sur les facteurs qui ont pu causer sa perte momentanée.

    Se donner comme objectif le rétablissement plutôt que la guérison – ou la rémission symptomatique – implique donc un déplacement de l’attention, qui se détache du trouble et des facteurs de son évolution pour se porter vers ce qui est désormais l’enjeu principal : le réengagement dans une vie active, l’optimisation des conditions de vie quotidienne et de vie sociale. Cela suppose de s’appuyer sur les ressources permettant de surmonter et d’infléchir positivement l’effet du trouble sur la vie de la personne. Si le « devenir de la personne » n’est pas déterminé seulement par les paramètres médicaux (Bowie et al., 2010 ; Hoffmann et Kupper, 1997 ; McGurk et Mueser, 2004), il importe de prendre en compte ses autres déterminants, et éventuellement de prendre appui sur ceux-ci, au premier rang desquels figurent les objectifs ou les priorités de vie de la personne, ses ressources pour les atteindre, mais aussi des facteurs subjectifs tels que la croyance ou l’espoir qu’un tel rétablissement est possible (Davidson et al., 2006 ; Deegan, 1988). Le rétablissement, avant d’être une question de soins, est donc fondamentalement une démarche personnelle, exigeante, de longue haleine, dont il convient de laisser voir et de favoriser la possibilité. C’est pourquoi il est prioritairement l’affaire des usagers, et s’il est sans doute possible de les soutenir dans cette démarche, ceux-ci doivent en garder l’initiative et la maîtrise.

    1.2 / Deux conceptions complémentaires du rétablissement

    Il importe de garder à l’esprit que la notion de rétablissement désigne tantôt un résultat (s’être dégagé du trouble, avoir repris le contrôle de sa vie), tantôt le processus pour atteindre ce résultat, et cette distinction s’avère en partie dépendante du point de vue qu’on adopte sur le rétablissement (Bellack, 2006 ; Noiseux et Ricard, 2008). Quand on le considère de l’extérieur, voire objectivement et comme un état de fait pouvant être constaté ou évalué, on tend à privilégier l’acception du rétablissement comme résultat. En revanche, quand il est considéré par ceux qui en font l’expérience, pour ainsi dire de l’intérieur, le rétablissement apparaît plutôt comme un processus ou une démarche dans lesquels l’important est de s’engager, puis de progresser sans nécessairement chercher à atteindre un but prédéfini et encore moins un but qui vaudrait pour tous. Ces deux approches sont souvent invoquées et distinguées dans l’abondante littérature sur le rétablissement, et suscitent des démarches de recherche différentes et complémentaires, visant pour la majorité de ces travaux à déterminer ce qui contribue à favoriser le rétablissement.

    La conception objective du rétablissement le présente comme un fait épidémiologique, et caractérise ce qui est parfois nommé le rétablissement clinique et fonctionnel (Silverstein et Bellack, 2008 ; Morin et Franck, 2017) parce qu’elle met l’accent sur la restauration d’une autonomie, et donc des capacités de la personne, ainsi que sur sa réintégration sociale. Cette conception s’appuie en particulier sur les résultats d’études longitudinales portant sur le devenir à long terme des personnes atteintes de schizophrénie, qui attestent de la réalité du rétablissement pour la majorité d’entre elles. Ces données sont d’autant plus notables qu’elles viennent contredire le préjugé médical traditionnel d’une évolution de la schizophrénie majoritairement défavorable – une idée remontant à Kraepelin (Garabbé, 1992), qui a identifié cette maladie en soulignant son évolution inéluctable vers une détérioration démentielle. Cette idée, qui était partiellement vraie avant les médicaments antipsychotiques, a tendanciellement persisté à cause d’un biais de jugement des psychiatres hospitaliers, qui font face aux formes graves et persistantes du trouble alors qu’ils perdent de vue les cas dont l’évolution est favorable (Cohen et Cohen, 1984). Or les études longitudinales, dont les premières ont été réalisées dans la première moitié du XXe siècle (Huber, Gross et Schüttler, 1979 ; Ciompi, 1980 ; Lin et Kleinman, 1988 ; McGlashan, 1988 ; Jobe et Harrow, 2005) établissent qu’après 20 ou 25 ans d’évolution, plus de la moitié de ces personnes accèdent à un degré satisfaisant de rétablissement en matière d’autonomie, de qualité de vie et d’intégration sociale. Dans cette approche, le rétablissement est donc conçu comme un état « final », un mode de devenir favorable des personnes diagnostiquées d’un trouble mental. L’accent est mis sur les critères objectivables de stabilisation du trouble (rémission symptomatique, ou absence de réhospitalisation), mais aussi de réinsertion socioprofessionnelle (reprise d’une activité de travail ou de formation, autonomie, restauration des relations sociales…) et, enfin, sur les facteurs qui conditionnent ce devenir : les soins médicaux d’une part, mais aussi les éléments situationnels qui contribuent à ce devenir – facteurs d’organisation sociale et politique compris (Liberman et al., 2002 ; Lieberman et al., 2008).

