L'ergothérapie en milieu scolaire

Par Noémi Cantin

Devant la demande grandissante d'ergothérapeutes en milieu scolaire dans un contexte sans cadre ni politique ministérielle déterminés, comment s'assurer que nos étudiants en ergothérapie auront les connaissances nécessaires pour assumer pleinement ce rôle novateur dans un réseau autre que celui de la santé ? Comment démontrer le potentiel de l'ergothérapie aux décideurs du réseau scolaire ? Ce livre est la résultante d'une réflexion engendrée par une communauté d'ergothérapeutes désirant partager et peaufiner leurs expériences en milieu scolaire.

La première section du livre installe les bases en présentant l'influence du contexte sociétal et du contexte de pratique sur l’exercice de l’ergothérapie. Une vision d’ensemble du contexte dans lequel s'insère le milieu scolaire est présentée, ce qui permet de transposer le contenu de ce livre à l'extérieur du Canada afin d’aborder l’application des connaissances dans d’autres pays de la francophonie. La deuxième section du livre s'oriente plus particulièrement sur les besoins pour lesquels on sollicite l'expertise des ergothérapeutes en milieu scolaire, soit les activités préscolaires, l'écriture, les activités de la vie quotidienne, la participation à l'école, et les déplacements en transport scolaire. Ces chapitres, écrits par des ergothérapeutes ayant de l'expérience en milieu scolaire, comportent une présentation théorique des activités qui la composent, suivie de la démonstration concrète de la mise en œuvre d'un processus de pratique à l'aide d'une situation clinique réelle. En cohérence avec l'analyse des données probantes, une organisation de services par paliers multiples est mise de l'avant. Finalement, des annexes regorgeant de ressources sont offertes afin de nourrir la réflexion des ergothérapeutes désirant aller plus loin.

Noémi Cantin est ergothérapeute, professeure agrégée au Département d'ergothérapie de l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et directrice pédagogique de la Clinique multidisciplinaire en santé. Elle a commencé sa carrière il y a 20 ans en tant qu'ergothérapeute en milieu scolaire en Ontario. Depuis son arrivée à l'UQTR, elle a collaboré à l'élaboration de stages et de projets de recherche ciblant particulièrement l'ergothérapie en milieu scolaire.

• Langue: Français
• Éditeur: Presses de l'Université du Québec
• Date de sortie: 1 déc. 2021
• ISBN: 9782760556010

Aperçu du livre

Santé

Collection dirigée par Dany Lussier-Desrochers, Ph. D. et Frédéric Banville, Ph. D.

PUQ.CA

La collection Santé constitue un lieu de référence pour les lecteurs de tout horizon intéressés par les différents enjeux associés à la santé des populations et à l’organisation du système de santé.

La collection vise à informer et à outiller les différents acteurs du système de santé et des services sociaux de même que la personne et ses proches dans le but de contribuer au développement des savoirs cliniques, méthodologiques et organisationnels. Les ouvrages publiés abordent des sujets en lien avec les déterminants médicaux (p. ex. problèmes de santé, maladies, santé mentale et bien-être psychologique) et non médicaux de la santé (p. ex. conditions et qualité de vie des personnes, facteurs environnementaux, approches préventives, individu, famille et entourage). Ils couvrent également les enjeux associés à la mise en place de pratiques innovantes (p. ex. robotique, imagerie, télé-intervention, technologie de l’information et des communications, technoclinique) et les nouveaux modèles de gouvernance (p. ex. gouvernance clinique). En somme, la collection contribue à une réflexion collective sur l’amélioration et le maintien de la santé ainsi que de la qualité de vie de la population, que ce soit en centres urbains ou en régions rurales.

L’ergothérapie

en milieu scolaire

Presses de l’Université du Québec

Édifice Fleurie, 480 de la Chapelle, bureau 015, Québec (Québec) G1K 0B6

Diffusion/Distribution :

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L’ergothérapie

en milieu scolaire

Sous la direction de    Noémi Cantin

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : L’ergothérapie en milieu scolaire / sous la direction de Noémi Cantin.

