LES TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES: Du diagnostic aux traitements
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À propos de ce livre électronique
Qui sont les gens les plus à risque d’être atteints de TCA ? Les femmes, bien sûr, mais aussi les hommes, les enfants, les sportifs, les victimes de maltraitance durant l’enfance, ceux qui ont une déficience intellectuelle ou des troubles du spectre de l’autisme. Dans ce livre, on examine les particularités des évaluations médicales, nutritionnelles et psychosociales et on présente en détail des interventions efficaces, allant de la thérapie cognitive-comportementale à l’alimentation intuitive en passant par les thérapies corporelles ou familiales centrées sur les émotions. Enfin, l’accompagnement des personnes atteintes de TCA en hôpital de jour, en hospitalisation ou en externe est passé à la loupe pour offrir le portrait le plus complet à jour des ressources accessibles.
Annie Aimé
Annie Aimé (Ph. D., ps. éd.) est professeure au Département de psychoéducation et de psychologie de l’UQO. Ses domaines de spécialisation portent sur l’alimentation, l’image corporelle et les difficultés psychosociales associées à l’embonpoint et à l’obésité chez les jeunes et les adultes.
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Avis sur LES TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES
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Aperçu du livre
LES TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES - Annie Aimé
Sous la direction de Annie Aimé,
Christophe Maïano et Marie-Michèle Ricard
LES TROUBLES
DES CONDUITES ALIMENTAIRES
Du diagnostic aux traitements
Les Presses de l’Université de Montréal
Les auteurs remercient l'Université du Québec en Outaouais pour le soutien accordé à cette publication.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Titre: Les troubles des conduites alimentaires: du diagnostic aux traitements / Annie Aimé, Christophe Maïano, Marie-Michèle Ricard.
Noms: Aimé, Annie, 1972- auteur. Maïano, Christophe, 1974- auteur. Ricard, Marie-Michèle, auteur.
Collections: Paramètres.
Description: Mention de collection: Paramètres Comprend des références bibliographiques.
Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20200074067 Canadiana (livre numérique) 20200074075 ISBN 9782760641747 ISBN 9782760641754 (PDF) ISBN 9782760641761 (EPUB)
Vedettes-matière: RVM: Troubles du comportement alimentaire.
Classification: LCC RC552.E18 T76 2020 CDD 616.85/26—dc23
Mise en pages: Folio infographie
Dépôt légal: 2e trimestre 2020
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2020
www.pum.umontreal.ca
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Avant-propos
Annie Aimé, Christophe Maïano et Marie-Michèle Ricard
En tant que professeurs, conférenciers, chercheurs et cliniciens, nous avons pu constater à quel point les troubles des conduites alimentaires (TCA) suscitent un grand intérêt aussi bien chez les intervenants et professionnels de divers milieux que dans la population en général. Cet intérêt entraîne de la fascination, mais suscite également de l’incompréhension ou même un certain manque de considération à l’égard des personnes présentant un TCA. Parfois, il est aussi le reflet d’expériences personnelles que l’on partage avec des proches. Quoi qu’il en soit, les étudiants de niveau collégial ou universitaire inscrits dans des programmes de formation en relation d’aide s’attendent à ce qu’on leur présente ces troubles, à ce qu’on leur permette de mieux les comprendre et de mieux connaître leurs manifestations. Ils veulent surtout recevoir l’information nécessaire pour intervenir adéquatement. Dans ces cours, les étudiants doivent considérer les caractéristiques cliniques des TCA selon une symptomatologie d’intensité et de sévérité variables, susceptible, en outre, de fluctuer dans le temps. Ils apprennent également que ce sont des troubles d’une complexité souvent sous-estimée, qui nécessitent une évaluation, un suivi attentif et des soins spécialisés. En particulier, les étudiants se montrent avides d’exemples cliniques. Ils veulent connaître les approches et les stratégies d’intervention à privilégier et ils s’interrogent sur leur propre capacité à intervenir.
Dans nos conférences et les formations que nous donnons, nous avons la chance de rencontrer des intervenants et des professionnels passionnés qui partagent un même désir de comprendre les personnes atteintes de TCA et de les aider du mieux possible. Bien conscients des conséquences de ces derniers sur la santé physique et l’adaptation psychosociale des personnes malades, ils voient l’intérêt qu’il y a à les considérer comme des troubles prioritaires. Ils perçoivent également la valeur ajoutée que représente le travail en équipe et donc l’implication d’autres intervenants dans le suivi offert.
Les besoins en formation des intervenants et des professionnels qui nous consultent sont variés et dépendent en partie de leur expérience et du délai qui s’est écoulé depuis l’obtention de leur diplôme. Ainsi, pour certains d’entre eux, les nouveaux apprentissages reposent sur des connaissances déjà bien établies alors que, pour d’autres, tout est pratiquement à apprendre. Quoi qu’il en soit, nous remarquons que les uns et les autres, quand ils cherchent à revoir leur mode d’intervention, se montrent disposés à reconsidérer leur pratique, leurs idées et leurs croyances. Ils sont également satisfaits de pouvoir disposer de matériel de formation crédible et à jour.
