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L' INTEGRATION DES SERVICES EN SANTE: Une approche populationnelle
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Livre électronique390 pages4 heures

L' INTEGRATION DES SERVICES EN SANTE: Une approche populationnelle

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À propos de ce livre électronique

Partout dans les pays avancés, on cherche des solutions novatrices pour mieux répondre aux besoins des individus en ce qui a trait aux services sociaux et de santé. Le présent ouvrage explore une piste particulièrement prometteuse, mais exigeante: celle de l'intégration. Pour la suivre jusqu'au bout, il faut passer d'un mode d'organisation traditionnel fondé sur les besoins des systèmes à une approche qui se soucie d'aménager les services en fonction des besoins réels de la population.
L'idée au cœur de cette approche est que la santé et le bien-être sont l'affaire de tous - pas seulement des soignants - et que cette préoccupation commune doit se déployer tout au long de la vie, dans tous les milieux et à travers toutes les activités humaines. Ce livre réunit de précieuses informations à la fine pointe des modèles conceptuels internationaux et sera utile aux professionnels, aux gestionnaires et aux décideurs qui y trouveront non pas seulement matière à réflexion, mais à action.
LangueFrançais
Date de sortie11 janv. 2016
ISBN9782760635692
L' INTEGRATION DES SERVICES EN SANTE: Une approche populationnelle
Auteur

Yves Couturier

Yves Couturier (Ph.D.) est professeur et chercheur au Département de travail social de l’Université de Sherbrooke. Il travaille sur la thématique de l’analyse du travail en travail social, sur la collaboration interprofessionnelle, les pratiques de coordination et l’organisation des services sociaux et de santé.

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    Aperçu du livre

    L' INTEGRATION DES SERVICES EN SANTE - Yves Couturier

    Introduction

    Partout dans les pays avancés, les systèmes de santé et de services sociaux cherchent des solutions novatrices afin de mieux répondre aux besoins de leur population. Le présent ouvrage explore une piste particulièrement prometteuse, mais exigeante, celle de l’intégration des services. Nous verrons que ce mode de conception et d’organisation des services offre une façon concrète d’effectuer un changement paradigmatique majeur, soit le passage d’un mode d’organisation des services traditionnellement fondé sur les besoins des systèmes à une approche populationnelle par laquelle ce sont les besoins de la population qui structurent l’organisation des services, et non le contraire.

    L’intégration des services propose déjà depuis quelques décennies d’augmenter la cohérence de l’organisation des services pour les clientèles présentant des problèmes de santé et sociaux complexes, comme c’est le cas pour certaines personnes connaissant une perte d’autonomie fonctionnelle1 en raison de maladies chroniques ou de déficiences d’origines diverses. Pour ces situations cliniques, il est reconnu que l’intégration des services porte des effets positifs en matière de performance des systèmes, de satisfaction des besoins des usagers et de qualité des soins qui leur sont prodigués, et ce, tout particulièrement pour les clientèles les moins bien desservies par le mode classique d’organisation des services, comme les personnes marginalisées en raison de leur statut socioéconomique, par exemple (Øvretveit, 2011).

    Cette solution participe d’une intervention publique destinée à l’ensemble de la population, et non pas seulement aux personnes aînées en perte d’autonomie fonctionnelle — pour qui plusieurs travaux ont été faits à ce propos. Elle s’adresse à toute personne — quel que soit son état de santé, son niveau d’autonomie fonctionnelle, ses habitudes et conditions de vie —, et contribue au développement de la santé et du bien-être de chacun pour ainsi éviter, autant que faire se peut, l’émergence d’un problème social ou de santé. Cette piste de solution s’appuie sur une idée simple, mais puissante, à savoir que la manière dont sont organisés les services constitue l’un des déterminants de la santé2 sur lesquels il est possible d’agir pour accroître l’efficience des services, l’expérience de soin et, ce faisant, la santé et le bien-être des usagers3 et de la population. Un système de santé et de services sociaux plus cohérent sera plus efficace sur les plans budgétaire et fonctionnel, et donc, in fine, sur le plan clinique, soit le plan le plus important de tous.