Noms : Cantin, Noémi, éditeur intellectuel.

Collections : Santé (Presses de l’Université du Québec)

Description : Mention de collection : Santé | Comprend des références bibliographiques.

Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20210065893 | Canadiana (livre numérique) 20210065907 | ISBN 9782760555990 | ISBN 9782760556003 (PDF) | ISBN 9782760556010 (EPUB) Vedettes-matière : RVM : Ergothérapie. | RVM : Élèves—Réadaptation.

Classification : LCC RM735.E741 2021 | CDD 615.8/515—dc23

Révision

Véronik Desrochers

Correction d’épreuves

Christian Bouchard

Conception graphique

Julie Rivard

Mise en page

Le Graphe

Images de couverture

iStock

Dépôt légal : 4e trimestre 2021

›    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

›    Bibliothèque et Archives Canada

© 2021 – Presses de l’Université du Québec

Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés

D5599-1 [01]

À Kathleen, Karine et Geneviève : mes yeux,

mes oreilles et mes jambes sur le terrain.

Avant-propos

L’ajout des ergothérapeutes aux professionnels des milieux scolaires québécois est un projet qui me tient à cœur depuis plusieurs années. Jusqu’à tout récemment, alors que la majorité des gouvernements provinciaux canadiens reconnaissaient la pertinence et l’intérêt d’avoir des ergothérapeutes dans les écoles, la situation était différente au Québec (Mongrain, 2012). Bien souvent, la présence d’ergothérapeutes en milieu scolaire relevait de la familiarité du directeur des services aux élèves avec la profession plutôt que de politiques ministérielles claires les intégrant à l’équipe de professionnels afin de tirer profit de leurs compétences.

Malgré l’absence d’avancées d’un point de vue politique sur ce dossier, il est de plus en plus question de l’ergothérapie en milieu scolaire – une vague de fond a été créée et, aujourd’hui, de plus en plus de centres de services scolaires (CSS) embauchent des ergothérapeutes. Ainsi, plusieurs ergothérapeutes récemment engagées en milieu scolaire se retrouvent devant un canevas vide, avec la responsabilité de créer un premier programme d’ergothérapie pour leur commission scolaire. D’autres voient leurs effectifs grandir graduellement, conscients du potentiel d’agir dans leurs milieux. Comment démontrer tout le potentiel que l’ergothérapeute a à offrir tout en s’assurant de l’efficacité de ses interventions ? En effet, il serait bien dommage de convaincre le milieu de l’éducation de la pertinence de l’ergothérapie en milieu scolaire pour qu’elle soit ensuite perçue comme inefficace !

Au cours de la dernière décennie, j’ai eu le privilège de côtoyer des étudiantes diplômées, des intervenants scolaires et des professionnels qui ont fait un bout de chemin à mes côtés, et ont contribué, d’une façon ou d’une autre, à la parution de cet ouvrage. Entre autres, de 2016 à 2018, j’ai eu le privilège d’accompagner une communauté de pratique d’ergothéra peutes souhaitant réfléchir à leurs offres de services en milieu scolaire. Près de 20 ergothérapeutes des CSS de la Pointe-de-l’Île, de Laval, des Samares, de Rivière-du-Nord et de Montréal ont participé à cette communauté de pratique, se rencontrant mensuellement. Leurs réflexions et leurs discussions ont contribué à peaufiner leurs programmes, à cibler les besoins de formation des ergothérapeutes de ce milieu de pratique, et à réfléchir à la généralisation de leurs interventions et de leurs approches à l’extérieur de leurs contextes de pratique. Ces ergothérapeutes ont été le moteur ayant mené à l’écriture de ce livre traitant de l’ergothérapie en milieu scolaire. Elles ont participé à la création de cet ouvrage, en partageant de l’information terrain décrivant leurs réalités, en faisant des rétroactions sur les versions de ce texte, en ajustant les vignettes cliniques afin qu’elles reflètent des situations réelles. Elles ont été une source d’inspiration inestimable, et je les remercie sincèrement.