Nous constatons que les médias et le grand public se sentent également interpellés par les travaux scientifiques relatifs à l’alimentation. Ces thèmes sont toujours d’actualité et touchent un grand nombre de personnes. En effet, dans la société occidentale, une très large proportion de la population est insatisfaite de son image corporelle. Inondé d’informations en lien avec l’alimentation, chacun est fortement encouragé à maintenir un poids dit «santé» et blâmé lorsqu’il n’y arrive pas. Ces informations et ces pressions médiatiques, qui s’exerçaient autrefois plus fréquemment sur les femmes, touchent maintenant de plus en plus d’hommes. On surveille de près ce que l’on mange, on suit des régimes amaigrissants et, si l’on pratique l’exercice physique, on le fait parfois plus par culpabilité ou par peur d’engraisser que pour le plaisir de bouger et de se maintenir en bonne santé, physique et mentale.
Dans notre pratique clinique, nous intervenons auprès d’une diversité d’individus, allant de personnes soucieuses de leur apparence, mais qui ne répondent pas à un diagnostic de TCA, jusqu’à celles souffrant de TCA sévères depuis plusieurs années, en passant par des familles et des conjoints inquiets, désemparés et qui veulent aider un proche présentant un TCA. Nous avons remarqué que, bien qu’ils soient absolument nécessaires, les services offerts aux personnes ayant un TCA ou des symptômes alimentaires problématiques sont souvent insuffisants. Ce constat, partagé par nombre d’intervenants et professionnels, devrait nous alarmer. Il nous révèle que certaines personnes atteintes de ce type de trouble ne peuvent pas recevoir l’aide dont elles auraient besoin. En fait, malgré une augmentation graduelle des ressources spécialisées, l’accessibilité de celles-ci reste souvent limitée. Dans les milieux hospitaliers spécialisés en TCA, les demandes de consultation sont nombreuses, les places, restreintes et les équipes en place, malgré leur bon vouloir, n’arrivent pas répondre à toutes les demandes. Certaines personnes devront attendre longtemps avant de recevoir les services spécialisés dont elles ont besoin et d’autres ne pourront pas être admises et suivies en milieu hospitalier. Dans le secteur privé, d’autres limitations se font sentir, comme le fait de devoir payer pour les services offerts, d’avoir à combiner les suivis (par exemple, en psychothérapie, en nutrition et avec un médecin de famille), de voir ses intervenants ou thérapeutes moins fréquemment et de ne pas disposer d’un accompagnement aussi intensif qu’en milieu hospitalier. L’accessibilité aux services peut s’avérer plus problématique encore lorsqu’il s’agit de familles. En effet, même si l’importance d’impliquer la famille dans les soins donnés aux personnes présentant un TCA fait consensus, les milieux d’intervention ne disposent pas toujours des conditions et des ressources permettant de le faire.
Par nos expériences en enseignement, en formation, en recherche et en clinique, nous avons rencontré des intervenants soucieux de bien faire et d’aider les autres le plus efficacement possible, ainsi que des personnes souffrantes, extrêmement touchantes et attachantes. Même si certains pensent encore que le travail avec les personnes atteintes de TCA représente un défi impossible à relever ou, pis encore, que ces personnes ne veulent pas vraiment changer, nous croyons au contraire qu’elles le veulent, mais qu’il leur est difficile de le faire. Elles ont besoin d’être rassurées, accompagnées, conscientisées, doucement amenées à se remettre en question, et il faut aussi parfois les retenir quand elles ont envie d’adopter des comportements qui leur seraient néfastes. Pour certaines, le changement peut s’avérer laborieux et lent, et leur parcours clinique ponctué de rémissions et de rechutes. Malgré tout, les intervenants et professionnels aguerris dans le traitement des personnes atteintes de TCA considèrent comme un privilège le fait de travailler avec elles et leurs proches.
Afin de maximiser les chances pour ces personnes de recevoir les meilleurs services cliniques possible et de transmettre les idées de différents spécialistes du domaine, nous avons produit un ouvrage collectif. Cet ouvrage rassemble l’expertise et la contribution de 60 intervenants, professionnels ou chercheurs, majoritairement francophones, s’intéressant aux TCA et originaires de la Belgique, du Canada, de l’Espagne, des États-Unis, de la France et de l’Italie. Son objectif est d’offrir une compréhension clinique, théorique et empirique, élaborée au fil de différents cheminements professionnels, et de présenter la perspective de pédopsychiatres, de psychiatres, de psychologues, de nutritionnistes, de psychoéducateurs, de kinésiologues et de professeurs-chercheurs. Plus précisément, ce collectif fournit un éclairage actuel sur les TCA et leurs caractéristiques, et sur les différentes populations à risque. Il dresse aussi un état des connaissances sur l’évaluation, les milieux d’intervention, les traitements et les moyens d’intervention.
On trouve déjà plusieurs ouvrages sur les TCA, mais très peu qui sont en français ou qui regroupent des experts bien au fait des dernières avancées cliniques et empiriques. Nous avons ainsi souhaité produire un ouvrage qui concerne: 1) les périodes où le risque de développer un TCA est présent, soit autant durant l’enfance qu’à l’adolescence et à l’âge adulte; 2) une multitude de problématiques et de populations à risque, et ce, selon une perspective englobante et éclectique plutôt que principalement cognitive-comportementale; 3) une compréhension qui s’appuie sur des données probantes et qui est susceptible de fournir un éclairage utile à la pratique clinique, particulièrement sur les plans de l’évaluation et de l’intervention; et 4) des interventions de type transdiagnostique, fondées sur des résultats empiriques récents et qui peuvent s’avérer pertinentes.