    Cette façon de concevoir les services découle de travaux issus d’un croisement de domaines de recherche, liant l’organisation des services, la recherche clinique et la santé publique. Le lecteur observera que ce que nous proposons ici navigue entre un rappel de principes provenant de ces trois domaines et repris par les grandes organisations internationales en santé, de savoirs probants, d’observations tirées de la recherche, de l’expérience clinique, et d’une analyse des conditions réelles de leur mise en œuvre concrète. Ainsi, nous discuterons en même temps de ce qui a été, de ce qui advient et de ce qui devrait selon nous advenir à long terme. Parfois, nous indiquerons ce que nous pensons nécessaire de faire alors même que certaines décisions politiques vont dans un autre sens. Cela montre bien que le chercheur n’est pas un décideur, et que la réalité ne peut jamais être contenue dans un livre, aussi bon soit-il.

    De plus, le projet de réaliser l’intégration des services dans un continuum cohérent4 allant de la promotion de la santé5 à la prévention6, en passant par le service curatif ou de réadaptation, et ce, suivant une perspective populationnelle, n’est jamais accompli. Il s’agit en effet d’un mouvement continu, sans véritable point d’arrivée.

    La thèse de ce livre sera développée à partir de l’expérience québécoise, non pas en ce qu’elle serait meilleure que d’autres, mais bien parce que c’est celle que nous connaissons. D’autres chemins sont possibles, d’autres choix sont faits ici ou là, chaque système de santé et de services sociaux devant formuler ses propres compromis, raisonnables dans son contexte. Ce qui importe ici n’est pas tant le choix entre tel ou tel outil, entre telle ou telle forme de coordination, etc. Le livre ne vise pas la promotion de modalités particulières. Nous nous intéressons plutôt à l’élucidation des principes qui sous-tendent la conception de ces outils, aux mécanismes et aux pratiques, de façon à nourrir la réflexion puis l’action de ceux qui décident, de ceux qui gèrent et de ceux qui interviennent dans les systèmes de santé et de services sociaux. Ce sera à eux d’arbitrer les éventuels écarts entre ce qu’il est souhaitable et possible de faire dans leur contexte.

    Ce défi du passage des principes, a priori positifs, à une pratique fonctionnelle durablement implantée est fort difficile, mais il doit être relevé au bénéfice de tous, y compris des aînés, pour leur vieillissement en bonne santé7.

    1. Le concept de perte d’autonomie fonctionnelle focalise le regard sur les effets concrets, donc fonctionnels, que produit une incapacité que connaît une personne. Cette dernière demeure apte à exercer son autonomie sur le plan décisionnel, malgré la présence d’incapacités, voire une situation de handicap, soit une incapacité non compensée.

    2. Les déterminants de la santé et du bien-être désignent les facteurs et les conditions qui ont une incidence sur la santé et le bien-être. Ils font référence aux facteurs biologiques, aux habitudes de vie et aux comportements liés à la santé et au bien-être, à l’environnement physique et social, c’est-à-dire aux conditions de vie des personnes et des groupes, ainsi qu’à l’organisation des soins et des services.

    3. Nous choisissons ce terme pour exprimer le rôle actif de la personne dans le système de santé et de services sociaux; il n’est pas patient, mais bien un acteur qui fait usage de services qui lui sont offerts.

    4. Le continuum de services englobe divers types de services: promotion de la santé, prévention des maladies, adaptation, traitement, suivi, réadaptation, soutien à l’intégration sociale et soutien en fin de vie (MSSS, 2004).