Le modèle canadien du processus de pratique (MCPP) (Polatajko, Craik, Davis et Townsend, 2013), issu des neuvièmes lignes directrices de la pratique de l’ergothérapie au Canada, sert de toile de fond à ce livre (figure A.1). Ce modèle illustre les points d’action essentiels à tout processus de pratique en ergothérapie, et situe ce processus à l’intérieur du contexte sociétal, du contexte de pratique et des savoirs professionnels de l’ergothérapeute (Polatajko et al., 2013). Ainsi, la première partie de cet ouvrage présente un portrait du contexte qu’est le milieu scolaire. Les deux premiers chapitres mettent la table en présentant le contexte sociétal dans lequel s’insèrent le système d’éducation (chapitre A) ainsi que le contexte de pratique qu’est le milieu scolaire (chapitre 2). Le contexte sociétal se réfère, entre autres, aux dimensions politiques, économiques ou culturelles au sein desquelles se situe le contexte de pratique qui, quant à lui, se réfère plutôt à l’environnement précis où se déroule le processus de pratique, incluant les dimensions organisationnelles, physiques et sociales de ce contexte. Ainsi, ces deux premiers chapitres offrent une vision macroscopique des contextes où s’insère la pratique de l’ergothérapeute en milieu scolaire, ce qui permet aussi d’exporter le contenu de cet ouvrage à l’extérieur du Canada afin d’appréhender l’application des connaissances dans d’autres pays de la francophonie, comme en Suisse ou en France, par exemple. Finalement, le troisième chapitre survole les savoirs professionnels qui soutiennent la pratique de l’ergothérapeute en milieu scolaire. Plus précisément, le chapitre 3 offre un tour d’horizon de certains schèmes de référence fréquemment utilisés en milieu scolaire.

FIGURE A.1   Modèle canadien du processus de pratique

Source : Polatajko, H. J., Craik, J., Davis, J. et Townsend, E. A. (2013). Modèle canadien du processus de pratique. Dans E. A. Townsend et H. J. Polatajko (dir.) et N. Cantin (éd. version française). Habiliter à l’occupation. Faire avancer la perspective ergothérapique de la santé, du bien-être et de la justice par l’occupation (2e éd.) (p. 274). Ottawa : CAOT Publications ACE.

Ensuite, la deuxième partie de cet ouvrage s’est construite à partir des besoins les plus fréquemment rencontrés par les ergothérapeutes en milieu scolaire au quotidien. Afin de promouvoir un processus de pratique centré sur les occupations, ces besoins sont regroupés en cinq catégories occupationnelles, soit l’écriture et la graphomotricité (chapitre 4), les activités préscolaires (chapitre 5), les activités de la vie quotidienne (chapitre 6), la participation à l’école (chapitre 7), et les déplacements en transport scolaire (chapitre 8). Ces cinq chapitres débutent par une présentation théorique des activités qui composent la catégorie occupationnelle, suivi de la mise en œuvre d’un processus de pratique balisé par une organisation de services par paliers multiples. Les chapitres se terminent par une situation clinique qui permet d’illustrer les propos. Des exemples et des solutions concrètes sont offerts afin que l’ergothérapeute puisse évaluer les besoins nommés par le milieu et y répondre, en collaboration avec les services déjà en place du réseau de la santé.