Selon nous, le besoin d’un tel ouvrage était d’autant plus criant que sont encore souvent méconnues les percées scientifiques de la dernière décennie quant aux populations à risque de TCA (par exemple, les hommes, les personnes diabétiques, celles ayant vécu des agressions ou de la négligence, ou encore les sportifs). En outre, les changements apportés sur le plan des critères diagnostiques impliquaient d’actualiser et de revoir ce sur quoi se centrent l’évaluation et le traitement. Enfin, les milieux d’intervention ont adopté de nouvelles stratégies de traitement, qu’ont confirmées des résultats empiriques. Pour toutes ces raisons, il nous paraissait essentiel de fournir une mise à jour des connaissances de manière à éclairer les pratiques des intervenants et de maximiser les effets attendus de leurs interventions.
Le présent ouvrage se veut clair, informatif et le plus accessible possible. Les préoccupations que nous venons de mentionner ont fortement orienté le contenu de chacun des chapitres. Nous souhaitons que l’ouvrage puisse servir de référence aux intervenants et professionnels désireux de découvrir ce que sont les TCA ou d’approfondir la compréhension qu’ils en ont. Nous souhaitons que leur pratique s’ouvre à d’autres sous-populations cliniques et à de nouvelles perspectives. De surcroît, la pertinence de cet ouvrage tient aussi à la complémentarité de ses différents chapitres, chacun reposant sur des données scientifiques récentes et correspondant à la réalité clinique de sous-groupes d’usagers très différents et pour lesquels la comorbidité est courante. Les intervenants et professionnels de la santé trouveront ici toutes les informations dont ils auront besoin et pourront s’en inspirer dans leur pratique quotidienne. Cet ouvrage pourrait également servir dans les collèges et les universités du Québec, de France, de Belgique et d’ailleurs dans la francophonie. Les chargés de cours et les professeurs en psychologie, en psychoéducation, en nutrition, en science de l’activité physique, en éducation, en santé publique et en médecine y trouveront matière à enrichir leur enseignement. Par ailleurs, les étudiants et le grand public pourront s’appuyer sur ses 28 chapitres pour se familiariser avec les caractéristiques des TCA et avec les pratiques reconnues en matière d’évaluation et d’intervention.
Cet ouvrage comporte six grandes parties. La première porte sur la classification et la définition des différents TCA, en s’appuyant sur les critères énoncés dans le DSM-5. Cette partie permet de bien saisir la réalité spécifique de chacun des TCA. Ainsi, l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie boulimique sont présentées chacune en détail dans un chapitre différent. Les deux autres chapitres de cette première partie sont consacrés aux troubles autrement spécifiés et non classifiés, une réalité bien présente dans le monde clinique et trop souvent oubliée.
La deuxième partie du livre traite de certaines questions de santé mentale fréquemment associées aux TCA dans la pratique clinique, mais encore trop souvent méconnues de nombreux intervenants et professionnels. Ainsi, ces chapitres portent sur l’association entre les TCA et l’anxiété, les obsessions et les comportements de vérification, les troubles de la personnalité, les variations de l’humeur et les dépendances. Cette partie vise à mettre en lumière la manière dont ces questions particulières teintent la réalité clinique des personnes atteintes d’un TCA et rendent leur traitement plus complexe ou peuvent même le compromettre.
La troisième partie porte sur les populations spécifiques qui sont aux prises avec les TCA. La recherche a montré que certains groupes étaient plus à risque que d’autres, et il paraît donc essentiel de connaître les particularités de ces populations. Les chapitres de cette partie portent sur les personnes atteintes d’obésité ou de diabète, ayant subi de la maltraitance, présentant un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience intellectuelle. Ils s’intéressent aussi aux hommes, aux enfants et aux adolescents souffrant de TCA, de même qu’au cas des sportifs. Notons que certaines de ces populations (par exemple, les personnes atteintes de diabète, de troubles du spectre de l’autisme ou de déficience intellectuelle) n’ont que rarement fait l’objet d’études particulières.
La quatrième partie se centre sur l’évaluation des TCA. Les chapitres de cette partie abordent l’évaluation des caractéristiques physiques, l’évaluation nutritionnelle et l’évaluation multifactorielle. Son objectif est d’outiller les lecteurs en leur présentant des processus et des outils d’évaluation qui ont fait leurs preuves.
La cinquième partie s’intéresse aux différents milieux d’intervention, soit le suivi en externe, l’hôpital de jour et l’hospitalisation. L’ordre choisi pour la présentation des milieux correspond à une structure d’intervention en rapport avec la sévérité du problème et l’intensité des besoins d’encadrement. Ainsi, selon cette séquence d’intervention, ceux qui sont les plus fonctionnels ou pour lesquels la dangerosité du trouble est à un niveau acceptable sont habituellement dirigés vers des services en externe, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé. Par contre, lorsque leur symptomatologie est plus grave, qu’elle les empêche de fonctionner et qu’ils ont besoin d’aide pour se réalimenter, des services plus intensifs s’avèrent nécessaires. C’est à ce moment qu’entrent en jeu les cliniques spécialisées, intégrées à des centres hospitaliers, pour orienter la personne vers l’hôpital de jour ou l’hospitalisation, en tenant compte de l’évaluation réalisée.