    5. La promotion de la santé est le processus qui consiste à conférer aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé en vue de l’améliorer (OMS, 1986). Elle représente un processus social et politique global qui comprend non seulement des actions visant à renforcer les aptitudes et les capacités des individus, mais également des mesures visant à changer la situation sociale, environnementale et économique, de façon à réduire ses effets négatifs sur la santé publique et sur la santé des personnes (OMS, 1999). Le principal critère qui devrait permettre de déterminer si une initiative peut être considérée comme de la promotion de la santé est l’ampleur avec laquelle elle s’engage dans un processus d’autonomisation ou de développement des capacités d’une communauté (Rootman et al., 2001).

    6. La prévention vise des individus et des groupes qui sont jugés particulièrement à risque. La prévention primaire vise à intervenir avant l’apparition des problèmes si le patient est exposé à un facteur de risque qui est modifiable. Elle consiste à offrir, par exemple, des conseils appropriés sur les comportements sains, de la vaccination ou de la chimio-prophylaxie. La prévention secondaire vise à dépister la maladie à un stade où le patient est asymptomatique (par exemple: dépistage des cancers ou des maladies chroniques). La prévention tertiaire quant à elle vise à prévenir la détérioration d’une maladie ou d’un problème social diagnostiqué (Groulx, 2007).

    7. Le concept du vieillissement en santé désigne un processus permanent d’optimisation des possibilités des personnes aînées leur permettant de préserver et d’améliorer leur santé et leur bien-être de façon à conserver leur autonomie et leur qualité de vie, et à favoriser des transitions harmonieuses entre les différentes étapes de leur vie (Santé Canada, 2002), quel que soit leur état de santé.

    PREMIÈRE PARTIE

    Une approche au service des gens

    CHAPITRE 1

    L’intégration pour vieillir en santé

    Par-delà ses ancrages dans la science des organisations sociosanitaires, l’intégration des services participe d’une perspective plus large, en rupture avec les modèles conceptuels du passé essentiellement centrés sur les besoins du système. Cette perspective se nomme l’approche populationnelle. Elle se fonde sur l’idée que la santé et le bien-être sont l’affaire de tous, pas seulement des soignants, et que cette préoccupation commune se déploie tout au cours de la vie, de la naissance à la mort, dans tous les lieux où cette vie se déroule, de l’école au milieu de travail, en passant par les divers milieux de vie que connaîtra la personne tout au cours de son existence. Ainsi, traditionnellement, les dispensateurs de services de santé et de services sociaux jouent un rôle crucial à des moments critiques de la vie (naissance, maladie, perte d’autonomie, etc.). Selon la perspective populationnelle, ils doivent également contribuer à augmenter notre capacité collective à produire de la santé et du bien-être en travaillant de concert avec tous les acteurs de la communauté.

    L’approche populationnelle

    L’approche populationnelle constitue une stratégie globale visant à réaliser de manière intégrée des actions ou des interventions sur l’ensemble des facteurs qui déterminent la santé et le bien-être de la population et des communautés qui la composent, en partant d’une analyse rigoureuse des besoins exprimés et non exprimés de ce collectif vivant sur un territoire géographiquement défini. La réponse concertée aux besoins de ce collectif requiert un partage de responsabilités de tous les acteurs et secteurs d’activité; cette réponse est donc profondément intersectorielle8.

    L’une des conditions fondamentales de transformation des besoins de la population est bien entendu l’évolution sociodémographique. À l’instar d’autres sociétés occidentales, le Québec est confronté à divers défis sociodémographiques, dont le vieillissement accéléré de sa population, l’arrivée d’immigrants et de réfugiés, l’évolution des rapports intergénérationnels, la transformation de la main-d’œuvre et la nécessaire conciliation entre les fonctions sociales (famille, études, travail, retraite, loisirs, etc.), la récurrence de la pauvreté, l’arrivée à la retraite des baby-boomers, etc. La persistance des inégalités sociales de santé et l’accroissement de la prévalence des problèmes chroniques biopsychosociaux, de la comorbidité et des incapacités qui sont associées au vieillissement sont d’autres défis majeurs qui se présentent à notre société. La qualité de vie et la participation sociale des individus s’en trouvent affectées, ce qui provoque des coûts sociaux importants alors même que nombre de ces problèmes sont évitables. Le système de santé et de services sociaux et les autres secteurs d’activité de la société doivent alors adapter en continu leurs façons de travailler pour mieux faire face à ces nouveaux défis.