Noémi Cantin

Liste des encadrés, figures et tableaux

Encadrés

1.1 Les services d’ergothérapie dans le contexte scolaire québécois

1.2 Le contexte scolaire en Suisse

4.1 Pour compléter le modèle de Van Galen

4.2 Mises au point sur les difficultés graphomotrices

4.3 Des stratégies d’enseignement issues de la recherche

4.4 Quelques stratégies gagnantes pour le positionnement des élèves gauchers

Figures

A.1 Modèle canadien du processus de pratique

2.1 Voies d’action pour la mise en œuvre d’un SSPM en milieu scolaire

3.1 Modèle de l’occupation humaine de Kielhofner (2008)

4.1 Modèle de la production de l’écriture

Tableaux

1.1 Facteurs macroscopiques à considérer pour la pratique de l’ergothérapie en milieu scolaire

1.2 Système en cascade des services destinés aux élèves HDAA

1.3 Quelques règles des systèmes d’éducation québécois et suisse romand

1.4 Services complémentaires obligatoires et services de promotion de la participation de l’élève à la vie éducative

2.1 Intervenants du milieu scolaire

2.2 Exemple de moyens pouvant être utilisés au premier palier d’un SSPM

2.3 Exemple de moyens pouvant être utilisés au deuxième palier d’un SSPM

3.1 Schème de référence du contrôle moteur

3.2 Schème de référence de l’apprentissage moteur

3.3 Schème de référence comportemental

3.4 Schème de référence biomécanique

3.5 Schème de référence éducationnel

3.6 Schème de référence du traitement de l’information sensorielle

4.1 Facteurs qui influencent le développement des habiletés graphomotrices

4.2 Questions pour guider la démarche d’évaluation au préscolaire

4.3 Questions pour guider la démarche d’évaluation au premier cycle du primaire

4.4 Intervenir au regard de l’écriture en 1re année du primaire

5.1 Questions pour guider la démarche d’évaluation au regard des activités préscolaires

5.2 Intervenir au regard des activités préscolaires

6.1 Défis rencontrés au regard des habiletés occupationnelles reliées aux AVQ

6.2 Questions pour guider la démarche d’évaluation

6.3 Intervenir au regard des activités de La vie quotidienne

7.1 Questions pour guider la démarche d’évaluation

7.2 Intervenir au regard des jeux dans la cour d’école

7.3 Intervenir lors des repas à l’école

7.4 Intervenir dans les cours d’éducation physique

7.5 Intervenir lors des transitions

8.1 Questions pour guider la démarche d’évaluation

8.2 Intervenir au regard du transport scolaire

Liste des sigles et acronymes

AVQ Activités de la vie quotidienne

CAPS Compétences axées sur la participation sociale

COPEX Comité provincial de l’enfance inadaptée

CSS Centre de services scolaire

GAS Goal Attainment Scaling

IDEA Individuals with Disabilities Education Act

LIP Loi sur l’instruction publique

MOH Modèle de l’occupation humaine

OEQ Ordre des ergothérapeutes du Québec

PEH Préposé aux élèves handicapés

PFEQ Programme de formation de l’école québécoise

RàI Réponse à l’intervention

SSPM Système de soutien à paliers multiples

TSA Trouble du spectre de l’autisme

La première partie de cet ouvrage offre un portrait théorique du milieu scolaire. Comme c’est illustré dans le modèle canadien du processus de pratique (MCPP), les actions que pose l’ergothérapeute s’insèrent dans un contexte qui influence nécessairement son processus de pratique. Il importe donc d’en saisir les nuances. Le premier chapitre s’attarde au contexte macroscopique du milieu scolaire en portant un regard sur le système d’éducation d’un point de vue sociétal. Ce chapitre propose un tour d’horizon des éléments sociohistoriques, culturels, institutionnels et physiques ayant façonné le système d’éducation québécois, tout en faisant quelques parallèles avec le système d’éducation suisse.

Le deuxième chapitre présente le milieu scolaire en tant que contexte de pratique possédant des caractéristiques physiques, sociales, institutionnelles et culturelles singulières, le différenciant ainsi du réseau de la santé avec lequel les ergothérapeutes sont généralement plus familiers. Ces différences teintent le mandat des ergothérapeutes et influencent de multiples façons les actions qu’elles poseront tout au long de leur processus de pratique. Plus précisément, il sera question de l’école en tant que milieu de vie, en tant que microsociété, et en tant que structure organisationnelle. Bien que la perspective québécoise soit mise de l’avant dans ce chapitre, des parallèles peuvent être faits avec la réalité d’autres provinces ou pays.