La sixième partie du livre présente différents traitements et moyens d’intervention dont l’efficacité a été démontrée. Elle inclut également des interventions jugées prometteuses et moins connues. On y retrouve la thérapie cognitive-comportementale, la thérapie d’acceptation et d’engagement et la pleine conscience, l’alimentation intuitive, les thérapies corporelles et la thérapie familiale centrée sur les émotions.
Pour finir, nous aimerions remercier l’ensemble des experts qui ont contribué à la réalisation de cet ouvrage collectif. C’est pour nous un immense honneur que d’avoir pu les accompagner dans la rédaction de leur chapitre respectif. Nous sommes également très reconnaissants à l’Université du Québec en Outaouais pour le soutien offert à la publication de l’ouvrage. Enfin, nous remercions les Presses de l’Université de Montréal pour leur confiance ainsi que leur accompagnement au long de ce projet.
Note de l’éditeur: Dans ce livre, le générique masculin est considéré comme un neutre et inclut le féminin sans discrimination.
PARTIE I
LA CLASSIFICATION, LA DÉFINITION
ET LES DIFFÉRENTS TROUBLES
DES CONDUITES ALIMENTAIRES
CHAPITRE 1
L’anorexie mentale
Chloé Paquin Hodge, Annie St-Hilaire, Lea Thaler
et Howard Steiger
L’anorexie mentale se résume à une quête perpétuelle de la minceur, habituellement associée à une peur maladive des conséquences de l’alimentation qui se manifeste généralement par une crainte de prendre du poids ou de devenir obèse. Pour poser un diagnostic d’anorexie mentale, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013) relève trois critères indispensables: que la personne affectée, enfant, adolescent ou adulte, 1) restreigne son apport énergétique en dessous de ses besoins physiologiques menant à un poids significativement inférieur à la normale pour son sexe, son âge et sa taille; 2) ait peur de prendre du poids ou de perdre le contrôle sur la prise de poids, ou adopte des comportements visant à éviter la prise de poids malgré une insuffisance pondérale; 3) manifeste des altérations dans la perception qu’elle a de son poids et de la forme de son corps, accorde une importance excessive au poids ou au corps dans l’estime de soi ou ne reconnaisse pas la sévérité de sa maigreur actuelle.
Deux formes cliniques de l’anorexie mentale sont reconnues: l’anorexie mentale de sous-type restrictif et l’anorexie mentale avec orgies alimentaires/purges. Les personnes présentant la forme restrictive exercent un contrôle extrême sur leur poids en s’imposant un régime alimentaire très strict, et souvent en le combinant avec une routine d’exercice physique. Tôt ou tard, elles développent leur propre système de règles qui déterminent ce qu’elles peuvent manger ainsi que les activités qu’elles doivent faire afin de minimiser leur apport énergétique et maximiser leur dépense énergétique quotidienne. Leurs comportements deviennent alors de plus en plus rigides et ritualisés. Les personnes présentant la forme avec orgies alimentaires/purges suivent elles aussi des règles strictes, mais ont en plus recours à des comportements compensatoires tels que des vomissements, l’usage abusif de laxatifs/diurétiques/lavements et de jeûnes lorsqu’elles ont l’impression d’avoir trop mangé, d’avoir enfreint leurs règles, ou lorsqu’elles se sont adonnées à des orgies alimentaires. La transition entre les deux sous-types d’anorexie mentale est courante: plus de la moitié des personnes présentant initialement la forme restrictive vont plus tard se livrer à des comportements compensatoires ou à des orgies alimentaires de manière récurrente. De plus, 20 à 50% des personnes atteintes d’anorexie mentale finiront par effectuer une transition vers un diagnostic de boulimie.
Épidémiologie
La prévalence de l’anorexie mentale pour le Canada, ainsi que pour les autres pays industrialisés, serait d’approximativement 1 à 4%. Ces chiffres varient toutefois selon l’emplacement géographique – Chine (1,05%), Japon (0,43%), Afrique (< 0,01%), Amérique latine (0,1%) –, ce qui pourrait s’expliquer entre autres par les différents idéaux culturels des sociétés (Hoek, 2016). Par exemple, les Hispaniques intérioriseraient moins d’insatisfaction corporelle et adopteraient donc moins de comportements de restriction et de compensation, résultant en une plus faible prévalence d’anorexie mentale. Ce trouble touche majoritairement les femmes (approximativement neuf femmes pour un homme), et ce, quels que soient l’âge et la culture. Pour les pays industrialisés, il semblerait que l’incidence – c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas d’anorexie dans une population donnée par année – soit assez stable depuis les années 1970, avec un taux approximatif de 5 par 100 000.
Étiologie
Les causes de l’anorexie mentale sont complexes et comportent de nombreux facteurs, dont des facteurs génétiques (impliqués dans la régulation des émotions, la sensibilité à la récompense, le métabolisme énergétique, l’appétit et autres), des éléments environnementaux (insultes périnatales, stresseurs développementaux, stresseurs apparaissant plus tard dans la vie), des effets liés à l’état nutritionnel et mental de la personne ainsi que des aspects sociaux (incitation sociale vers un idéal de la minceur, valeurs du groupe d’appartenance) (Bakalar et autres, 2015). Tous ces éléments – biologiques, psychologiques, sociaux et environnementaux – impliqués dans le développement de la maladie sont présentés ci-dessous.