    La conception expérientielle du rétablissement est donc celle des personnes concernées (Bellack, 2006 ; Davidson et al., 2008b), et décrit ce qui est qualifié de rétablissement personnel (Slade, 2009a). Cette conception repose sur l’expérience vécue du rétablissement, telle qu’elle est rapportée dans des témoignages et récits autobiographiques qui attestent de sa possibilité et s’efforcent d’en dégager les ressorts. Si ces observations qualitatives ne peuvent être généralisées, elles n’en sont pas moins convaincantes et informatives, notamment par les détails donnés sur les formes que peut prendre le rétablissement et par l’indication des facteurs qui l’ont rendu possible. Dans cette approche, le rétablissement est moins considéré comme un but, un état final désirable ou idéal dont il resterait à préciser les moyens de l’atteindre, que comme une démarche, un processus dans lequel ce qui importe est de s’engager, puis de progresser (Davidson, 2003). Une démarche, donc, qui ne peut être que strictement personnelle, et ce, à toutes les étapes : dès l’amorce de ce processus, qui ne peut correspondre qu’à une décision personnelle liée à des prises de conscience ; ensuite, dans la réappropriation de sa vie, dans un processus de redéfinition de soi ; enfin, dans le choix des moyens pour atteindre ces objectifs (Provencher, 2002). C’est également parce que ce processus est personnel qu’il prend nécessairement des formes singulières, et se prête à être bien décrit « de l’intérieur », par ceux qui en ont fait l’expérience (Davidson et al., 2006 ; Ridgway, 2001). Il est d’ailleurs significatif que l’analyse de ce processus ait été principalement élaborée par des personnes qui ont vécu ce parcours et ont cherché à y repérer les étapes et facteurs clés. Elles précisent bien que l’enjeu n’est plus un retour à l’état précédant l’apparition du trouble ou la restauration du niveau de fonctionnement antérieur, mais de parvenir à se rétablir dans une vie satisfaisante. Cela suppose d’avoir conscience de son handicap, de ses limites, mais également de reconnaître ses compétences, ses savoir-faire, d’avoir trouvé en soi, ou parfois aussi dans l’environnement, des ressources permettant de dépasser ses difficultés, de les contourner, de vivre avec. Or, parmi les facteurs qui conditionnent cette capacité de rebondir, l’accent est mis sur une posture subjective, sur un changement d’attitude ou « du regard » de la part du sujet vis-à-vis de sa situation de handicap, comme en témoigne Patricia Deegan :

    Le rétablissement, c’est une attitude, une façon d’aborder la journée et les difficultés qu’on y rencontre. Cela signifie que je sais que j’ai certaines limites et qu’il y a des choses que je ne peux pas faire. Mais plutôt que de laisser ces limites être une occasion de désespoir, une raison de laisser tomber, j’ai appris qu’en sachant ce que je ne peux pas faire, je m’ouvre aussi aux possibilités liées à toutes les choses que je peux faire (Deegan, 1993, p. 7).

    Autrement dit, cette aptitude à reconnaître non seulement ses incapacités, mais aussi, à cette occasion, l’empan de ses capacités, négligées ou méconnues, s’avère être l’un des ressorts du rétablissement.

    On retrouve cette même exigence de changement de posture, de redéfinition de soi, dans la définition la plus couramment retenue du rétablissement proposée par Anthony :

    Un processus profondément personnel et singulier de transformation de ses attitudes, de ses valeurs, de ses sentiments, de ses buts, de ses compétences et de ses rôles. C’est une façon de vivre une vie satisfaisante, prometteuse et utile, en dépit des limites causées par la maladie. Le rétablissement implique l’élaboration d’un nouveau sens et d’un nouveau but à sa vie en même temps que l’on dépasse les effets catastrophiques de la maladie mentale (Anthony, 1993, p. 11).

    Que la personne change de regard sur son devenir, qu’elle retrouve l’espoir d’accéder à une vie satisfaisante, voilà donc l’étape initiale et la condition du rétablissement. Il est aussi souhaitable que cet espoir retrouvé d’un devenir favorable soit partagé par son entourage et par les soignants : en effet, si sa démarche est comprise, s’il n’y est pas mis d’obstacle, si elle est accompagnée, elle en sera d’autant facilitée.

    2 / Quelques composantes essentielles de l’expérience du rétablissement

    En tant qu’expérience personnelle singulière, autodéterminée, on doit admettre la très grande variété des formes et des parcours de rétablissement. Cela rend difficile de le définir, comme en témoigne la pluralité des définitions proposées dans la littérature (Amering et Schmolke, 2009 ; Jacobson et Greenley, 2001). Faute de place pour les envisager, nous en resterons ici à la définition de Anthony, citée au paragraphe précédent (Anthony, 1993).

    Une façon rigoureuse d’approcher ce type d’expérience consiste à étudier les travaux d’auteurs qui se sont attachés à rendre compte de leur propre parcours et à en théoriser les principaux facteurs, comme le font, dans leur remarquable ouvrage de synthèse, Amering et Schmolke (2009). Dans cette diversité d’expériences, on peut repérer, sinon des invariants, du moins des facteurs récurrents, reconnus pour leur incidence sur le processus de rétablissement.

    1 Nous nous limiterons aux plus importantes, parmi ces composantes de l’expérience, en évoquant d’abord l’espoir, et en particulier la croyance que le rétablissement est possible. Il témoigne de ce changement de regard de la personne – et éventuellement de son entourage – sur son devenir, pour lequel des perspectives positives sont réouvertes, mais il s’avère aussi être la condition pour s’engager dans cette voie : à ce titre, il demeure un paramètre critique (Slade, 2009a).

    La restauration du pouvoir de décider et d’agir (empowerment), qui conditionne la restauration d’un sentiment de contrôle sur sa vie et donc de responsabilité, apparaît à la fois comme ce qui est visé, comme l’expression même du rétablissement, mais aussi comme le moyen ou le ressort de la démarche (Amering et Schmolke, 2009). Cela renvoie en amont aux conditions de ce pouvoir d’agir : le respect d’un principe d’autodétermination, et des facultés d’autoévaluation de ses capacités (Koren et al., 2006), tel que « le sentiment d’efficacité personnelle » (Bandura, 1997), mais aussi des conditions environnementales favorables – l’attitude de l’entourage en particulier.