Finalement, le dernier chapitre offre une brève synthèse des savoirs professionnels pertinents au processus de pratique de l’ergothérapeute en milieu scolaire en s’attardant plus particulièrement aux schèmes de référence qui sous-tendent ses actions. Afin de clarifier le lien entre les savoirs professionnels et les schèmes de référence pertinents à la pratique de l’ergothérapeute en milieu scolaire, la typologie ainsi que les définitions utilisées dans ce livre pour organiser les connaissances y sont aussi présentées.

En prenant conscience des éléments présentés dans ces trois chapitres, l’ergothérapeute est en mesure de mieux comprendre leur influence sur elle-même, sa clientèle et sa pratique (Jasmin, 2019a). En effet, les éléments du contexte sociétal duquel découlent le système d’éducation, les caractéristiques du contexte de pratique ou encore les théories et les schèmes de référence sur lesquels reposent ses actions, influencent la capacité de l’ergothérapeute à actualiser efficacement sa compétence d’experte en habilitation à l’occupation.

Mise en contexte

Lorsqu’on s’intéresse à la pratique de l’ergothérapie en milieu scolaire, force est de constater qu’elle n’existe pas dans tous les pays. Et lorsque cette pratique a lieu, des différences s’observent entre les pays, et également à l’intérieur de ceux-ci selon les divisions territoriales administratives (p. ex. les provinces, les régions et les départements). En effet, alors que la pratique de l’ergothérapie en milieu scolaire est bien implantée aux États-Unis (Cahill et Bazyk, 2020 ; Chandler, 2013), il en est autrement dans plusieurs provinces au Canada. Pourquoi en est-il ainsi ? En fait, ce champ de pratique est bien établi aux États-Unis en raison de la loi fédérale Individuals with Disabilities Education Act (IDEA, 2004) obligeant les États à offrir aux élèves en situation de handicap des services éducatifs complémentaires, dont l’ergothérapie (Cahill et Bazyk, 2020 ; Chandler, 2013). Cette loi est unique au contexte étatsunien. Dans d’autres pays, comme le Canada, la France ou la Suisse, il n’existe pas de lois fédérales encadrant les services éducatifs à offrir aux élèves en situation de handicap. En effet, dans ces pays, l’éducation relève des compétences provinciales, départementales ou cantonales (Jasmin et al., 2019 ; Mongrain, 2012 ; Ray-Kaeser, 2019). Les encadrés 1.1 et 1.2 présentent les services d’ergothérapie en milieu scolaire au Québec et en Suisse. C’est ainsi que la pratique de l’ergothérapie en milieu scolaire varie selon le contexte sociétal, d’où l’importance de s’y attarder.

Selon le MCPP (Craik et al., 2013), le contexte sociétal comprend des éléments sociohistoriques (section 1.1), socioéconomiques (section 1.2), socioculturels (section 1.3), institutionnels (section 1.4) et physiques (section 1.5). Ces éléments caractérisent chaque contexte sociétal et, donc, façonnent les contextes de pratique des ergothérapeutes, dont les milieux scolaires. En effet, le contexte de pratique, incluant l’ergothérapeute et sa clientèle, qu’elles soient engagées ou non dans une relation ou une situation professionnelle, fait partie prenante du contexte sociétal. Ainsi, les caractéristiques du contexte sociétal influencent la pratique de l’ergothérapie, de même que les possibilités de décision, d’action et d’interaction de l’ergothérapeute et de sa clientèle. Pour un thérapeute, prendre conscience de ces éléments aide à élargir et à éclaircir sa vision du monde ainsi qu’à mieux comprendre leur influence sur soi, sa clientèle et sa pratique (Jasmin, 2019a ; Kinsella, 2001 ; Unsworth, 2004).

Afin de définir de manière plus précise le contexte sociétal, il est pertinent de se référer au concept de « société » discuté dans le domaine des sciences sociales (Jasmin et Hébert, 2019). La société peut être définie comme un ensemble d’individus et de groupes qui vivent sur un même territoire, qui interagissent entre eux, qui partagent des éléments culturels et institutionnels, et qui sont interdépendants, particulièrement sur les plans économique et politique (Fortier et Pizarro Noël, 2018 ; Haviland, Roy et Trudeau, 2013 ; Jasmin et Hébert, 2019). Ainsi, la société – ou le contexte sociétal – peut faire référence à un pays, à une province, à une région, à une communauté, etc. S’intéresser à la société amène donc l’ergothérapeute à adopter une perspective macroscopique, laquelle est nécessaire pour amener des changements collectifs, voire pour jouer un rôle d’agent de changement social, dans une visée de santé, d’inclusion sociale ou de justice occupationnelle (Jasmin et Hébert, 2019 ; Townsend, Cockburn et al., 2013).