    Ces défis, parmi d’autres, participent d’une cascade de transitions posant chacune son lot d’enjeux conceptuels, organisationnels et cliniques.

    La transition sociodémographique mondiale se caractérise par un allongement continu de la vie (autour de trois mois de gain en moyenne par année) qui provoque une transformation radicale de la pyramide des âges.

    Bien qu’elle soit un succès collectif formidable, cette transition très fondamentale, unique dans l’histoire de l’humanité, en engendre une seconde, la transition épidémiologique, pendant laquelle les besoins de la population se transforment profondément. Les maladies de notre époque sont en effet de plus en plus chroniques et, par conséquent, de moins en moins aiguës (infectieuses ou traumatiques). Une part importante d’entre elles sont en outre évitables. Et en raison de leur chronicité, elles sont de plus en plus associées à d’autres problèmes de santé et psychosociaux qui rendent leur traitement beaucoup plus complexe. Ce faisant, cette seconde transition rend partiellement inadéquats les systèmes de santé et de services sociaux traditionnels conçus à une autre époque, pour d’autres besoins.

    Cette transition épidémiologique en engage une troisième, la transition conceptuelle, découlant de l’évolution de la notion de santé, dorénavant conçue de manière beaucoup plus ample et multidimensionnelle que la traditionnelle absence de maladie. Les définitions les plus actuelles de la santé lient étroitement cette dernière et le bien-être en les subsumant dans une conception proche de celle de qualité de vie. Selon cette perspective, la santé permet à l’individu, dans son contexte de vie, en accord avec sa culture et ses valeurs, de réaliser ses objectifs de vie. On est donc loin d’une conception classique fondée strictement sur la pathologie.

    Une définition de la santé

    La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social qui permet, à la satisfaction de l’individu, d’accomplir son projet de vie.

    Par ailleurs, si la mort reste bien entendu l’horizon ultime, la perte d’autonomie fonctionnelle n’est plus une forme de mort avant l’heure. Depuis plusieurs décennies, on observe en effet une condensation de plus en plus intense de soins de santé dans une fin de vie reportée dans le temps et de plus courte durée. Écrit autrement, nous vieillissons globalement en meilleure santé, même si des incapacités peuvent découler de maladies chroniques. Dans ce contexte, fondé sur la conception de la santé que nous venons d’évoquer, la qualité de vie est possible même en situation de perte d’autonomie fonctionnelle. Si les incapacités liées à l’âge augmentent au grand âge, et que leurs effets les plus handicapants, voire morbides, se resserrent de plus en plus autour d’une période relativement courte en fin de vie, la perte d’autonomie fonctionnelle, qui peu à peu débute en moyenne autour des 75 ans, peut et doit faire l’objet d’une intervention autonomisante qui aura pour effet de maintenir, voire d’accroître la santé, au sens que nous venons de lui donner. De plus, un grand nombre de pathologies que connaissent les aînés sont évitables, soignables et compensables. Ainsi, les années de vie en perte d’autonomie fonctionnelle n’ont pas à être considérées comme une fatalité, comme des années où les soins ne sont que plus ou moins évidemment palliatifs. Il est possible au contraire, et l’histoire récente de l’humanité le montre, de vivre longtemps en santé avec des incapacités dont on minorera les effets handicapants.

    Cette cascade de la transition sociodémographique à la transition épidémiologique, puis à la transition conceptuelle qui a cours actuellement, et dont le présent ouvrage constitue un bon exemple, se prolonge ultimement dans une quatrième transition relative à la façon concrète d’organiser et de fournir les services. La transition organisationnelle et professionnelle en démarrage depuis quelques années requiert la transformation des rapports entre acteurs organisationnels et professionnels, s’incarnant dans de nouvelles façons de travailler (collaboration interprofessionnelle, approche du patient-partenaire, concertation intersectorielle, etc.). Cette transition vise à mieux faire face à la complexité des besoins et des situations cliniques découlant des transitions précédentes.