    3 En aval, cette réappropriation de son existence contribue à la redéfinition d’une identité, à la restauration de la confiance et de l’estime de soi qui, de façon circulaire, conditionnent l’engagement dans l’action. Plusieurs auteurs insistent sur le rôle des échanges narratifs pour articuler l’engagement dans l’action et la représentation de soi (Lysaker et al., 2005 ; 2010). Ces constructions narratives contribuent notamment à la restauration du sens, à la fois par la définition d’objectifs accessibles contribuant à donner un sens de la vie, et par le pouvoir intégrateur des élaborations narratives.

    « Construire sur ses forces » est encore un des principes souvent cités du processus de rétablissement : cela implique une réorientation de l’attention sur les ressources de la personne plutôt que sur ses points de fragilité ou de vulnérabilité (Greacen et Jouet, 2012).

    5 Enfin, nombre de témoignages insistent sur l’importance d’une reconnaissance inconditionnelle du potentiel et de la valeur de la personne par un tiers (un proche, parfois un soignant), ce qui vaut comme étayage nécessaire, ou plus précisément comme principe de réamorçage et de soutien de la confiance et de l’espoir, qui eux-mêmes conditionnent l’action (Davidson, 2003 ; Danion, 2012). C’est également à ce titre qu’importent l’entraide et la reconnaissance entre pairs engagés dans ce processus de rétablissement.

    Si chaque parcours de rétablissement est singulier, il partage néanmoins avec les autres quelques étapes types, que plusieurs chercheurs ont tenté de spécifier (Andresen, Oades et Caputi, 2003 ; Noiseux, 2007 ; Deegan, 1996). On retrouve essentiellement l’idée d’une première phase de « moratoire » (déni, repli, révolte ou désespoir face au trouble mental), puis une phase de prise de conscience de la possibilité du rétablissement, préalable à une phase de préparation (avec un repérage de ses ressources, mais aussi de ses objectifs propres ou de ses valeurs), avant les phases de reconstruction, puis de croissance dans lesquelles se développe et se consolide le rétablissement.

    3 / La caractérisation des pratiques axées sur le rétablissement

    Si, comme nous l’avons souligné, le rétablissement a pour point de départ une prise de conscience par la personne d’un devenir désirable possible, et sur cette base son engagement dans une démarche de réappropriation progressive de son autonomie et d’un contrôle sur sa vie, cette démarche ne peut venir que du sujet. Elle ne peut être produite, ni même induite, par l’entourage ou les soignants. En revanche, il est possible, et très souhaitable, de créer les conditions favorables à cette prise de conscience, et d’apporter ensuite un soutien, le plus ajusté possible, au processus. Cela suppose le développement et la diffusion de pratiques dites « orientées vers le rétablissement », c’est-à-dire focalisées sur les facteurs contribuant à ce processus de reconstruction et d’autonomisation.

    Avant d’envisager le recours à des interventions spécialisées, que nous allons détailler plus loin, il importe d’abord de créer un environnement favorable au rétablissement (Dubreucq, 2021), porteur d’espoir, focalisé sur les forces et les ressources préservées des personnes plutôt que sur leurs difficultés, respectueux de la singularité de leur situation, de leur démarche, de leur rythme et de leurs choix (Farkas et al., 2005 ; Leamy et al., 2011 ; Whitley et Drake, 2010).

    Plusieurs guides d’appui – Faire du rétablissement une réalité (Shepherd, Boardman et Slade, 2008), Guide de référence pour les pratiques axées sur le rétablissement (Mental Health Commission of Canada, 2012) et A practical guide to recovery-oriented practice (Davidson et al., 2008a) – soulignent les valeurs et les principes qui doivent désormais orienter les postures et les pratiques professionnelles : promouvoir un langage empreint d’espoir et d’optimisme, mettre l’accent sur les forces, développer une relation de partenariat, ouverte à la réciprocité de l’échange, plutôt que d’assistance ou une relation asymétrique de soin, se soucier du respect des droits de la personne et favoriser son autonomie (notamment dans la gestion de ses troubles, mais aussi dans sa vie quotidienne), et encourager l’autodétermination et la réappropriation progressive du pouvoir de décider et d’agir (empowerment) des personnes.

    L’intervention de pairs aidants, témoignant de leur propre expérience du rétablissement, est particulièrement appropriée. Elle contribue au développement de relations de partenariat ou d’entraide, à une reconfiguration des pratiques et des postures d’accompagnement au sein d’un service, à la réduction de l’autostigmatisation, tous ces facteurs permettant finalement de limiter les rechutes et les réhospitalisations (Johnson et al., 2018 ; Mueser et al., 2013 ; Pelletier, 2021).

    Les valeurs guidant les pratiques orientées vers le rétablissement peuvent être finalement ramenées à l’attente prioritaire des personnes concernées : bénéficier de tous les droits, rôles et responsabilités habituels d’une personne (Slade, 2009b ; Entwistle et Watt, 2013 ; Vignault et al., 2013 ; Barham et Hayward, 1991). La notion de personne se prête en effet à intégrer les facteurs importants du rétablissement, en tant qu’elle renvoie intrinsèquement à une pluralité de dimensions, toutes importantes à prendre en compte : son irréductible singularité, la liberté, à commencer par celle de s’autodéfinir, de définir son identité ou de la reconstruire, mais aussi la dimension sociale (avec notamment l’importance des rôles sociaux et des enjeux de reconnaissance), la dimension politique ou citoyenne (avec ses droits, notamment à la participation sociale, et à ce que soit prise en compte sa voix, son point de vue, ses attentes). Ce principe d’une « centration » sur la personne, dans sa singularité et sa pluridimensionnalité, indique en quoi les pratiques priorisant le rétablissement se différencient de l’approche médicale, qui reste centrée sur la maladie. Si le trouble relève d’un savoir empirique, scientifique, valant pour tous et que s’attache à établir la recherche, la personne, par sa singularité même, ne peut relever d’un tel savoir généralisable, et peut être mieux approchée par le repérage de ses valeurs propres (Fulford, 2004 ; Slade, 2009b).