Facteurs biologiques
Les résultats récents d’études neurobiologiques, génétiques-épidémiologiques et génétiques-moléculaires corroborent l’importance des facteurs biologiques qui prédisposent à l’anorexie mentale et la maintiennent (Frank, 2015; Phillipou, Rossell et Castle, 2014; Reville, O’Connor et Frampton, 2016; Steiger et Thaler, 2016; Yilmaz, Hardaway et Bulik, 2015).
Altérations neurobiologiques
On soupçonne plusieurs systèmes neurobiologiques de pouvoir augmenter le risque de développer l’anorexie mentale: parmi eux, on compte la sérotonine, la dopamine, le facteur neurotrophique issu du cerveau, l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, la leptine et les hormones sexuelles.
La sérotonine (5-HT) est un neurotransmetteur impliqué dans la régulation de diverses fonctions, dont le sommeil, la thermorégulation, l’humeur et les comportements alimentaires. Des recherches ont permis de déceler plusieurs anomalies sérotoninergiques chez les personnes souffrant d’anorexie mentale. Par exemple, elles ont démontré que les concentrations de métabolites de 5-HT dans le liquide céphalorachidien de personnes atteintes d’anorexie mentale sont significativement plus basses que chez les sujets témoins. Des études d’imagerie cérébrale indiquent aussi que les récepteurs 5-HT1A et 5-HT2A ainsi que le transporteur 5-HT sont altérés chez les personnes souffrant d’anorexie mentale. De plus, il semble que les anomalies sérotoninergiques perdurent longtemps après la reprise de poids chez les personnes qui se sont rétablies de la maladie.
La dopamine (DA) influence les comportements motivés par la récompense, la recherche de nouveauté, l’affect et l’ingestion d’aliments. Des études portant sur le système dopaminergique relèvent des altérations de ce dernier chez les personnes qui souffrent ou qui ont déjà souffert d’anorexie mentale. Par exemple, elles ont démontré que les taux de métabolites dopaminergiques dans le liquide céphalorachidien sont plus bas chez les personnes souffrant d’anorexie mentale ainsi que chez celles rétablies de la maladie. De plus, ces études indiquent une augmentation de l’affinité des récepteurs D2/D3 dans le striatum antéro-ventral, une région qui organise les réponses aux renforçateurs, chez des personnes s’étant rétablies de l’anorexie mentale.
Le facteur neurotrophique issu du cerveau (BDNF), impliqué dans la régulation de la consommation de nourriture et dans l’homéostasie de l’énergie du corps, semble aussi jouer un rôle dans l’anorexie mentale. On a par exemple observé une baisse de concentration du BDNF chez les personnes souffrant d’anorexie mentale et de boulimie. Ces changements semblent être associés aux effets de la dénutrition, puisque les taux de concentration du BDNF chez les personnes rétablies de l’anorexie mentale sont comparables aux taux de personnes n’ayant jamais souffert de la maladie.
Certaines études ont aussi recensé, dans le cas de l’anorexie mentale, une hyperactivité au niveau de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), qui constitue le système principal de réponse au stress. Les anomalies dans l’axe HHS pourraient s’expliquer par la malnutrition, une comorbidité sur le plan de l’humeur (dépression, anxiété, stress post-traumatique) ainsi que par des effets directs du trouble des conduites alimentaires (TCA).
Par ailleurs, on a relevé chez les personnes souffrant d’anorexie mentale des niveaux anormalement bas de leptine, une hormone synthétisée par les cellules adipeuses et qui régule l’appétit et les dépenses énergétiques.
Enfin, les chercheurs ont émis plusieurs hypothèses par rapport aux hormones sexuelles, étant donné la répartition inégale des TCA chez les femmes et chez les hommes. Certaines études suggèrent que l’androgène protège contre le développement d’un TCA, tandis que d’autres soutiennent que certaines hormones sexuelles (par exemple, l’œstrogène) jouent un rôle dans le développement des TCA en montrant les effets de la puberté sur le risque génétique.
Imagerie cérébrale
Les chercheurs ont eu recours à plusieurs instruments, dont la tomographie par émission de positrons (TEP), la tomographie par émission monophotonique (TEMP), l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), pour examiner les structures cérébrales des personnes atteintes d’anorexie mentale afin de déceler des anomalies ainsi que les mécanismes liés à la pathophysiologie de la maladie. Les résultats sont plutôt contradictoires puisqu’il ne semble pas y avoir de cohérence dans les méthodes utilisées et que l’on ne prend pas toujours en compte certains facteurs tels que l’âge, la médication, la déshydratation, la malnutrition et la présence de comorbidité. Toutefois, des écrits scientifiques récents relèvent la présence de changements structurels et fonctionnels au niveau cérébral chez les personnes atteintes d’anorexie mentale pouvant persister après un rétablissement pondéral, mais pouvant aussi disparaître avec une reprise de poids. Certaines études constatent chez les patients une réduction du volume de la substance grise, tandis que d’autres rapportent des élargissements au niveau des sillons corticaux et des ventricules. Également, les écrits scientifiques suggèrent que le système de récompense du cerveau et les régions impliquées dans le traitement des émotions et de la nourriture jouent un rôle dans l’anorexie mentale. Notre groupe a comparé des personnes atteintes d’un TCA de sous-type purement restrictif à d’autres dont le TCA s’assortissait de comportements d’orgies et de purges sur un test de mémoire de travail (n-back) alors qu’elles étaient soumises à une IRMf. Les résultats mettent en lumière des différences significatives entre les groupes et suggèrent que la mémoire de travail de celles ayant un trouble restrictif est moins touchée que celles qui présentent des comportements d’orgies et de purges. En effet, ces dernières présentent moins d’activation dans les régions associées à la planification et la prise de décisions.