    Cette quatrième transition est elle-même soutenue par des évolutions technologiques nombreuses (télésurveillance, télésanté, téléréadaptation, soutien à des pratiques d’autogestion par l’usager, domotique, nanotechnologie et nouveaux traitements pharmacologiques, système d’information clinique informatisé et partageable, etc.). Il s’agit de la transition technologique, laquelle offre une occasion de gains d’efficience et d’efficacité dans plusieurs domaines. Par exemple, pour le secteur de la santé et des services sociaux, le développement d’un dossier-usager (comprenant les informations médicales, mais également les informations psychosociales) partageable associé à des outils d’aide à la décision clinique, facilitant le suivi interprofessionnel et à distance par la télésurveillance, les télésoins et la télémesure, soutient une importante transformation dans la façon de délivrer les services. Ces avancées technologiques augmentent les capacités diagnostiques et de traitement et contribuent à l’accroissement de la participation des usagers aux décisions les concernant, soutiennent les pratiques d’autogestion des soins, le monitorage de la qualité, etc. L’accès en temps opportun aux données cliniques agrégées alimente une reddition de comptes et une mesure de la performance des services, et donc la capacité managériale à relever les défis populationnels que posent ces transitions.

    Des transitions fondamentales,

    incontournables et interreliées

    Sociodémographique.

    Épidémiologique.

    Conceptuelle.

    Organisationnelle et professionnelle.

    Technologique.

    L’adaptation des systèmes de santé et de services sociaux aux défis que posent ces transitions est conditionnée par quatre groupes de déterminants de la santé en interaction (Roy, Litvak et Paccaud, 2010): 1) les facteurs biologiques et génétiques, 2) les habitudes de vie et les comportements liés à la santé et au bien-être, 3) l’environnement physique et social, c’est-à-dire les conditions de vie des personnes et des groupes, ainsi que 4) l’organisation des soins et des services.

    Selon le Canadian Institute for Advanced Research (2001), la contribution à la santé de chacun de ces déterminants n’est pas égale, celle du système de soins étant de 25%, comparativement à une part de plus de 50% associée aux conditions de vie, 60% si l’on y inclut l’environnement physique. Ainsi, sur les 30 ans d’espérance de vie gagnés au cours du siècle dernier, 8 sont attribuables au système de soins, et 22 à l’amélioration des conditions de vie, de l’environnement et des habitudes de vie (MSSS, 2005). Ceci montre l’importance pour le système de santé et de services sociaux de collaborer avec les partenaires intersectoriels pour agir en amont sur l’ensemble des déterminants de la santé, plutôt que de se confiner aux seules dimensions strictement sanitaires. L’affirmation voulant que la santé soit l’affaire de tous n’est pas qu’un principe général, vaguement humaniste, mais bien le fondement essentiel d’un changement de paradigme pour agir sérieusement sur ce qui contribue le plus à sa production. Cependant, malgré une amélioration globale de la santé et du bien-être au cours des dernières décennies par la mise en place de politiques et de programmes sociaux, les inégalités sociales et de santé persistent et tendent parfois même à se creuser, ce qui conduit à une iniquité dans les bénéfices de santé obtenus par les différents groupes constituant la société.

    Quatre groupes de déterminants

    de la santé et du bien-être

    Les facteurs biologiques et génétiques.

    Les habitudes de vie et les comportements liés à la santé et au bien-être.

    Les environnements physiques et sociaux.

    L’organisation des soins et des services de santé et sociaux.