    Les pratiques orientées vers le rétablissement consistent en grande partie à apporter un soutien aux tâches que doit accomplir la personne pour progresser dans sa démarche de rétablissement, et donc d’autonomisation. Parmi ces tâches, décrites de plusieurs façons par ceux qui témoignent de leur propre parcours (Deegan, 1988 ; Ridgway, 2001), nous retiendrons les suivantes (Slade, 2009b ; Whitley et Drake, 2010) :

    a) L’acquisition d’une aptitude à gérer soi-même ses troubles (ses symptômes, ses crises)

    Outre le traitement médicamenteux, dont l’acceptation et l’observance dépendent de l’alliance thérapeutique avec le prescripteur et les soignants, mais aussi des informations reçues sur le trouble et les contraintes de son traitement (donc de l’éducation thérapeutique), il peut être précieux d’acquérir des stratégies ou des méthodes non médicamenteuses de gestion de symptômes résiduels, tels que, par exemple, « les voix ». Sur ce plan, des interventions de type thérapie cognitive et comportementale (TCC) sont particulièrement indiquées. Il importe que les personnes sachent distinguer les symptômes résiduels des effets secondaires des médicaments, d’une part, et des signes de crise ou annonciateurs de rechute, d’autre part. Ces derniers sont importants à repérer : il est alors très utile d’avoir prévu, en amont des crises ou rechutes, les mesures à mettre en œuvre et les aides à solliciter pour faire face à ces situations. Des outils particuliers sont actuellement proposés, tels que « le plan de crise conjoint », ou « les directives anticipées en cas de rechute » (Maître et al., 2013).

    Parmi les outils ou les interventions spécialisées qui contribuent à améliorer l’autocontrôle sur son trouble, il faut donc insister sur l’éducation thérapeutique (ou la psychoéducation), destinée aux personnes elles-mêmes, mais également aux familles, dont nous avons évoqué le rôle comme ressource (Lecomte, Corbière et Leclerc, 2014), et aussi sur l’entraide entre pairs et sur les informations apportées par les pairs aidants.

    b) L’autonomisation dans la gestion de sa vie quotidienne

    Le souci du quotidien et des propositions d’aides concrètes tournées vers le quotidien (Martin et Franck, 2018) sont efficaces, appréciées et témoignent du recentrage sur la vie concrète de la personne, plutôt que sur son trouble et ses déterminants biologiques. Les facteurs repérés comme importants dans ce domaine sont l’hygiène de vie, la continuité du suivi médico-psychologique, le repérage par chaque personne de ce qui est ressourçant pour elle, ainsi que des facteurs de vie stabilisants ou, au contraire, déstabilisants. Parmi ces facteurs importent les interactions sociales, en sachant distinguer celles qui sont positives de celles qui sont toxiques et dont il faut se protéger. L’étayage relationnel, par les proches ou les pairs, peut contribuer à cette autonomisation, notamment en la sécurisant par le recours possible à des ressources extérieures. Les pratiques professionnelles d’aide à la vie sociale sont aussi précieuses, de même que, lorsque cela est nécessaire, les pratiques permettant d’assurer un hébergement satisfaisant et stable. L’engagement dans des activités régulières, sur lequel nous allons revenir, contribue aussi à structurer les journées et à enrichir le réseau relationnel.

    c) La reconstruction d’une identité positive

    Les définitions du rétablissement insistent sur l’importance du processus de reconstruction identitaire, pour se dégager de l’identité de « malade mental » et du fardeau des préjugés associés à ce statut. Cela suppose aussi de prendre conscience de l’autostigmatisation et de parvenir à la réduire (Dubreucq, Plasse et Franck, 2021). Le partage d’expérience avec des pairs, outre l’entraide qu’il procure, contribue à une transformation progressive de la représentation de soi par le biais des échanges narratifs et par la reconnaissance par autrui de la singularité du parcours. Cette reconstruction identitaire progressive permet aussi un retour sur l’histoire de vie et sur l’histoire du trouble mental, dont il s’agit de se distancier, mais aussi de se l’approprier en l’intégrant dans l’histoire de sa vie. Le partage d’expériences vécues comme traumatiques, notamment lors des premières hospitalisations ou de soins sous contrainte, est important pour acquérir un recul critique sur ces situations, leur donner du sens et une place dans sa biographie.

    d) L’engagement dans des rôles sociaux valorisants et conformes au projet de vie de la personne

    La participation à des activités collectives, à commencer par la reprise d’une activité professionnelle, même si ce n’est pas la seule voie possible (il peut s’agir d’activités de loisir ou de travail bénévole), est fondamentale en tant qu’elle contribue à conférer une identité sociale et permet à la personne de se sentir reconnue pour ses compétences, sa contribution à la tâche commune et son appartenance au groupe ; une reconnaissance dont on sait l’importance pour l’estime de soi (le sentiment de sa valeur).