Génétique
Les résultats de plusieurs études portant sur des familles, des jumeaux et des enfants adoptés corroborent le rôle de la génétique dans le développement de l’anorexie mentale, tout en soutenant le rôle de l’environnement non partagé dans l’étiologie de la maladie. Le taux d’héritabilité pour l’anorexie mentale varie de 48 à 74%.
Il existe de nombreuses études de génétique moléculaire tentant de déceler des anomalies sur la molécule de l’ADN afin de déterminer les gènes responsables de l’anorexie mentale. Malgré le peu de consistance entre les études publiées, quelques-uns des résultats reproduits permettent de retenir des hypothèses concernant le rôle que jouent dans l’anorexie mentale certains gènes, dont ceux associés aux systèmes sérotoninergique et dopaminergique.
Quelques études d’association pangénomique, examinant les corrélations entre des variations génétiques et des traits phénotypiques dans l’anorexie mentale, sont parues au cours des dernières années, mais leur rigueur statistique s’est avérée insuffisante. Cependant, la plus grande étude d’association pangénomique réalisée à ce jour révèle un locus important sur le chromosome 12, région précédemment associée au diabète de type 1, à un trouble auto-immunitaire et à un gène impliqué dans la signalisation de la leptine.
On recense aussi dans les écrits scientifiques quelques études s’intéressant aux mécanismes épigénétiques qui sous-tendent l’anorexie mentale. Ce domaine se concentre sur les modifications qui ne sont pas codées par la séquence d’ADN mais plutôt par une exposition environnementale. Il semblerait que les mécanismes épigénétiques allient les expositions environnementales à l’expression génétique et, de ce fait, fournissent une base physique pour l’activation de troubles mentaux à l’occasion de certaines expériences de vie. Les processus épigénétiques offrent une «plateforme» biologique sur laquelle certains effets d’insultes périnatales, de stresseurs et certaines conséquences de la malnutrition peuvent être enregistrés. Selon les études portant sur le sujet, l’épigénétique permettrait d’expliquer pourquoi une restriction calorique importante peut déclencher et maintenir les TCA, pourquoi la comorbidité avec les problèmes de l’humeur et de la régulation des pulsions est si fréquente et pourquoi les TCA perdurent. En effet, de nouvelles technologies favorisent maintenant une meilleure compréhension de la manière dont les gènes interagissent avec l’environnement. D’ailleurs, l’épigénétique semble permettre d’élucider le lien entre les stresseurs environnementaux et les troubles mentaux comme l’anorexie mentale. Des études explorant la méthylation de gènes candidats chez des personnes souffrant de ce trouble recensent des altérations de la méthylation de l’ADN de gènes dopaminergiques ainsi que de gènes influant sur la régulation de l’appétit. Des analyses pangénomiques de méthylation récentes révèlent chez elles une hypométhylation par rapport aux sujets témoins. Une autre étude pangénomique montre des différences entre les personnes souffrant d’anorexie mentale et les sujets témoins sur des gènes impliqués dans l’acétylation des histones et la modification de l’ARN (c’est-à-dire dans l’expression génétique), le stockage du cholestérol et le transport de lipides, et la signalisation de dopamine et de glutamate. On a également noté des associations entre la durée cumulée de la maladie et les niveaux de méthylation sur 142 sites, incluant des gènes liés au fonctionnement du foie, au fonctionnement immunitaire, au métabolisme et au comportement.
Facteurs psychologiques
Avec l’arrivée du DSM-III, la boulimie (BN) acquiert une description diagnostique spécifique qui se distingue de l’anorexie. C’est dans un tel contexte que sont parues les premières études psychométriques sur l’anorexie, proposant des distinctions entre les différentes catégories diagnostiques de TCA. L’anorexie mentale est alors associée à plusieurs traits de personnalité, tels que des traits obsessifs et un niveau élevé d’introversion, et à plusieurs comorbidités, telles que l’anxiété sociale et la dépression. Une distinction est rapidement établie entre les TCA restrictifs et ceux qui s’expriment par des comportements d’hyperphagie et de compensation. L’anorexie de type restrictif est davantage associée à des traits conformistes, anxieux, obsessionnels et à un type de fonctionnement émotionnel et social plus renfermé, alors que les individus présentant une anorexie avec des comportements d’hyperphagie et/ou de purges manifestent davantage d’impulsivité, de prise de risques et de comportements extériorisés. Le fonctionnement psychologique global de ces derniers semble d’ailleurs ressembler davantage aux personnes souffrant de boulimie.