    Une stratégie fondamentale d’intervention populationnelle en matière de santé développera un continuum d’actions qui portera de manière cohérente sur ces quatre déterminants de la santé et du bien-être. Le présent livre s’intéresse plus particulièrement au quatrième groupe de déterminants, mais en montrant les liens logiques d’interdépendance qu’il entretient avec les trois autres. Ce groupe de déterminants importe évidemment beaucoup pour notre propos, car c’est sur celui-ci que cherchent à agir les dispositifs9 d’intégration des services. Il y a donc un lien étroit entre l’accroissement de la santé et du bien-être de la population et l’amélioration de la performance des systèmes de santé et de services sociaux dans une perspective intégratrice (Roy, Litvak et Paccaud, 2010). Pour le renforcer, l’intégration des services cherche à articuler de manière efficace trois finalités interreliées de l’approche populationnelle.

    Trois finalités de l’approche populationnelle

    L’amélioration de la santé et du bien-être de la population.

    L’amélioration de l’expérience vécue par les usagers des soins et services reçus, notamment en favorisant leur participation citoyenne dans l’organisation des services et leur rôle actif dans l’espace clinique.

    L’amélioration de la performance fonctionnelle des organisations concernées par les deux finalités précédentes.

    Ces trois finalités sont concrètement incarnées dans diverses stratégies d’intervention, historiquement trop souvent cloisonnées dans des systèmes de santé et de services sociaux fragmentés. Traditionnellement, à chaque stratégie son organisation indépendante (hôpital, services à domicile, etc.), malgré le fait que l’usager qui les requiert soit, lui, global.

    Un dispositif profondément intégrateur articulera plusieurs types d’interventions visant les diverses catégories de déterminants de la santé et du bien-être. Par exemple, pour les personnes aînées, les stratégies de promotion de la participation sociale ou de meilleures conditions de vie sont des facteurs de protection cruciaux du maintien de l’autonomie fonctionnelle, tout comme les interventions de prévention, qui consistent à intervenir précocement sur les facteurs de risque (par exemple: mauvaises habitudes de vie comme la sédentarité, la mauvaise alimentation, le tabagisme, etc.), ou les interventions d’autonomisation prenant la forme de différentes stratégies d’habilitation de l’usager et de renforcement des capacités des communautés pour l’autoprise en charge de leur santé et de leur bien-être. Cela peut inclure des volets d’information, d’enseignement, d’éducation à la santé, etc., soit autant de stratégies de développement de la littératie10 des usagers.

    Une intervention intégrée comportera bien entendu des interventions curatives, qui consistent à agir sur les causes, les symptômes ou les effets d’un problème biopsychosocial manifeste, mais aussi des interventions de réadaptation et de restauration, qui consistent à déployer une intervention permettant aux personnes de retrouver une part ou la totalité de leur capacité fonctionnelle. La réadaptation s’effectue de manière ponctuelle à la suite du surgissement d’une incapacité, alors que la restauration est une manière de concevoir toute intervention, à quelque moment que ce soit du parcours de l’usager. La restauration pose le regard non seulement sur les pertes, mais aussi sur les capacités, les potentiels, et les dimensions préservées ou récupérables de l’autonomie. Elle requiert de la part des intervenants une compétence à reconnaître la personne dans sa potentialité, plutôt que dans ses pertes, en adoptant une posture accompagnatrice (being with) plutôt qu’interventionniste (doing for), concrètement incarnée dans des interventions de soutien de l’autonomie.

    Six stratégies complémentaires d’intervention

    Les interventions de promotion de la santé.

    Les interventions de prévention.

    Les interventions curatives.

    Les interventions de réadaptation.

    Les interventions d’autonomisation et de restauration.

    Les interventions de soutien de l’autonomie.

    Fondamentalement, l’intégration vise donc à incarner dans des continuums fonctionnels ces stratégies d’intervention intra et intersectorielles pour l’ensemble de la population. Il existe plusieurs conceptions de leur possible articulation opérationnelle. Pour la population aînée, autonome ou moins autonome, le modèle Perspective pour un vieillissement en santé (VES) permet de concevoir un projet intégrateur sur tout le continuum de services, dans une perspective populationnelle. Cardinal et ses collaborateurs (2008) proposent la définition du vieillissement en santé reproduite dans l’encadré ci-dessous11.