    Parmi les interventions spécialisées, les pratiques efficaces d’aide à l’insertion professionnelle, telles que l’emploi accompagné (Drake, Bond et Becker, 2012 ; Becker et Drake, 1994), sont donc précieuses, de même que, plus largement, les accompagnements à la vie sociale et les groupes d’entraide mutuelle.

    Helen Rose Ebaugh a décrit un processus que l’on retrouve régulièrement dans les parcours de rétablissement : le processus de role exit (sortie de rôle), qui correspond à une prise de distance avec le rôle de personne psychiatrisée (Ebaugh, 1988). Il est favorisé par des occasions d’ouverture vers d’autres rôles et peut prendre des formes différentes selon les étapes (initiales ou plus avancées) du rétablissement. Les travaux d’Helen Rose Ebaugh relèvent le rôle majeur joué par la famille dans ces transitions de rôle.

    À ces principaux facteurs, on peut ajouter la prise en compte et le respect de stratégies adaptatives mises en place par les personnes. Certains comportements, modes de vie ou formes d’existence attirent l’attention parce qu’ils s’écartent des normes et des usages sociaux dominants ; volontiers jugés comme liés à la pathologie, ils méritent qu’on en comprenne le sens et la valeur adaptative, et qu’à ce titre on les respecte en dépit de leur singularité (Martin et Franck, 2018). À titre d’exemple, le retrait actif (ou positif) décrit par Corin et Lauzon (1992, p. 270) dans le champ de la schizophrénie, désigne « l’instauration progressive par le sujet d’un retrait par rapport au monde extérieur, à la fois intentionnel et partiel ». Comme le soulignent Martin et Franck, « dans ce mode d’existence, la personne s’offre la possibilité de rester en contact avec le milieu, mais par la marge (Corin et Lauzon parlent d’être avec, mais à distance). Par ce type de stratégie, qui peut se traduire par exemple par la sur-fréquentation des lieux publics, la personne se ménage un espace suffisamment sécurisant, tant sur le plan personnel qu’interpersonnel » (Corin, cité dans Martin et Franck, 1998, p. 67).

    En résumé, il apparaît nécessaire d’adopter une approche holistique, soucieuse de prendre en compte la personne dans sa pluridimensionnalité. Cela converge avec l’observation d’Alain Topor (2001), selon laquelle les personnes rétablies ont elles-mêmes constitué des « modèles complexes » de leur trouble, par quoi il faut entendre une représentation du trouble qui conjugue différents facteurs explicatifs (psychologiques, médicaux, familiaux, sociaux, spirituels, etc.).

    4 / Les outils ou les interventions spécialisées de réhabilitation psychosociale et de soutien au rétablissement

    Ces interventions spécialisées, jusqu’ici simplement mentionnées, méritent d’être plus précisément présentées. Nous le ferons brièvement, car elles sont détaillées dans d’autres chapitres du Manuel. Nous ne pourrons être exhaustif, car ces interventions spécialisées tendent à se multiplier pour répondre à des besoins de plus en plus précis et désormais mieux identifiés (Mueser et al., 2013 ; Morin et Franck, 2017 ; Dubreucq, 2021). Nous mettrons l’accent sur les interventions fondées sur des données probantes, dont l’efficacité a été prouvée par des études empiriques rigoureuses, qui répondent à un besoin fréquemment établi et ont été « normalisées » pour être reproductibles (Lecomte et al., 2014 ; Dixon et al., 2010). On peut considérer qu’une pratique axée sur le rétablissement doit allier une posture générale d’accompagnement orientée par les valeurs et les principes du rétablissement que nous venons d’évoquer, mais doit aussi pouvoir recourir à des méthodes et interventions spécialisées pour optimiser son efficacité.

    4.1 / La psychoéducation et la psychoéducation familiale

    Les informations apportées sur le trouble mental et sur les traitements ont montré leur efficacité pour améliorer l’observance du traitement et réduire le risque de réhospitalisation (Morin et Franck, 2017). Associées à la réalisation d’un bilan éducatif partagé, ces interventions permettent d’évaluer avec les personnes concernées, dans chaque domaine de vie, les difficultés, ressources et souhaits de changement, pour leur proposer un plan d’action personnalisé (Rebelle, Arnaud et Melis, 2018). Mises en œuvre précocement, si possible dès le premier épisode psychotique, et animées ou coanimées par un pair aidant, elles permettent de prévenir l’autostigmatisation (Dubreucq et al., 2021). Les interventions auprès des familles doivent être particulièrement considérées, car elles se sont révélées les plus efficaces pour favoriser l’observance thérapeutique et réduire le taux de rechute des personnes suivies (Pharoah et al., 2010). Elles contribuent à réduire le stress et le fardeau ressentis par les aidants familiaux (Liberman et Liberman, 2003), et si des programmes tels que BREF (Rey, Lourioux et d’Amato, 2019) ou Accompagner, Valider, Échanger, Comprendre (AVEC) (Lecomte, 2016) sont mis en œuvre précocement, ils contribuent aussi à réduire l’autostigmatisation (Dubreucq, 2021).

    4.2 / Les thérapies cognitives et comportementales pour la psychose

    Proposées individuellement ou en groupe, elles ont prouvé leur efficacité pour réduire les symptômes persistants en dépit des traitements médicamenteux (Lecomte, 2016). Elles peuvent viser les symptômes positifs de la schizophrénie – avec le Michael’s Game (Khazaal et al., 2015) ou les entraînements métacognitifs (Moritz et al., 2022) – ou les symptômes négatifs (Favrod et al., 2019).