Toutefois, cette distinction fondée sur des symptômes spécifiques reste imparfaite, car elle tend à négliger l’hétérogénéité que l’on trouve au sein d’un même groupe clinique. Cette typologie ne permet pas non plus de prendre en considération l’évolution des symptômes dans le temps pour un même individu. Une nouvelle avenue intéressante s’est donc présentée aux chercheurs: l’identification de sous-types de fonctionnement psychopathologique chez les individus présentant un TCA, en se fondant sur des traits de personnalité. En ce sens, les écrits scientifiques ont répertorié de manière consistante, et ce, tant chez une population adolescente qu’adulte présentant des TCA, trois sous-groupes de fonctionnement psychopathologique: 1) le fonctionnement résilient, qui présente des traits assez normatifs et un niveau élevé de perfectionnisme, 2) le fonctionnement surrégulé, plus intériorisé et impliquant des traits compulsifs, et 3) le fonctionnement dérégulé, extériorisé et présentant des traits impulsifs. Quoique les individus présentant une anorexie mentale puissent avoir un fonctionnement s’apparentant à ces trois différents sous-groupes, il semble que l’anorexie mentale de type restrictif soit davantage associée à un type de fonctionnement surrégulé.
Perfectionnisme
Le perfectionnisme se caractérise par l’établissement de standards élevés qui sont maintenus malgré les conséquences négatives qu’ils ont sur la personne. De manière générale, les individus souffrant d’anorexie tendent à être plus perfectionnistes que la moyenne. Plus spécifiquement, les écrits associent l’anorexie mentale à certaines dimensions du perfectionnisme, notamment la crainte excessive de l’erreur, les doutes quant à la qualité de leurs actions et l’établissement de standards personnels élevés (Farstad, McGeown et von Ranson, 2016). Les traits perfectionnistes seraient même présents avant l’apparition du trouble et perdureraient après la rémission.
Altérations de l’image corporelle
La présence d’altérations dans la manière dont l’individu fait l’expérience de son corps et de ses formes est l’un des critères diagnostiques principaux de l’anorexie mentale. Il renvoie plus spécifiquement à un aspect perceptuel, soit à une distorsion dans la manière dont la taille du corps est perçue, et à un aspect plus affectif, soit aux attitudes subjectives de ce dernier par rapport au poids et au corps (Hagman et autres, 2015). Ces deux composantes seraient par ailleurs indépendantes l’une de l’autre. Bien que la surestimation de la taille chez les individus présentant une anorexie mentale soit centrale au diagnostic, les écrits scientifiques sont partagés quant à l’importance réelle de ce critère. Il semblerait que ce soit davantage l’aspect affectif que l’aspect perceptuel qui est altéré chez cette population, ce qui expliquerait le manque de consensus global. Ainsi, les individus présentant une anorexie mentale seraient semblables à la population typique dans leur capacité sensorielle à détecter des changements dans la taille de leur corps, mais leurs attitudes, croyances et pensées vis-à-vis du corps influenceraient leur manière de percevoir leur image corporelle (Hagman et autres, 2015).
Impulsivité
L’impulsivité est un trait comprenant différentes facettes, telles que 1) l’urgence négative, c’est-à-dire la tendance à s’engager dans des comportements impulsifs lorsque des émotions négatives sont vécues, 2) l’urgence positive, c’est-à-dire, inversement, la tendance à s’engager dans des comportements impulsifs lorsque des émotions positives sont vécues, 3) la difficulté à prévoir les conséquences de ses actions, 4) la recherche de sensations fortes et 5) la difficulté à persévérer dans une tâche. Selon les écrits scientifiques, l’anorexie mentale serait associée à un niveau plus élevé d’urgence négative, et ce, particulièrement pour les individus présentant une anorexie mentale avec orgies alimentaires/purges (Farstad, McGeown et von Ranson, 2016). Toutefois, elle impliquerait des niveaux moins élevés de recherche de sensations fortes et une plus grande difficulté à persévérer dans une tâche que la population générale. Enfin, il est à noter que la boulimie, elle, entraînerait des niveaux d’impulsivité plus élevés que l’anorexie pour chacune des dimensions présentées.
Restriction alimentaire
Il est bien connu que les attitudes alimentaires restrictives, comme la sélection d’aliments hypocaloriques ou encore le recours à des comportements compensatoires après avoir mangé, contribuent au développement et au maintien de l’anorexie mentale. Une étude effectuée sur des adolescentes a montré que celles qui suivaient une diète, même à un niveau modéré, étaient 5 à 18 fois plus susceptibles de développer un TCA que celles qui n’en suivaient pas. Bien sûr, les études établissant un lien certain entre la restriction alimentaire et le développement de l’anorexie mentale révèlent aussi que seules certaines des personnes qui restreignent leur alimentation développent un TCA et que d’autres facteurs entrent également en ligne de compte. Paradoxalement, la restriction peut augmenter la tendance aux excès alimentaires, ce qui explique pourquoi une personne souffrant d’anorexie peut présenter des symptômes boulimiques et pourquoi l’anorexie restrictive peut évoluer vers une anorexie avec orgies/purges ou vers une boulimie.
Déséquilibre affectif
Plusieurs études se sont penchées sur le rôle de la régulation émotionnelle dans le développement et le maintien de l’anorexie mentale. En effet, les personnes souffrant d’anorexie mentale semblent avoir des difficultés à réguler leur état affectif et à contrôler leurs comportements lorsqu’elles sont en état de détresse émotionnelle – état qu’elles peinent à tolérer. Certains chercheurs avancent donc que l’anorexie mentale serait un trouble émotionnel, les symptômes qui y sont associés représentant des moyens de réguler des états émotionnels négatifs.