Dans le modèle écologique de Bronfenbrenner (1977, 1979, 1986, 2005), le contexte sociétal renvoie principalement au macrosystème, lequel comprend les systèmes politique, économique, social, culturel, éducationnel et légal englobant les institutions, dont les services d’éducation, les services de santé et les services sociaux. Il est aussi pris en compte, plus ou moins explicitement, dans des modèles conceptuels en ergothérapie, en réadaptation ou en santé. Par exemple, dans le modèle canadien du rendement et de l’engagement occupationnels (MCREO) (Townsend, Polatajko et Craik, 2008), la société peut être abordée à travers les éléments de l’environnement, soit culturel, institutionnel, physique et social (Polatajko, Davis et al., 2013).

TABLEAU 1.1   Facteurs macroscopiques à considérer pour la pratique de l’ergothérapie en milieu scolaire

* Le terme élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage et les acronymes EHDAA ou élèves HDAA sont utilisés par le gouvernement du Québec pour désigner les élèves en situation de handicap.

Note : La liste des facteurs n’est pas exhaustive.

De ce fait, considérer des éléments du contexte sociétal aide non seulement à saisir les facteurs culturels, institutionnels, physiques et sociaux qui façonnent la pratique de l’ergothérapie en milieu scolaire, mais également à mieux réfléchir et à agir comme ergothérapeute dans une situation ou un contexte professionnel particulier (Jasmin, 2019a ; Kinsella, 2001 ; Unsworth, 2004). En d’autres mots, la prise en compte des éléments du contexte sociétal permet d’adopter une pratique réflexive, c’est-à-dire raisonner et intervenir de manière réfléchie et pertinente selon la situation ou le contexte (Jasmin, 2019a ; Kinsella, 2001). Adopter une pratique réflexive est recommandé pour jouer adéquatement les différents rôles de l’ergothérapeute, dont celui d’expert en habilitation à l’occupation.

Ce chapitre vise à mettre en lumière les éléments à prendre en considération dans son raisonnement professionnel pour, d’une part, situer sa pratique en milieu scolaire dans son contexte sociétal et, d’autre part, saisir les facteurs macroscopiques qui influencent ses possibilités et ses relations à titre d’ergothérapeute et celles de sa clientèle (p. ex. les élèves, les enseignantes, les parents et les écoles). Plus précisément, il sera question des éléments sociohistoriques, socioculturels, institutionnels et physiques (tableau 1.1) du contexte sociétal.

ENCADRÉ 1.1   Les services d’ergothérapie dans le contexte scolaire québécois

Au Canada, l’éducation relève des compétences provinciales. Ainsi, l’implantation de l’ergothérapie en milieu scolaire varie d’une province à l’autre (Mongrain, 2012). Alors que dans certaines provinces l’ergothérapeute fait partie des professionnels des services éducatifs (p. ex. en Ontario), ils sont absents de cette liste dans d’autres provinces (p. ex. au Québec). En fait, au Québec, les lois et les réglementations provinciales ne nomment pas l’obligation d’inclure les ergothérapeutes parmi les professionnels des services éducatifs. Ce sont les centres de services scolaires (anciennement appelés « commissions scolaires ») qui ont le mandat d’organiser les services éducatifs destinés aux élèves « handicapés » ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA) (Légis Québec, 2020a) et de choisir si les ergothérapeutes feront partie, ou non, de l’équipe des professionnels.