    4.3 / L’entraînement aux habiletés sociales

    Proposé principalement en groupe, il comprend l’acquisition de stratégies comportementales (par ex., la résolution de problèmes sociaux), la mise en situation par des jeux de rôle et des exercices à domicile pour favoriser le transfert dans le quotidien des aptitudes apprises. Cela permet d’améliorer les compétences sociales, de réduire les symptômes négatifs, avec un effet modéré sur les habiletés de vie autonome (Kurtz et Mueser, 2008).

    4.4 / La remédiation cognitive

    Il s’agit d’interventions précises visant à réduire des déficits cognitifs, lorsqu’ils sont présents et confirmés, par une évaluation cognitive dans les domaines de la mémoire, de l’attention, de la vitesse psychomotrice ou des fonctions exécutives. Son efficacité est renforcée lorsqu’elle s’intègre dans un programme d’amélioration du fonctionnement dans la vie quotidienne ou en vue d’une adaptation à une activité professionnelle. Elle peut être réalisée en groupe (Brénugat-Herné, Medalia et Amado, 2018) ou de façon individuelle (d’Amato et al., 2011 ; Morin et Franck, 2017).

    4.5 / Le traitement intégré pour troubles concomitants

    La consommation de substances addictives (alcool, drogues) constitue un facteur de comorbidité pour presque 50% des personnes atteintes de troubles psychiques. Bien que la plupart des programmes ne soient pas particuliers à un type de diagnostic psychiatrique, les études montrent leur efficacité pour réduire, voire interrompre, les consommations addictives. Parmi ces interventions, l’entretien motivationnel (Miller et Rollnick, 1991), des interventions de groupes recourant à l’entraînement aux habiletés sociales (Mueser, 2012) ou inspirées des TCC et associant éventuellement les familles (Barrowclough et al., 2001).

    4.6 / Les programmes de soutien à l’emploi

    La reprise d’une activité professionnelle contribue à plusieurs égards au processus de rétablissement : restauration d’un sentiment d’efficacité et de l’estime de soi, structuration de l’emploi du temps et occasions de relations sociales, restauration d’une identité sociale professionnelle et d’un rôle social valorisant, sentiment d’appartenance, etc. (Pachoud, 2017). Cette approche, qui se distingue des pratiques traditionnelles par une stratégie innovante (place and train), un accompagnement personnalisé, continu et dans la durée, a été démontrée d’une efficacité nettement accrue pour l’accès à l’emploi, mais aussi pour le maintien en emploi (Becker et Drake, 1994 ; Drake et al., 2012 ; Bond, Drake et Becker, 2008).

    4.7 / Le suivi intensif dans la communauté

    Ce type d’intervention est requis pour les personnes en grande précarité sociale, notamment pour faciliter et sécuriser l’accès à un logement autonome et coordonner les divers types de soutien sur les plans social et administratif. Il s’agit d’une fonction assurée par un coordinateur de parcours (case manager) ou, à défaut, par une personne référente de l’équipe de soin (Mueser et al., 2013).

    5 / Une transformation des pratiques de soin et de soutien à envisager sur les plans individuel, institutionnel et politique

    Toutes les études approfondies des pratiques axées sur le rétablissement convergent pour reconnaître que, pour aboutir à une réelle transformation des pratiques et des conceptions en santé mentale, les changements doivent être envisagés sur plusieurs plans (Farkas, 2007 ; Anthony, 2002 ; Slade, 2009b, Gilburt et al., 2013 ; Roberts et Wolfson, 2004) :

    Sur le plan individuel d’abord, un changement de posture relationnelle des professionnels, sur le mode du partenariat plutôt que de l’assistance ou de l’expertise, est requis. Cela implique une transformation de leur formation, des critères de recrutement et d’évaluation, et la spécification des qualités et des compétences qui sont à privilégier dorénavant (Roberts et Boardman, 2014 ; Topor, Bøe et Larsen, 2018 ; Borg et Kristiansen, 2004 ; Le Boutillier et al., 2011).

    Mais ces changements ne peuvent être pleinement mis en œuvre que si, sur le plan institutionnel, est également envisagée une transformation de l’organisation des services, de leur mission, de leurs pratiques et de leur mode de gouvernance (Gilburt et al., 2013 ; Whitley et Drake, 2010 ; Shepherd, Boardman et Burns, 2010).

    Enfin, ces changements institutionnels doivent être soutenus, et ces pratiques innovantes financées, par les tutelles, dans le cadre d’une politique de santé mentale non seulement favorable au rétablissement, mais qui gagne à être, elle aussi, explicitement axée sur le rétablissement, comme c’est le cas au Canada et dans la majorité des pays anglo-saxons (Amering et Schmolke, 2009 ; Ramon, 2018).

    En France, cette évolution des pratiques visant à promouvoir le rétablissement peut être illustrée, par exemple, par le développement de la pratique de l’emploi accompagné. Bien que connue et expérimentée avec succès dans ce pays depuis 2013, mais de façon marginale, elle n’a vraiment pris son essor que lorsque les pouvoirs publics ont explicitement recommandé cette pratique (dans un texte de loi) et l’ont financée, à partir de 2018 (Roussey et Maestri, 2021). Deux ans après, ce type de service, à plusieurs égards exemplaire d’une pratique orientée vers le rétablissement, était présent et en plein développement, avec des performances honorables, dans tous les départements du pays, à la grande satisfaction des bénéficiaires de ces services, mais aussi des professionnels qui apprécient, grâce à ce modèle, de disposer enfin des moyens d’un accompagnement efficace vers et dans l’emploi.