Le fonctionnement neurocognitif
De nombreuses études ont montré que le fonctionnement cognitif des personnes souffrant d’anorexie mentale se distinguait des sujets témoins, et certains profils neurocognitifs pourraient même servir d’endophénotype pour différencier l’anorexie mentale des autres TCA. En général, les personnes souffrant d’anorexie mentale présentent des difficultés d’attention, de mémoire, de prise de décision, de perception/représentation spatiale, de vitesse de traitement et d’aptitudes verbales. Il semble aussi y avoir un lien entre le fonctionnement cognitif et la masse corporelle, de sorte que les personnes ayant une masse corporelle plus basse ont de plus grandes difficultés cognitives. Cette observation suggère que la dénutrition aurait une incidence sur le fonctionnement cognitif, ce que les résultats d’études sur des personnes rétablies de l’anorexie mentale semblent partiellement corroborer. Des questions demeurent toutefois concernant l’effet d’autres facteurs, comme la présence d’un trouble comorbide (dépression, anxiété, trouble de l’apprentissage) sur le fonctionnement cognitif des personnes souffrant d’anorexie mentale.
Facteurs socioculturels
À notre époque, la culture occidentale associe la minceur à certaines valeurs, comme le succès et la maîtrise de soi. Or il n’est pas surprenant que ce modèle unique de beauté féminine prônant la minceur mène à une insatisfaction corporelle chez une majorité de personnes, surtout chez les jeunes femmes.
Plusieurs études ont mis en évidence le lien entre l’exposition aux images et aux messages des médias traditionnels et sociaux, l’intériorisation de l’idéal de la minceur et l’insatisfaction corporelle. De plus, il semble que cette intériorisation puisse présager des conduites alimentaires désordonnées chez des étudiantes universitaires.
Malgré ces résultats, on a exagéré le rôle de la culture dans le développement des TCA, car l’ampleur des effets de ces associations est modeste et l’anorexie mentale se retrouve aussi dans des cultures n’adhérant pas nécessairement à l’idéal de la minceur. Il semble plutôt que les facteurs socioculturels puissent rendre certaines personnes plus vulnérables au développement d’un TCA, sans toutefois être une cause suffisante pour entraîner la maladie.
Facteurs environnementaux
Les facteurs environnementaux, tels que les insultes périnatales et les antécédents d’intimidation, peuvent influencer le risque et la progression des TCA, dont l’anorexie mentale. Bien que les mécanismes sous-jacents aux effets de l’environnement sur le développement de l’anorexie mentale soient encore méconnus, il semblerait que ces facteurs puissent jouer un rôle à différentes étapes développementales. Par exemple, le stress prénatal maternel objectivement sévère (VS stress prénatal subjectif), surtout lors du troisième trimestre de grossesse, est associé à un risque accru de comportements alimentaires perturbés au début de l’adolescence. De plus, les complications liées à la grossesse et à l’accouchement augmentent le risque de développer l’anorexie mentale par la suite. On a également établi un lien entre l’intimidation et le développement subséquent de l’anorexie mentale et de la boulimie, de même que pour les traumatismes subis durant l’enfance. Selon les études portant sur le stress et l’anorexie mentale, certaines expériences de vie peuvent affaiblir l’axe HHS, rendant les personnes atteintes d’un TCA plus sensibles au stress.
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Bien que les facteurs causaux impliqués dans l’anorexie mentale restent à préciser, le recours à un modèle multidimensionnel biopsychosocial pour comprendre le phénomène a eu un effet favorable sur la conceptualisation et le traitement de ce trouble. En effet, cela a permis, aussi bien aux personnes atteintes de ce trouble qu’aux cliniciens, de prendre conscience du fait que l’anorexie mentale n’est pas due à un «tempérament faible», à de mauvaises figures parentales ou à des préoccupations corporelles superficielles, mais bien parce que les individus touchés ont de réelles prédispositions biologiques qui sont activées par des facteurs environnementaux divers. En d’autres mots, le modèle biopsychosocial met en lumière le fait que les facteurs biologiques et environnementaux agissent en dehors du contrôle des personnes atteintes. Cette perspective permet donc d’informer sur les facteurs associés au développement de l’anorexie mentale, tout en diminuant le blâme jeté sur les individus touchés et leurs familles.
Références
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Hagman, Jennifer, et autres, «Body size overestimation and its association with body mass index, body dissatisfaction, and drive for thinness in anorexia nervosa», Eating and Weight Disorders. Studies on Anorexia, Bulimia and Obesity, vol. 20, no 4, 2015, p. 449-455.
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Yilmaz, Zeynep, J. Andrew Hardaway et Cynthia M. Bulik, «Genetics and epigenetics of eating disorders», Advances in Genomics and Genetics, vol. 5, 2015, p. 131-150.
CHAPITRE 2
La boulimie
Olivier Pelletier
La boulimie est un trouble mental grave qui consiste en une perturbation des comportements alimentaires. Tout comme chez les personnes atteintes d’anorexie, la personne souffrant de boulimie va tenter de restreindre son alimentation en raison de préoccupations extrêmes et envahissantes envers son propre poids et sa silhouette. Toutefois, elle présente un poids normal ou légèrement supérieur à la normale (IMC ≥ 18,5-30 kg/m2) (American Psychiatric Association, [2013] 2015). Chez ce type d’individus, la restriction alimentaire est ponctuée d’épisodes récurrents de perte de contrôle alimentaire qui se manifestent par une absorption excessive et