    Le vieillissement en santé

    Le concept du vieillissement en santé désigne un processus permanent d’optimisation des possibilités des personnes aînées leur permettant de préserver et d’améliorer leur santé et leur bien-être de façon à conserver leur autonomie et leur qualité de vie, et à favoriser des transitions harmonieuses entre les différentes étapes de leur vie.

    L’approche VES vise tous les aînés, hommes et femmes, en bonne santé ou non, avec ou sans limites ou incapacités. Le terme optimisation des possibilités est fondamental dans ce modèle. L’optimisation signifie produire l’effet le plus favorable possible en tirant le meilleur parti possible des conditions existantes. Cette approche n’exige donc pas de trouver d’importantes ressources budgétaires; elle vise plutôt à faire les choses autrement. Pour cette raison, elle est nécessairement dynamique puisqu’elle renvoie à une situation qui évolue dans le temps, tant pour les personnes, les groupes, que leur environnement. Les capacités d’adaptation de toutes ces personnes à leur environnement changeant sont continuellement sollicitées, à plus forte raison pour une période de la vie comme le grand âge où des changements importants se suivent à un rythme parfois accéléré.

    Sous-tendu par des principes chers aux aînés — la dignité, l’indépendance, la solidarité et l’équité —, le modèle conceptuel propose neuf grands axes d’intervention. Cinq d’entre eux (au pourtour du modèle, dans les encadrés) sont définis selon une perspective d’action sur les grands déterminants de la santé. Ils influencent la santé et la qualité de vie de toutes les personnes aînées, quels que soit leur état de santé, la présence ou non de maladies, d’incapacités ou de problèmes sociaux. Quatre autres axes, regroupés au centre dans les cercles, s’ancrent dans une logique de prévention des problèmes spécifiques vécus par les personnes âgées. Ces neuf axes visent, d’une part, à créer des conditions favorables à la meilleure santé et à la meilleure qualité de vie possible et, d’autre part, à aborder concrètement des problématiques plus spécifiques qui demandent des réponses tout aussi spécifiques. Chacun des axes se décline en un certain nombre d’éléments qui sont autant d’objets ou de thématiques représentant des possibilités d’action concrète. Les objets retenus dans le modèle sont ceux qui sont le plus souvent mentionnés dans les écrits scientifiques. On le voit dans la figure, le modèle VES s’appuie sur une approche systémique et écologique du vieillissement et de la santé. Chaque contexte modalisera chacun de ces éléments, chacun de ces axes d’intervention, en fonction des dynamiques locales propres à la communauté.

    Ce modèle a été élaboré en se fondant sur les meilleurs écrits scientifiques, en cohérence avec la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé et la définition de la santé de l’Organisation mondiale de la Santé. Il intègre

    Combattre la maladie et produire de la santé

    Les stratégies curatives et de soins cherchent à combattre la maladie et ses effets incapacitants. La perte, le manque, la souffrance sont ici les objets prioritaires de l’intervention. Son temps privilégié est celui de la manifestation du problème.

    Les stratégies préventives, au sens large du terme, cherchent à agir en amont de la maladie, sur les déterminants de la santé en tant qu’objets prioritaires de l’intervention. Le capital social, le niveau de littératie, les saines habitudes de vie, l’environnement de qualité, entre autres, sont ses objets prioritaires. Son temps privilégié est celui de la production a priori de la santé.

    deux continuums d’action trop souvent opposés, soit combattre la maladie et produire de la santé.

    Intervenir tout au long de la vie

    L’intégration fondamentale articule donc des principes et des stratégies d’intervention applicables dans un continuum d’interventions préventives et curatives, s’effectuant autant sur le plan intrasectoriel (la santé et les services sociaux) que sur le plan intersectoriel (la santé et les services sociaux et les autres secteurs comme le municipal, l’habitation, le transport, la

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