    Un autre exemple est celui de la pair-aidance, une pratique qui s’est heurtée au départ au scepticisme, voire à la résistance, de nombreux milieux soignants. La reconnaissance explicite de son intérêt dans les textes de politique de santé mentale et sa valorisation par une formation universitaire diplômante ont été nécessaires à la diffusion large et au développement de cette pratique, aujourd’hui beaucoup mieux reconnue et acceptée.

    Notons enfin que, si les politiques publiques et les pratiques institutionnelles tardent parfois à mettre en œuvre les moyens nécessaires à une réorientation réelle des pratiques, les personnes concernées se sont emparées de cette notion de rétablissement qui est d’abord la leur. Elles développent leurs propres outils, communauté de pratiques, et savent juger des pratiques et des orientations des diverses institutions.

    6 / Le paradigme du rétablissement : l’évolution des attentes sociétales et des conceptions contemporaines des politiques sociales de développement

    Le paradigme du rétablissement en santé mentale a certes des particularités liées aux spécificités des troubles psychiques, comparativement à d’autres pathologies chroniques ou d’autres types de handicap, mais aussi au fait qu’il a été en grande partie conceptualisé et théorisé par des personnes ayant eu l’expérience des troubles psychiques, puis d’un parcours de rétablissement, et que, enfin, il a contribué au développement d’une pluralité d’interventions psychosociales spécialisées. Il serait toutefois erroné de croire que ce type d’évolution des soins et du soutien social est réservé à la santé mentale. Il incarne en réalité, certes avec des spécificités propres au domaine de la santé mentale, un profond changement à l’œuvre dans l’ensemble de la médecine, du fait de l’importance prise par le paradigme des pathologies chroniques. Un changement que l’on trouve aussi dans les conceptions contemporaines du handicap et les politiques publiques en faveur des personnes qu’il concerne, et de façon plus large encore un changement dans les conceptions politiques du développement telles qu’elles sont formulées par l’Organisation des Nations unies (ONU).

    En médecine, l’importance prise par le paradigme des maladies chroniques a imposé de reconnaître et de promouvoir l’autonomie et le pouvoir d’agir des personnes soignées (favoriser leur empowerment), pour qu’elles deviennent des partenaires actifs de leurs soins plutôt que des bénéficiaires passifs.

    Par ailleurs, les conceptions nouvelles du handicap, en particulier le modèle social du handicap, ont permis de prendre conscience du rôle majeur de l’environnement dans la constitution des situations de handicap, et de promouvoir une approche fondée sur les droits (et l’égalité des chances), à l’opposé des politiques d’assistanat jusqu’alors en vigueur (Organisation mondiale de la santé [OSM], 2001 ; Winance, 2008).

    Ce changement de modèle s’inscrit dans l’évolution des conceptions politiques du développement qui oriente les activités de l’ONU en matière de développement depuis 1997, et à la suite de l’adoption en 2003 de la compréhension commune des Nations Unies en matière d’approche fondée sur les droits de l’homme (Groupe des Nations unies pour le développement durable [GNUDD], 2003). L’approche, initialement fondée sur les besoins des populations des pays les moins avancés, a cédé la place à une approche fondée sur les droits de la personne. Désormais, les personnes ne sont plus seulement l’objet d’une aide programmée en amont par des instances décisionnaires, mais sont considérées comme des acteurs à part entière du développement. L’action publique n’est plus conçue en matière de compensation ou d’assistanat, mais au regard de la mise en œuvre des droits fondamentaux des personnes. La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH), adoptée en 2006 (ONU, 2006), et à l’élaboration de laquelle des représentants des utilisateurs des services en psychiatrie ont participé (Khazaal, 2018), précise, de façon détaillée et exigeante, ce qu’implique cette approche par les droits. Elle vise « à promouvoir, protéger et assurer la pleine jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque » (art. 1). Comme le souligne Dubreucq (2021), elle favorise la réduction de la stigmatisation et l’inclusion sociale, qui figurent dans plusieurs articles de la Convention : être inclus dans la communauté, art. 19 ; se marier et fonder une famille, art. 23 ; accéder à des soins de qualité similaires à ceux reçus par les personnes non handicapées, art. 25 ; exercer un emploi et une citoyenneté pleine et entière, art. 27 et 29 (ONU, 2006). Elle met l’accent sur les forces et les capacités préservées des personnes concernées plus que sur les limitations liées à leur pathologie, art. 8 ; et dans l’article 12, souvent commenté, elle fait des « volontés et préférences de la personne », et non plus de « ses intérêts » ou de « ses besoins », le fondement juridique des décisions et des actions (soins, travail, vie affective, gestion des biens, déplacements, alimentation, hygiène, participation à la vie sociale). Il est donc frappant de constater la convergence des principes et des valeurs du paradigme du rétablissement avec les exigences de l’approche par les droits stipulées par la CRDPH ; convergence qui donne à comprendre que la notion de rétablissement n’est pas seulement un concept ou un courant parmi d’autres en santé mentale, mais qu’elle s’inscrit dans le sens de l’histoire et d’un souci de rendre effectif le primat de la personne humaine.

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    Chapitre 2 /

    De l’institution à l’appartement

    L’éventail du logement pour les personnes avec un trouble mental

    Amélie Felx, Alain Lesage, Myra Piat, Alexandre St-Germain, Véronique Wilson et Marc Corbière

    Résumé

    Ce chapitre brosse un portrait de l’éventail du logement pour les personnes avec un trouble mental, éventail qui s’étend de l’hébergement en institution à l’habitation autonome. Entre ces extrêmes se trouve une diversité de milieux de vie qui offrent ou non un encadrement et des services de soutien. Les auteurs effectuent un survol des modèles dominants liés au logement en santé mentale ainsi que des pratiques et des recherches qui y sont associées. Ils s’attardent aux grands secteurs de logement au Québec, aux différents types de ressources résidentielles avec encadrement et au contexte historique québécois dans lequel elles ont évolué. Finalement, les auteurs relèvent certains enjeux et contradictions qui se présentent lorsqu’il s’agit de déterminer le bon milieu de vie pour une personne.