En 2017, selon le répertoire des membres de l’Ordre des ergothérapeutes du Québec (OEQ), environ 2% des ergothérapeutes exerçaient en milieu scolaire. Selon l’étude de Jasmin et de ses collègues (2019), la majorité des ergothérapeutes en milieu scolaire travaillaient principalement dans la région de Montréal et les régions avoisinantes. En 2019, le nombre d’ergothérapeutes en milieu scolaire avait pratiquement doublé depuis 2017. Cette hausse est certainement attribuable à un financement supplémentaire du ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (2018) faisant mention de l’ergothérapie comme ressource professionnelle pouvant être engagée (Beaudoin, Héguy et al., 2019). Cet exemple démontre à quel point le développement de l’ergothérapie en milieu scolaire au Québec, et probablement ailleurs dans le monde, dépend en grande partie d’éléments institutionnels, en particulier des lois et des politiques relatives à l’éducation. Quant à l’organisation de ces services en milieu scolaire, elle est tributaire d’éléments culturels, lesquels peuvent s’appuyer ou non sur le savoir scientifique.

ENCADRÉ 1.2   Le contexte scolaire en Suisse

En Suisse, la majorité des élèves accomplissent leur scolarité obligatoire au sein du système éducatif public. L’instruction publique est du ressort des cantons qui pourvoient à un enseignement de base gratuit à tous les enfants, y compris lorsqu’ils sont en situation de handicap (Constitution fédérale, 1999, état au 1er janvier 2021, art. 62). Les cantons encouragent leur intégration dans l’école régulière par des formes de scolarisation adéquates et des enseignements adaptés à leurs besoins spécifiques (Loi sur l’égalité pour les handicapés, 2002, état au 1er juillet 2020, art. 20). La proportion d’élèves suivant un enseignement spécialisé séparatif a reculé de 5,1 à 3,4% en moyenne entre 2000 et 2016 (Statistique de la pédagogie spécialisée, Office fédéral de la Statistique, 2019).

Des efforts sont actuellement déployés pour développer la coopération au niveau régional et national, notamment dans l’introduction de plan d’études et d’outils didactiques communs (Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation, 2018). Des mesures individuelles de compensation des désavantages ainsi que des prestations spécialisées (enseignement spécialisé, aide à l’intégration, psychomotricité, psychologie, logopédie) sont proposées aux élèves à besoins éducatifs particuliers, sans que l’ergothérapie en fasse partie.

En 2017, selon l’étude de Kaelin et de ses collègues (2019), les ergothérapeutes intervenaient ponctuellement dans les écoles publiques en tant que spécialistes de la santé auprès d’enfants et d’adolescents qui leur étaient recommandés par prescription médicale. Leurs services, financés essentiellement par l’assurance maladie, étaient proposés selon un mode traditionnel et individuel. Ils visaient principalement à adapter l’environnement physique de la classe, et dans une moindre mesure, les activités. Un petit pourcentage d’ergothérapeutes pouvait bénéficier d’une salle dans l’école permettant aux élèves d’exercer certaines habiletés, en particulier graphomotrices.

Aujourd’hui, face à l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap, les cantons développent des mesures et fixent les principes d’une école à visée inclusive qui améliore l’égalité des chances, s’inscrivant dans l’esprit de la Déclaration de Salamanque (UNESCO, 1994). La stratégie adoptée dans le canton de Vaud, par exemple, place l’élève au centre du dispositif et met un accent particulier sur la prévention ainsi que sur le développement d’une culture collaborative entre les professionnels et les parents (Concept 360°, Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, 2019). Ces mesures, même si elles ne mentionnent pas explicitement les ergothérapeutes, pourraient cependant leur permettre de développer leurs missions de soutien à l’enseignante, de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire.

1.1   Des éléments sociohistoriques

À la suite de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux pays et des provinces, dont le Québec, ont mis sur pied des commissions d’enquête pour examiner et réformer leur système d’éducation. Avant les années 1960, le système québécois d’éducation, sous l’égide de l’Église, était considéré comme fragmenté (absence de coordination et de cohérence d’ensemble), sexiste (établissements scolaires pour les filles et d’autres pour les garçons), sous-financé,