    En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme (Organisation des Nations unies [ONU], art. 25) a reconnu officiellement le droit au logement. L’accès à un logement¹ constitue le point d’ancrage d’une personne dans la société. Il figure parmi les éléments les plus importants de l’intégration dans la communauté des personnes avec un trouble mental et il est indispensable à leur rétablissement (Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS], 2001 ; Corrigan et al., 2008 ; Leff et al., 2009 ; Rog et al., 2014 ; Felx, 2015). De plus, le logement représente un espace unique pour développer des habiletés domestiques et sociales, pour s’adonner à des occupations significatives, pour avoir un pouvoir décisionnel et pour exercer un contrôle sur son environnement (Eklund et al., 2017).

    Au cours des 60 dernières années, une diversité de milieux de vie pour les personnes avec un trouble mental a été développée dans la communauté, et ce, dans plusieurs États industrialisés, y compris au Québec, au Canada et aux États-Unis. Ces milieux se sont développés conséquemment à la désinstitutionnalisation et à la non-institutionnalisation. Ils s’étendent de milieux hautement supervisés avec du personnel professionnel sur place à d’autres où la personne vit dans son propre logis et reçoit des services. Ainsi, au fil du temps, des modèles de logement caractérisés par une plus grande souplesse et par un encadrement et des services modulés aux besoins et aux préférences de la personne se sont développés (Macpherson, Shepherd et Edwards, 2004 ; Piat et Sabetti, 2010 ; Felx, 2015). La tendance actuelle favorise le modèle de soutien au logement (voir section 2.3), un modèle dans lequel le logement est distinct des services, c’est-à-dire que les services ne sont pas rattachés à un bâtiment ou à un logis, mais à la personne. Toutefois, la littérature scientifique indique l’absence de données probantes pour appuyer la supériorité d’un modèle de logement versus un autre (Chilvers, Macdonald et Hayes, 2006 ; McPherson, Krotofil et Killaspy, 2018a). Cette absence surprend considérant le coût élevé associé à certains types de ressources résidentielles et leur importance dans la mise en place d’un système équilibré de soins et de services en santé mentale (Lesage, 2014 ; Felx, 2015 ; Killaspy et al., 2016 ; McPherson, Krotofil et Killaspy, 2018a).

    Ce chapitre comprend quatre sections. La première expose la variété des types de logement pour les personnes avec un trouble mental, selon une perspective internationale. La deuxième section présente trois grands modèles de logement avec soutien pour les personnes avec un trouble mental, ainsi que les évidences qui y sont associées. La troisième section décrit le logement au Québec pour les personnes avec un trouble mental. Enfin, la quatrième section aborde certains débats actuels rattachés au logement.

    1 / La variété des types de logement pour les personnes avec un trouble mental

    L’éventail du logement et des formes d’hébergement est large avec, à une extrémité, l’hébergement en institution et, à l’autre, les personnes qui demeurent de façon autonome dans leur logis. Entre ces pôles, il existe une diversité de ressources résidentielles hospitalières ou non qui offrent différents services de soutien et d’encadrement. Le tableau 2.1 présente un éventail des types de logement pour les adultes avec un trouble mental qui se retrouvent dans plusieurs États ou pays. Certains auteurs ajoutent à cet éventail du logement l’itinérance, qui représente en soi une forme d’habitat (Corrigan et al., 2008 ; Leff et al., 2009 ; Nelson, Aubry et Hutchison, 2010). Hormis une estimation de Torrey pour les États-Unis (2001, cité dans Corrigan et al., 2008) et une étude de Harvey et al. (2012) auprès de personnes avec un trouble psychotique, en Australie, peu de données sont disponibles pour savoir où vivent les personnes avec un trouble mental (p. ex. Torrey indique qu’environ 34% des personnes avec un trouble mental vivent de façon autonome dans leur propre logis et que 25% habitent avec leur famille).

    Quelques-unes des appellations présentées au tableau 2.1 sont propres au Québec, alors que d’autres sont communes à plusieurs États ou pays. Malgré les nombreux efforts de clarification, la terminologie qui entoure le logement est inconstante, voire parfois contradictoire (Parkinson, Nelson et Morgan, 1999 ; Corrigan et al., 2008 ; McPherson, Krotofil et Killaspy, 2018b). Dans la littérature internationale, plus d’une centaine de termes sont utilisés pour décrire le logement pour les personnes avec un trouble mental² (p. ex. Lesage et Morissette, 1989 ; de Girolamo et Bassi, 2004 ; Chilvers, Macdonald et Hayes, 2006 ; Tabol, Drebing et Rosenheck, 2010 ; McPherson, Krotofil et Killaspy, 2018b). Deux appellations désignent parfois des milieux résidentiels semblables au regard de leur structure et des services de soutien offerts. De plus, des milieux inscrits sous une même appellation peuvent correspondre à des types distincts de logement ou poursuivre des objectifs différents (de Girolamo et Bassi, 2004 ; Felx, 2015 ; Talbol, Drebing et Rosenheck, 2010 ; McPherson, Krotofil et Killaspy, 2018a). Par exemple, les foyers de groupe tels que définis dans le tableau 2.1 diffèrent des group homes britanniques et du Québec.

    TABLEAU 2.1 / Éventail du logement pour les adultes avec un trouble mental

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